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WIPO Internet Domain Name Process

Rapport Intérimaire relatif au
Processus de l’OMPI sur les Noms de domaine de l’Internet

23 décembre 1998

 

1. L’Internet, les noms de domaine et le processus de consultations de l’OMPI
2. Comment éviter que ne se creuse le fossé entre le cyberespace et le reste du monde : pratiques visant à limiter les conflits nés de l’enregistrement de noms de domaine
3. Règlement des conflits dans un monde organisé selon le principe de la territorialité mais doté d’un moyen de communication planétaire : procédures uniformes de résolution des litiges
4. Le problème de la notoriété : marques renommées et notoires
5. Nouveaux domaines génériques de premier niveau : quelques considérations dans la perspective de la propriété intellectuelle
A-I. Groupe d’experts désignés par l’OMPI
A-II. Liste des gouvernements, organisations et particuliers ayant envoyé des commentaires officiels
A-III. Information statistique concernant la participation au processus de consultations de l’OMPI sur les noms de domaine de l’Internet
A-IV. Liste des États parties à la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle
A-V. Liste des États parties à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et liés par l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC)


4. LE PROBLÈME DE LA NOTORIÉTÉ : MARQUES RENOMMÉES ET NOTOIRES

 

La rançon de la célébrité, c’est qu’elle attire sur son objet toutes sortes d’attentions : celle des imitateurs, qui souhaitent profiter des avantages qu’ils lui attribuent, celle des parasites, qui désirent avoir leur part des bénéfices qu’elle paraît entraîner, et celle des critiques, qui cherchent à mettre en question le prestige dont jouit la personne célèbre. Rien d’étonnant donc à ce que, sur ce moyen de communication ouvert et efficace qu’est l’Internet, la célébrité attire l’attention et provoque diverses formes de réactions.

Dans le domaine commercial, la célébrité est le plus souvent synonyme de réputation, et la réputation s’attache le plus souvent à l’expression de l’identité de l’entreprise, autrement dit à ses marques. Les marques renommées et notoires sont particulièrement exposées, sur l’Internet, à diverses formes de pillage et de parasitisme. Plusieurs termes ont été forgés pour décrire ces pratiques : on parle de "cybersquattage" lorsqu’une personne enregistre comme nom de domaine la marque, souvent renommée ou notoire, d’une autre personne, profitant de la pratique en vertu de laquelle en matière d’enregistrement, le premier arrivé est le premier servi, dans l’espoir soit d’empêcher le propriétaire de la marque d’utiliser celle-ci comme nom de domaine, soit de lui vendre l’enregistrement bien cher, mais à un prix quand même inférieur à ce que le propriétaire devrait dépenser en frais de procédure pour faire cesser le cybersquattage; on parle aussi de "stockage" qui désigne la pratique par laquelle une personne enregistre un grand nombre de marques renommées ou notoires en tant que noms de domaine, amassant ainsi une collection numérique de marques qui peuvent ensuite être offertes à la vente.

À cause de l’attention particulière qu’attirent les marques renommées et notoires, le droit de la propriété intellectuelle considère depuis longtemps que ces marques méritent une protection spéciale, plus forte que celle dont jouissent les marques ordinaires. Cette protection spéciale est si bien établie que, sur le plan international, elle fait l’objet d’accords multilatéraux.

 

La protection internationale des marques renommées et notoires

Une protection spéciale est reconnue aux marques renommées et notoires dans deux traités multilatéraux, la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle (Convention de Paris) à laquelle 151 États sont parties et l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Accord sur les ADPIC), par lequel 133 États sont liés.

 

La protection des marques renommées et notoires, dans la Convention de Paris, est prévue par l’article 6bis alinéa 1), qui est ainsi libellé :

"Les pays de l’Union s’engagent, soit d’office si la législation du pays le permet, soit à la requête de l’intéressé, à refuser ou à invalider l’enregistrement et à interdire l’usage d’une marque de fabrique ou de commerce qui constitue la reproduction, l’imitation ou la traduction, susceptibles de créer une confusion, d’une marque que l’autorité compétente du pays de l’enregistrement ou de l’usage estimera y être notoirement connue comme étant déjà la marque d’une personne admise à bénéficier de la présente Convention et utilisée pour des produits identiques ou similaires. Il en sera de même lorsque la partie essentielle de la marque constitue la reproduction d’une telle marque notoirement connue ou une imitation susceptible de créer une confusion avec celle-ci."

Quatre aspects de la protection prévue par l’article 6bis de la Convention de Paris méritent d’être relevés :

  1. La protection accordée aux marques renommées et notoires est une protection contre l’enregistrement et contre l’usage d’une marque qui constitue la reproduction, l’imitation ou la traduction, susceptibles de créer une confusion, d’une marque renommée ou notoire ou d’une partie essentielle d’une telle marque.
  2. La protection de l’article 6bis ne porte que sur les marques de produits ("marques de fabrique et de commerce"), et ne s’étend pas aux marques de services. Toutefois, en vertu du Traité sur le droit des marques (TLT), les dispositions de la Convention de Paris relatives aux marques ont été étendues aux marques de services. Le TLT n’a été conclu qu’en 1994 et, bien qu’un nombre croissant d’États aient indiqué leur intention d’y adhérer, 21 États seulement y sont actuellement parties.
  3. La protection vise à interdire l’enregistrement ou l’usage de la marque pour des produits identiques ou similaires. C’est ce que l’on appelle généralement le "principe de spécialité", qui est un principe du droit des marques en vertu duquel la protection d’une marque de produits ne s’étend qu’aux produits identiques ou similaires à ceux qui font l’objet de l’enregistrement ou de l’usage de la marque.
  4. L’article 6bis ne dit rien de ce qui constitue une marque notoire. L’appréciation de la notoriété de la marque est laissée à "l’autorité compétente" du pays où a lieu l’enregistrement ou l’usage illégal.

 

Les dispositions de l’article 6bis de la Convention de Paris sont confirmées et étendues par l’Accord sur les ADPIC, dont l’article 16.2 et .3 dispose ce qui suit :

"2. L’article 6bis de la Convention de Paris (1967) s’appliquera, mutatis mutandis, aux services. Pour déterminer si une marque de fabrique ou de commerce est notoirement connue, les Membres tiendront compte de la notoriété de cette marque dans la partie du public concernée, y compris la notoriété dans le Membre concerné obtenue par suite de la promotion de cette marque.

"3. L’article 6bis de la Convention de Paris (1967) s’appliquera, mutatis mutandis, aux produits ou services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels une marque de fabrique ou de commerce est enregistrée, à condition que l’usage de cette marque pour ces produits ou services indique un lien entre ces produits ou services et le titulaire de la marque enregistrée et à condition que cet usage risque de nuire aux intérêts du titulaire de la marque enregistrée."

Trois aspects de l’article 16.2 et 16.3 de l’Accord sur les ADPIC méritent d’être relevés :

i) L’article 16.2 s’inscrit dans le prolongement du TLT puisqu’il étend la protection conférée par l’article 6bis de la Convention de Paris aux marques renommées et notoires.

ii) L’article 16.2 de l’Accord sur les ADPIC fournit de manière non limitative, aux autorités compétentes des pays, des indications pour apprécier le caractère notoire de la marque. Il prévoit en effet que, "pour déterminer si une marque de fabrique ou de commerce est notoirement connue, les membres tiendront compte de la notoriété de cette marque dans la partie du public concernée, y compris la notoriété dans le Membre concerné obtenue par suite de la promotion de cette marque."

iii) L’article 16.3 de l’Accord sur les ADPIC prévoit une protection qui s’étend au-delà des limites de la protection normalement conférée selon le principe de spécialité. Il prévoit en effet que la protection de l’article 6bis de la Convention de Paris s’appliquera aux produits et services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque a été enregistrée, à deux conditions : premièrement, que l’usage de la marque prétendument contrefaisante pour ces produits ou services fait supposer un lien entre ceux-ci et le titulaire de la marque enregistrée et, deuxièmement, que cet usage risque de nuire aux intérêts du titulaire de la marque enregistrée. Cet élargissement de la protection correspond à la distinction qui est faite dans le droit des marques de nombreux pays entre d’une part, les marques de haute renommée, c’est-à-dire la catégorie particulière des marques notoires qui sont tellement célèbres qu’elles doivent être protégées contre l’usage pour tous les produits ou services, et d’autre part les marques notoires, qui doivent être protégées contre l’usage illicite pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux pour lesquels elles sont enregistrées ou utilisées. La terminologie et la pratique en la matière varient quelque peu selon les pays. C’est pour cette raison que, dans ce chapitre, sauf dans les cas où la distinction est voulue, on a utilisé collectivement l’expression "marques renommées et notoires", puisqu’il est admis de toute façon que les marques notoires font l’objet d’une forme particulière de protection internationale.

 

La protection des marques renommées et notoires dans le cyberespace

Pour examiner comment la protection internationale des marques renommées et notoires peut trouver expression en ce qui concerne les noms de domaine, il faut tenir compte de quatre types de difficultés conceptuelles.

Premièrement, il y a lieu de noter que les dispositions de la Convention de Paris et de l’Accord sur les ADPIC visent à protéger les marques renommées ou notoires contre l’enregistrement ou l’usage de marques contrefaisantes. Certes, les noms de domaine ne sont pas des marques, et ils servent à de nombreuses fins autres que celles d’identifier le producteur ou le vendeur de produits ou de services. Cependant, ils sont utilisés aussi comme moyen d’identifier des produits et des services avec le producteur ou le vendeur de ceux-ci.

Deuxièmement, la protection des marques renommées et notoires en vertu de la Convention de Paris et de l’Accord sur les ADPIC s’applique au territoire des pays dont l’autorité compétente considère que la marque est renommée et notoire. Comment la notion de territoire pourrait-elle s’appliquer aux TLD génériques?

Troisièmement, bien qu’il existe une obligation internationale d’accorder la protection aux marques renommées et notoires, aucun texte de traité ne donne de définition de ce qui constitue une telle marque. Il appartient à l’autorité compétente du pays dans lequel la protection est recherchée d’apprécier ce caractère de notoriété. Comme on l’a vu, cependant, l’article 16 de l’Accord sur les ADPIC donne quelques indications sur les critères dont doivent tenir compte les autorités compétentes dans leur appréciation. Ces critères ont en outre été développés par la jurisprudence et dans les pratiques et décisions réglementaires dans de nombreux pays.

Quatrièmement, alors que la protection des marques renommées est de plus en plus consacrée en droit interne par des lois visant à interdire aux tiers tout usage qui puisse porter atteinte à l’image de la marque et affaiblir sa réputation, les marques notoires, quant à elles, ne sont souvent protégées que contre l’enregistrement ou l’usage d’une marque semblable au point de prêter à confusion pour des produits ou services identiques à ceux pour lesquels la marque notoire est enregistrée ou utilisée. Pour le moment, il n’existe pour ainsi dire pas de différenciation à l’intérieur des TLD génériques. Et, dans la mesure où il pourrait en exister une, il n’y a pas de mécanisme chargé de veiller à ce que les personnes qui ont enregistré des noms de domaine dans un TLD générique non réservé utilisent ce nom de domaine d’une manière conforme aux objectifs généraux de ce TLD. Ainsi, n’importe qui peut faire enregistrer un nom de domaine dans le domaine .com sans exercer aucune activité commerciale, ou dans le domaine .net en exerçant des activités commerciales sans aucun rapport avec la fourniture de services Internet. Les fondements théoriques de la spécialisation ou différenciation pour l’enregistrement et l’usage des marques et pour l’enregistrement et l’utilisation des noms de domaine ne coïncident pas, l’objectif poursuivi n’étant pas le même dans les deux cas.

En examinant comment s’attaquer aux problèmes qui viennent d’être indiqués, tout en donnant expression à la protection internationale qui existe déjà pour les marques renommées et notoires, on envisagera dans la suite de ce chapitre trois mécanismes qui ont été abordés dans les commentaires et consultations sur le WIPO RFC-2 :

i) un mécanisme permettant d’obtenir et de faire respecter l’exclusion de l’usage d’une marque renommée ou notoire dans les TLD non réservés;

ii) un système de preuve permettant d’étendre la protection offerte par une exclusion à l’enregistrement des noms de domaine qui sont similaires à la marque de nature à créer une confusion, et pas seulement des noms de domaine qui sont identiques et

iii) l’admission, comme motif d’annulation ou de transfert de l’enregistrement, du caractère abusif de l’enregistrement d’un nom de domaine.

 

Mécanisme d’exclusion en faveur des marques renommées et notoires dans les TLD non réservés

Le WIPO RFC-2 était une demande de commentaires portant sur l’opportunité de mettre en œuvre un mécanisme permettant d’obtenir et de faire respecter des exclusions pour protéger les marques renommées et notoires dans les TLD non réservés. L’idée d’un tel mécanisme fait l’objet depuis un certain temps d’un débat international. Certains propriétaires de marque se sont déclarés résolument en faveur de la mise en œuvre d’un tel mécanisme. D’autres ont exprimé des réserves sur la mesure dans laquelle cette mise en œuvre aurait pour effet d’encombrer l’espace des noms de domaine, et d’accorder un traitement préférentiel à une catégorie particulière d’utilisateurs de cet espace. En ce qui concerne cette dernière préoccupation, très légitime, il y a lieu de rappeler que la protection des marques renommées et notoires ne concerne qu’un petit nombre de noms. Comme il n’existe pas de liste internationale de ces marques, il est impossible d’en connaître exactement le nombre, mais celles pour lesquelles une exclusion pouvait se justifier se comptent sans doute par centaines, et non pas par milliers.

Compte tenu de l’ampleur des pratiques de pillage et de parasitisme dont sont victimes les marques renommées et notoires dans l’enregistrement des noms de domaine, telle qu’elle est ressortie du processus de consultations de l’OMPI, compte tenu aussi de l’existence de normes internationales généralement acceptées pour la protection des marques renommées et notoires, et compte tenu du fait que ces marques ne comprennent qu’un nombre relativement faible de noms (quelques centaines, sans doute sur les quelque 4,8 millions d’enregistrements de noms de domaine qui existent dans le monde à l’heure actuelle), il est estimé opportun de mettre en œuvre un mécanisme prévoyant des exclusions en faveur des marques renommées et notoires dans les TLD non réservés.

Il est recommandé que l’administration des TLD non réservés comporte un mécanisme permettant d’obtenir et de faire respecter des exclusions en faveur des marques renommées et notoires.

Brève description du mécanisme de l’exclusion. Il est suggéré que ce mécanisme fonctionne de la façon suivante : il appartiendrait à des commissions administratives d’experts, constituées ad hoc sur demande des propriétaires de marques prétendues renommées ou notoires, de décider du bien-fondé de l’exclusion en faveur d’une marque donnée, dans certains TLD non réservés ou dans tous. Comme on le verra plus loin, il est suggéré de centraliser l’administration des TLD. Une liste de personnes représentatives sur le plan international et disposées à siéger dans ces commissions serait établie, et les noms et qualifications de ces personnes seraient publiés. Sur demande, une commission ad hoc de trois personnes choisies sur la liste serait constituée pour rendre la décision. Les coûts de la procédure, quelle qu’en soit l’issue, seraient à la charge du demandeur, car c’est lui qui est appelé à retirer un avantage de l’exclusion, autrement dit, de la transposition aux noms de domaine de la protection spéciale dont jouit sa marque renommée ou notoire. L’exclusion serait accordée pour certains TLD non réservés ou pour tous, et pour une durée indéfinie. Cependant, les tiers pourraient demander la suppression de l’exclusion ou une exception à l’exclusion (par exemple, si une exclusion était accordée pour tous les TLD non réservés, on peut concevoir qu’un tiers soit en mesure de justifier d’un intérêt légitime à l’enregistrement d’un nom de domaine, à titre d’exception à l’exclusion générale, dans un TLD donné). Dans les cas où un tiers demande la suppression de l’exclusion ou une exception à celle-ci, il est suggéré que le coût de la procédure soit mis à sa charge.

