La marque Cal Earth (image reproduite avec l’aimable autorisation de l’OHMI)
M. Nader Khalili (1936 2008) a assuré tour à tour les fonctions d’architecte, d’enseignant et d’inventeur de la méthode de construction connue sous le nom de SuperAdobe. La méthode innovante de M. Khalili est inspirée de la philosophie de Rûmi – poète mystique du XIIIe siècle – et des modes architecturaux ancestraux du Proche Orient que M. Khalili avait découverts à la faveur d’un périple de cinq ans en moto à travers son pays, la République islamique d’Iran. En combinant la philosophie de Rûmi sur la nature avec des méthodes de construction ancestrales ainsi qu’une technologie et un savoir-faire modernes, M. Khalili a transformé ses idées innovantes en techniques de construction.
Grâce à son invention facile à utiliser, écologique et peu coûteuse, les nouveaux bâtiments préservent l’environnement et améliorent de façon radicale la qualité de vie d’un nombre incalculable de personnes dans le monde entier.
Fondations d’une structure SuperAdobe (photo reproduite avec l’aimable autorisation de Cal Earth)
Fondée sur le système d’habitations humaines ancestrales, mais simples, SuperAdobe – également connue sous le nom de système superblocs – consiste à empiler les unes sur les autres des couches constituées de sacs remplis de sable bien tassés. Ces sacs sont solidement réunis dans une structure en forme de dôme à l’aide de fil de fer barbelé. Pour assurer une stabilité supplémentaire, les structures ou blocs d’adobe (un matériau constitué d’argile séchée au soleil ou de briques en terre crue) sont maintenus ensemble avec du ciment, de la chaux ou une émulsion d’asphalte. La structure constituée de blocs d’adobe est simple, mais solide et résistante aux inondations, aux incendies, aux ouragans et aux tremblements de terre. Elle assure une isolation contre la chaleur et le froid, et peut être construire rapidement par des hommes, des femmes et des enfants.
Pour transformer son idée en un projet viable, M. Khalili a fait appel à la NASA (administration nationale de l’aéronautique et de l’espace) aux États-Unis d’Amérique pour obtenir un appui dans le domaine de la recherche-développement. La NASA était un partenaire consentant, car elle souhaitait installer des habitats simples, mais sûrs sur la lune et la planète Mars.
En 1984, M. Khalili a présenté son idée à l’occasion d’un colloque de la NASA (“Lunar Bases and Space Activities of the 21st Century”). La présentation de l’architecte s’intitulait “Magma Structures” (structures magmatiques) et s’appuyait sur le Système Geltaftab (un système dans lequel la structure terrestre tout entière est considérée comme un four, qui est chauffé pour former une masse monolithique) et sur “Velcro Adobe” (qui est ensuite devenu SuperAdobe).
M. Khalili a participé à d’autres activités de recherche-développement dans différentes institutions, y compris au Laboratoire national de Los Alamos au Nouveau Mexique (États-Unis d’Amérique) et avec le Space Studies Institute de l’université de Princeton. En collaboration avec les laboratoires de McDonnell Douglas Space Systems, l’architecte a exploré des moyens d’exploiter l’énergie solaire pour faire fondre et fusionner de la poussière lunaire afin de la modeler et de lui donner des formes pouvant servir aux applications du bâtiment.
En 1986, M. Khalili a poursuivi ses travaux de recherche-développement en créant la Fondation Geltaftan (“Gel” signifie “argile” et “taftan” signifie “chauffer, cuire et façonner l’argile” en langue persane) dont l’objectif est de construire des maisons en céramique avec de la terre. En 1991, l’entrepreneur a fait de sa fondation une nouvelle organisation de charité à but non lucratif – le California Institute of Earth Art and Architecture (Cal Earth) – où il a enseigné la technique de construction SuperAdobe, basée sur les principes de la philosophie de Rûmi (tel que l’unité des éléments (“Yekta i Arkan”)).
