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Gabón

GA001-j

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Tribunal de première instance de Libreville, Jugement du 9 mars 2011, N°192/10-11

Tribunal de Première Instance de Libreville

Jugement du 9 mars 2011, N°192/10-11

SIEUR EBANG ONDO ELVIS

c/

SIEUR MINKO MVE BERNADIN

Le Tribunal,

Par requête introductive d’instance en date du 25 février 2010, enregistrée le 26 février 2010, sieur EBANG ONDO Elvis, ayant pour conseil Maitre ITCHOLA, avocat au barreau du Gabon a attrait MINKO MVE Bernadin devant le Tribunal de Première Instance de Libreville aux fins entre autres ;

-         D’ordonner le retrait de l’ouvrage intitulé « Manifeste contre les crimes rituels au Gabon »

-         D’ordonner aux éditions L’Harmattan d’arrêter la diffusion de l’ouvrage ;

-         De faire interdire à monsieur MINKO MVE de se faire passer pour l’auteur du Manifeste ;

-         De condamner monsieur MINKO MVE à payer la somme de 25.000.000 FCFA pour préjudice moral ;

Au soutien de sa requête, il expose que suite au décès de son fils victime d’un crime rituel, une association a été créée à Libreville à son initiative pour sensibiliser la population sur ce fléau et susciter l’intervention des pouvoirs publics pour la mise en œuvre des mécanismes adéquats pour l’éradiquer ;

  Que ladite association sous son impulsion a décidé de créer un Manifeste réunissant toutes les données recueillies sur ce phénomène lors des séminaires, conférences et tables rondes organisés à cet effet ;

  Que lors d’un séminaire, il a fait la connaissance de monsieur MINKO MVE Bernadin qui par la suite s’est proposé de s’occuper de l’édition et de la publication de l’ouvrage ;

 Qu’une somme de 800.000 FCFA lui a été remise à cet effet ainsi que tous les documents collectés ;

  Que grande a été sa surprise de constater que monsieur MINKO MVE a mis l’ouvrage en vente sur le marché et sur le site Google sous le titre « Manifeste contre les crimes rituels au Gabon », tout en s’appropriant la paternité de l’œuvre ;

  Qu’une ordonnance de référé avait été rendue par le président du Tribunal ordonnant le retrait de l’ouvrage sur le marché local ainsi que sur le site Google ;

   Que c’est pourquoi il fait les demandes sus-énumérées ;

  En réponse, sieur MINKO MVE Berbadin par la plume de son conseil conclut au débouté du demandeur motif pris de ce que l’œuvre en cause est dite collective conformément à l’article 30 de l’Accord de Bangui et qu’il n’a jamais dénié la participation de sieur EBANG ONDO Elvis ;

  Que toutefois c’est lui qui a préparé le manuscrit, fait de corrections multiples, effectuer des déplacements entre Libreville et Paris ;

  Que par conséquent, il est le premier titulaire des droits ; Dans ses dernières écritures, sieur EBANG ONDO Elvis précise que l’ouvrage litigieux n’est pas une œuvre collective ;

  Que le Manifeste n’était plus au stade de la gestation mais il était déjà élaboré ;

  Assignées en la personne de leur représentant légal au Gabon Monsieur Simon Pierre MVONE NDONG, représentant les éditions L’Harmattan en revanche n’a pas comparu de sorte que la présente décision sera réputée contradictoire à son endroit.

  SUR LA PATERNITE DE L’ŒUVRE

  Attendu que l’article 4 de l’Annexe VII de l’Accord de Bangui du 02 mars 1977 instituant une organisation africaine de la propriété intellectuelle dispose en ses alinéas 1 et 2 que « l’auteur de toute œuvre originale de l’esprit, littéraire et artistique jouit sur cette œuvre du seul fait de sa création d’un droit de propriété exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d’ordre moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial qui sont déterminés par la présente annexe ; La protection des droits résultant de l’alinéa 1, commence dès la création de l’œuvre même si celle-ci n’est pas fixée support matériel » ;

  Attendu qu’en la cause, sieur EBANG ONDO Elvis conteste la paternité de l’œuvre « Manifeste contre les crimes rituels au Gabon », paru aux éditions L’Harmattan au sieur Bernadin MINKO MVE ;

  Qu’il déclare au soutien de sa contestation que l’idée du « Manifeste contre les crimes rituels au Gabon » est la sienne en sa qualité de Président de l’Association de lutte contre les crimes rituels ;

  Qu’à cet effet, il a remis en manuscrit et toute la documentation résultant de toutes les conférences à sieur MINKO MVE Bernadin outre une somme de 800.000 FCFA pour procéder aux démarches utiles en vue de l’édition de cet ouvrage ;

  Que sieur MINKO MVE Bernadin prétend en revanche qu’en réalité, le Manifeste est une œuvre collective et qu’il n’a pas dénié la participation de sieur EBANG ONDO Elvis et les autres participants ayant lui-même préparé le manuscrit, le tapuscrit et procéder aux diverses corrections puis signer le prêt à clicher et la maquette, il estime qu’il était parfaitement en droit d’endosser la paternité de l’œuvre publiée ;

  Mais attendu que l’article 25 de l’Annexe VII de l’Accord de Bangui définit l’œuvre collective comme étant : « une œuvre créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui la divulgue sous sa direction et sous son nom, et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé » ;

   Attendu qu’il ressort de cet article, qu’une œuvre même collective doit être divulguée sous le nom et la direction de celui qui en a eu l’initiative ;

  Or attendu qu’en la cause, sieur MINKO MVE Bernadin n’a pas contesté que l’idée du « Manifeste » est l’émanation de sieur EBANG ONDO Elvis ; Qu’au surplus, les témoignages attestent de ce fait.

   Qu’il est également constant que toute la documentation notamment les différentes interventions faites lors des conférences et tables rondes lui a été remise par ce dernier outre des écrits personnels de sieur EBANG ONDO Elvis ;

   Qu’il suit que même dans l’hypothèse d’une œuvre collective, Sieur MINKO MVE Bernadin ne pouvait pas se présenter comme l’auteur du « Manifeste contre les crimes rituels au Gabon » n’en étant pas l’initiateur ;

   Que d’ailleurs, cette hypothèse est tout aussi à écarter dans la mesure où s’il est vrai s’agissant d’écrits personnels que Sieur MINKO MVE Bernadin a apporté à cette œuvre beaucoup de « son cru », dans la mesure où sur un plan de pure forme, il s’est écarté du style quelque peu naïf et mystico religieux de Sieur EBANG ONDO Elvis, il peut toutefois être constaté entre les écrits personnels de ce dernier et le manifeste des similitudes de fond tant dans la démarche que dans les questions abordées ;

   Qu’il suit qu’au regard de ce qui précède de dire que le « Manifeste contre les crimes rituels au Gabon » est l’œuvre de sieur EBANG ONDO Elvis ;

  SUR LES DEMANDES D’ARRET DE DIFFUSION ET DE RETRAIT DE L’OUVRAGE EN CAUSE

  Attendu qu’il est acquis au débat que sieur EBANG ONDO Elvis est l’auteur du « Manifeste contre les crimes rituels au Gabon » ;

  Qu’il suit que ses demandes tendant à l’arrêt de la diffusion sous sa forme actuelle et au nom de sieur MINKO MVE Bernadin ainsi qu’au retrait de cet ouvrage de la vente sont parfaitement justifiées ;

  Que compte tenu de ce que cette injonction avait déjà été faite aux éditions L’Harmattan et à sieur MINKO MVE par l’ordonnance de référé du 25 aout 2009 mais que ces derniers ne se sont pas exécutés, il convient d’assortir ces prescriptions d’une astreinte de 300.000 FCFA par jour de retard à l’endroit des défendeurs ;

   SUR LES DEMANDES PECUNIAIRES DE SIEUR EBANG ONDO ELVIS

   Attendu qu’à titre principal le requérant a sollicité la condamnation des défendeurs à lui payer la somme de 7.500.000 FCFA qu’il estime correspondre aux recettes des ouvrages vendus au jour de la requête ;

   Mais attendu que ce montant ne repose sur aucune donnée matérielle objective ;

   Que la reddition des comptes, il est en revanche possible d’avoir avec plus ou moins d’exactitude le nombre d’ouvrage vendus et les recettes générées ;

  Qu’il suit, qu’il convient d’ordonner reddition des comptes aux éditions L’Harmattan et à sieur MINKO MVE Bernadin sous le contrôle d’un expert-comptable ;

   Qu’à l’issue de cette reddition, il sera statué sur les différentes demandes pécuniaires du requérant ;

   PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement par réputé contradictoire à l’endroit des éditions L’Harmattan et contradictoirement à l’égard des autres parties et en premier ressort ;

Déclare que la paternité du « Manifeste contre les crimes rituels au Gabon » revient à sieur EBANG ONDO Elvis ;

Interdit en conséquence à sieur MINKO MVE Bernadin de s’en prévaloir de quelque manière que ce soit ;

Ordonne corrélativement à ce dernier et aux éditions L’Harmattan d’arrêter la diffusion de cet ouvrage et de le retirer du commerce sous astreinte de 300.000 FCFA par jour de retard à compter de la signification de la présente décision ;

Ordonne en outre reddition des comptes aux défendeurs sous le contrôle et la direction de sieur EYOGO EDZAND Patrick, expert-comptable près les cours et Tribunaux aux frais des éditions L’Harmattan et sieur MINKO MVE en présence de sieur EBANG ONDO Elvis ;

Dit que l’expert désigné dispose d’un délai de deux mois à compter de sa saisine pour déposer son rapport au Greffe civil du Tribunal de céans ;

Disons enfin qu’il sera statué sur les demandes pécuniaires à l’issue de cette reddition de comptes.