Mise en œuvre du mécanisme. Pour mettre en œuvre le mécanisme permettant d’obtenir des exclusions et de les faire respecter, il faudrait que l’ICANN adopte une politique permettant ces exclusions et prévoyant, par la chaîne des contrats reliant l’ICANN aux organes responsables de l’enregistrement, l’application directe par ceux-ci de toute exclusion accordée en vertu du mécanisme.

 

Il est recommandé que :

  1. l’ICANN adopte une politique prévoyant un mécanisme qui permette d’obtenir et de faire respecter des exclusions, dans les TLD non réservés, en faveur des marques renommées et notoires et que
  2. les organes responsables de l’enregistrement acceptent, par la chaîne des contrats les reliant à l’ICANN, de faire exécuter les décisions d’exclusion en faveur des marques renommées et notoires dans les TLD.

Procédure. La procédure permettant d’obtenir et de faire respecter les exclusions en faveur des marques renommées et notoires devrait revêtir les mêmes caractéristiques que la procédure administrative de règlement des litiges, à savoir qu’elle devrait être rapide, relativement peu coûteuse et conduite en ligne, et déboucher sur des décisions qui seront d’exécution directe dans le système des noms de domaine. Néanmoins, elle devrait différer de la procédure administrative de règlement des litiges sur les cinq points suivants :

i) Étant donné que le résultat potentiel du mécanisme (c’est-à-dire l’exclusion), contrairement à celui de la procédure administrative de règlement des litiges, produit des effets à l’égard des tiers (en fait, tous les utilisateurs de l’espace des noms de domaine), on considère que les demandes d’exclusion et les décisions auxquelles elles donnent lieu devraient être publiées par voie d’affichage sur un site web.

ii) Puisque le résultat potentiel du mécanisme produit des effets à l’égard de tous les utilisateurs de l’espace des noms de domaine, il faudrait aussi que le mécanisme prévoie la participation à la procédure de tout tiers qui justifie d’un intérêt légitime. Il pourrait s’agir par exemple d’autoriser les tiers intéressés à déposer des arguments en faveur ou contre l’exclusion.

iii) Vu l’importance des conséquences qui s’attachent à l’octroi d’une exclusion, on considère qu’il serait souhaitable que la décision soit prise par trois personnes, et non par une seule comme il est recommandé pour la procédure administrative de règlement des litiges.

iv) Étant donné que la décision demandée suppose de qualifier la marque du demandeur, on considère que, contrairement à ce qui est recommandé pour la procédure administrative de règlement des litiges, les parties ne devront pas intervenir dans la nomination des personnes appelées à décider. Les trois membres de la commission qui rendra la décision seront désignés par l’autorité chargée d’administrer la procédure.

v) Contrairement à ce qui a été recommandé plus haut concernant la mise en concurrence des institutions de règlement des litiges pour la procédure administrative de règlement, on considère ici qu’il y a des avantages certains à ce que l’administration du mécanisme permettant d’obtenir et de faire respecter les exclusions en faveur des marques renommées et notoires soit centralisée. Il serait bon que les utilisateurs intéressés aient accès à un même site web où seraient publiées toutes les décisions concernant les demandes d’exclusion et tous les renseignements concernant les exclusions accordées ou refusées. La cohérence des décisions rendues sera d’une importance fondamentale et, à cet égard, il semble qu’il y ait intérêt à ce que soit tenue une seule liste centralisée et publique de personnes qualifiées pour décider si des exclusions doivent être accordées. L’OMPI, conformément à son mandat, pourra se charger de l’administration centralisée du mécanisme.

Il est recommandé que le mécanisme qui permettra d’obtenir et de faire respecter les exclusions prévoie :

  1. la publication (sur un site web centralisé) de toutes les demandes d’exclusion et de toutes les décisions
  2. l’établissement et la tenue à jour d’une liste de personnes qualifiées pour rendre des décisions sur les demandes d’exclusion et la constitution de commissions ad hoc de trois personnes choisies sur cette liste
  3. la participation des tiers intéressés aux procédures concernant des demandes d’exclusion
  4. la constitution, par l’autorité d’administration et, sans intervention des parties, de commissions chargées de rendre des décisions et
  5. l’administration centralisée de la procédure.

Absence d’effets des décisions sur la qualification de la marque en dehors du cyberespace. De même que pour les décisions rendues dans la procédure administrative de règlement des litiges, il est considéré que les décisions accordant ou refusant les exclusions en faveur de marques renommées et notoires ne devraient être rendues qu’aux fins de la bonne administration du système des noms de domaine. La décision rendue sur une demande d’exclusion ne devrait donc entraîner aucune conséquence générale en ce qui concerne le caractère renommé ou notoire de la marque considérée. Ces décisions n’auraient donc d’effet obligatoire ni à l’égard des offices nationaux ou régionaux de propriété industrielle, ni à l’égard des tribunaux nationaux.

Il est recommandé que les décisions rendues sur les demandes d’exclusion en faveur de marques renommées ou notoires n’aient pas d’effet obligatoire à l’égard des offices nationaux ou régionaux de propriété industrielle, ni à l’égard des tribunaux nationaux dans leur application des normes internationales de protection des marques renommées et notoires.

Critères de la décision. Comme on l’a vu plus haut, les normes internationales prévoient la protection des marques renommées et notoires, mais laissent à l’autorité nationale compétente le soin d’apprécier ce qui constitue une telle marque. L’article 16 de l’Accord sur les ADPIC jette quelque clarté sur cette situation, puisqu’il demande aux autorités nationales compétentes des pays liés par l’Accord sur les ADPIC de tenir compte, pour déterminer si une marque est notoirement connue, "de la notoriété de cette marque dans la partie du public concerné, y compris la notoriété dans le [pays] concerné obtenue par suite de la promotion de la marque."

Depuis plusieurs années, un Comité d’experts des marques notoires, puis le Comité permanent sur le droit des marques, des dessins et modèles industriels et des indications géographiques qui lui a succédé récemment, travaille à une liste de facteurs qui doivent être pris en considération pour déterminer si une marque est renommée. À sa dernière réunion, le comité permanent a adopté la liste suivante de facteurs qu’il recommande, de manière non limitative, comme critères à prendre en considération pour déterminer si une marque est notoire :

"1. le degré de connaissance ou de reconnaissance de la marque dans le secteur concerné du public;

"2. la durée, l’étendue et l’aire géographique de toute utilisation de la marque;

"3. la durée, l’étendue et l’aire géographique de toute promotion de la marque, y compris la publicité et la présentation, lors de foires ou d’expositions, des produits ou des services auxquels la marque s’applique;

"4. la durée et l’aire géographique de tout enregistrement, ou demande d’enregistrement, de la marque dans la mesure où elles reflètent l’utilisation ou la reconnaissance de la marque;

"5. la sanction efficace des droits sur la marque, en particulier la mesure dans laquelle la marque a été reconnue comme notoire par les tribunaux ou autres instances compétentes;

"6. la valeur associée à la marque."

Cette liste non exhaustive de facteurs à prendre en considération a été établie pour les marques renommées et notoires en général, sans égard aux problèmes particuliers que soulève l’enregistrement des noms de domaine. Pour tenir compte de la spécificité de la protection des marques renommées et notoires dans le cadre des noms de domaine, il est suggéré d’ajouter à cette liste un septième facteur :

"7. la preuve qu’il y a eu, de la part de tiers non autorisés, des tentatives pour enregistrer comme nom de domaine un nom identique à la marque ou similaire de nature à créer une confusion."

Il est recommandé que les décisions sur les demandes d’exclusion en faveur des marques renommées ou notoires dans les TLD non réservés soient prises compte tenu de toutes les circonstances de la demande et, en particulier, de la liste non limitative de facteurs contenue au paragraphe 227 et du facteur supplémentaire présenté au paragraphe 228.

Questions de l’application aux TLD génériques et aux TLD constitués par des codes de pays ("ccTLD"). Comme on vient de le voir, les normes internationales de protection des marques renommées et notoires sont appliquées sur une base territoriale, et il appartient à l’autorité nationale compétente d’apprécier si la marque est notoire dans le pays considéré. La question se pose donc de savoir comment un système conçu pour le monde physique, organisé selon des règles de territorialité, peut s’appliquer aux noms de domaine dans un espace mondial. Il y a lieu de distinguer ici entre les TLD génériques non réservés et les ccTLD non réservés.

S’agissant des TLD génériques non réservés, certains commentateurs ont suggéré de mettre au point un critère quantitatif pour établir si une marque mérite d’être protégée, en qualité de marque renommée ou notoire, par une exclusion. On a proposé à cet égard de prendre pour critère un nombre donné d’enregistrements de la marque dans le monde. Cependant, une mesure quantitative fixe comme celle-là risque d’avoir des effets arbitraires. L’un des critères recommandés ci-dessus concerne "la durée et l’aire géographique de tout enregistrement, ou demande d’enregistrement, de la marque dans la mesure où elles reflètent l’utilisation ou la reconnaissance" de celle-ci. Ce critère large devrait être suffisamment souple pour permettre de prendre les décisions voulues sans recourir à une mesure quantitative précise. Si, après application de ce critère et des autres, il est estimé qu’une marque est suffisamment renommée ou notoire pour justifier une exclusion, une décision d’exclusion doit être rendue. Dans les TLD génériques, qui ne connaissent pas de limites territoriales, le potentiel d’utilisation du nom de domaine dans n’importe quel pays paraît justifier cette façon de procéder pour définir la base d’une exclusion.

Il n’est pas recommandé d’adopter une mesure quantitative précise, correspondant à un certain nombre d’enregistrements dans le monde, comme critère pour l’octroi d’une exclusion en faveur d’une marque renommée ou notoire dans tout TLD générique non réservé.

En ce qui concerne les ccTLD non réservés, une méthode d’approche différente s’impose peut-être (sauf dans le cas où un ccTLD est commercialisé en tant qu’espace générique). Il a été dit plus haut que les recommandations résultant du processus de consultations de l’OMPI concernent essentiellement les TLD génériques, et que les ccTLD relèvent de la compétence souveraine des pays au territoire desquels ils se rapportent. Néanmoins, comme il a été également indiqué plus haut, il paraît être dans l’intérêt de la bonne administration de l’espace des noms de domaine et de la promotion de la protection de la propriété intellectuelle que ces recommandations soient examinées soigneusement dans le cadre de l’administration des ccTLD non réservés, en raison de la présence mondiale que confère l’enregistrement dans n’importe lequel de ces TLD. En ce qui concerne le mécanisme d’exclusion, il est suggéré que, dans la mesure où les administrateurs des ccTLD non réservés adopteront les recommandations issues du processus de consultations de l’OMPI, des exclusions puissent être prononcées par référence au critère de la renommée ou de la notoriété de la marque en cause sur le territoire auquel se rapporte le ccTLD non réservé. Ainsi, la liste non limitative de critères suggérée plus haut servirait, pour tout ccTLD à l’égard duquel ces recommandations seraient appliquées, à déterminer si, sur le territoire auquel se rapporte le ccTLD non réservé, la marque objet de la demande d’exclusion est renommée ou notoire.

