Président du Tribunal de Première Instance Yaoundé (Centre administratif)
Ordonnance de référé N°301/C du 19 février 2007
PMUC
c/
MENO Alfred
Nous, PRESIDENT, Juge des référés
Attendu que suivant exploit du 06 Janvier 2007 non encore
enregistré mais qui le sera en temps utile, de Maître NGONGANG Alain, Huissier
de Justice à Yaoundé, le PARI Mutuel Urbain Camerounais (PMUC) a fait donner
assignation à MENO Alfred pour obtenir la rétractation de l’ordonnance sur
requête n°1608 rendue le 07 Septembre 2006 et la main levée de la
saisie-contrefaçon avec description pratiquée le 15 Décembre 2006 ;
Attendu que le demandeur expose :
Qu’en vertu de l’ordonnance querellée, le Président du Tribunal de
Première Instance de céans a autorisé MENO Alfred à pratiquer une saisie
description réelle des Kiosques similaires à ses modèles ;
Que pour extorquer cette décision gracieuse qui n’a pris en compte
que ses prétentions et moyens, le susnommé a affirmé être propriétaire de
plusieurs dessins et modèles industriels déposés, enregistrés et publiés
conformément aux dispositions des articles 8, 11,15 et 16 de l’Annexe IV de
l’Accord signé à Bangui le 24 Février 1999 portant révision de l’Accord de Bangui
du 02 Mars 1977 instituant une organisation Africaine de la Propriété
Intellectuelle (OAPI) ;
Que par exploit en date du 15 Décembre 2006 de Maître NGWE Gabriel
Emmanuel, Huissier de Justice, une saisie-contrefaçon a été pratiquée avec
description détaillée et enlèvement des kiosques appartenant au PMUC ;
Que cependant, l’article 2 de l’Annexe IV du texte précité dispose
qu’un dessin ou modèle industriel peut faire l’objet d’enregistrement s’il est
nouveau, un dessin ou modèle industriel est nouveau s’il n’a pas été divulgué
en tout lieu du monde, par une publication sous forme tangible, ou par tout
moyen avant la date de dépôt le cas échéant, avant la date de priorité de la
demande d’enregistrement ;
Que l’article 7 du même texte précise que : « le dessin
et modèle Industriel enregistré ne produit pas d’effet à l’égard du tiers qui
au moment du dépôt de la demande d’enregistrement exploitant déjà ledit dessin
ou modèle sur le territoire de l’un des états membres ou avait pris des mesures
pour cette exploitation » ;
Que dans le cas d’espèce, le Sieur MENO a déposé et enregistré
courant Juin 2003 à l’OAPI des dessins et modèles dont il prétend être
titulaire alors que le PMUC exploite les kiosques litigieux depuis plus de dix
ans ;
Qu’il est alors évident que ces formalités accomplies auprès de
l’OAPI ne lui sont pas opposables, mais surtout le caractère nouveau exigé
manque en fait ;
Qu’en outre, le défendeur n’a pas rapporté la preuve de la
production à l’appui de sa requête des attestations de publicité, de non
radiation et de non déchéance délivrées par l’OAPI ;
Que la saisie abusivement intervenue mérite d’être levé et il y a
extrême urgence à ce que le PMUC puisse à nouveau exploiter ses kiosques.
