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Droit d'auteur et mode : une perspective britannique

Juin 2014

Par Iona Silverman, avocat en propriété intellectuelle, Baker & McKenzie

En 2006, le Gouvernement du Royaume-Uni a officiellement adopté l’expression “économie créative” afin de prendre en compte la contribution élargie des industries de la création à la vie économique et sociale. Il n’a cessé depuis de souligner l’importance de ces dernières, et en particulier de l’industrie de la mode, en tant que génératrices d’emploi, de richesse et d’engagement culturel. Pourtant, la mode, malgré son apport présent et futur à l’économie, ne se voit pas accorder la même protection par le droit d’auteur que les autres industries de la création.

Certains font remarquer que ce secteur, pour lequel la brièveté des saisons et la pratique de la copie constituent en fait des stimulants, n’a peut-être ni désir ni besoin d’invoquer le droit d’auteur. Pourtant, si l’on veut que les industries de la création du Royaume-Uni restent florissantes, il est essentiel qu’elles soient protégées. En cette époque où la combinaison des appareils photo de téléphones portables, des imprimantes 3D et des achats en ligne permet de photographier, copier et vendre des imitations dans le temps qu’il faut pour présenter une collection à un défilé de mode, il est important que les stylistes puissent protéger leurs œuvres comme tous les autres artistes.

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Stylisme - Gauche: Gracie Wales Bonner, lauréate du Prix L’Oréal 2014 du talent professionnel. Droite: Andrew Asai, récent diplômé de Central Saint Martins, Université des arts de Londres, Royaume-Uni, une école d’art et de design de renommée mondiale.(Photos: Gracie Wales Bonner, BA Fashion, catwalking.com)

La mode est-elle protégée par le droit d’auteur?

Avant de regarder dans quelle mesure la protection par le droit d’auteur s’applique à la mode, un mot s’impose sur les droits relatifs aux dessins et modèles. On pourrait en effet se demander pour quelle raison les créations de mode devraient être protégées par le droit d’auteur, alors qu’il existe des dessins et modèles pour protéger leur apparence. Le présent article ne se propose pas d’examiner la protection offerte par le droit des dessins et modèles et ne prétend pas qu’elle soit sans importance; il s’intéresse à l’étendue de la protection par le droit d’auteur dans le domaine de la mode.

En principe, toute œuvre originale bénéficie automatiquement de la protection du droit d’auteur. La Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, qui est administrée par l’OMPI, réserve cependant aux pays une certaine latitude en ce qui concerne la manière de protéger les œuvres des arts appliqués tels que la mode (article 2.7)). Pour être protégée par le droit d’auteur au Royaume-Uni, une œuvre doit entrer dans l’une des huit catégories énoncées à l’article 3 de la loi de 1988 sur le droit d’auteur, les dessins et modèles et les brevets (“CDPA”). En toute logique, une œuvre de mode devrait pouvoir être protégée en tant qu’œuvre artistique originale. La jurisprudence, toutefois, ne souscrit pas à cet argument, dans la mesure où il n’est pas facile de caser les vêtements et autres œuvres de mode dans l’une des sous-catégories d’œuvres artistiques énoncées dans la loi. La catégorie des œuvres de l’artisanat artistique est celle qui conviendrait le mieux, mais pour y entrer, une œuvre doit revêtir un caractère à la fois artistique et artisanal.

La signification du mot “artistique” a été examinée dans un certain nombre d’affaires. Dans l’affaire Hensher c. Restawhile, la Chambre des Lords a été unanime à conclure qu’un prototype d’ensemble de salon distinctif de trois pièces destiné à la production en grande série ne pouvait pas être qualifié d’artistique. Les juges sont toutefois parvenus à cette conclusion par des raisonnements différents. Depuis cette affaire, les tribunaux ont rejeté l’argument de caractère artistique d’un capuchon de bébé pour défaut d’intention de créer une œuvre artistique, ainsi que celui d’un couvre-lit en patchwork au motif que celui-ci, bien que “plaisant à l’œil” n’était pas suffisamment créatif. Une décision encore plus pertinente pour l’industrie de la mode a conclu à l’absence de caractère artistique de chandails et cardigans, expliquant que ces derniers, même s’ils avaient été exposés au musée Victoria et Albert, l’étaient en tant qu’exemples de l’évolution de la mode plus tôt que d’œuvres d’art. Plus récemment, la Haute Cour a statué que les casques portés par les soldats de l’Empire dans les films Star Wars ne constituaient pas des œuvres artistiques parce qu’ils n’avaient pas été conçus dans un but esthétique. La Cour suprême a déclaré par la suite que ces casques n’étaient pas des sculptures et ne pouvaient pas non plus bénéficier d’une protection à ce titre.