Il est recommandé que, dans la mesure où les administrateurs des ccTLD non réservés participent au mécanisme d’exclusion, l’exclusion soit accordée, à l’égard de n’importe lequel de ces TLD, après l’examen du point de savoir si la marque objet de la demande d’exclusion est renommée ou notoire sur le territoire auquel se rapporte ce TLD.

Le problème de la spécialité. Il a été souligné plus haut que la protection des marques notoires est dirigée en premier lieu contre les marques contrefaisantes utilisées pour des produits ou services identiques à ceux pour lesquels la marque notoire est enregistrée ou utilisée. En vertu de l’article 16.3 de l’Accord sur les ADPIC, et des dispositions correspondantes des lois nationales, la protection n’est pas limitée aux produits ou services similaires et s’étend à d’autres produits ou services, à condition que l’usage de la marque contrefaisante pour ces autres produits ou services soit indicatif d’un lien entre ceux-ci et le propriétaire de la marque renommée, et à condition que les intérêts de ce propriétaire risquent d’être lésés par cet usage. L’exclusion en faveur d’une marque renommée ou notoire constituerait une forme de protection d’étendue plus générale qu’une protection limitée aux seuls produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée ou utilisée. Cette conséquence paraît inéluctable tant que les TLD génériques sont relativement peu différenciés ou, du moins tant que l’on n’impose pas en pratique une certaine différenciation (par exemple, en limitant à un ou plusieurs secteurs commerciaux les noms de domaine utilisés à des fins commerciales). Dans le chapitre suivant, on examinera la possibilité de se servir de la différenciation dans l’introduction de nouveaux TLD génériques comme moyen de circonscrire la protection de la propriété intellectuelle et d’établir un équilibre entre cette protection et d’autres intérêts. En attendant l’introduction d’un système de différenciation assorti de moyens d’application pratique, on considère que le fait que l’exclusion puisse s’étendre au-delà des produits et services particuliers pour lesquels est enregistrée ou utilisée une marque notoire constitue une conséquence acceptable si l’on veut réprimer les enregistrements abusifs de noms de domaine et protéger les marques renommées et notoires. En outre, cette approche est conforme à la politique que consacrent les lois contre l’affaiblissement ("dilution") des marques et qui consiste à interdire tout usage des marques renommées par des personnes non autorisées, pour des produits ou services semblables ou non à ceux pour lesquels la marque est utilisée, si cet usage porte atteinte à l’image de marque.

 

Présomption découlant de l’exclusion

En tant que moyen de donner expression à la protection des marques renommées et notoires, l’exclusion présente une limite importante : la protection qu’elle offre ne vaut que pour le libellé exact de la marque. Elle est donc inefficace dans les cas où des variantes phonétiques ou orthographiques voisines de la marque renommée ou notoire sont enregistrées de mauvaise foi, avec la volonté de profiter de la réputation de cette marque. Pour ces variantes, le propriétaire de la marque serait obligé, même après avoir obtenu une exclusion, d’engager soit une procédure en justice, soit la procédure administrative de résolution des litiges pour essayer d’obtenir l’annulation de l’enregistrement ou la réparation du préjudice que lui cause l’enregistrement de cette variante proche comme nom de domaine.

Pour limiter les conséquences de ce défaut, on pourrait envisager que, dans les procédures administratives de résolution des litiges introduites par le titulaire d’une exclusion contre les détenteurs de noms de domaine prétendument identiques ou similaires de nature à créer une confusion, ce titulaire bénéficie d’une présomption découlant de l’octroi de l’exclusion, présomption dont le régime serait le suivant : le bénéficiaire d’une exclusion pour une marque renommée ou notoire serait tenu, dans toute procédure administrative de résolution des litiges qu’il engagerait, de prouver i) qu’un nom de domaine est identique à la marque objet de l’exclusion, ou similaire de nature à créer une confusion avec elle, ou qu’il affaiblit le caractère distinctif de la marque et ii) que le nom de domaine est utilisé d’une manière qui risque de porter atteinte aux intérêts du propriétaire de la marque objet de l’exclusion. La charge de la preuve serait alors renversée et il incomberait à la personne qui aurait enregistré le nom de domaine de faire la preuve de sa bonne foi et de faire valoir les raisons pour lesquelles l’enregistrement ne devrait pas être annulé. S’il échouait, l’enregistrement serait annulé. La présomption vaudrait pour tout TLD pour lequel une exclusion aurait été obtenue.

Il est recommandé que l’octroi de l’exclusion fasse naître une présomption au bénéfice du titulaire de l’exclusion dans la procédure administrative de résolution des litiges de telle façon que, une fois établi que le défendeur a un nom de domaine qui est identique à la marque objet de l’exclusion ou similaire à cette marque de nature à créer une confusion avec elle, ou qui affaiblit le caractère distinctif de la marque, et que l’enregistrement du nom de domaine risque de léser les intérêts du bénéficiaire de l’exclusion, il incomberait au défendeur de justifier l’enregistrement du nom de domaine.

 

Admission du caractère abusif de l’enregistrement comme motif d’annulation ou de transfert de l’enregistrement d’un nom de domaine

Le mécanisme d’exclusion a été envisagé et conçu à l’origine comme un moyen d’empêcher les diverses formes de pillage et de parasitisme pratiquées dans l’enregistrement des noms de domaine, par lesquelles certains essayent, de mauvaise foi, de profiter de la réputation d’autrui. Les marques renommées et notoires sont fréquemment la cible de ces pratiques, mais elles ne sont pas les seules. Sont aussi visées les marques qui sont connues, mais dont la notoriété est insuffisante pour leur conférer la qualité de marques renommées ou notoires selon les critères en vigueur, les célébrités, qu’il s’agisse de personnes réelles comme les personnalités du monde politique, du sport ou du cinéma, ou des personnages de fiction comme les personnages de dessins animés et de films ou les personnages de romans, les grandes manifestations internationales comme les Jeux olympiques, et les noms de lieu célèbres ou autres indications géographiques.

Diverses formes de protection existent en droit interne et en droit international contre ces pratiques de pillage et de parasitisme. Selon les traditions juridiques du pays, ces autres formes de protection sont accordées par les règles sur la concurrence déloyale, la protection de

la vie privée, les droits sur les indications géographiques et les règles interdisant la substitution de produits (passing off). Souvent, la protection ne peut être obtenue que si le demandeur prouve l’existence d’un préjudice.

Le droit à la protection contre certaines de ces pratiques est reconnu sur le plan international par l’article 10bis de la Convention de Paris, qui fait obligation aux États parties d’assurer aux ressortissants des autres États parties une protection effective contre la concurrence déloyale. Celle-ci est définie de la façon suivante dans les alinéas 2) et 3) de l’article 10bis :

"2) Constitue un acte de concurrence déloyale tout acte de concurrence contraire aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale.

"3) Notamment devront être interdits :

1. tous faits quelconques de nature à créer une confusion par n’importe quel moyen avec l’établissement, les produits, ou l’activité industrielle ou commerciale d’un concurrent;

2. les allégations fausses, dans l’exercice du commerce, de nature à discréditer l’établissement, les produits ou l’activité industrielle ou commerciale d’un concurrent;

3. les indications ou allégations dont l’usage, dans l’exercice du commerce, est susceptible d’induire le public en erreur sur la nature, le mode de fabrication, les caractéristiques, l’aptitude à l’emploi ou la quantité des marchandises."

L’alinéa 1) de l’article 10ter de la Convention de Paris fait en outre obligation aux États parties d’assurer aux ressortissants des autres États contractants "des recours légaux appropriés pour réprimer efficacement tous les actes visés [à l’article] 10bis."

Compte tenu de l’objectif que vise le mécanisme d’exclusion, et qui est d’interdire le pillage et le parasitisme, on pourrait aussi envisager, comme indiqué au chapitre 3, de faire de "l’enregistrement abusif d’un nom de domaine" un motif d’annulation ou de transfert de l’enregistrement dans le cadre de la procédure administrative de règlement des litiges. L’existence d’un tel motif permettrait de s’attaquer de façon plus générale aux pratiques de pillage et de parasitisme, et répondrait aux préoccupations des commentateurs qui pensent que l’exclusion joue en faveur d’une catégorie particulière d’utilisateurs de l’Internet lésés par de telles pratiques.

Si l’enregistrement "abusif d’un nom de domaine" constituait un motif d’annulation ou de transfert de l’enregistrement, il serait nécessaire de définir l’abus. Le demandeur devrait établir que l’enregistrement ou l’usage du nom de domaine par le titulaire de celui-ci ne repose sur aucun droit ou intérêt légitime et que, de manière déloyale, ce nom de domaine i) profite de la réputation qui appartient légitimement au demandeur, à sa personnalité, à ses marques, indications géographiques ou autres, ou ii) fait obstacle au désir du demandeur d’enregistrer le nom de domaine correspondant à ses droits. Parmi les circonstances qui peuvent indiquer que l’enregistrement d’un nom de domaine est abusif, on peut envisager notamment les suivantes :

  1. le titulaire du nom de domaine a offert de vendre celui-ci au demandeur ou à un tiers;
  2. le nom de domaine empêche le demandeur d’enregistrer un nom de domaine correspondant à ses droits;
  3. le nom de domaine est identique à la désignation sur laquelle le demandeur a des droits ou similaire de nature à créer une confusion avec elle, et son utilisation par le titulaire du nom de domaine est source de confusion quant à l’origine des produits ou services;
  4. le nom de domaine, qui est identique à la désignation sur laquelle porte le droit du demandeur ou similaire de nature à créer une confusion, a été enregistré dans le but d’augmenter le nombre des visites du site du titulaire du nom de domaine;
  5. le titulaire du nom de domaine est titulaire d’autres enregistrements de noms de domaine qui sont identiques à des désignations objets de droits de propriété intellectuelle du demandeur ou de tiers ou similaires de nature à créer une confusion, le nombre de ces enregistrements constituant aussi une indication à cet égard.

Des commentaires sont encore demandés sur

i) l’idée de considérer l’enregistrement abusif d’un nom de domaine comme un motif d’annulation ou de transfert de l’enregistrement dans la procédure administrative de résolution des litiges et

ii) les propositions faites dans le paragraphe précédent concernant les éléments constitutifs de l’enregistrement abusif d’un nom de domaine.

Chapitre 5


[99] La liste des États parties à la Convention de Paris figure dans l’annexe IV.

[100] La liste des États liés par l’Accord sur les ADPIC figure dans l’annexe V.

[101] L’article 6bis contient également les deux dispositions ci-après :

"2) Un délai minimum de cinq années à compter de la date de l’enregistrement devra être accordé pour réclamer la radiation d’une telle marque. Les pays de l’Union ont la faculté de prévoir un délai dans lequel l’interdiction d’usage devra être réclamée.

"3) Il ne sera pas fixé de délai pour réclamer la radiation ou l’interdiction d’usage des marques enregistrées ou utilisées de mauvaise foi."

[102] Voir l’article 16.

[103] En 1998, 10 États ont adhéré au TLT.

[104] Voir Frederick W. Mostert, Famous and Well-Known Marks (Butterworths, 1997), pages 19 à 21 et les auteurs qui y sont cités.

[105] Voir Network Solutions Inc., Frequently Asked Questions : "Who can register a .com, .NET, .ORG domain name?" at http://www.internic.net/faq/tlds.html.

[106] Un tel mécanisme était prévu dans les principes de règlement des litiges en vertu du mémorandum d’accord sur les gTLD; voir http://gtld-mou.org/docs/tracps.htm.

[107] Voir les commentaires du Gouvernement du Japon, Office japonais des brevets (6 novembre 1998 - RFC-2), de M. Robert Connelly du Conseil des unités d’enregistrements (CORE) (consultation de Tokyo), de la Fédération internationale des conseils en propriété industrielle (9 novembre 1998 - RFC-2), de l’Association internationale pour les marques (6 novembre 1998 - RFC-2), de MARQUES (6 novembre 1998 - RFC-2), de la Motion Picture Association of America (6 novembre 1998 - RFC-2) et de M. Gregory Phillips de Johnson & Hatch au nom de Porsche (consultation de San Francisco).

[108] Voir le commentaire du Gouvernement suédois, Office suédois des brevets et de l’enregistrement (4 novembre 1998 - RFC-2), du Gouvernement suisse, Institut fédéral suisse de la propriété intellectuelle (4  novembre 1998 - RFC-2), de l’Institute of Trademark Agents (3 novembre 1998 - RFC-2) et de M. Verbatos (consultation de Bruxelles).

[109] Dans son livre blanc, le Gouvernement des États-Unis recommandait également à la nouvelle société d’adopter des politiques par lesquelles :

"Les titulaires d’un nom de domaine acceptent, au moment de l’enregistrement ou du renouvellement, de se conformer aux décisions de la nouvelle société interdisant, à titre préventif ou rétroactif, l’utilisation de certaines marques notoires en tant que noms de domaine (dans un ou plusieurs domaines de premier niveau), sauf par le propriétaire de la marque."

[110] Voir le chapitre 5.

[111] Voir les commentaires de l’International Intellectual Property Alliance (6 novembre 1998 - RFC-2), de la Motion Picture Association of America (6 novembre 1998 - RFC-2), de Mme Shelley Hebert de l’Université de Stanford (consultation de San Francisco), de Mme Marilyn Cade de AT&T (consultation de Washington), de la Société Chanel (4 novembre 1998 - RFC-2) et de Mme Anne Gundelfinger d’Intel (consultation de San Francisco).

[112] Cette idée paraît être reflétée dans la jurisprudence des tribunaux nationaux. Voir par exemple British Telecommunications Plc, Virgin Enterprises Ltd., J. Sainsbury Plc, Marks & Spencer Plc, Ladbroke Group Plc. c. One in a million Ltd. et al. (Court of appeal, Civil Division, 23 juillet 1998) (voir http:// www.nic.uk/news/oiam-appeal-judgment.html) (la cour a confirmé l’injonction accordée, au motif que l’enregistrement par One in a Million Ltd. de noms de domaine comprenant les noms commerciaux de Marks & Spencer, Ladbrokes, J. Sainsbury et Virgin Enterprises était constitutif d’un délit de passing-off et portait atteinte à l’image de marque, et que des mesures d’urgence étaient nécessaires pour empêcher l’utilisation des noms de domaine dans un but frauduleux et leur aliénation); Panavision International L.P. c. Toeppen, n° 97-55467 (9e circuit avril 1998) (dans une action contre un cybersquatteur, les juges du neuvième circuit ont décidé que l’enregistrement de marques en tant que noms de domaine, et la tentative de vente de ces marques, constituent un "usage commercial" et une "dilution" selon le droit des États-Unis); Avery Dennison Corporation c. Sumpton, 999 F.Supp.1337 (C.D Cal. 1998) (le tribunal a rendu une décision selon la procédure simplifiée sur la base de la dilution de la marque, contre une personne qui avait enregistré plus de 12 000 noms de domaine pour les vendre aux propriétaires des diverses marques); Cardservice International Inc. c. McGee, 950 F. Supp. 737 (E.D Va.1997) (le tribunal a jugé qu’il y avait eu atteinte à la marque dans un cas où une entité avait enregistré un nom de domaine similaire à une marque de nature à créer une confusion, pour détourner la réputation de la marque); Citroën, Tribunal de Francfort, 7 janvier 1997 (2-06 O 711/96) (le tribunal a rendu une ordonnance de référé contre une personne qui avait enregistré "citroën.de" comme nom de domaine); Honda, Tribunal de Francfort, 4 avril 1997 (2/06 O 194/97) (le tribunal a rendu une ordonnance de référé contre une personne qui avait enregistré "honda.de" comme nom de domaine); Oggi Advertising, Ltd. c. McKenzie et al., CP147/98 (inédit, Baragwanth J., High Court d’Auckland, 5 juin 1998) (voir http://aardvark.co.nz/n357.htm) (le tribunal a ordonné la réattribution d’un nom de domaine en conséquence d’un délit de passing off, et conclu que le défendeur avait entendu s’approprier la réputation du demandeur ou empêcher celui-ci d’exploiter sa propriété intellectuelle).