Cal Earth s’appuie sur trois principes : 1) le droit au logement est un droit fondamental; 2) tout être humain devrait être en mesure de construire sa propre maison; et 3) le meilleur moyen de fournir des logements à une population humaine de plus en plus nombreuse est de construire des maisons avec de la terre. Bien qu’à l’origine, M. Khalili ait mis l’accent sur des édifices en céramique dans lesquels un grand feu était allumé, à Cal Earth, l’attention a été recentrée sur des structures construites avec des sacs de sable, qui ont donné lieu à la création de la structure SuperAdobe.
Des prototypes de SuperAdobe ont été réalisés et soumis avec succès à des essais en vue de leur construction dans la ville de Hesperia en Californie (États-Unis d’Amérique), et ont satisfait aux normes fixées pour le secteur du bâtiment – Uniform Building Code – en Californie (une région réputée pour ses tremblements de terre).
Un abri SuperAdobe typique est composé d’un dôme de 2,4 à 3 mètres de diamètre à l’intérieur et d’une superficie au sol d’environ 10 m2 au plus. Cette technique résiste aux tremblements de terre, aux incendies, aux inondations et aux ouragans. Sa masse thermique (qui absorbe la chaleur dans les climats chauds et la libère dans les climats froids) crée un environnement confortable grâce aux méthodes architecturales anciennes et durables, adaptées à des conditions climatiques difficiles comme celles de l’Iran.
Étant donné que les abris SuperAdobe sont faciles à réaliser, conformes aux conditions de sécurité et garantissent une température chaude ou fraîche, ils sont utilisés dans les pays en développement et pour procurer en urgence un toit, notamment, aux personnes déplacées par les guerres et les catastrophes naturelles.
Une structure SuperAdobe typique (photo reproduite avec l’aimable autorisation de Cal Earth)
Dans leurs activités, les membres de Cal Earth appliquent la philosophie selon laquelle les bâtiments écologiques, économiquement viables et durables sont non seulement possibles, mais également souhaitables. Se servant de la poésie de Rûmi comme d’un guide éthique, l’organisation s’appuie sur des ressources naturelles de base (terre, eau, air et feu) et sur des principes de construction simples (arcs, voûtes et dômes) pour créer des structures SuperAdobe. Selon Cal Earth, ces abris et ces maisons devraient être faciles à construire de façon à ce que tout homme, femme ou enfant puisse, à l’aide d’instructions de base, construire un abri presque n’importe où sur Terre – et sur d’autres planètes.
À cette fin, l’organisation fournit des outils pédagogiques (DVD et livres) relatifs aux arts de l’environnement et à l’architecture, et forme les apprenants par le biais d’ateliers et de séminaires sur la construction, tenus aux États-Unis d’Amérique et à l’étranger. Habituellement, les ateliers visent à montrer aux participants comment construire un bâtiment avec des matériaux de construction légers, mais souples et qui peuvent être fabriqués sur place. Par exemple, les sacs de sable peuvent être remplis à l’aide de petites boîtes, telles qu’une boîte de café, ou d’autres ustensiles de cuisine. Les structures SuperAdobe sont composées d’arcs, de dômes et de voûtes traditionnels, de terre ou de sacs de sable et de fil de fer barbelé (à quatre points, deux brins et fil galvanisé recyclable) assemblés par des structures de compression en coque à simple et à double courbure, en vue d’atteindre le niveau de solidité le plus élevé. En outre, des techniques de construction modernes telles que l’isolation des fondations (qui consiste à séparer les fondations de la superstructure) ou l’aérodynamique sont utilisées pour faire face aux problèmes liés à l’environnement, comme les tremblements de terre ou les ouragans violents. Ainsi, la construction des structures SuperAdobe est fondée sur une approche dans laquelle aucun arbre n’est utilisé. Au lieu d’abattre des arbres, les bâtiments en adobe sont construits avec de la boue et de la terre. Cette même méthode peut servir à la construction de silos, de cliniques et d’écoles, ainsi qu’à fabriquer des éléments pour l’aménagement paysager ou à construire des infrastructures, telles que des barrages, des citernes, des routes et des ponts, et enfin à stabiliser le littoral et les cours d’eau.
