Cyberkinetics Neurotechnology Systems Inc. (CNS) est un laboratoire de recherche situé à Foxborough, Massachusetts, aux États-Unis d’Amérique. Il a été cofondé par John Donoghue, un neurologue animé du désir précurseur de découvrir comment les pensées dans le cerveau sont traduites en actes. Le CNS a réalisé des essais cliniques en bionique – ou biomimétisme, l’application de méthodes et de systèmes biologiques pour concevoir une technologie d’ingénierie. Les principaux objectifs de la société étaient de créer des logiciels innovants pour améliorer la qualité de vie des grands handicapés moteurs.
Système de déplacement des membres et des doigts mis au point par Cyberkinetics Neurotechnology Systems (photo : CNS)
La technologie de pointe inventée par CNS était une interface cerveau-ordinateur (ICO) remarquable appelée BrainGate Neural Interface System (BrainGate).
Le BrainGate – et son successeur, le BrainGate2 – est un appareil qui lit les neuro-signaux transmis par le cerveau d’une personne physiquement handicapée, permettant à son utilisateur de contrôler un curseur d’ordinateur pour pointer et cliquer et de procéder à des choix en cliquant sur une icône d’interface. L’ICO fonctionne via un senseur – plus petit qu’une lentille de contact – qui est implanté chirurgicalement dans la zone du cortex moteur de l’utilisateur invalide, c’est-à-dire la partie du cerveau qui contrôle les mouvements.
Les électrodes d’une finesse millimétrique du senseur enregistrent les signaux électriques du cerveau – pensées qui peuvent se rapporter au simple désir de bouger vers le haut, le bas, à gauche, à droite, vite ou doucement. Ces signaux ou pensées sont transmis à et interprétés par un “décodeur” – des ordinateurs et un logiciel qui transforment les signaux cérébraux en instructions utiles pour un appareil externe. L’appareil externe – tel qu’un ordinateur de bureau standard, un fauteuil roulant électrique, ou un bras robotisé – exécute alors les instructions que les usagers invalides souhaitent mais ne peuvent pas réaliser eux-mêmes, comme allumer la lumière, conduire un fauteuil roulant, taper et envoyer un courriel, ou passer un coup de téléphone. Tout cela est accompli par l’usager qui se borne à penser à ce qu’il veut faire. Le BrainGate transforme les pensées en instructions informatiques et l’appareil externe exécute les instructions.
L’ICO a montré des résultats révolutionnaires lors des essais cliniques et promet d’améliorer radicalement la qualité de vie des paraplégiques, tétraplégiques et autres personnes physiquement handicapées. Cette technologie vise aussi à aider les personnes ayant perdu un membre, les victimes d’AVC (qui ne peuvent ni bouger ni parler), et les patients souffrant de dystrophie musculaire dans leurs tâches quotidiennes les plus simples et pour leurs besoins de communication. Alors qu’on lui demandait si voulait remarcher, une personne paralysée candidate à l’utilisation du BrainGate a simplement répondu : “Non, je voudrais juste pouvoir me gratter le nez”.
La recherche-développement relative au BrainGate est le point culminant d’une série de recherches scientifiques et d’essais cliniques réalisés tout au long des années 90 au sein des grandes institutions universitaires américaines, dont l’Université Brown, l’Université Columbia et l’Université Harvard.
Le Neural Interface System élaboré par le CNS (photo : CNS)
M. Donoghue et ses collègues ont créé le CNS en tant que société dérivée pour exploiter le potentiel de la technologie du BrainGate qu’ils ont mise au point dans différents laboratoires universitaires. La phase de financement initial du CNS a bénéficié d’un investissement de 9 millions de dollars É.-U. piloté par Oxford Bioscience Partners – une société de capital-risque qui fournit un financement par apport de fonds propres et une aide à la gestion pour les sociétés axées sur l’esprit d’entreprise dans le secteur des sciences de la vie et des soins de santé.
Le CNS a recueilli plus de 40 millions de dollars É.-U. pour ses activités de R-D avant de devenir une entreprise publique à la suite d’une fusion inversée en 2002 lorsqu’il a acquis Bionic Technologies Ltd, une société basée dans l’état de l’Utah (États-Unis d’Amérique), qui a mis au point des systèmes d’acquisition de données multiples pour la recherche neurologique.
En 2004, l’Administration des aliments et des médicaments des États-Unis d’Amérique (FDA) a accordé au CNS la première des deux exemptions de dispositif expérimental (EDE) pour appliquer des tests de laboratoire conçus dans des laboratoires universitaires à des essais cliniques sur des patients humains. Les essais pilotes ont été effectués dans des hôpitaux du Rhode Island, du Massachusetts, et dans l’état de l’Illinois pour quatre participants atteints de tétraplégie – capacité réduite de se servir des bras et des jambes.
L’un des sujets de ces essais pour le BrainGate était une personne en fauteuil roulant qui était entièrement paralysée. Utilisant la technologie du BrainGate connectée à un fauteuil roulant motorisé, le patient a été capable de diriger le fauteuil en soufflant dans le tube d’un appareil de commande par le souffle relié à sa bouche. De plus, en pensant simplement à ce qu’il veut faire et en manipulant à cette fin un curseur d’ordinateur, le patient peut grâce au BrainGate ouvrir et lire ses courriels, jouer à des jeux vidéo, saisir des objets avec un bras robotisé, et faire fonctionner les commandes de télévision et de la lumière. “Notre but ultime est de perfectionner le système du BrainGate pour qu’on puisse le relier à de nombreux appareils ayant chacun leur utilité”, a déclaré le Dr Donoghue.
Malgré ses promesses évidentes, le BrainGate est encombrant – la transmission sans fil n’étant pas encore disponible – et de fait il reste encore beaucoup d’obstacles à surmonter pour le service de R-D. Les implants cérébraux, par exemple, sont particulièrement gênants car la capacité des électrodes à détecter les signaux cérébraux se détériore pour des raisons inconnues, au bout de plusieurs mois. Le processus même de R-D pose problème et est potentiellement dangereux pour les patients concernés. Le fait d’avoir un trou dans la tête de façon permanente expose les patients à un risque constant d’infection alors que les études cliniques nécessitent un engagement de 13 mois de la part du sujet.
Malgré ces difficultés, les chercheurs pensent que cette technologie pourra être affinée, miniaturisée, et qu’un senseur intégralement implanté et sans fil qui puisse émettre des signaux vers un appareil externe sera mis au point dans un avenir assez proche. Le CNS a aussi mis au point plusieurs technologies de pointe comme : le Bionic, une micropuce utilisée au cœur de ses ordinateurs; le système NeuroPort, appliqué dans les essais cliniques humains pour surveiller l’activité cérébrale; et le système Cerebus, utilisé pour les programmes d’acquisition de données et de formation chirurgicale dans le cadre de recherches et d’essais.
Reconnaissant la nécessité de protéger sa précieuse technologie, le CNS a cherché à bénéficier de la protection internationale pour ses inventions et a établi un portfolio impressionnant de plus de 20 demandes internationales de brevets déposées dans le cadre du système du Traité de coopération en matière de brevets (PCT). Le CNS a également reconnu l’importance d’avoir un solide nom de marque protégé par une marque, non seulement parce que cela assure la confiance et la fidélité de ses clients et patients actuels mais aussi parce qu’un nom bien établi entraîne une augmentation des retombées financières futures et une plus grande attractivité vis-à-vis des nouveaux consommateurs et investisseurs.
Le système d’interface biologique élaboré par Cyberkinetics Neurotechnology Systems (photo : CNS)
En 2009, après la réussite des essais cliniques, reconnaissant l’énorme potentiel de la marque BrainGate, et cherchant à recueillir des fonds tout en maximisant la réputation associée à la nouvelle technologie, le Dr Donoghue et le conseil d’administration du CNS ont vendu le CNS et ses actifs de propriété intellectuelle. Les droits de propriété intellectuelle du CNS, y compris son portfolio de brevets, la marque BrainGate ™ et son nom de domaine (www.cyberkinetics.com), ont été vendus pour près de un million de dollars.
Les actifs ont été achetés par M. Jeff Stible, qui a créé une nouvelle société – BrainGate Co. – qui possède dorénavant toute la technologie de première génération du CNS (comme la puce bionique du CNS implantable dans le cerveau) ainsi que la propriété intellectuelle résultant des recherches connexes de BrainGate effectuées par des institutions universitaires. BrainGate Co. détient les droits exclusifs pour les brevets clés relatifs aux interfaces neurales et à leur utilisation pour contrôler les ordinateurs, les prothèses et d’autres appareils.
M. Stible a consolidé et étendu les actifs de propriété intellectuelle originaux du CNS, en investissant des millions de dollars dans la technologie, tout cherchant à percer dans d’autres domaines de la R-D, y compris les recherches sur l’épilepsie – une affection dont souffrent trois millions de personnes aux États-Unis d’Amérique et 50 millions dans le monde.
BrainGate Co. possède aujourd’hui plusieurs marques aux États-Unis d’Amérique et dans d’autres pays telles que : BrainGate™, Cyberkinetics™, Neuroport®, Cerebus®, Bionics®, et les expressions “Transformer les pensées en actes”® et “Relié à la pensée”™.
La nouvelle société continue à conserver le nom de domaine du CNS pour que le site Web ne puisse pas être détourné à des fins abusives par des cybersquatteurs et afin qu’il reste un actif gratuit pour un usage potentiel ultérieur. Elle a également conservé le CNS comme société “fictive” – société publique avec ou sans actifs nominaux – et continue d’exploiter les possibilités de commercialisation pour la reconnaissance du nom de marque associé au CNS.
Parallèlement, le M. Donoghue a créé une société distincte – BrainGate 2 – dont l’objet est de poursuivre l’élaboration de la nouvelle génération de la technologie BrainGate, y compris la mise au point d’une puce sans fil implantable dans le cerveau.
En 2004, le BrainGate du CNS a reçu le prix “Best of what’s New” décerné par la publication scientifique Popular Science, une revue scientifique étasunienne reconnue, fondée en 1872.
Jusqu’à présent, cinq personnes – appelées “participants” – ont testé l’implant bionique du CNS et l’autorisation a été donnée d’inclure dans l’étude 14 nouveaux participants. Si pour le moment les recettes potentielles du BrainGate sont faibles (car il est encore en phase de mise au point), M. Stible espère qu’une fois obtenu l’agrément de la FDA pour le produit, son potentiel de commercialisation sera énorme. “Nous savons que nous sommes encore trop en avance avec cette technologie”, a déclaré M. Stible, “mais nous structurons la société en fonction de ces connaissances”. En 2010, la nouvelle entreprise de M. Donoghue, BrainGate 2, recrute un plus grand nombre de personnes pour un essai de recherche clinique soutenu par l’Institut national de la santé et l’Hôpital général du Massachusetts.
M. Donoghue et les concepteurs du BrainGate ont révolutionné la vie des handicapés moteurs dans le monde, en les aidant à gravir la montagne des possibles une pensée d’espoir après l’autre. Ce cas montre comment la propriété intellectuelle peut s’avérer un avoir très précieux et commercial même pour une entreprise qui n’a pas encore commencé à commercialiser son produit.
Cette étude de cas se fonde sur des informations provenant de: