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Centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI

DÉCISION DE L'EXPERT

RSP Rail Service Partner SA contre RESO Holding SA

Litige No. DCH2017-0013

1. Les parties

Le Requérant est RSP Rail Service Partner SA de Lausanne, Suisse, représenté par Keller & Dutoit Avocats Sàrl, Suisse.

Le Défendeur est RESO Holding SA (devenu Duvoisin-Groux SA) de Bussigny, Suisse, représenté par Fluri & Associés, Suisse.

2. Le nom de domaine

Le différend concerne le nom de domaine <rspsa.ch>.

3. Rappel de la procédure

Une demande a été déposée par RSP Rail Service Partner SA auprès du Centre d'arbitrage et de médiation de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le "Centre") en date du 11 septembre 2017.

En date du 11 septembre 2017, le Centre a adressé une requête au registre SWITCH, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. En date du 12 septembre 2017, SWITCH a confirmé que la partie adverse est bien le détenteur du nom de domaine et a transmis ses coordonnées.

Le Centre a vérifié que la plainte répondait bien aux exigences des Dispositions relatives à la procédure de règlement des différends pour les noms de domaine .ch et .li (ci-après "les Dispositions") adoptées par SWITCH, registre du .ch et du. li, le 1er mars 2004.

Conformément au paragraphe 14 des Dispositions, le 4 octobre 2017, une transmission de la demande valant ouverture de la présente procédure, a été adressée à la partie adverse. Conformément au paragraphe 15(a) des Dispositions, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 24 octobre 2017.

Par courrier électronique en date du 24 octobre 2017, la partie adverse a formulé une demande visant à prolonger le délai imparti pour déposer une réponse. Le Centre a informé les parties le 26 octobre 2017, par courrier électronique, que le délai de réponse était prolongé jusqu'au 30 octobre 2017.

Le 30 octobre 2017, la partie adverse a déposé une réponse à la demande. En outre, dans un courrier électronique du 21 novembre 2017, la partie adverse a exprimé sa volonté de ne pas prendre part à une audience de conciliation conformément au paragraphe 15(d) des Dispositions.

Aucune audience de conciliation n'a eu lieu dans le délai spécifié au paragraphe 17(b) des Dispositions.

En date du 22 novembre 2017, le Centre nommait dans le présent différend comme expert Anne-Virginie La Spada-Gaide. L'expert constate qu'il a été désigné conformément aux Dispositions. L'expert a adressé au Centre une déclaration d'acceptation et une déclaration d'impartialité et d'indépendance, conformément au paragraphe 4 des Dispositions.

4. Les faits

Le Requérant, RSP Rail Service Partner SA, est une société anonyme inscrite au registre du commerce du canton de Vaud depuis le 16 mars 2009.

Le Défendeur, RESO Holding SA, est une société anonyme inscrite au registre du commerce du canton de Vaud depuis le 6 juillet 1989. Par contrat de fusion du 16 juin 2017, cette société a repris les actifs et passifs de la société Duvoisin-Groux SA et a également changé sa raison sociale pour prendre le nom de Duvoisin-Groux SA. La modification de la raison sociale a été inscrite au registre du commerce le 28 juin 2017. Le nom actuel du Défendeur est donc Duvoisin-Groux SA. Cette modification n'a pas été effectuée auprès du registre SWITCH.

La société RSP Rail Service Partner SA a été fondée par les sociétés RESO Holding SA et Montagnes Energie Sàrl SA. Lors de sa création, la société RSP Rail Service Partner SA était donc détenue à 50 pour cent par la société RESO Holding SA et à 50 pour cent par la société Montagnes Energie Sàrl.

La société RESO Holding SA détenait également la société Duvoisin-Groux SA (avec laquelle elle a fusionné en 2017). La société Montagnes Energie Sàrl détenait la société Sajet SA.

Les sociétés Sajet SA, Duvoisin-Groux SA, CGS Sàrl et RSP Rail Service Partner SA formaient le consortium RSP.

