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Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Crédit Agricole SA contre Cherel Thomas

Litige No. D2019-2298

1. Les parties

Le Requérant est Crédit Agricole SA, France, représenté par Nameshield, France.

Le Défendeur est Cherel Thomas, France.

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le nom de domaine litigieux <ca-mescomptes.com> est enregistré auprès de Google LLC (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par Crédit Agricole SA auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 20 septembre 2019. En date du 20 septembre 2019, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 23 septembre 2019, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige.

Le Centre a vérifié que la plainte réponde bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 25 septembre 2019, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 15 octobre 2019. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 17 octobre 2019, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.

En date du 22 octobre 2019, le Centre nommait Benjamin Fontaine comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

4. Les faits

Le Requérant est Crédit Agricole SA, un opérateur majeur dans la banque de proximité en France, et une des plus grandes banques en Europe. Présent dans tous les métiers de la banque de détail, le Crédit Agricole bénéficie d’une présence territoriale très étendue, avec un réseau de plus de 7 000 agences. Rien que dans la commune où est domicilié le Défendeur, le Requérant dispose de cinq agences opérant sous les marques CRÉDIT AGRICOLE et CA.

Le Requérant invoque notamment les droits de marque suivants à l’appui de sa plainte:

- marque française semi-figurative CA n° 1381908 du 28 novembre 1986;
- marque française semi-figurative CA n° 3454608 du 5 octobre 2006;
- marque internationale semi-figurative CA n° 933604, enregistrée le 23 mars 2007, et produisant notamment ses effets dans l’Union européenne;
- marque de l’Union européenne CA n° 12289071 enregistrée le 11 avril 2014.

Elle exploite par ailleurs le nom de domaine <ca-sa.net>, dont elle est titulaire et qui renvoie les internautes sur son site Internet principal, hébergé à l’adresse <credit-agricole.com>.

Le nom de domaine litigieux, <ca-mescomptes.com>, a été réservé le 9 septembre 2019. Il renvoie sur une page d’attente générée automatiquement.

Les coordonnées du Défendeur ont été confirmées par l’Unité d’enregistrement. Il s’agit de Monsieur Thomas Cherel, domicilié en France. Ce dernier ne s’est pas manifesté dans le cadre de cette procédure, et ses activités ne sont pas connues.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le Requérant invoque en premier lieu une similitude prêtant à confusion entre sa marque CA et le nom de domaine litigieux. Il relève à cet égard que ce nom de domaine reproduit à l’identique sa marque CA, et que l’ajout des termes “mes comptes” “renforce le risque de confusion dans la mesure où l’internaute pourra penser que ce nom de domaine renvoie à un accès à ses comptes bancaires fourni par le Requérant”.

Le Requérant estime en second lieu que le Défendeur n’a ni droit, ni intérêt légitime, attaché au nom de domaine litigieux. Il précise à cet effet que le Défendeur n’est aucunement lié à sa société, et n’a été autorisé d’aucune façon à reproduire sa marque et à l’exploiter. Par ailleurs, aux dires du Requérant, l’affichage d’une page d’attente sous le nom de domaine litigieux démontre que le “titulaire de nom de domaine n’a pas d’intérêt légitime en l’absence de preuve crédible d’usage ou de préparation démontrable d’usage du nom de domaine en lien avec une offre de bonne foi de produits ou de services”.

Enfin au titre de l’enregistrement et de l’utilisation de mauvaise foi, le Requérant estime que le Défendeur avait nécessairement à l’esprit sa marque CA lors du choix du nom de domaine litigieux. Il rappelle que la marque CA est omniprésente dans ses offres de services, et sur son site Internet hébergé à l’adresse <credit-agricole.com>. Ceci est corroboré, aux dires du Requérant, par l’association du sigle CA à l’expression “mes comptes”, qui renvoie directement à ses activités. Enfin, sur l’usage de mauvaise foi, le Requérant expose que “le Défendeur ne démontre aucune activité relative au nom de domaine litigieux, et qu’il est impossible de concevoir un usage actif réel ou envisagé du nom de domaine par le Défendeur qui ne serait pas illégal, par exemple en trompant, en (violation de) la législation sur la protection du consommateur ou en enfreignant les droits du plaignant en vertu du droit des marques”.

B. Défendeur

Le Défendeur n’a pas répondu aux arguments du Requérant.

6. Discussion et conclusions

Le paragraphe 4(a) des Principes directeurs impose au requérant d’apporter la preuve que les trois conditions suivantes sont réunies cumulativement:

- Le nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le requérant a des droits,

- Le défendeur ne dispose d’aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y attache,

- Le nom de domaine est enregistré et utilisé de mauvaise foi.

La Commission administrative examine ci-après le bien-fondé de l’argumentation des parties sur ces trois points.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Il existe en effet une similitude prêtant à confusion entre les marques CA du Requérant, et le nom de domaine litigieux. Puisqu’en effet, ce dernier consiste en l’association de la marque du Requérant, placée en position d’attaque et clairement perceptible, aux termes “mes comptes”, placés en seconde position et séparés de la marque par un trait d’union. En outre, l’adjonction dans le nom de domaine litigieux des termes descriptifs “mes comptes” à la marque du Requérant ne suffit pas à écarter un risque de confusion.

La première condition du paragraphe 4(a) des Principes directeurs est donc remplie.

B. Droits ou intérêts légitimes

Le paragraphe 4(c) des Principes directeurs énumère de manière non-exhaustive un certain nombre de circonstances de nature à établir les droits ou les intérêts légitimes du défendeur sur le nom de domaine telles que:

(i) avant d’avoir eu connaissance du litige, le défendeur a utilisé le nom de domaine ou un nom correspondant au nom de domaine en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services, ou fait des préparatifs sérieux à cet effet;

(ii) le défendeur (individu, entreprise ou autre organisation) est connu sous le nom de domaine litigieux, même sans avoir acquis de droits sur une marque de produits ou de services; ou

(iii) le défendeur fait un usage non commercial légitime ou un usage loyal du nom de domaine sans intention de détourner à des fins lucratives les consommateurs en créant une confusion ni de ternir la marque de produits ou de services en cause.

Comme il est habituel dans la mise en œuvre des Principes directeurs, il suffit au Requérant d’apporter la preuve prima facie que le Défendeur n’a pas de droits ou intérêts légitimes sur le nom de domaine litigieux. Le Défendeur s’étant abstenu de répondre à la plainte, et à défaut d’éléments au dossier pouvant contredire l’argumentaire du Requérant, la Commission administrative confirme que le Défendeur ne peut invoquer en l’espèce de droits ou d’intérêts légitimes sur le nom de domaine litigieux. Cette présomption est d’ailleurs confirmée par les développements ci-après relatifs aux agissements de mauvaise foi du Défendeur.

La seconde condition du paragraphe 4(a) des Principes directeurs est donc également remplie.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Selon le paragraphe 4(b) des Principes directeurs, la réalisation de l’une des circonstances suivantes est susceptible d’établir que le nom de domaine a été enregistré et utilisé de mauvaise foi:

i) les faits montrent que le défendeur a enregistré ou acquis le nom de domaine essentiellement aux fins de vendre, de louer ou de céder d’une autre manière l’enregistrement de ce nom de domaine au requérant qui est le propriétaire de la marque de produits ou de services, ou à un concurrent de celui-ci, à titre onéreux et pour un prix excédant le montant des frais qu’il peut prouver avoir déboursé en rapport direct avec ce nom de domaine;

ii) le défendeur a enregistré le nom de domaine en vue d’empêcher le propriétaire de la marque de produits ou de services de reprendre sa marque sous forme de nom de domaine, et est coutumier d’une telle pratique;

iii) le défendeur a enregistré le nom de domaine essentiellement en vue de perturber les opérations commerciales d’un concurrent; ou

iv) en utilisant ce nom de domaine, le défendeur a sciemment tenté d’attirer, à des fins lucratives, les utilisateurs de l’Internet sur un espace Web ou autre site en ligne lui appartenant, en créant une probabilité de confusion avec la marque du requérant en ce qui concerne la source, le commanditaire, l’affiliation ou l’approbation de son espace ou espace Web ou d’un produit ou service qui y est proposé.

En application des Principes directeurs, le Requérant ne peut obtenir gain de cause qu’à la double condition d’établir que le nom de domaine litigieux a été enregistré de mauvaise foi, et est utilisé de mauvaise foi.

S’agissant en premier lieu de l’enregistrement de mauvaise foi, la Commission administrative estime que le Défendeur ne pouvait ignorer l’existence de la marque CA du Requérant, et son usage en ligne. Deux éléments au moins corroborent cette assertion :

D’abord, la marque CA du Crédit Agricole est utilisée depuis des décennies dans toutes les agences du Requérant, ainsi que sur ses sites Internet. Il n’est pas inutile de rappeler que le Requérant dispose d’un réseau de plus de 7 000 agences, dont cinq sont localisées dans la ville où demeure le Défendeur. La marque CA du Requérant est notoirement connue, et le Défendeur ne pouvait raisonnablement l’ignorer.

Ensuite, le Défendeur a associé la marque CA à une expression, “mes comptes”, qui se rapporte directement aux activités du Défendeur. Pour l’ensemble du public, le premier métier d’une banque de détail consiste à ouvrir et administrer des comptes en banque. Et naturellement la clientèle entend pouvoir accéder à ses comptes en ligne, avec des accès fournis par leurs banques. Ainsi, confronté au nom de domaine litigieux, le public ne peut que croire que celui-ci héberge un site Internet permettant d’accéder aux compte bancaires administrés par le Requérant. En définitive, au-delà de la présomption de connaissance de la marque CA liée à son usage ancien et notoire, son association à l’expression “mes comptes” apporte la preuve positive de la connaissance de la marque du Requérant par le Défendeur.

S’agissant en second lieu de l’utilisation de mauvaise foi, la Commission administrative estime que les arguments exposés par le Requérant sont à nuancer quelque peu. En effet, on ne peut déduire automatiquement de l’absence d’usage d’un nom de domaine qui n’a été enregistré qu’il y a quelques jours une détention passive de mauvaise foi.

En revanche, il est clair qu’il est difficile d’envisager un usage de bonne foi du nom de domaine litigieux, tant celui-ci est susceptible de tromper le public. Bien entendu, le secteur bancaire est particulièrement sensible à la fraude en ligne, et un nom de domaine tel que celui de l’espèce est susceptible d’être utilisé par exemple pour des opérations de “phishing”, via la création d’adresses email. Sur ce point, le Requérant invoque utilement des décisions rendues dans des cas d’espèce similaires, et nous pouvons citer ici l’extrait suivant de la décision rendue dans l’affaire Crédit Agricole SA, Caisse Régionale De Crédit Agricole Mutuel Sud-Méditerranée contre Data Privacy Protected / Alex Riera, Litige OMPI No. D2019-1704: “compte tenu des risques de fraude dans le domaine bancaire, des Commissions administratives prennent en compte la possibilité qu’un nom de domaine litigieux inexploité au moment où la décision statuant sur la plainte est rendue, puisse néanmoins être utilisé ultérieurement de manière frauduleuse pour attirer ou tenter d’attirer les internautes en créant une probabilité de confusion avec le Requérant”. Rappelons, enfin, que cette hypothèse est expressément envisagée dans la Synthèse des avis des commissions administratives de l’OMPI sur certaines questions relatives aux principes UDRP, troisième édition, section 3.3.

La mauvaise foi du Défendeur est donc caractérisée, et partant la troisième et dernière condition du paragraphe 4(a) des Principes directeurs est également satisfaite. Le Requérant est bien fondé à solliciter le transfert du nom de domaine litigieux à son profit.

7. Décision

Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <ca-mescomptes.com> soit transféré au Requérant.

Benjamin Fontaine
Expert Unique
Le 28 octobre 2019