Comme le démontrent ces décisions, les juges ne sont pas très enclins à reconnaître qu’une œuvre de mode puisse avoir un caractère artistique. La définition du mot “artistique” reste difficile à cerner; d’une manière générale, il semble s’appliquer à des œuvres qui exercent un attrait artistique sur le grand public ou ont été créées en tant qu’œuvres artistiques.

La démonstration du caractère “artisanal” est plus facile à faire. Le tricot et la tapisserie ont été traités comme des arts (tout comme la fabrication des casques des soldats de l’Empire). Alors que l’on peut s’attendre de la part des tribunaux à ce qu’ils considèrent les œuvres de mode comme des œuvres d’artisanat si elles sont réalisées en un seul exemplaire, leur position est moins claire en ce qui concerne les produits fabriqués de manière industrielle. Dans la décision Hensher c. Restawhile, les juges Reid et Dilhorne ont écrit que le critère de travail artisanal implique qu’une œuvre doit être réalisée à la main, tandis que le juge Simon a estimé que l’on ne saurait le limiter à l’artisanat; il a ajouté que le mot “artistique” n’était pas non plus incompatible avec la production par machine.

Ces affaires établissent globalement que le seuil requis pour la démonstration de la qualité d’œuvre de l’artisanat artistique est élevé, et il en résulte que les vêtements ne sont pas protégés par le droit d’auteur au Royaume-Uni. Les systèmes de droit d’auteur d’autres pays, dont l’Allemagne, les États-Unis d’Amérique et la France, ne comportent pas de liste fermée des œuvres protégeables; étant donné qu’il n’est pas nécessaire de les faire entrer dans une catégorie particulière, les œuvres de la mode y bénéficient dès lors d’un champ de protection plus large.

Le Royaume-Uni se dirige-t-il vers un système à liste ouverte?

En Allemagne, aux États-Unis d’Amérique et en France, toute œuvre originale peut prétendre à la protection par le droit d’auteur. Selon le seuil d’originalité imposé en France, l’œuvre doit être caractérisée par “l’empreinte de la personnalité de l’auteur”, et en Allemagne, le droit d’auteur protège les “créations intellectuelles personnelles”. Cela se rapproche de la notion de “création intellectuelle” utilisée dans l’Union européenne, dans la Directive concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur, la Directive concernant la protection juridique des bases de données et la Directive relative à la durée de protection du droit d’auteur. Ce critère a été utilisé pour la première fois à l’égard des œuvres littéraires au niveau européen dans l’affaire Infopaq, jugée en 2009, qui portait sur l’application du droit d’auteur dans un service d’agrégation de presse numérique.

Selon la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), pour qu’une partie d’œuvre littéraire – un article de journal – puisse constituer une reproduction contrefaisante, elle doit elle-même être une œuvre originale, c’est-à-dire une création intellectuelle propre à son auteur. Dans l’affaire Bezpečnostní softwarová asociace – Svaz softwarové ochrany c. Ministerstvo kultury, portant sur une interface utilisateur graphique, la CJUE a statué que la protection par le droit d’auteur ne pouvait s’appliquer qu’à l’égard d’une œuvre qui est originale, en ce sens qu’elle est une création intellectuelle propre à son auteur. La CJUE a également appliqué ce critère par la suite, dans les affaires Football Association Premier League and others c. QC Leisure and others et Karen Murphy c. Media Protection Services Ltd ainsi que dans l’affaire SAS c. World Programming Ltd.

Ces décisions ont permis à la Cour de justice de franchir le pas entre la situation initiale, dans laquelle l’harmonisation ne concernait que les programmes d’ordinateur, les bases de données et les émissions diffusées (voir les directives citées plus haut), tous les autres objets étant protégés selon les dispositions des législations nationales, et celle de l’harmonisation complète de la notion d’œuvre, en vertu de laquelle la protection s’applique à toute “création intellectuelle propre à son auteur”. Cela diverge, naturellement, de l’approche de la CDPA, avec sa liste fermée. Le professeur Lionel Bently, de l’Université Cambridge, a sarcastiquement qualifié ce processus d’“harmonisation furtive”. Si la notion harmonisée d’œuvre protégée est introduite dans la législation du Royaume-Uni, cela pourrait encourager considérablement les créateurs de mode à utiliser le droit d’auteur pour la protection de leurs œuvres.

Le critère d’originalité a été examiné dans l’affaire Newspaper Licensing Agency c. Meltwater par la Haute Cour, laquelle a estimé qu’il avait été “reformulé, mais non, pour les fins qui nous occupent, modifié de façon sensible par la décision Infopaq”. Cette opinion a été confirmée par la Cour d’appel. Il a été demandé par la suite au Tribunal de comté pour les brevets (aujourd’hui Tribunal pour la propriété intellectuelle et l’entreprise), de se prononcer, dans l’affaire Temple Island Collections Ltd c. New English Teas Ltd dite “de l’autobus rouge”, quant à la protection par le droit d’auteur d’une composition formée d’un autobus rouge traversant le pont de Westminster sur un fond monochrome. Les parties ont été d’accord sur le fait que la protection par le droit d’auteur pouvait s’appliquer, suite à la décision Infopaq, à une photographie si celle-ci était une “création intellectuelle propre à son auteur”. Étant donné que les œuvres en cause dans cette affaire étaient des photographies, il s’agit d’une analyse conforme à la directive relative à la durée de protection du droit d’auteur, mais il est intéressant de noter que la cour s’est référée en ce qui concerne le critère à l’arrêt Infopaq, et non à la directive.

Les décisions précitées indiquant que le critère d’originalité harmonisé s’applique désormais au Royaume-Uni, il était permis de supposer que la notion d’œuvre harmonisée s’y appliquerait également. Pourtant, lorsque l’affaire SAS Institute c. World Programming Ltd est revenue de la CJUE devant la Haute Cour, le juge Arnold en a décidé autrement, expliquant que le simple fait qu’une chose soit une création intellectuelle ne signifie pas nécessairement qu’elle soit une œuvre. La Cour d’appel a rejeté le pourvoi formé subséquemment, en négligeant toutefois de se pencher sur ce point, ce qui laisse sans réponse la question de savoir si le critère de la création intellectuelle définit une œuvre susceptible de protection au Royaume-Uni.

La protection aux États-Unis d’Amérique

Aux États-Unis d’Amérique, les œuvres originales bénéficient de la protection par le droit d’auteur, le critère auquel elles doivent répondre étant de révéler un “minimum de créativité”. L’une des principales particularités du système américain est le caractère facultatif de l’enregistrement auprès de l’Office du droit d’auteur – conformément à l’article 5.2) de la Convention de Berne. L’enregistrement au niveau fédéral repose sur une présomption de propriété de l’œuvre et d’existence d’un droit d’auteur sur celle-ci; il est en outre essentiel pour engager une action en contrefaçon. La législation américaine prévoit aussi une exception d’usage loyal plus large que celles que l’on voit en Europe. L’usage loyal est une vieille doctrine qui a été codifiée par l’article 107 de la loi sur le droit d’auteur de 1976. L’appréciation de la loyauté de l’usage s’effectue sur la base des faits particuliers de chaque espèce, mais elle obéit à un principe général selon lequel ledit usage doit représenter un apport pour la société et avoir un caractère “transformateur”. Le système américain permet donc de protéger plus facilement les œuvres de mode que celui du Royaume-Uni, et l’enregistrement fournit aux stylistes le moyen de faire valoir publiquement leurs droits sur leurs créations. En revanche, il fait aussi preuve d’une plus grande tolérance à l’égard de l’usage des œuvres protégées avant de le considérer comme contrefaisant.

Un projet de loi de protection des dessins et modèles innovants, plus couramment appelé “Fashion Bill”, a été soumis au Congrès en 2006, mais dans la mesure où il a connu en 2012 son sixième et probablement dernier échec, il semble que la législation des États-Unis d’Amérique en cette matière ait peu de chances d’évoluer dans un avenir prévisible.

Parfums

Si toutes les “créations intellectuelles” étaient protégées par le système du droit d’auteur du Royaume-Uni, un secteur susceptible d’en bénéficier serait celui des parfums – une industrie multimilliardaire dans le monde. Alors qu’il lui est possible de recourir au droit des marques et à l’action en substitution frauduleuse (“passing-off”) pour défendre ses droits sur le nom ou le conditionnement d’un parfum (et même l’utilisation des descripteurs de la fragrance), cette dernière ne dispose en effet, à l’heure actuelle, d’aucun moyen de protection du parfum proprement dit au Royaume-Uni.

La protection des parfums par le droit d’auteur existe déjà dans d’autres systèmes juridiques. C’est notamment le cas aux Pays-Bas, où la Cour suprême a statué en 2006 dans l’affaire Lancome Parfums c. Kecofa BV que le parfum Trésor de Lancôme relevait de la protection du droit d’auteur (voir Le droit d’auteur au tribunal : Parfum ou forme d’expression artistique ?). La loi sur le droit d’auteur des Pays-Bas qui, comme le droit français, est fondée sur la tradition civiliste, protège donc les œuvres originales caractérisées par l’empreinte de la personnalité de l’auteur. Pour qu’une création puisse bénéficier de la protection, il suffit qu’elle soit matérialisée dans une forme “perceptible par les sens”. La Cour suprême a conclu en l’espèce que si la fragrance d’un parfum était “trop fugace, trop variable et trop dépendante de facteurs externes” pour être protégée par le droit d’auteur, le liquide constituant le parfum était suffisamment concret et stable pour être considéré comme une œuvre. Étant donné que le liquide répondait aux exigences de la loi des Pays-Bas en matière de perception et que le parfum est une composition créative, la protection par le droit d’auteur pouvait être reconnue.

La même année, la Cour de cassation française a estimé que le parfum ne présentait pas un caractère créatif suffisant pour être protégeable au titre du droit d’auteur. Dans l’affaire Bsiri-Barbir c. Haarmann & Reimer, la Cour de cassation a statué que les parfums ne peuvent pas bénéficier de la protection par le droit d’auteur français parce qu’ils “procèdent de la mise en œuvre d’un savoir-faire purement technique et ne permettent par conséquent aucune association visible avec la personnalité propre à chacun de leurs créateurs”. La cour a jugé que les parfumeurs étaient des artisans, et non des artistes. Il est paradoxal qu’une œuvre ne soit pas protégée en France si elle est artisanale, alors qu’au Royaume-Uni, les créateurs doivent s’efforcer de démontrer exactement l’inverse. La Cour de cassation a confirmé depuis, dans l’affaire Beauté Prestige Int’l c. Senteur Mazal, que les parfums ne bénéficiaient pas en France de la protection au titre du droit d’auteur.

Indépendamment des discordances entourant la protection des parfums, les maisons de mode se tourneraient plus facilement vers le droit d’auteur pour protéger leurs œuvres de mode s’il n’était plus nécessaire de faire entrer ces dernières dans l’une des huit catégories énumérées à l’article premier de la CDPA. Un tel changement constituerait un bouleversement pour le droit d’auteur britannique, mais il semble bien que sa mise en place soit actuellement une réelle possibilité.

Le climat politique et l’application de la récente jurisprudence de la CJUE créent au Royaume-Uni des conditions propices à une transformation radicale du droit d’auteur. Il suffirait qu’un juge confirme qu’en vertu de l’arrêt Infopaq, toute œuvre constituant une création intellectuelle propre à son auteur est désormais protégée par le droit britannique, pour déclencher une ruée de créateurs de mode faisant valoir que leurs chaussures, chapeaux, vêtements, parfums et produits de maquillage devraient également bénéficier de la protection par le droit d’auteur. Il semblerait légitime, eu égard à la créativité et à l’originalité des œuvres produites par l’industrie de la mode, que celles-ci puissent bénéficier d’une manière ou d’une autre de la protection du droit d’auteur. Il revient à l’industrie de façonner cet argument en sa faveur et de tirer le meilleur parti de l’occasion que représentent les actuelles incertitudes concernant la définition de l’œuvre protégée.

La législation du Royaume-Uni a besoin d’être mise à jour afin de rester en phase avec l’évolution du domaine de la mode; à défaut, les jeunes créateurs et les entreprises britanniques sur le point de prendre leur envol pourraient choisir des systèmes juridiques plus favorables pour leurs lancements.

 

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