Attendu que le défendeur réplique :
Que l’ordonnance querellée a pour effet de permettre au titulaire
des droits de rassembler les preuves en vue de son action en revendication de
propriété, n’entre pas dans la catégorie des ordonnances rétractables, et le
saisi ne dispose alors que des recours en nullité et en dommages-intérêts
contre la saisie-contrefaçon intervenue ;
Que l’alinéa 1er de l’article 29 de l’Annexe IV de
l’Accord signé à Bangui le 24 Février 1999 attribue la connaissance des actions
relatives aux dessins et modèles aux seuls Tribunaux civils et les exclut donc
du domaine de la juridiction du provisoire ;
Que l’article 7 sus-évoqué autorise le tiers qui se prévaut de
l’antériorité à n’utiliser le dessin ou modèle enregistré que pour les besoins
de son entreprise, dans ses propres ateliers ou dans ceux d’autrui. Que l’usage
dans les lieux publics est prohibé par ce texte de même que toute exploitation
sans autorisation écrite préalable du titulaire de droit d’auteur ;
Que les dispositions des articles 13 et 22 de la loi n°2000/11 du
19 Décembre 2000 non incompatibles ni contraires à l’Accord de Bangui lui reconnaissent
un droit de propriété exclusif et réitèrent la nécessité de son autorisation
préalable ;
Que l’antériorité d’usage allégué par le PMUC est sujette à
caution et de plus, ni la loi, ni aucune juridiction sérieuse ne saurait
l’autoriser à exploiter impunément sur les trottoirs et autres places publiques
les œuvres de MENO Alfred ;
Que l’appréciation de l’absence de nouveauté et par voie de
conséquence de l’inopposabilité ne saurait être effectuée sans préjudicier au
principal ;
Que la juridiction des référés devra à défaut de se déclarer
incompétente, débouter le demandeur de ses prétentions comme non fondées sur
des éléments pertinents ;
Que reconventionnellement, il sollicite l’enlèvement des kiosques
ampillés par le PMUC sur toute place publique similaire aux trois phototypes
des modèles litigieux sous astreinte de 200.000 francs par infraction
journellement constatée, la suspension de toute fabrication en cours tendant à
leur reproduction illicite, la cessation provisoire de leur exposition ou
représentation publique sous astreinte d’un million de francs et la saisie des
recettes provenant de leur exploitation ;
Attendu que le PMUC verse aux débats :
*Copie de sa facture de fabrication et fourniture de 100 kiosques
dressée le 21 Janvier 1994 par la Société DECO Diffusion Cameroun SA pour un
montant de 23.307.900 francs ;
Le contrat passé le 21 Juin 1994 avec la Communauté Urbaine de
Yaoundé aux fins de location et implantation de 71 kiosques dans cette
ville ;
*Copie de sa facture de fabrication de 30 kiosques établie le 29
Août 1994 par l’entreprise dénommée Village Artisanal pour la somme de
3.600.000 francs ;
*l’ordonnance sur requête n°1608 du 07 Septembre 2006 autorisant
MENO Alfred à faire procéder chez tout contrefacteur personne physique ou
morale, à la désignation et à la description détaillée avec saisie des kiosques
similaires à ses modèles ;
*Le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 15 Décembre 2006 ;
Que MENO Alfred produit :
*L’Arrêté n°04/0052/OAPI/PG/DPG/HJT signé le 06 Août 2004 par le
Directeur Général de L’OAPI portant enregistrement de dépôt de dessin de modèle
industriel « business kiosque » par MENO Alfred ;
Sa demande d’enregistrement du 16 Juin 2003 avec copie des modèles
déposés ;
*Son attestation de non – déchéance ;
*Sa facture pro-forma en date du 20 Mars 1992 adressée aux
Etablissements REPARMETAL pour démontrer les mesures prises en vue de
l’exploitation dudit modèle bien avant le PMUC ;
SUR LA DEMANDE PRINCIPALE
Attendu qu’il est incontestable en droit classique que le juge des
référés est compétent pour statuer sur toute demande de rétractation d’une
ordonnance rendue en matière gracieuse, sans exclusion du cas de la
saisie-contrefaçon ;
Que l’exception d’incompétence tirée de l’alinéa 1er de
l’article 29 de l’Annexe IV de l’Accord de Bangui ne saurait davantage
prospérer en ce que la présente espèce concerne non la connaissance du droit de
propriété sur un modèle de Kiosque, mais cumulativement la légitimité et
l’opportunité d’une saisie-contrefaçon prescrite en l’absence d’un débat
contradictoire ;
Que l’exécution littérale de l’ordonnance querellé qui laisse à
MENO le loisir de pratiquer cette mesure sans limitation dans l’espace ni quant
au nombre de kiosque à saisir est susceptible d’entrainer des perturbations
dans les activités exercées depuis 1994 par le PMUC et attestées par les pièces
fournies au dossier de procédure ;
Que du reste, il n’est nullement invoqué le risque de
dépérissement ou de dissimulation des kiosques utilisés par le demandeur ;
Qu’une telle pièce confectionnée pour les besoins de la cause et
dans le but de tromper la religion du juge dénote l’esprit retors de son auteur
désireux de faire croire à l’antériorité de son droit même par des moyens
frauduleux ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et
en premier ressort ;
AU PRINCIPAL
Renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu’elles
aviseront ;
Mais dès à présent, par provision, vu l’urgence ;
Rejetons l’exception d’incompétence soulevée par le
défendeur ;
Déclarons le PMUC recevable en son action et l’y disons
fondé ;
Rétractons l’ordonnance sur requête n°1608 du 07 Décembre 2006 et
ordonnons la mainlevée de la saisie-contrefaçon pratiquée le 15 Décembre 2006
par le ministère de Maître NGWE Gabriel à la requête de MENO Alfred ;
Condamnons le défendeur aux dépens.