Rapport Intérimaire relatif au 23 décembre 1998 |
1. LInternet, les noms de domaine et le processus de consultations de lOMPI
2. Comment éviter que ne se creuse le fossé entre le cyberespace et le reste du monde : pratiques visant à limiter les conflits nés de lenregistrement de noms de domaine
3. Règlement des conflits dans un monde organisé selon le principe de la territorialité mais doté dun moyen de communication planétaire : procédures uniformes de résolution des litiges
4. Le problème de la notoriété : marques renommées et notoires
5. Nouveaux domaines génériques de premier niveau : quelques considérations dans la perspective de la propriété intellectuelle
A-I. Groupe dexperts désignés par lOMPI
A-II. Liste des gouvernements, organisations et particuliers ayant envoyé des commentaires officiels
A-III. Information statistique concernant la participation au processus de consultations de lOMPI sur les noms de domaine de lInternet
A-IV. Liste des États parties à la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle
A-V. Liste des États parties à lOrganisation mondiale du commerce (OMC) et liés par lAccord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC)
1. LINTERNET, LES NOMS DE DOMAINE ET LE PROCESSUS
DE CONSULTATIONS DE LOMPI
LInternet
LInternet peut être tout simplement décrit comme un réseau de réseaux ou, mieux encore, comme le réseau des réseaux. Cela étant, cette simple description technique nest pas suffisamment éloquente pour évoquer le rôle déterminant que joue lInternet dans la manière dont nous communiquons les uns avec les autres, dont nous nous exprimons, dont nous apprenons, dont nous faisons des affaires et dont nous dialoguons sur le plan culturel. Compte tenu des changements considérables que nous pressentons, il semble difficile de se contenter dune simple définition technique.
Nous ne sommes pas encore en mesure de décrire avec précision le phénomène social que constitue lInternet ni la raison pour laquelle il est en train de nous transformer. Nous pouvons néanmoins souligner certaines caractéristiques de lInternet qui permettent de se faire une idée du caractère particulier et de limportance du phénomène. Six particularités peuvent ainsi être citées :
- Un nombre de plus en plus important de personnes à travers le monde estiment avoir intérêt à être connectées à lInternet. Selon les estimations, de 1990 à 1997, le nombre dutilisateurs de lInternet est passé denviron 1 million à environ 70 millions. Par ailleurs, ce nest pas parce que cest aux États-Unis dAmérique que lon trouve limmense majorité des utilisateurs de lInternet, que le reste de la planète ne sy intéresse pas. Entre 1993 et 1996, le nombre dhôtes Internet a augmenté denviron 600% en Europe. Au cours de la même période, la croissance du nombre dhôtes Internet en Afrique et en Asie est passée à environ 840% pour chacune de ces régions.
- La connexion à lInternet, et donc la possibilité de profiter des avantages quil offre, est de plus en plus abordable à moindre coût. Les infrastructures de télécommunication saméliorent constamment et le coût du matériel informatique ne cesse de diminuer. Selon les estimations, les foyers et les établissements denseignement équipés dun ordinateur sont passés denviron 36 millions en 1992 à 118 millions en 1997. Loin dêtre élitiste, lInternet est un moyen de communication populaire.
- En raison de son caractère populaire, lInternet est polyvalent. Les techniques numériques permettent toutes les formes dexpression texte, son et image susceptibles dêtre exprimées en numération binaire. Le Web, élément fondamental de lInternet, a fourni linterface graphique et les protocoles de liens hypertextes permettant à toutes ces formes dexpression dêtre mises en commun sur lInternet. En conséquence, lInternet est désormais utilisé dans le cadre de lensemble des activités humaines : recherche, éducation, communication sociale, politique, loisirs et commerce.
- LInternet ne dispose pas dorganisme central exerçant une autorité ou un contrôle quelconque. Comparé à dautres institutions sociales, il sest développé de manière spontanée et autonome. Son développement technique sest conformé à des protocoles mis en place dans le cadre de processus de décision participatifs par des organismes tels que lInternet Engineering Task Force (IETF) et ses sous-commissions et lInternet Assigned Numbers Authority (IANA). Cela étant, aucun organisme central doté dun quelconque pouvoir réglementaire na légiféré de façon spécifique au sujet de lInternet.
- LInternet transcende les frontières nationales. Les utilisateurs peuvent y accéder de nimporte quel endroit dans le monde. Grâce aux techniques de commutation de paquets, linformation peut traverser plusieurs pays avant datteindre sa destination. Il sagit dun moyen de communication mondial transposé dans un système dont lhistoire a privilégié la séparation physique des territoires sur lesquels sexercent des autorités différentes.
- LInternet nest réglementé que dans ses grandes lignes. Il nest soumis quà des lois et réglementations générales applicables dans les divers pays de la planète. Mais, jusquà présent, il y a peu dexemples dinstances législatives nationales se penchant de manière spécifique sur lInternet et aucun instrument international nest conçu de manière spécifique pour réglementer lInternet.
Plusieurs conséquences, en termes délaboration des politiques relatives à lun ou lautre aspect du fonctionnement de lInternet, découlent de ses caractéristiques particulières. Le fait que lInternet ne relève pas du principe de territorialité et quil soit polyvalent signifie inévitablement quun grand nombre dintérêts divers seront en jeu dans diverses parties du monde en cas de tentative délaboration de politiques spécifiques. Il convient dêtre particulièrement prudent et de veiller à ce quaucune politique élaborée pour servir un intérêt spécifique ou répondre à une fonction particulière, nait de conséquence démesurée ou ne constitue une gêne inconsidérée pour dautres intérêts ou dautres fonctions.
Le système des noms de domaine
Le système des noms de domaine (DNS) a pour fonction principale de faciliter la navigation des utilisateurs sur lInternet. Il remplit ce rôle à laide de deux éléments : le nom de domaine et ladresse IP (Internet Protocol) correspondante. Le nom de domaine est ladresse conviviale dun ordinateur, que lon trouve généralement sous une forme facile à mémoriser ou à identifier, comme par exemple www.wipo.int. Ladresse IP est ladresse numérique unique dun ordinateur donné, comme par exemple 192.91.247.53. Des bases de données réparties contiennent les listes des noms de domaine et des adresses numériques correspondantes et permettent de faire le lien entre le nom de domaine et ladresse IP pour connecter les ordinateurs qui le demandent à lInternet. Le DNS est organisé de manière hiérarchique, ce qui permet une gestion décentralisée de la mise en correspondance des noms
et des adresses. Cest grâce à cette nouvelle caractéristique que de nouveaux ordinateurs peuvent être connectés à lInternet à une vitesse extraordinaire et quune bonne résolution de noms peut être réalisée.
Le DNS est géré par lIANA, conformément aux principes décrits dans la demande de commentaires (RFC) 1591 de mars 1994. Le DNS se fonde sur une hiérarchie de noms de domaine. Au sommet de la hiérarchie viennent les domaines de premier niveau, qui sont habituellement divisés en deux catégories : les domaines génériques de premier niveau (gTLD) et les domaines de premier niveau qui sont des codes de pays (ccTLD).
On compte actuellement sept TLD génériques. Trois de ces TLD ne sont pas réservés, au sens où aucune restriction nempêche des particuliers ou des organismes dy enregistrer des noms. Ces trois TLD génériques sont .com, .net et .org. Les quatre autres TLD génériques sont réservés, au sens où seuls certains organismes qui répondent à certains critères peuvent y enregistrer des noms. Il sagit de .int, réservé aux organisations internationales; .edu, réservé aux écoles supérieures qui délivrent des diplômes sanctionnant quatre années détude et aux universités; .gov, réservé aux organismes dépendants du Gouvernement fédéral des États-Unis dAmérique; et .mil, qui est réservé à larmée des États-Unis dAmérique.
On compte actuellement 249 ccTLD. Chacun de ces domaines se compose dun code de pays à deux lettres qui découle de la norme 3166 de lOrganisation internationale de normalisation (ISO 3166), comme par exemple .au (Australie), .br (Brésil), .ca (Canada), .eg (Égypte), .fr (France), .jp (Japon) et .za (Afrique du Sud). Certains de ces domaines ne sont pas réservés, au sens où aucune restriction nempêche des particuliers ou des organismes dy être enregistrés. Dautres sont réservés, au sens où seuls des particuliers ou des organismes qui répondent à certains critères (par exemple avoir son domicile dans le territoire concerné) peuvent y enregistrer des noms.
Sur le plan du fonctionnement, il ny a aucune différence entre les gTLD et les ccTLD. Un nom de domaine enregistré dans un ccTLD présente exactement la même connectivité quun nom de domaine qui est enregistré dans un TLD générique. De même, il est inexact daffirmer que les TLD génériques ne sont pas réservés alors que les ccTLD le seraient. Comme il a été indiqué ci-dessus, certains gTLD et certains ccTLD ne sont pas réservés, leur utilisation nétant soumise à aucune restriction, alors que dautres le sont, leur utilisation étant réservée à des particuliers ou à des organismes qui répondent à certains critères.
À la date de publication du présent rapport intérimaire, près de 4,8 millions de noms de domaine ont été enregistrés partout dans le monde. Sur ce total, environ 1,4 million de noms de domaine ont été enregistrés dans les ccTLD. On compte environ 70 000 nouveaux enregistrements par semaine.
La transmutation des noms de domaine
Les noms de domaine ont été conçus pour assurer une fonction technique dune façon conviviale pour les utilisateurs de lInternet. Lobjectif est de faire en sorte quune adresse facile à mémoriser et à identifier soit attribuée aux ordinateurs, sans quil soit nécessaire davoir recours aux adresses IP. Cest cependant précisément parce quils sont faciles à mémoriser et à identifier que les noms de domaine ont acquis peu à peu la fonction de signes distinctifs des entreprises ou des particuliers. Compte tenu de lessor des activités commerciales sur lInternet, les noms de domaine font désormais partie intégrante de lensemble des moyens utilisés par les entreprises pour se faire connaître ainsi que pour faire connaître leurs produits et leurs activités. Il est désormais courant que les annonces publicitaires publiées ou diffusées dans les médias mentionnent une adresse Internet, parallèlement à dautres moyens didentification et de communication, tels que le nom de lentreprise, la marque et les numéros de téléphone et de télécopieur. Cependant, alors quun numéro de téléphone ou de télécopieur se compose dune série anonyme de chiffres sans autre signification, le nom de domaine, conçu précisément pour être facile à mémoriser et à identifier, véhicule souvent une signification liée au nom, à la marque, aux produits ou aux services dune entreprise.
La propriété intellectuelle
La propriété intellectuelle consiste en une série de droits sur les créations intellectuelles et sur certaines formes de signes distinctifs. Dune manière générale, lexistence des droits de propriété intellectuelle se fonde sur deux principes de base. Le premier réside dans la promotion de la création intellectuelle. Cest sur ce principe de base que repose lexistence des brevets, des dessins et modèles industriels et du droit dauteur. Un brevet, un dessin ou modèle industriel ou un droit dauteur confère au titulaire le droit exclusif dempêcher autrui dexploiter sa création, quil sagisse dune invention, dun dessin ou modèle ou dune uvre littéraire ou artistique. Ce droit exclusif permet au titulaire dêtre récompensé pour linvestissement quil a consenti à des fins de création originale et constitue donc une incitation à investir à nouveau dans la mise au point de créations intellectuelles. Le second principe de base réside dans la volonté dassurer le fonctionnement harmonieux du marché et déviter le désordre et la fraude. Cest sur ce principe de base que repose lexistence des marques, des droits sur les indications géographiques et de la protection contre la concurrence déloyale. Une marque permet aux consommateurs didentifier lorigine dun produit et détablir un lien entre le produit et son fabricant sur des marchés où les produits sont largement distribués. Le droit exclusif dutiliser la marque permet au titulaire dempêcher autrui dinduire les consommateurs en erreur en les amenant à établir un lien entre des produits et une entreprise dont ils ne proviennent pas.
La propriété intellectuelle est devenue un élément central de la politique économique et culturelle dans un monde où la source de la richesse est de plus en plus intellectuelle, par opposition aux éléments matériels et au capital, et dans lequel les marchés sont omniprésents. En devenant membre de lOMPI, 171 États ont reconnu limportance de la promotion de la protection de la propriété intellectuelle. Bon nombre de ces États ont aussi accédé à une partie ou à la totalité des 16 autres traités multilatéraux administrés par lOMPI, qui constituent un cadre international pour chacun des droits qui constituent la propriété intellectuelle ou des systèmes dobtention dune protection dans plusieurs pays à la fois. De plus, les 133 États qui sont membres de lOrganisation mondiale du commerce (OMC) ont adhéré à un code complémentaire global de protection de la propriété intellectuelle dans le cadre de lAccord sur les aspects des droits de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce (lAccord sur les ADPIC).
La propriété intellectuelle na pas seulement trait à la création de droits mais également à la définition de la portée de ces droits et de leurs liens avec dautres domaines dintérêt général. Cest dans le cadre de la propriété intellectuelle, par exemple, que lon définit la limite entre le détournement déloyal et injustifié de créations intellectuelles ou de signes distinctifs dentreprises dune part et leur utilisation équitable, ou expérimentale et non commerciale, et justifiée dautre part. Cest également dans le cadre de la propriété intellectuelle que lon cherche à réduire les tensions éventuelles entre la politique relative à la concurrence et la politique relative à la propriété intellectuelle. La définition de la portée des droits de propriété intellectuelle et de leurs liens avec dautres domaines dintérêt général fait lobjet dune jurisprudence et dune législation quil a fallu des décennies pour mettre au point à travers le monde.
Le processus de réorganisation de la gestion du système des noms de domaine
Lorganisation et la gestion du système des noms de domaine font lobjet depuis deux ans et demi de débats intensifs partout dans le monde. Ces débats sont inspirés par la volonté dinstitutionnaliser la gestion du système des noms de domaine de telle sorte que le système puisse sadapter à la croissance de la circulation sur lInternet et être administré de façon stable, fiable, compétitive et ouverte, compte tenu des intérêts de toutes les parties prenantes de lInternet.
Les travaux du Comité international ad hoc (IAHC), qui ont abouti à la publication le 4 février 1997 dun rapport final contenant des recommandations pour ladministration et la gestion des TLD génériques, ont commencé au début de ces débats. Les recommandations avaient pour objet daméliorer la gestion et le fonctionnement des TLD génériques et dassurer un certain équilibre entre les préoccupations concernant la stabilité de lenvironnement de travail, la poursuite de la croissance continue et les opportunités commerciales dune part et les contraintes légales dautre part.
Le 1er juillet 1997, au titre du cadre pour le commerce électronique mondial publié par son administration, M. William Clinton, président des États-Unis dAmérique, a donné instruction au ministre du commerce de privatiser le système des noms de domaine de manière à stimuler la concurrence et à faciliter la participation internationale à ladministration du système. Le Ministère du commerce des États-Unis dAmérique a publié le 2 juillet 1997 une demande de commentaires concernant ladministration du système des noms de domaine. Il y demandait lavis du public sur des questions touchant le cadre global de ladministration du système des noms de domaine, la création de nouveaux domaines de premier niveau, les principes à suivre pour les unités denregistrement des noms de domaine et la protection des marques.
Le 30 janvier 1998, se fondant sur les commentaires reçus, la National Telecommunications and Information Administration (NTIA), qui relève du Ministère américain du commerce, publiait, afin de recevoir des observations, une proposition visant à améliorer la gestion technique des noms et adresses Internet (le "Livre vert"). Le Livre vert soumettait à la réflexion un certain nombre de mesures liées à la gestion du système des noms de domaine, parmi lesquelles la création par le secteur privé dune nouvelle société située aux États-Unis dAmérique et administrée par un conseil dadministration reflétant la diversité fonctionnelle et géographique de lInternet et de ses utilisateurs.
Au terme de la période impartie pour la formulation de commentaires, la NTIA a publié, le 5 juin 1998, sa déclaration de politique sur la gestion des noms et des adresses de lInternet (le "Livre blanc"). Le Livre blanc a confirmé lappel qui figurait dans le Livre vert à la création dune nouvelle société privée à but non lucratif chargée de coordonner les différentes fonctions du système des noms de domaine au bénéfice de lensemble de lInternet. On peut y lire ce qui suit :
"Le Gouvernement des États-Unis tient à une transition qui permette au secteur privé de jouer un rôle prépondérant dans la gestion du DNS. La plupart des commentateurs partagent cet objectif. Des organisations internationales peuvent procurer des services dexperts particuliers ou agir à titre consultatif auprès de la nouvelle société mais les États-Unis restent convaincus, comme la plupart des commentateurs, que ni un gouvernement national agissant souverainement ni une organisation intergouvernementale agissant en qualité de représentante de gouvernements ne doivent participer à la gestion des noms et adresses de lInternet. Bien entendu, les gouvernements ont présentement, et continueront davoir, compétence pour gérer leurs TLD nationaux ou arrêter leur politique en la matière."
À la suite de la publication du Livre blanc, un processus a été déclenché et a abouti à la création de lInternet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN). Des statuts ont été adoptés pour lICANN et un directeur, un président et un conseil dadministration ont été désignés à titre provisoire suite aux discussions qui ont accompagné le processus en question sur le plan international. Les statuts, la composition du conseil dadministration, ainsi que dautres documents pertinents concernant lICANN sont disponibles sur le site web de lICANN dont ladresse est www.icann.org.
Le processus de consultations de lOMPI : interface entre le système des noms de domaine et la propriété intellectuelle
Linterface entre les noms de domaine en tant quadresses Internet et la propriété intellectuelle ou, dune manière plus spécifique, les marques et autres droits didentité reconnus tels quils existaient dans le monde avant larrivée de lInternet, forme la trame des discussions et des consultations concernant la gestion du DNS. Il est désormais évident quune tension considérable est involontairement née entre, dune part, les adresses Internet faciles à utiliser, qui véhiculent une certaine signification et qui sont utilisées à des fins didentification et, dautre part, les droits didentité reconnus dans le monde matériel, qui consistent en marques et autres droits liés à lidentification des entreprises, le domaine en pleine expansion des droits liés à la personnalité de personnages réels ou de fiction et les indications géographiques. Le premier système (le DNS) est géré, dans une large mesure, par le secteur privé et donne lieu à des enregistrements qui aboutissent à une présence planétaire, accessible de nimporte où dans le monde. Lautre système le système des droits de propriété intellectuelle est géré par des organismes publics, selon le principe de la territorialité, et donne naissance à des droits qui ne peuvent être exercés que dans un territoire spécifique. À cet égard, la rencontre entre le DNS et le système de propriété intellectuelle ne constitue quun des exemples du phénomène plus important que constitue la rencontre entre un moyen de communication mondial à travers lequel des informations circulent sans tenir compte des frontières et des systèmes historiques fondés sur le principe de la territorialité et qui émanent de lautorité souveraine de territoires donnés.
La tension qui découle de la nature de chacun des deux systèmes sest trouvée exacerbée par un certain nombre de pratiques de pillage et de parasitisme qui consistent, pour certains individus, à exploiter labsence dadéquation entre les objectifs qui ont présidé à la création du DNS et ceux qui sous-tendent lexistence du système des droits de propriété intellectuelle. Ces pratiques consistent notamment à enregistrer délibérément et de mauvaise foi des marques notoires ou autres en tant que noms de domaine, afin de pouvoir vendre ces noms de domaine aux propriétaires des marques en question ou tout simplement de tirer un avantage déloyal de la réputation associée à ces marques.
Les recommandations de lIAHC tenaient compte de la tension qui existait entre les noms de domaine et les droits de propriété intellectuelle et portaient notamment sur des procédures spécifiques de résolution des litiges en la matière. Dans son Livre blanc, le Gouvernement américain limitait ses recommandations aux caractéristiques auxquelles il souhaitait que la gestion du DNS réponde et à la période de transition précédant le transfert de ladite gestion à la nouvelle société. En ce qui concerne la propriété intellectuelle, le Livre blanc contient le passage suivant :
"Le Gouvernement des États-Unis recherchera un soutien international pour inviter lOrganisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) à engager un processus équilibré et transparent, auquel participeront les propriétaires de marques et les membres de la communauté de lInternet qui ne sont pas propriétaires de marques, afin 1) de faire des recommandations pour une méthode uniforme de résolution des litiges entre marques et noms de domaine impliquant la "cyberpiraterie" (par opposition aux litiges résultant dun conflit de droits entre propriétaires légitimes de marques, 2) de recommander un processus pour la protection des marques notoires dans les domaines génériques de premier niveau et 3) dévaluer, sur la base détudes menées par des organisations indépendantes telles que le Conseil national de la recherche de lAcadémie nationale des sciences, les effets de laddition de nouveaux TLD génériques, et des procédures de règlement des litiges sy rapportant, sur les propriétaires de marques et autres titulaires de droits de propriété intellectuelle. Ces conclusions et recommandations pourront être soumises au conseil dadministration de la nouvelle société pour quil les prenne en considération dans le cadre du développement de sa politique concernant les unités et les services denregistrement et pour lintroduction de nouveaux TLD génériques."
Depuis la publication du Livre blanc, lOMPI a reçu lapprobation de ses États membres pour lancer le processus international demandé dans ledit Livre blanc et a pris des mesures en conséquence.
Le déroulement du processus de consultations de lOMPI
Différentes étapes. Le processus de consultations de lOMPI sur les noms de domaine de lInternet se compose de trois étapes.
La première étape avait pour objet daboutir à un consensus sur les questions à examiner au cours du processus de consultations, sur les procédures à utiliser et sur le calendrier à respecter. À cette fin, une demande de commentaires (WIPO RFC-1) a été publiée le 8 juillet 1998, assortie dun délai pour la réception des commentaires fixé au 24 août 1998. Les trois points mentionnés dans le Livre blanc, à savoir, la résolution uniforme des litiges, un mécanisme pour la protection des marques renommées et lévaluation des conséquences pour les droits de propriété intellectuelle de laddition de nouveaux TLD génériques, étaient évoqués en détail dans le document WIPO RFC-1, en tant que thèmes de réflexion du processus de consultations. Un autre élément, que lOMPI estime approprié dans ce contexte, était également mentionné, à savoir, la prévention des litiges ou les pratiques applicables à la gestion du DNS afin de réduire lincidence des conflits entre noms de domaine et droits de propriété intellectuelle. Soixante-six gouvernements, organisations intergouvernementales, associations professionnelles, sociétés et particuliers ont envoyé des commentaires en réponse au document WIPO/RFC-1.
La deuxième étape du processus de consultations de lOMPI a consisté à demander des commentaires et à organiser des consultations sur des questions définies au terme de lexamen des commentaires reçus en réponse au document WIPO/RFC-1. À cette fin, une deuxième demande de commentaires (WIPO/RFC-2) a été publiée le 16 septembre 1998, assortie dun délai pour la réception des commentaires fixé au 6 novembre 1998. Soixante-douze gouvernements, organisations intergouvernementales, associations professionnelles, sociétés et particuliers ont envoyé des commentaires en réponse au document WIPO/RFC-2. Par ailleurs, des consultations régionales ont été organisées afin de débattre des questions à létude et de recevoir des commentaires à ce sujet. Au total, 848 personnes ont participé à ces consultations. Cent cinquante cinq dentre elles ont présenté des exposés ou sont intervenues dans les débats. On trouvera ci-après un tableau des consultations qui ont été organisées dans ce cadre :
|
Participation (approx.) |
Exposés/ Interventions |
San Francisco (Californie États-Unis dAmérique) | 35 |
22 |
Bruxelles (Belgique) | 98 |
13 |
Washington (États-Unis dAmérique) | 45 |
15 |
Mexico (Mexique) | 85 |
12 |
Le Cap (Afrique du Sud) | 30 |
12 |
Asunción (Paraguay) | 160 |
18 |
Tokyo (Japon) | 75 |
8 |
Hyderabad (Inde) | 69 |
10 |
Budapest (Hongrie) | 85 |
10 |
Le Caire (Égypte) | 86 |
20 |
Sydney (Australie) | 80 |
15 |
Total |
848 |
155 |
La troisième étape du processus de lOMPI consiste à publier le présent rapport intérimaire et à le soumettre à des commentaires, dans le cadre dune troisième demande de commentaires (WIPO RFC-3) et dune nouvelle série de consultations régionales. Le calendrier proposé pour la prochaine série de consultations régionales est le suivant :
Ville |
Date |
Toronto (Canada) | 19 janvier 1999 |
Singapour | 22 janvier 1999 |
Rio de Janeiro (Brésil) | 2 février 1999 |
Dakar (Sénégal) | 10 février 1999 |
Bruxelles (Belgique) | 17 février 1999 |
Washington (États-Unis dAmérique) | (à préciser) |
Au terme de la période prévue pour la réception des commentaires et les consultations régionales, cest-à-dire à la fin du mois de mars 1999, il est prévu de publier un rapport final, qui sera transmis à lICANN et qui fera lobjet dun rapport aux États membres de lOMPI.
Modalités. Dans le cadre du processus de consultations, lOMPI a utilisé trois formules différentes pour solliciter la participation du plus grand nombre possible de parties intéressées au niveau international :
- Le site web (http://wipo2.wipo.int) que lOMPI a ouvert en français, en anglais et en espagnol est le premier outil destiné à véhiculer linformation concernant le processus de consultations. Outre le fait que linformation et les documents concernant le processus de consultations sont publiés sur ce site web, celui-ci permet aux personnes intéressées de sinscrire pour recevoir les communications relatives à lévolution du processus. À ce jour, quelque 1007 personnes ou organisations de 70 pays différents se sont inscrites à ce titre. Le site contient également le texte de tous les commentaires reçus en réponse aux deux demandes de commentaires (WIPO RFC-1 et RFC-2). Il propose de plus un forum de discussion ouvert à serveur de liste. La liste, qui nest pas limitée, a pour objet de permettre aux parties intéressées de débattre librement de léventail le plus large possible des questions qui se posent en rapport avec le processus de consultations de lOMPI. Les contributions au serveur de liste ne sont pas considérées officiellement comme des commentaires en réponse aux RFC. À lheure actuelle on compte 325 abonnés au serveur de liste.
- Compte tenu du fait que, même si lInternet est un moyen de communication mondial, tout le monde ny a pas accès, lOMPI a également publié sur papier chacune des demandes de commentaires quelle a diffusées sur le Web et les a envoyées aux gouvernements et aux offices de propriété industrielle de chacun de ses États membres, ainsi quà toutes les organisations non gouvernementales ayant le statut dobservateur auprès de lOMPI.
- Comme mentionné plus haut, lOMPI a également voulu organiser, en complément des consultations sur lInternet et sur papier, diverses consultations régionales.
Groupe dexperts. Afin de lassister dans le cadre du processus de consultations, lOMPI a constitué un groupe dexperts chargé de la conseiller en vue de la formulation de recommandations. La composition du groupe dexperts répond à la volonté de respecter un équilibre géographique ainsi quun équilibre entre les différents secteurs qui portent un intérêt à lInternet. Le nom des membres du groupe dexperts, ainsi que des organisations auxquelles ils appartiennent figurent à lannexe I. LOMPI souhaite officiellement exprimer sa profonde gratitude aux membres du groupe dexperts pour leurs conseils et les efforts quils ont déployés sans relâche pour aider de manière constructive le Secrétariat à mettre au point des recommandations réalisables et acceptables en ce qui concerne linterface entre les noms de domaine et la propriété intellectuelle. Le présent rapport intérimaire ne relève cependant que de la responsabilité de lOMPI et tous les experts ne souscrivent pas nécessairement à chacune des recommandations quil contient.
Principes directeurs régissant la formulation des recommandations dans le cadre du processus de consultations de lOMPI
Avant de passer aux questions examinées au cours du processus de consultations de lOMPI et aux recommandations provisoires formulées en la matière, il convient de décrire les principes méthodologiques qui ont été retenus pour la formulation de ces recommandations. Ces principes sont au nombre de six.
Compte tenu de la nature planétaire de lInternet et des nombreuses et diverses fins auxquelles il est utilisé, lOMPI sest efforcée de mettre au point un processus qui soit international et qui permette la participation de tous les secteurs intéressés par lutilisation et lévolution de lInternet. Sil est vrai que le mandat de lOMPI a trait à la protection de la propriété intellectuelle, on saccorde à reconnaître que celle-ci ne peut être considérée isolément, en dehors du contexte du moyen de communication mondial et polyvalent que constitue lInternet.
On saccorde aussi à reconnaître que lobjectif du processus de consultations de lOMPI nest pas de créer de nouveaux droits de propriété intellectuelle, ni daccorder une plus grande protection à la propriété intellectuelle dans le cyberespace quailleurs. En revanche, lobjectif consiste à mettre en application, de manière adéquate, les normes existantes de protection de la propriété intellectuelle reconnues multilatéralement, dans le contexte de lInternet ce nouveau moyen de communication qui transcende les frontières et qui savère dune importance vitale et du DNS, qui est chargé de contrôler le trafic sur lInternet. Le processus de consultations de lOMPI est conçu pour trouver des procédures qui permettront déviter laffaiblissement ou la remise en cause involontaire des politiques et des règles reconnues en matière de protection de la propriété intellectuelle.
À linverse, il ne faudrait pas que la volonté daccorder une protection adéquate aux normes reconnues de propriété intellectuelle aboutisse à une remise en cause dautres droits reconnus, tels que les droits garantis par la Déclaration universelle des droits de lhomme, ou ait des conséquences négatives sur ces droits.
Limportance centrale de lInternet et sa capacité à servir les intérêts divers dun ensemble rapidement croissant dutilisateurs sont fondamentales. En conséquence, il a fallu constamment garder à lesprit la nécessité de veiller à ce que les recommandations découlant du processus de consultations de lOMPI soient applicables et à ce que le fonctionnement de lInternet ne soit pas entravé par des contraintes qui pèseraient trop lourdement sur les nombreuses opérations automatisées des organismes responsables de lenregistrement des noms de domaine.
La nature dynamique des techniques qui sont à lorigine du développement de lInternet a également été prise en compte. Il faut en effet veiller à ce que les recommandations découlant du processus de consultations ne limitent ni nentravent lévolution technique future de lInternet.
LOMPI a reçu mandat de formuler des recommandations concernant certaines questions de propriété intellectuelle dans les gTLD. Comme on la vu plus haut, il ny a pas de différence de fonctionnement entre les gTLD et les ccTLD. La différence essentielle réside dans le fait que lon saccorde à reconnaître que lutilisation et la gestion des ccTLD relèvent de la compétence nationale des États auxquels ils ont trait. Tout en respectant cette différence fondamentale et, en conséquence, tout en admettant les limites formelles de ses recommandations, lOMPI estime que les recommandations contenues dans le présent rapport sont applicables à tous les TLD "non réservés" dans lesquels des noms de domaine peuvent être enregistrés sans restriction, achetés et vendus. Compte tenu des possibilités daccès au monde entier que suppose lenregistrement dun nom de domaine dans nimporte quel TLD, lOMPI estime que le respect des droits de propriété intellectuelle existants justifie que lon examine la possibilité dappliquer les recommandations du présent rapport à tous les TLD non réservés.
[1] David N. Townsend, "Regulatory Issues for Electronic Commerce: Briefing Report", rapport du huitième colloque réglementaire de lUnion internationale des télécommunications, 1998, page 8; Global Internet Project, Internet Foundations: Breaking Technology Bottelnecks, http://www.gip.org, page 4.
[2] World Information Technology and Services Alliance (WITSA), Digital PlanetThe Global Information Economy, octobre 1998, page 21, selon laquelle 61,9% des hôtes Internet de la planète sont aux États-Unis dAmérique.
[3] Global Internet Project, op.cit., page 1.
[4] Ibid.
[5]WITSA, op.cit. page 20
[6] "Les adresses Internet ne disposent pas dune localisation fixe. Elles sont purement virtuelles. Il nexiste aucun office central. Les routeurs qui dirigent les paquets de données vers des adresses auxquelles ils sont destinés à une vitesse qui varie entre 100 000 et 500 000 bits/seconde ne peuvent connaître que le prochain point logique dans la table dacheminement et le circuit vers lextérieur qui est disponible pour véhiculer le paquet de données. Les paquets de données sont libres de traverser la planète à travers des circuits innombrables pour aboutir à des sites récepteurs non déterminés du point de vue géographique. La technique permet de réassembler les paquets de données dans le bon ordre et veille à ce quils soient affectés le moins possible par des erreurs de données." John R. Mathiason et Charles C. Kuhlman, Université de New York, "International Public Regulation of the Internet: Who Will Give You Your Domain Name?", mars 1998, http://www.intlmgt.com/domain.html.
[7] http://wipo.isi.edu/. Un certain nombre dautres RFC ont également permis de disposer de conseils pour ladministration du DNS.
[8] Lattribution dun code de pays à un domaine par lIANA nentraîne pas la reconnaissance du statut de territoire désigné par un code de pays. Comme il est indiqué dans la RFC 1591, "lIANA nest pas chargée de décider ce qui constitue ou non un pays".
[9] Statistiques provenant de Netnames Ltd., http://www.domainstats.com.
[10] http://www.gtld-mou.org/draft-iahc-recommend-00.html.
[11] Les RFC, le Livre vert et les commentaires reçus en réponse à ces documents figurent sur le site http://www.ntia.doc.gov.
[12] http://www.ntia.doc.gov/ntiahome/domainename/6_5_98dns.htm.
[13] Le Ministère du commerce des États-Unis dAmérique et lICANN ont récemment conclu un mémorandum daccord avec lintention de coordonner la transition en cours dans le cadre de la gestion du DNS; voir le site http://www.ntia.doc.gov/ntiahome/domainname/icann-memorandum.htm.
[14] À la réunion des assemblées des États membres en septembre 1998, voir les documents A/33/4 et A/33/8.
[15] Voir lannexe II.
[16] Voir lannexe II.
[17] Voir lannexe III.
[18] Voir lannexe III.
[19] Voir les commentaires de : Communauté européenne et ses États membres (3 novembre 1998 - RFC-2); M. Philip Sheppard de lAssociation des industries de marques (AIM) (consultation de Bruxelles); Mme Sally Abel de lInternational Trademark Association (consultation de San Francisco). Ces commentaires figurent sur le site web du processus de consultations de lOMPI. Dans les notes en bas de chapitre, les renvois à des commentaires ne sont pas exhaustifs.
[20] Voir les commentaires de : Domain Name Rights Coalition (6 novembre 1998 - RFC-2); Electronic Frontier Foundation (6 novembre 1998 - RFC-2); M. R.A. Reese (consultation de San Francisco).
[21] Voir les commentaires de : Communauté européenne et ses États membres (3 novembre 1998 - RFC-2); Gouvernement japonais, par lintermédiaire de M. Hiromichi Aoki de lOffice japonais des brevets (consultation de Tokyo); Association américaine du droit de la propriété intellectuelle (6 novembre 1998 - RFC-2); Fédération internationale des conseils en propriété industrielle (9 novembre 1998 - RFC-2); International Trademark Association (6 novembre 1998 - RFC-2); MARQUES (6 novembre 1998 - RFC-2).