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Pokémon Go : la propriété intellectuelle à l’épreuve de la réalité augmentée

Février 2017

Andres Guadamuz, maître de conférences en droit de la propriété intellectuelle, Université du Sussex (Royaume-Uni)

Pokémon Go est une application de réalité augmentée développée par le studio américain Niantic.  Avec plus de 500 millions de téléchargements dans le monde et un nombre impressionnant d’utilisateurs actifs, il s’est rapidement hissé au rang des jeux sur téléphone portable les plus populaires de l’histoire.

Au-delà de son succès en tant qu’application, ce jeu marque un tournant dans l’histoire de la technique dans le sens où il s’agit de la première expérience grand public réussie dans le domaine de la réalité augmentée – une technologie superposant “des objets réels et virtuels dans un environnement réel”.

La géolocalisation fait partie intégrante de Pokémon Go.  Le système de marquage utilisé dans le jeu soulève de nombreuses questions très intéressantes du point de vue juridique, notamment en matière de propriété intellectuelle dès lors qu’on se demande à qui reviennent les droits sur ces données (Photo: iStock.com/Lord_Kuernyus).

Le concept

Le jeu se compose de créatures monstrueuses appelées “pokémons” que les joueurs doivent attraper à l’aide de “pokéballs”.  Grâce à la réalité augmentée, il pousse les joueurs à interagir avec leur environnement en s’appuyant sur des cartes réalistes de l’espace qui les entoure indiquant des sites historiques, des monuments et des bâtiments publics.  Baptisés “pokéstops”, ces lieux renferment différents objets intégrés au jeu, par exemple des œufs ou des potions, qui pourront être utilisés lors de combats entre équipes adverses.  Le jeu comprend aussi des “arènes” où les utilisateurs pourront se battre avec un autre pokémon pour prendre le contrôle d’un lieu précis, en général une église, un parc ou une entreprise.

Les questions d’ordre juridique soulevées par le jeu

Le système de marquage utilisé dans le jeu soulève de nombreuses questions très intéressantes du point de vue juridique quant au rôle de la réalité augmentée.  Niantic, le développeur du jeu, s’appuie en effet sur un ensemble de données tirées de Google Maps qu’il associe à des marques générées par les utilisateurs dans le cadre d’un précédent jeu de réalité augmentée appelé Ingress.  Ces données sont utilisées pour faire d’un lieu réel soit un pokéstop, soit une arène.  Jusqu’ici, le jeu était source d’interrogations qui portaient essentiellement sur le respect de la vie privée mais désormais, il suscite également des questions intéressantes en lien avec la propriété intellectuelle.  À titre d’exemple, le jeu tire parti de contenus produits par des utilisateurs pour remplir le monde des pokémons d’endroits et de sites présentant un intérêt, mais qui est propriétaire de ces contenus?  Peut-être plus important encore, des personnes peuvent-elles avoir des droits sur des lieux virtuels?  Au titre de la propriété intellectuelle, un individu a-t-il la possibilité de s’opposer à ce que son domicile soit transformé en arène dans le cadre du jeu?

Qui est propriétaire du contenu?

Comme indiqué précédemment, la géolocalisation fait partie intégrante du jeu.  Les joueurs recherchent des créatures Pokémon dans le monde réel en s’appuyant sur des cartes de leur environnement immédiat indiquant des lieux et points d’intérêt précis.  Mais qui est propriétaire de ces données?  Bien que les documents de présentation du jeu ne le précisent pas explicitement, ces cartes semblent être réalisées à l’aide de données provenant de Google Maps.

Outre la question de la propriété des données cartographiques, on peut aussi légitimement se demander à qui appartiennent les précieuses données de géolocalisation, notamment les photos et le nom des lieux qui font partie intégrante du jeu.  De l’avis de la plupart des observateurs, à l’origine, Niantic réunissait des données pour Ingress, le jeu antérieur à Pokémon Go.  Dans ce jeu futuriste de géolocalisation, les joueurs doivent s’emparer de “portails” dans une autre dimension.  Or ces portails correspondent aux mêmes points d’intérêt que ceux utilisés dans Pokémon Go.  Selon certains sites Internet, pour créer une arène à l’endroit même où ils se trouvent, il suffit aux joueurs de présenter une demande de création de portail sur Ingress.  Les informations sur les portails peuvent être très précises et comprendre par exemple le nom d’un endroit, ses coordonnées GPS et une photo.  Une nouvelle fois, la question se pose de savoir qui est propriétaire de ces données.

Dans les conditions de service d’Ingress, Niantic a prévu la clause suivante concernant les données et contenus téléchargés par les joueurs :

“En rendant tout contenu de l’utilisateur disponible par le biais des Services, vous accordez à Niantic l’autorisation universelle, perpétuelle, gracieuse, non exclusive, irrévocable, transférable, sous-cessible, de l’utiliser, le copier, le modifier, créer des œuvres dérivées s’en inspirant, de l’afficher publiquement, de le présenter publiquement, et de le diffuser, afin d’exploiter et de vous fournir les Services et le contenu, ainsi qu’à d’autres titulaires de compte.”

Cette formulation est très proche de celle utilisée par la plupart des services exploitant des contenus générés par des utilisateurs.  Il en découle que si les joueurs restent titulaires du droit d’auteur rattaché au contenu qu’ils téléchargent, ils accordent à Niantic une licence non exclusive sur ce contenu et, surtout, ils autorisent le studio à créer des œuvres dérivées s’en inspirant, et même à concéder à d’autres utilisateurs des sous-licences s’y rapportant.  En faisant figurer cette clause dans ses conditions de service, Niantic réussit la prouesse d’intégrer des milliers et des milliers de photos réalisées par des utilisateurs dans le jeu Pokémon Go sans avoir à leur verser un seul centime.  Il réussit également à intégrer ce contenu dans ses nouveaux logiciels.

La question de la propriété des espaces virtuels

Pokémon Go, une application de réalité augmentée développée par le
studio américain Niantic, s’est rapidement hissé au rang des jeux sur
téléphone portable les plus populaires de l’histoire avec plus de
500 millions de téléchargements dans le monde et un nombre
impressionnant d’utilisateurs actifs.  Il s’agit de la première expérience
grand public réussie dans le domaine de la réalité augmentée
(Photo: iStock.com/KeongDaGreatp).

Outre la question de la propriété des données générées par les utilisateurs du jeu, la transformation de lieux précis en pokéstops ou en arènes pourrait également avoir des conséquences non négligeables sur le plan juridique.  Que se passerait-il, par exemple, si quelqu’un refusait que son domicile soit transformé en pokéstop ou en arène au nom du jeu?

Ce fut le cas de Boon Sheridan, un concepteur de sites Web américain, qui vit sa maison localisée dans Pokémon Go.  M. Sheridan vit dans une ancienne église du Massachusetts, aux États-Unis d’Amérique.  Sa maison ayant été présentée comme une église dans une ancienne base de données, elle a été transformée en arène dans le jeu.  Depuis la sortie du jeu, les joueurs sont toujours plus nombreux à rôder près de chez lui.  Il a fait part de son exaspération sur Twitter en déclarant : “Est-ce qu’au moins j’ai des droits sur un lieu virtuel qui m’a été imposé?  Certes les entreprises ont des attentes, mais dans ce cas précis, il s’agit de mon propre domicile.”  Le cas de M. Sheridan soulève une question importante quant aux droits du citoyen ordinaire sur le monde virtuel.

Outre les incidences juridiques liées au respect de la vie privée, à la protection des données et aux actes délictuels, des questions ayant trait à la propriété intellectuelle peuvent aussi se poser s’agissant de droits sur des données relatives au domicile d’un individu figurant dans une base de données.

Le droit d’auteur prévoit que le contenu des bases de données peut être protégé à titre d’œuvre littéraire.  Au Royaume-Uni par exemple, la loi de 1988 sur le droit d’auteur, les dessins et modèles et les brevets (chapitre 3A) définit une base de données comme un recueil d’œuvres indépendantes “disposées de manière systématique ou méthodique” et “individuellement accessibles par des moyens électroniques ou d’une autre manière”.  Dans d’autres pays, la protection des bases de données est un droit sui generis.  La Directive européenne sur les bases de données crée par exemple un droit exclusif pour les producteurs de base de données à condition qu’“un investissement substantiel ait été fait pour l’obtention, la vérification ou la présentation du contenu de la base de données”.

Il convient néanmoins de noter que seul le créateur de la base de données est titulaire du droit d’auteur ou du droit sui generis rattaché à la base de données et que les intérêts du propriétaire d’un lieu physique vis-à-vis des données relatives à un emplacement ou un bien immobilier précis contenues dans la base de données en question ne sont aucunement pris en compte.

La valeur commerciale des données

Pokémon Go has even made an appearance at
WIPO’s headquarters in Geneva, Switzerland!
(Photo: WIPO/de Icaza)

Si cela peut paraître un faux-problème aujourd’hui, il est fort probable que plus la réalité augmentée gagnera du terrain, plus les données sur les entreprises figurant dans les bases de données prendront de la valeur.  Dans ce contexte, il va de soi que toute présentation erronée d’une entreprise donnée pourra nuire à son image de marque.

La valeur commerciale des données de ce type est d’ores et déjà manifeste.  Pour ne citer qu’un exemple, Niantic a récemment conclu un accord avec Starbucks au titre duquel, sur le sol américain, des milliers de cafés de la célèbre marque seront transformés en pokéstops.  D’autres entreprises lui emboîtent le pas, les sociétés de téléphonie mobile Sprint et Radio Shack étant à leur tour signalées comme points d’intérêt dans le cadre du jeu.

Ces évolutions laissent présager un avenir où les espaces virtuels auront une très grande valeur commerciale.  Elles permettent également de se faire une idée des types de problèmes qui pourront alors en découler.  Imaginez que, dans le futur, votre maison apparaisse dans une base de données mondiale sans votre autorisation, ou que votre entreprise soit identifiée à l’aide de données inexactes ou obsolètes ne reflétant pas votre activité et qu’il vous soit impossible de joindre les créateurs de la base de données en question.  Pire encore, vous réussissez à les contacter mais ils refusent d’intervenir.  Le lancement prévisible de nouvelles plateformes de contenus générés par des utilisateurs, susceptibles de nuire aux intérêts de tiers, pourrait même aggraver de telles situations.

Si ce type de problématique ne porte pas directement atteinte aux droits de propriété intellectuelle, la réputation d’une entreprise fait partie des valeurs effectivement protégées au titre de la propriété intellectuelle par le biais des marques.  Actuellement, Niantic offre la possibilité de signaler tout problème lié à un lieu, ce qui permet de résoudre de nombreux problèmes de données éventuels indissociables de la réalité augmentée.  Pokémon Go n’est pourtant qu’un début : le jeu permet de valider une technologie qui aura des répercussions considérables qu’il nous est encore difficile d’imaginer.  Le très grand succès remporté par les jeux fondés sur la géolocalisation pourrait bien faire des émules.  Il faut donc s’attendre à l’apparition prochaine d’une multitude de nouveaux jeux de réalité augmentée sur les plateformes de téléchargement d’applications.

La réalité augmentée : un énorme potentiel

La réalité augmentée offre un potentiel qui dépasse le simple cadre du jeu et nous devrions bientôt connaître une nouvelle vague d’applications reposant sur la géolocalisation.  Les possibilités en termes d’innovation sont gigantesques dans ce domaine, notamment en ce qui concerne les technologies portables, les systèmes d’affichage sur voiture et les dispositifs liés à l’Internet des objets, pour ne citer que quelques exemples.

Afin d’éviter l’apparition de problèmes du type évoqué plus haut, il convient de réfléchir dès à présent à des solutions pour aider les entreprises et les particuliers à préserver les données les concernant.  Il pourrait être utile par exemple d’instaurer un système analogue à celui du droit moral, lequel présente un caractère perpétuel et protège les intérêts non économiques du créateur, ou bien un droit sur les métadonnées inspiré d’accords en vigueur au titre de législations sur le droit d’auteur.  L’information sur le régime des droits pourrait également constituer un cadre précieux, sachant que cet élément introduit par le Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur de 1996 protège les renseignements sur l’auteur et les droits rattachés à une œuvre.

L’histoire nous enseigne que le droit de la propriété intellectuelle s’adapte constamment aux avancées technologiques.  Des jeux comme Pokémon Go nous donnent un aperçu des tendances à venir et pourraient mettre une nouvelle fois à l’épreuve les capacités d’adaptation du droit de la propriété intellectuelle.

Le Magazine de l’OMPI vise à faciliter la compréhension de la propriété intellectuelle et de l’action de l’OMPI parmi le grand public et n’est pas un document officiel de l’OMPI. Les désignations employées et la présentation des données qui figurent dans cette publication n’impliquent de la part de l’OMPI aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires ou zones concernés ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites territoriales. Les opinions exprimées dans cette publication ne reflètent pas nécessairement celles des États membres ou du Secrétariat de l’OMPI. La mention d’entreprises particulières ou de produits de certains fabricants n’implique pas que l’OMPI les approuve ou les recommande de préférence à d’autres entreprises ou produits analogues qui ne sont pas mentionnés.