Par ailleurs, SuperAdobe constitue une contribution importante aux efforts destinés à réduire les risques qui pèsent sur la santé publique en raison des conditions de logement médiocres dans les zones exposées aux catastrophes. De fait, en 2011, le rapport de la Stratégie internationale de prévention des catastrophes – le Rapport d’évaluation mondial sur la réduction des risques de catastrophes (Global Risk Assessment Report on Disaster Risk Reduction (GAR)) – a souligné le risque de catastrophes, telles que des cyclones et des tremblements de terre, qui menace des pays du monde entier. Ayant recensé des pays à faible produit intérieur brut (ou PIB, valeur commerciale de l’ensemble des biens et services d’un pays) parmi les pays les plus exposés à ces catastrophes, le Rapport présente plusieurs recommandations concernant les pays les plus vulnérables, y compris la République de Haïti, la République islamique du Pakistan et la République socialiste du Viet Nam. L’une des principales recommandations pour la gestion de la prévention des catastrophes incitait les gouvernements à “améliorer les bâtiments et les décisions relatives à l’utilisation de terrains, par rapport au renforcement des bâtiments qui ne répondent pas aux normes de sécurité, au déménagement des établissements humains menacés vers des sites moins dangereux ou l’élaboration d’une mesure de réduction des risques”. Étant donné que la résistance des structures SuperAdobe aux catastrophes naturelles a été testée avec succès, que ces structures sont faciles à construire et économiques, Cal Earth estime que cette technique peut largement réduire les risques – liés aux catastrophes naturelles – et protéger ainsi la santé de millions de personnes du monde entier qui vivent dans des logements de qualité médiocre.
Par ailleurs, Cal Earth s’efforce de limiter le plus possible les effets sur l’environnement des matériaux utilisés pour construire des maisons. Pour construire des maisons, l’organisation utilise à la fois des sacs biodégradables et résistants aux UV (ultraviolets) qui ne contiennent pas de produits chimiques toxiques (contrairement aux sacs tissés en jute naturel). Les bâtiments SuperAdobe permanents sont renforcés avec du plâtre pour prévenir l’érosion, tandis que les structures temporaires sont conçues pour se décomposer et – à terme – se remêler à la terre.
Exemple de l’intérieur d’un SuperAdobe Earth One Home (photo reproduite avec l’aimable autorisation de Cal Earth)
Ayant conscience que son invention permettrait de venir en aide aux populations pauvres et vulnérables dans le monde, M. Khalili a cherché à la protéger contre toute exploitation commerciale dans la mesure où celle-ci serait susceptible d’interdire à ceux qui en ont besoin d’y accéder. “La mission que je me suis fixée ces 25 dernières années a été de fournir un abri aux personnes qui ne peuvent pas se le payer. Mais cette idée doit être protégée, car de nombreux systèmes de construction sont lancés à l’intention des pauvres, mais prennent progressivement un caractère trop commercial pour que ceux-ci puissent en bénéficier”, a-t-il déclaré.
Comme M. Khalili souhaitait que les gens pauvres bénéficient gratuitement de son invention, tout en faisant en sorte qu’elle puisse faire l’objet d’une licence d’exploitation commerciale, en 1998, l’inventeur a déposé une demande de brevet auprès de l’Office des brevets et des marques des États-Unis d’Amérique (USPTO).
Désirant diffuser sa technologie SuperAdobe dans le monde entier, tout en la protégeant contre les usurpateurs, M. Khalili a également déposé une demande internationale de brevet au titre du système du Traité de coopération en matière de brevets (PCT) en 1999.
Afin de s’implanter sur de nouveaux marchés et de commercialiser ses produits sans exposer son nom de marque aux usurpateurs, l’organisation a déposé la marque Cal Earth™ auprès de l’USPTO en 2004 et auprès de l’Office pour l’harmonisation dans le marché intérieur (OHMI), en 2010. En outre, Cal Earth détient tous les droits d’auteur concernant ses conceptions et dessins architecturaux. Ayant établi une stratégie globale en matière de propriété intellectuelle, Cal Earth a été en mesure d’explorer de nouvelles possibilités de commercialisation et d’expansion dans le monde entier, notamment dans le Royaume hachémite de Jordanie (Jordanie), le Commonwealth d’Australie (Australie) et les États Unis du Mexique (Mexique).
Conscient des possibilités commerciales offertes par une marque solide, Cal Earth lance plusieurs marques de construction et une gamme de vêtements et d’accessoires représentant ses dessins et modèles et sa philosophie. Outre la structure de base de SuperAdobe même, Cal Earth a créé deux nouvelles marques de construction en adobe.
Eco Dome ou “moon cocoon” (et Double Eco Dome) est un modèle de petite maison qui consiste en un dôme central entouré de quatre niches de plus petite taille en forme de trèfle. Des lots de construction d’Eco Dome peuvent être commandés en ligne pour les personnes souhaitant construire une maison elles-mêmes. D’un autre côté, Earth One Home est une structure en trois voûtes qui permet d’avoir une vue la plus dégagée possible grâce aux espaces ouverts de la maison.
Cal Earth vend également des t-shirts et des chapeaux élégants portant le logo de l’organisation, ainsi que des livres écrits par M. Khalili et des DVD sur l’inventeur.
Rangée de SuperAdobes destinées à loger des communautés (photo reproduite avec l’aimable autorisation de Cal Earth)
L’idée de M. Khalili concernant un logement décent, accessible et bon marché pour tous a exalté l’imagination d’individus du monde entier. L’inventeur et visionnaire, M. Khalili, a reçu plusieurs prix et mentions pour ses contributions à la technologie et à la société, notamment : le “Prix d’excellence dans le domaine de la technologie” du California Council of the American Institute of Architects (CCAIA, 1984); le prix du “logement des sans abris” de l’ONU et du Ministère du logement et de l’aménagement urbain des États-Unis d’Amérique (1987); ainsi que des mentions de la NASA, du Réseau Aga Khan de développement et de l’Association d’ingénieurs civils des États-Unis d’Amérique (pour ses travaux dans le domaine de la technologie de construction adaptée à une base lunaire).
De plus, en 1993, à la suite d’une crise de réfugiés qui ont afflué en Iran, M. Khalili a collaboré avec l’ONU et le Gouvernement iranien afin d’apprendre aux réfugiés à construire des abris grâce à la technologie SuperAdobe. En quelques jours, les abris SuperAdobe, dont le prix ne dépassait pas les 625 dollars É.-U., ont poussé comme des champignons.
Les lots et instructions de construction d’Eco Dome sont, par ailleurs, vendus à l’unité au prix de 2400 dollars É.-U. pour un élément (environ 42,2 m2) et de 3200 dollars É.-U. pour deux éléments (environ 84,4 m2), et sont disponibles sur Internet. Cal Earth a célébré son vingt-cinquième anniversaire en 2011, et l’organisation continue de transmettre la vision de son fondateur en organisant des ateliers mensuels sur la technologie et les méthodes de construction SuperAdobe partout dans le monde. Comme l’a dit M. Khalili : “SuperAdobe est un adobe tiré de l’Histoire et adapté à notre siècle, tel un cordon ombilical reliant l’adobe traditionnel à l’adobe futur”.
En utilisant la terre, l’air, le feu et l’eau, M. Khalili a reconnu que chaque poignée de terre pouvait être transformée en logement, abriter une communauté et soutenir l’environnement. L’architecte a breveté sa technologie pour qu’elle soit distribuée et commercialisée au profit des pauvres, montrant ainsi que l’obtention d’une contrepartie financière n’est pas la seule raison pour laquelle les inventeurs peuvent souhaiter protéger leurs inventions par des droits de propriété intellectuelle.
Cette étude de cas se fonde sur des informations provenant de: