Appui à l’innovation : des mesures d’incitation qui stimulent le transfert de technologie aux fins de la santé dans le monde – partie 2

Dans la première des deux parties de cet article en ligne, nous avons exposé en détail l’avancée importante qu’a représenté la mise au point du vaccin contre le VPH Gardasil®, avancée portée par des mesures d’incitation d’ordre financier et non financier. Celles d’ordre financier consistaient à financer des travaux de recherche et à apporter un appui en matière de gestion de la propriété intellectuelle, tandis que celles d’ordre non financier consistaient à récompenser des réalisations de chercheurs par des prix et des distinctions. Ces mesures d’incitation motivaient les chercheurs à collaborer, à innover et à commercialiser leurs résultats de recherche. Dans la deuxième et dernière partie de cette série, nous allons étudier le rôle des mesures d’incitation d’ordre financier et non financier, et la façon dont l’OMPI contribue à stimuler le transfert de technologie aux fins de la santé dans le monde.  

Le guide de l’OMPI sur les mesures d’incitation au transfert de technologie contient des indications utiles et des outils concrets permettant d’aider les universités à concevoir et à mettre en œuvre des programmes d’incitation fructueux. En comprenant et en prenant en considération les motivations des chercheurs et les obstacles auxquels ils se heurtent, les établissements peuvent favoriser l’instauration d’une culture de l’innovation conduisant à une commercialisation plus importante des résultats de recherche, et profitant en fin de compte à la société.

Le rôle des mesures d’incitation dans la mise au point du Gardasil

La mise au point et la commercialisation du vaccin Gardasil® est associée à plusieurs mesures d’incitation d’ordre financier et non financier.

Mesures d’incitation d’ordre financier

Financement de la recherche : des fonds de diverses sources, y compris des subventions publiques émanant par exemple du Conseil national australien pour la santé et la recherche médicale (NHMRC) de l’Australie, ont été fournis à l’appui des travaux de recherche de M. Frazer entre 1986 et 2022. Ces fonds ont été essentiels à la réalisation des essais cliniques et des travaux de recherche de grande ampleur qu’il a fallu mener pour mettre le vaccin sur le marché.

Appui à la gestion et à la commercialisation de la propriété intellectuelle : l’expérience d’UniQuest en matière de protection par la propriété intellectuelle, de concession de licences et de négociation commerciale a contribué de façon déterminante à faire passer le vaccin Gardasil® du laboratoire au marché sous la forme d’un produit commercialisable. En déposant les premières demandes de brevet concernant la technologie de production de pseudo‑particules virales en 1991, UniQuest a fait en sorte que cette innovation soit protégée, constituant ainsi une base juridique solide pour la concession ultérieure d’une licence à CSL Limited.

CSL Limited a ensuite concédé une sous-licence assortie de redevances à Merck & Co.; cela illustre la possibilité qu’offrent les droits de propriété intellectuelle d’accéder à des innovations grâce à la concession de licences et au transfert de technologie. Au moyen d’une rigoureuse protection par la propriété intellectuelle, d’un recours stratégique à la concession de licences et d’efforts en matière de commercialisation, UniQuest a non seulement conféré une renommée internationale aux travaux de recherche de l’Université du Queensland, mais a aussi réalisé d’importants gains économiques grâce à des accords de partage de recettes. Point le plus important, ces démarches ont contribué de façon significative à l’avancement de la Stratégie mondiale d’élimination du cancer du col de l’utérus visant à ce que, en 2030, 90% des filles du monde entier soient entièrement vaccinées contre le VPH à l’âge de 15 ans.

Mesures d’incitation d’ordre non financier

Prix et distinctions : M. Frazer a été désigné Australien de l’année 2006, et l’Office européen des brevets (OEB) a décerné le Prix populaire de l’édition 2015 du Prix de l’inventeur européen à M. Frazer ainsi qu’à M. Zhou. En outre, M. Harald zur Hausen a reçu le prix Nobel de physiologie ou médecine de 2008 pour avoir établi que le cancer du col de l’utérus pouvait être causé par le VPH.

L’attribution de prix permet non seulement de mettre à l’honneur les réalisations d’une personne et d’une équipe, mais également d’attirer de nouveaux investissements et des chercheurs de grand talent, engendrant ainsi un afflux continu de compétences spécialisées.

L’histoire du Gardasil® offre un exemple de transfert de technologie réussi à la faveur d’un ensemble bien structuré de mesures d’incitation destinées aux chercheurs. Les mesures d’incitation d’ordre financier comme non financier ont joué un rôle décisif en facilitant les premiers stades de la recherche et de la commercialisation tout en permettant la poursuite des processus d’innovation et de collaboration en cours. Cette double concrétisation d’un succès financier et d’une amélioration de la santé publique fait ressortir l’importance cruciale d’aider les chercheurs en mettant à leur disposition les outils dont ils ont besoin pour faire fructifier les connaissances scientifiques et la propriété intellectuelle, donnant ainsi corps à leurs idées novatrices sous la forme d’entreprises prospères et de solutions de santé efficaces.

Une conception non uniforme des mesures d’incitation au transfert de technologie destinées aux chercheurs

Les mesures d’incitation doivent concorder avec les objectifs et les valeurs des personnes qu’elles visent, et correspondre à la nature de l’écosystème dans lequel elles sont mises en œuvre.

Dans certains écosystèmes d’innovation, les universités disposent des ressources et des réseaux nécessaires pour mobiliser des acteurs externes, comme des entreprises d’investissement et des conseillers en affaires pour la phase de démarrage, afin d’appuyer des activités telles que la création d’entreprises par essaimage; cela donne aux universités la possibilité de se consacrer à d’autres activités.

En revanche, dans d’autres écosystèmes, les universités doivent procéder de façon plus directe en aidant leurs inventeurs à tous les stades de la création et du développement de l’entreprise, et de la réalisation des investissements dans cette dernière. Cette aide peut consister à donner accès à des installations universitaires à des fins de recherche-développement, et à proposer des services juridiques à l’appui de la création de l’entreprise.

Les mesures d’incitation considérées ici ouvrent la voie à d’autres activités essentielles. Par exemple, la mise en place d’une formation et d’un appui spécialisés en matière de brevets permet d’assurer une meilleure compréhension des processus de demande de protection par la propriété intellectuelle, et de mettre en évidence les avantages découlant de l’obtention de droits de propriété intellectuelle. La prestation de services globaux de vérification préalable des actifs de propriété intellectuelle permet en outre aux chercheurs de mieux comprendre les notions de brevetabilité et de titularité ainsi que le potentiel commercial de leurs inventions, ce qui en favorise la commercialisation. De plus, la fourniture d’une aide directe à la réalisation de certaines activités liées à la protection de la propriété intellectuelle, telles que le dépôt de demandes de brevet – aide qui peut comprendre le financement de taxes de dépôt –, permet d’atténuer sensiblement les obstacles que les chercheurs doivent surmonter pour faire protéger leurs inventions de manière adéquate.

La collaboration de diverses parties prenantes – administrations, secteur privé et milieux universitaires – est essentielle à la mise en place d’un climat propice au transfert de technologie. Cette action concertée contribue à ce que les chercheurs se sentent reconnus et aspirent à prendre part à des activités de transfert de technologie, ce qui se traduit aux niveaux de la société et de l’économie par des avantages importants qui permettent d’améliorer la santé dans le monde.

Travaux de l’OMPI sur les mesures d’incitation visant à encourager, à reconnaître et à récompenser les chercheurs et les spécialistes

Le Secteur des écosystèmes de propriété intellectuelle et d’innovation de l’OMPI a récemment publié un document intitulé Mesures d’incitation au transfert de technologie : un guide pour encourager, reconnaître et récompenser les chercheurs et les spécialistes. Ce guide présente des recommandations et des pratiques optimales à suivre pour inciter les chercheurs universitaires et les spécialistes du transfert de technologie à participer activement à des activités de transfert de technologie qui débouchent sur une commercialisation des résultats de la recherche.

Ce guide complet recense les principaux enjeux et perspectives liées au transfert de technologie. On y trouve une analyse portant sur les motivations des chercheurs et les obstacles auxquels ils sont confrontés, ainsi qu’une étude des effets que le transfert de technologie produit plus largement sur les entreprises, l’économie et la société. Ce document expose les écueils couramment rencontrés dans le cadre des programmes d’incitation, comme le risque de transformer les chercheurs universitaires en hommes et femmes d’affaires focalisés sur la réalisation de résultats purement commerciaux, dans un souci de veiller à ce que la recherche mue par la curiosité conserve sa valeur intrinsèque.

Ce guide contient également des outils concrets comprenant par exemple :

• un plan d’action complet, décrivant chaque étape, destiné à faciliter le processus de planification initial;
• un cadre qui vise à aider les universités à choisir la meilleure combinaison de mesures d’incitation et peut être adapté aux besoins particuliers de chaque établissement;
• un questionnaire permettant aux universités de recueillir des données auprès des étudiants, du corps professoral et du personnel quant à leur motivation, à leur niveau de satisfaction et à ce qu’ils jugent prioritaire en matière de recherche et de transfert de technologie;
• des exemples de programmes d’incitation menés avec succès par des universités du monde entier, offrant un riche ensemble de savoirs et de pratiques recommandées aux établissements souhaitant intensifier leurs activités de transfert de technologie.

Réduire l’écart entre l’innovation et ses retombées

De la même manière que la mise au point et la commercialisation du vaccin contre le VPH ont marqué un tournant dans la lutte contre le cancer du col de l’utérus, l’adoption de mesures d’incitation efficaces à l’intention des chercheurs peut ouvrir la voie à la réalisation, dans d’autres domaines, d’innovations susceptibles de produire d’importantes retombées sur la santé mondiale. Ces mesures d’incitation stimulent aussi la croissance économique de façon notable par la création de nouvelles branches d’activité et possibilités d’emploi.

L’OMPI continue de renforcer les moyens d’action des universités, des établissements de recherche et des innovateurs en mettant à leur disposition les outils et ressources dont ils ont besoin pour commercialiser leur propriété intellectuelle. Cet appui contribue à réduire l’écart entre les découvertes scientifiques et leurs applications pratiques, ce qui permet de mettre les innovations en matière de santé à la portée de ceux qui en ont le plus besoin.