En date du 12 janvier 2009, la société Teti Sàrl a enregistré le nom de domaine <rspsa.ch> auprès du registraire Gandi au nom de RESO Holding, M. Jean Bucher (ce dernier étant à l'époque administrateur de RESO Holding SA avec signature individuelle). La société Teti Sàrl était gérée par M. Gaspard Bucher, fils de M. Jean Bucher.

Le 27 novembre 2014, les sociétés faisant partie du consortium RSP ont décidé de dissoudre ledit consortium et de mettre fin à ses activités pour le 31 décembre 2014. Les droits et obligations résultant de la dissolution du consortium ont été réglés par divers contrats datés du 19 décembre 2014. En particulier, par une convention de vente d'actions du 19 décembre 2014, RESO Holding SA a vendu la totalité de ses actions dans la société RSP Rail Service Partner SA à Montagnes Energie Sàrl qui est alors devenue seule propriétaire de la société RSP Rail Service Partner SA.

Ces documents contractuels ne font pas mention du nom de domaine litigieux.

Entre le 6 mai 2015 et le 29 mars 2017, des mandataires du Requérant ont eu de nombreux échanges de courriers électroniques avec le Défendeur, sa filiale Duvoisin-Groux SA, la société Teti Sàrl et le registraire Gandi en vue du transfert du nom de domaine litigieux au Requérant. Il ressort de ces courriers électroniques que jusqu'en mars 2017, le Défendeur était d'accord de transférer le nom de domaine litigieux au Requérant, le transfert lui-même buttant néanmoins sur des obstacles techniques.

Ainsi par exemple, par courrier électronique du 26 mai 2015 à l'un de ses collègues, M. Pierre Bernet, responsable QSE de Duvoisin-Groux SA, demande que l'on relance RSP pour "finaliser le transfert de la propriété du nom de domaine". Le 29 janvier 2016, M. Jean Bucher, administrateur du Défendeur jusqu'au 1er juillet 2015 et signataire des contrats du 19 décembre 2014, transmet un email du registraire concernant le renouvellement du nom de domaine litigieux à MM. John et David Joray, administrateurs du Requérant, en leur demandant "d'effacer [ses] coordonnées et de mettre les [leurs]". Dans un courrier électronique du 30 janvier 2017, M. Jean-Pierre Mitard, administrateur directeur du Défendeur avec signature individuelle, confirme qu'il adressera au registraire un courrier électronique confirmant que la propriété du nom de domaine <rspsa.ch> doit être transférée au Requérant.

Le Requérant a payé le renouvellement du nom de domaine litigieux en janvier 2016 et janvier 2017.

Finalement, par lettre du 1er juin 2017, RESO Holding SA, par le biais de son Conseil, s'est opposée au transfert du nom de domaine à RSP Rail Service Partner SA.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Selon le Requérant, le nom de domaine <rspsa.ch> a été créé et enregistré pour les besoins de la société RSP Rail Service Partner SA. Par conséquent, cette société est en droit de le récupérer et ce pour les raisons suivantes.

Premièrement, le Requérant dispose d'un droit attaché à un signe distinctif car sa raison sociale "RSP Rail Service Partner SA" est protégée par le droit suisse en vertu des articles 951 et 956 du Code des obligations suisse ("CO"). Dans la mesure où le nom de domaine <rspsa.ch> fait référence à la société RSP Rail Service Partner SA, cette dernière a le droit d'utiliser le nom de domaine à titre préférentiel par rapport aux autres sociétés mêlées à cette affaire.

Deuxièmement, le Requérant estime que le refus de transférer le nom de domaine litigieux viole les articles 28 et 29 du Code civil suisse ("CC"). En effet, comme le nom de domaine contient les initiales de la société requérante, il appartient à cette dernière de l'utiliser.

Troisièmement, le Requérant considère que le comportement de RESO Holding SA viole les articles 2 et 3 al. 1 lit. d de la Loi fédérale sur la concurrence déloyale ("LCD") car un nom de domaine est un signe distinctif. Il doit donc suffisamment se différencier des signes distinctifs appartenant à d'autres personnes et son utilisation doit répondre au principe de loyauté. Le Requérant craint que l'utilisation du nom de domaine et d'adresses email "xxx@rspsa.ch" créent une confusion sur l'expéditeur auprès des destinataires. En refusant de transférer le nom de domaine au Requérant, le Défendeur viole ces dispositions de la LCD.

Pour finir, le Requérant estime que le comportement de RESO Holding SA, qui subitement s'oppose au transfert du nom de domaine en juin 2017 alors que cela faisait depuis mai 2015 que ses dirigeants œuvraient en vue de le transférer au Requérant, est contraire à la bonne foi.

B. Défendeur

Premièrement, selon le Défendeur, la demande du Requérant est irrecevable au motif que la société RESO Holding SA n'existerait plus, cette dernière ayant changé de raison sociale avec effet au 28 juin 2017.

Deuxièmement, selon le Défendeur, RESO Holding SA avait enregistré le nom de domaine <rspsa.ch> pour le consortium RSP, dont RSP Rail Service Partner SA faisait partie au même titre que d'autres sociétés. De ce fait, le Défendeur estime que le nom de domaine litigieux faisait référence au nom du consortium. Comme le consortium a été dissout, il n'y a pas de raison que le Requérant récupère ce nom de domaine.

De plus, comme le nom de domaine litigieux contient uniquement les termes "RSP SA" et non pas l'entier de la raison sociale du Requérant, ce dernier n'est pas empêché d'enregistrer un autre nom de domaine plus proche de sa raison de commerce.

Troisièmement, le Défendeur soulève que lorsqu'il a vendu ses parts de la société RSP Rail Service Partner SA à Montagnes Energie Sàrl en décembre 2014, les parties avaient signé une déclaration selon laquelle elles n'avaient plus aucune prétention l'une contre l'autre. Selon le Défendeur, cette convention est opposable au Requérant. De plus, la convention en question prévoit que les tribunaux vaudois seront compétents en cas de litiges. Par conséquent, le Défendeur conteste également la compétence du Centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI.

Quatrièmement, le Défendeur relève que les personnes employées par RESO Holding SA n'avaient pas la capacité de prendre l'engagement de transférer le nom de domaine litigieux à RSP Rail Service Partner SA et invoque par conséquent l'erreur essentielle.

De plus, selon le Défendeur, le Requérant savait qu'il n'avait aucun droit sur ce nom de domaine en raison de la convention, et a profité de divers changements au sein de RESO Holding SA pour essayer d'obtenir le transfert du nom de domaine en faisant passer ledit transfert pour une simple opération technique.

Finalement, le Défendeur considère que c'est le Requérant qui agit de manière contraire aux articles 2 et 3 al. 1 lit. d LCD en voulant s'approprier le passé du consortium RSP.

6. Discussion et conclusions

Aux termes du paragraphe 24(a) des Dispositions, "l'expert statue sur la demande en se fondant sur les allégués des deux parties et les documents écrits déposés, dans le respect des présentes dispositions."

Selon le paragraphe 24(c) des Dispositions, l'expert fait droit à la demande lorsque l'enregistrement ou l'utilisation d'un nom domaine constitue clairement une infraction à un droit attaché à un signe distinctif attribué au Requérant selon le droit suisse ou du Liechtenstein.

Selon le paragraphe 24(d) des Dispositions, il y a clairement infraction à un droit en matière de propriété intellectuelle notamment lorsque:

i. aussi bien l'existence du droit attaché à un signe distinctif invoqué que son infraction résultent clairement du texte de la loi ou d'une interprétation reconnue de la loi et des faits exposés, et qu'ils ont été prouvés par les moyens de preuve déposés; et que

ii. la partie adverse n'a pas exposé et prouvé des raisons de défense importantes de manière concluante; et que

iii. l'infraction, selon la demande en justice formulée, justifie le transfert ou l'extinction du nom de domaine.

I. Recevabilité

Le fait que la société RESO Holding SA ait changé de raison sociale ne rend pas la demande irrecevable. En effet, selon le registre du commerce, la société RESO Holding SA a repris les actifs et passifs de la société Duvoisin-Groux SA, selon contrat de fusion du 16 juin 2017 et bilan au 31 décembre 2016. Puis, la société RESO Holding SA a procédé à un changement de raison sociale pour s'appeler Duvoisin-Groux SA. Les changements susmentionnés n'ont pas altéré l'existence ou la forme juridique du Défendeur, mais uniquement sa raison sociale. Le fait qu'elle ait été incorrectement nommée dans la requête est sans effet sur la recevabilité de celle-ci.

Le Défendeur invoque également que le Centre serait incompétent pour connaître du litige relatif au nom de domaine <rspsa.ch>, au motif que la convention de vente d'actions du 19 décembre 2014 contient une clause d'élection de for en faveur des tribunaux vaudois. L'expert est d'avis que cet argument n'est pas pertinent en l'espèce car le Requérant n'était pas partie à cette convention qui liait Montagnes Energie Sàrl et RESO Holding SA. Le Requérant n'est donc pas tenu par cette clause de for. La question de savoir s'il est possible de se soustraire à une procédure de règlement de litige pour les noms de domaine .ch et .li par contrat peut de ce fait rester ouverte.

Selon le contrat d'enregistrement du nom de domaine litigieux auprès du registraire Gandi ainsi que l'article 2 des Dispositions relatives à la procédure de règlement des différends pour les noms de domaine .ch et .li, l'expert considère que le Centre est l'instance compétente pour résoudre ce litige.

II. Au fond

A. Le Requérant a-t-il un droit attaché à un signe distinctif selon le droit de la Suisse ou du Liechtenstein?

Le Requérant est titulaire de la raison sociale RSP Rail Service Partner SA. Cette raison sociale est inscrite au registre du commerce depuis le 16 mars 2009 et bénéficie de la protection de l'art. 956 CO. Le Requérant peut donc se prévaloir d'un droit attaché à un signe distinctif selon le droit suisse et dispose d'un droit exclusif à utiliser sa raison de commerce.

Le Requérant peut également, selon le droit suisse, se prévaloir d'un droit au nom bénéficiant de la protection de l'art. 29 al. 2 du Code civil.

B. L'enregistrement ou l'utilisation du nom de domaine constitue-t-il clairement une infraction à un droit attaché à un signe distinctif attribué au Requérant selon le droit de la Suisse ou du Liechtenstein?

a) Infraction claire au droit à la raison sociale du Requérant

Selon l'article 956 al. 1 CO, l'inscription au registre du commerce d'une raison sociale confère à son ayant droit son usage exclusif. Aux termes de l'article 956 al. 2 CO, "celui qui subit un préjudice du fait de l'usage indu d'une raison de commerce peut demander au juge d'y mettre fin et, s'il y a faute, réclamer des dommages et intérêts".

Selon le Tribunal fédéral, sont prohibés non seulement l'usage d'une raison de commerce identique à celle sur laquelle le titulaire a un droit exclusif, mais aussi l'utilisation d'une raison semblable, qui ne se différencie pas suffisamment de celle inscrite au point de créer un risque de confusion (ATF 131 III 572 c.3). Le risque de confusion est examiné de manière identique pour l'ensemble du droit des signes distinctifs (ATF 126 III 239 c. 3a).

L'art. 956 CO protège une raison de commerce contre l'usage d'un signe identique ou similaire à titre de raison de commerce. Constitue un usage à titre de raison de commerce tout usage d'un signe distinctif qui se trouve en relation immédiate avec l'activité commerciale, comme par exemple l'utilisation du signe dans des répertoires d'adresse ou son inscription sur des papiers d'affaires (ATF 131 III 572 c. 3). Dès que le signe peut être compris comme désignant une entreprise ou société, il faut admettre qu'il est utilisé comme raison de commerce (Ivan Cherpillod, in Commentaire romand - Code des Obligations II, 2ème édition, Bâle 2017, ad art. 956 CO N 3). La question de savoir si l'utilisation de l'élément distinctif d'une raison de commerce dans un nom de domaine tombe sous le coup de l'art. 956 al. 2 CO n'a pas encore été tranchée dans un arrêt du Tribunal fédéral. L'expert estime cependant qu'un nom de domaine, lorsqu'il est utilisé comme adresse d'un site Internet, peut être compris comme une désignation de l'entreprise qui exploite le site, et donc comme un usage à titre de raison de commerce (voir Tribunal d'arrondissement de Lausanne, sic! 2002, p. 55), de sorte que l'art. 956 CO est applicable.

En ce qui concerne l'examen du risque de confusion, bien que le nom de domaine litigieux ne soit pas identique à la raison de commerce du Requérant, il en contient l'élément distinctif de tête "RSP", lequel correspond aux initiales des termes "Rail Service Partner", ainsi que la forme juridique de la société, soit "SA". Le fait que le nom de domaine litigieux contienne ces deux éléments porte atteinte à la capacité d'individualisation de la raison de commerce. Du fait de la ressemblance entre le nom de domaine litigieux et la raison sociale du Requérant, l'usage du nom de domaine <rspsa.ch> par le Défendeur, que ce soit comme adresse d'un site Internet, ou dans des adresses email, engendrerait un risque de confusion, ce d'autant plus que le Requérant et le Défendeur sont des sociétés concurrentes, sises dans le même périmètre géographique (Lausanne et Bussigny respectivement).

b) Infraction claire au droit au nom du Requérant

Subsidiairement aux droits liés à la raison de commerce, le droit au nom au sens de l'article 29 al. 2 CC peut être invoqué lorsqu'un "élément caractéristique de la raison de commerce est utilisé par un tiers, par exemple comme titre de revue, comme désignation de produits ou comme nom de domaine […]" (Ivan Cherpillod, in Commentaire romand - Code des Obligations II, 2ème édition, Bâle 2017, ad art. 956 CO N 16).

Selon le Tribunal fédéral, "la fonction d'identification des noms de domaine a pour conséquence qu'ils doivent se distinguer suffisamment des signes distinctifs appartenant à des tiers et protégés par un droit absolu, tel le droit au nom" (ATF 128 III 353 c. 3).

Aux termes de l'art. 29 al. 2 CC, celui qui est lésé par une usurpation de son nom peut intenter action pour la faire cesser. Il n'est pas nécessaire que l'entier du nom ne soit repris pour qu'il y ait usurpation de nom au sens de l'art. 29 CC, mais il suffit que la partie principale de ce nom soit reprise pour qu'un risque de confusion soit créé (ATF 128 III 353 c. 4). Selon la jurisprudence, "l'usage du nom d'autrui porte atteinte à un intérêt digne de protection lorsque l'appropriation du nom entraîne un danger de confusion ou de tromperie ou que cette appropriation est de nature à susciter dans l'esprit du public, par une association d'idées, un rapprochement qui n'existe pas en réalité entre le titulaire du nom et le tiers qui l'usurpe sans droit" (ATF 128 III 353 c. 4).

En l'espèce et pour les mêmes raisons que celles développées ci-dessus, l'expert considère que le nom de domaine litigieux est suffisamment similaire au nom du Requérant pour qu'il existe un risque de confusion. En effet, si le Défendeur devait utiliser le nom de domaine litigieux comme adresse de site Internet ou dans des adresses emails, le Requérant pourrait légitimement craindre que le public puisse penser à tort que les produits ou services proviennent d'une même entreprise ou d'entreprises économiquement liées (Alain Alberini/Kevin Guillet, L'incidence du contenu de site Internet dans les litiges en matière de noms domaine, in Sic! 2012, p.305, 310).

c) Le Défendeur n'a pas fait valoir de moyen de défense concluant

Premièrement, Défendeur allègue que le nom de domaine litigieux a été enregistré en son nom et qu'il en est donc le titulaire.

A cet égard, l'expert relève que la date d'enregistrement du nom de domaine litigieux (soit le 12 janvier 2009) a précédé de peu la date de l'inscription du Requérant RSP Rail Service Partner SA au registre du commerce (16 mars 2009). Il se peut que le nom de domaine litigieux ait été enregistré pour le bénéfice du consortium RSP dont le Défendeur faisait partie, mais la présence de la mention SA dans le nom de domaine litigieux pourrait suggérer un enregistrement au bénéfice du Requérant. Autrement dit, le Défendeur aurait à l'époque effectué l'enregistrement du nom de domaine à titre fiduciaire, pour le compte de la nouvelle société à créer. Cette question peut néanmoins rester ouverte compte tenu de ce qui suit.

Deuxièmement, le Défendeur se prévaut d'une disposition de la convention de vente d'actions du 19 décembre 2014 (par laquelle RESO Holding SA a vendu la totalité de ses actions de la société RSP Rail Service Partner SA à Montagnes Energie Sàrl) faisant obligation à Montagnes Energie Sàrl et RSP Rail Service Partner SA de remettre au Défendeur une déclaration selon laquelle ces deux sociétés n'auraient plus aucune prétention à faire valoir contre RESO Holding SA à quelque titre que ce soit. Selon le Défendeur, cette déclaration serait opposable à Rail Service Partner SA et l'empêcherait de requérir le transfert du nom de domaine litigieux. Le dossier ne permet pas de savoir si cette déclaration a été remise. Cependant, au vu de l'objet de cette convention, il est douteux qu'elle s'applique à la question du droit sur le nom de domaine litigieux, dont il n'est d'ailleurs fait aucune mention.

Quoi qu'il en soit, la correspondance relative aux modalités de transfert du nom de domaine litigieux que les parties ont échangée entre mai 2015 et mars 2017 montre que le Requérant et le Défendeur étaient d'accord sur le principe d'un transfert du nom de domaine. M. Jean Bucher, signataire de la convention du 19 décembre 2014 pour le Défendeur, est l'auteur de courriers électroniques indiquant clairement son accord avec le transfert, ce qui tend à confirmer que ladite convention (et la déclaration de renonciation à toute prétention qu'elle prévoyait) ne concernait pas le nom de domaine dans l'esprit des parties. Le principe du transfert a encore été confirmé le 30 janvier 2017 et le 29 mars 2017 par M. Mitard, administrateur directeur du Défendeur avec signature individuelle. L'expert considère donc qu'il était de la volonté des parties, dont RESO Holding SA, que ce soit au moment de la conclusion de la convention en décembre 2014 ou ultérieurement, de procéder au transfert du nom de domaine litigieux en faveur de RSP Rail Service Partner SA.

Enfin, le Défendeur soutient que le nom de domaine litigieux avait été enregistré pour le bénéfice du consortium RSP, et reproche au Requérant de vouloir "s'approprier … le passé du Consortium RSP et d'en tirer avantage". Selon le Défendeur, le transfert du nom de domaine au Requérant créerait un risque de confusion auprès du public qui pourrait être mené à penser que le nom de domaine se réfère au consortium et non pas à RSP Rail Service Partner SA.

Selon l'expert, cet argument n'est pas convainquant. Dès lors que le Requérant n'a pas modifié sa raison de commerce suite à la dissolution du consortium RSP, et exerce toujours ses activités sous la raison de commerce qui était la sienne à l'époque où le Défendeur en était actionnaire, on voit mal en quoi l'usage du nom de domaine litigieux créerait un danger de confusion supplémentaire par rapport à l'usage de la raison de commerce du Requérant. L'expert relève que les accords du 19 décembre 2014 ne prévoyaient pas de modification de la raison de commerce du Requérant. Les parties s'accommodaient donc de la poursuite de l'usage de cette raison de commerce malgré la dissolution du consortium.

Au vu de ce qui précède, le Défendeur ne fait donc pas valoir un moyen de défense important de manière concluante.

7. Décision

Pour les raisons énoncées ci-dessus, et conformément au paragraphe 24 des Dispositions, l'expert ordonne le transfert du nom de domaine <rspsa.ch> au profit du Requérant.

Anne-Virginie La Spada-Gaide
Expert
Le 6 décembre 2017