Pendant la crise économique en Argentine (1999 2002), Hugo Olivera, fabricant de pièces mécaniques de rechange, s’est trouvé sans emploi et a décidé d’appliquer son inventivité à un domaine nouveau.
Début 2000, il entend parler d’un serveur qui avait dû déboucher plus de 60 bouteilles de vin mousseux lors d’une fête et s’était meurtri les mains. Avec son ami Roberto Cardón, mécanicien industriel, il se met à réfléchir à de nouveaux outils pour ouvrir les bouteilles de boissons mousseuses. Peu de temps après, son ami abandonne le projet. Hugo Olivera utilise son épargne personnelle pour mettre au point un prototype fonctionnel de ce qui va devenir par la suite le Descorjet : ouvre bouteille pour les vins mousseux rapide, sûr et d’utilisation facile.
Croquis du Descorjet tel que soumis avec la demande de brevet européen EP20010250348 (espacenet.com)
Vers le milieu de l’année 2000, M. Olivera dépose une demande de brevet afin de protéger le premier prototype fonctionnel de son nouveau tire bouchon. Plus tard dans la même année, il adhère à l’Association argentine des inventeurs, qui le prévient que la demande de brevet qu’il a déposée est mal rédigée et que les revendications ne couvrent pas tous les éléments à protéger. Sa demande n’ayant pas encore été publiée, il la retire et en dépose une nouvelle, à laquelle il apporte toutes les modifications nécessaires sur les conseils d’un agent des brevets.
Le prototype d’origine devint par la suite un produit industriel normalisé et exempt de défauts. Une recherche minutieuse est alors menée sur Internet et dans plusieurs grandes banques de données relatives aux brevets. Des demandes de brevet sont ensuite déposées dans plus de 25 pays, dont l’Australie, le Brésil, le Canada, les États Unis d’Amérique, le Mexique et la Nouvelle Zélande, ainsi que dans l’Union européenne. L’Argentine n’étant pas partie au Traité de coopération en matière de brevets (PCT), M. Olivera et ses partenaires doivent alors déposer très rapidement des brevets dans un grand nombre de pays, ce qui les exposait à des risques.
Le brevet ne met que huit mois à être délivré aux États Unis d’Amérique et 18 mois dans l’Union européenne.
Le nom du produit, le logo et l’emballage ont aussi été dûment protégés, en tant que marque ou par des dessins et modèles industriels, dans plus de 25 pays. En 2001, lorsque la société Descorjet S.A. est constituée, tous les brevets d’invention et autres formes de propriété intellectuelle lui sont cédés en tant qu’actifs incorporels.
L’Association argentine des inventeurs (AAI) a également aidé M. Olivera à mettre au point une stratégie commerciale et à rechercher des partenaires expérimentés et prêts à investir du temps et de l’argent pour mettre le produit sur le marché. Inventeur professionnel, chef d’entreprise et président de l’AAI à l’époque, M. Eduardo Fernández s’est associé à M. Olivera pour améliorer le produit et trouver un groupe d’investisseurs. La recherche d’investisseurs fut longue et difficile. “Nous avons frappé à plus de trente portes et lorsque la trente et unième s’ouvrit, c’était la bonne. Nous ne cherchions pas uniquement de l’argent, mais aussi des gens prêts à s’engager dans le projet”, explique M. Fernández.
Le projet a été financé par des capitaux privés, apportés par deux investisseurs ayant une vaste expérience technique et industrielle. La société Descorjet S.A. a été constituée en Argentine; une autre société basée à l’étranger se charge de la gestion commerciale internationale. L’investissement initial, de 260 000 dollars É. U., a été consacré notamment au développement industriel du projet, au moulage, à la dépose de brevets, aux déplacements, à la publication de brochures et d’autres documents, au site Internet et à des services de conseil extérieurs.
Le Descorjet débouche les bouteilles de vin mousseux sûrement, rapidement et facilement (espacenet.com)
Le Descorjet a remporté des prix prestigieux, tant nationaux qu’internationaux : premier prix du Salon international de l’invention de Genève 2001; premier prix du meilleur dessin ou modèle industriel de l’exposition Regala Buenos Aires 2001; premier prix du Concours national de plans d’entreprise (NAVES) 2002, organisé par le l’Institut des hautes études commerciales (IAE) de l’Université Austral, en Argentine.
Le produit est passé du stade de la conception aux premières ventes en 18 mois seulement. Descorjet S.A. contrôle entièrement la fabrication et la commercialisation. Un certain nombre d’améliorations, protégées également par des brevets, lui ont été apportées.
Les ventes annuelles s’élèvent à 35 000 unités environ, avec un taux de croissance annuel de 15%. Quatre vingt dix pour cent de la production, à destination des marchés européen, nord américain, australien et néo zélandais, est fabriquée à Taïwan (Province de Chine), en raison de ses avantages concurrentiels en matière de coûts de fabrication et d’expédition; les 10% restants, destinés aux pays du Mercosur, sont fabriqués en Argentine.
Pour ce qui est des effectifs, l’entreprise n’emploie que quatre personnes à plein temps en Argentine pour l’assemblage final et l’emballage; les associés travaillent eux mêmes selon un mode de gestion au jour le jour. Toutes les autres tâches sont sous traitées, y compris la coupe, la soudure, le polissage, la fabrication des emballages, l’impression et le dédouanement. Au total, si l’on ajoute la comptabilité, la conception graphique et le transport, l’entreprise fournit du travail à une quarantaine de personnes en Argentine et autant à Taïwan (Province de Chine).
Descorjet S.A. est en train d’étudier plusieurs offres d’investisseurs intéressés par l’achat d’actions ou le rachat de la société, dans le but d’étendre sa couverture du marché.
Descorjet S.A. doit son succès à sa capacité à transformer une bonne idée en un prototype fonctionnel, assorti d’un plan d’entreprise conçu de manière professionnelle et apportant des possibilités réelles de commercialisation du produit sur le marché. “La stratégie de propriété intellectuelle que nous avons mise en œuvre nous a aidés à trouver des partenaires stratégiques”, précise M. Fernández. Le fait de s’associer à des investisseurs ayant accès à des fonds et bénéficiant d’une expérience commerciale a été déterminant. En outre, les prix nationaux et internationaux décernés au produit ont accru la crédibilité des inventeurs et leur ont permis de se mettre à la recherche d’associés munis d’un projet valable et reconnu comme tel.
Cette étude de cas se fonde sur des informations provenant de: