Technologies pour une mode durable : allier la durabilité au style

Le rôle de la propriété intellectuelle dans la promotion des technologies vertes

Cette section examine le rôle de la propriété intellectuelle dans la promotion de l’innovation, la protection des savoirs traditionnels et le transfert de technologies vertes. Elle aborde également plusieurs des enjeux et perspectives en matière de propriété intellectuelle dans l’économie circulaire.

Qu’il soit mesuré à l’aune de notre capacité à relever les défis environnementaux que pose l’industrie de la mode ou du progrès économique obtenu grâce au soutien de modèles commerciaux écologiques, le progrès est stimulé par l’innovation et l’ingéniosité humaine, et générateur de profits grâce à la création de marchés (Karuppiah et al., 2023). L’innovation est fondamentalement liée aux droits de propriété intellectuelle (voir, par exemple, Fink, 2009 et plus généralement, Fink et al., 1999). Ces droits, qui englobent les brevets, les marques, les droits d’auteur et les dessins et modèles industriels, fonctionnent comme des instruments qui influencent les mesures incitatives et les comportements dans le domaine de l’innovation. En d’autres termes, le système de la propriété intellectuelle offre aux créateurs une exclusivité limitée dans le temps sur leurs efforts intellectuels, tout en servant l’intérêt public au sens large.

La propriété intellectuelle en tant que bien public

En réalité, le système de la propriété intellectuelle repose sur le principe selon lequel la connaissance est un bien quasi public (Tanzi, 2017). En l’absence de protection juridique, il existe un risque accru que des idées novatrices puissent faire l’objet d’une appropriation ou d’une reproduction par des personnes autres que leur inventeur. La propriété intellectuelle offre une sécurité qui donne confiance à un inventeur pour consacrer des ressources importantes à la recherche et au développement, sachant que, pendant une période donnée, les fruits de son travail ne peuvent être librement repris par des concurrents (OMPI, non daté). Les droits de propriété intellectuelle accordent aux innovateurs une période limitée dans le temps pendant laquelle ils peuvent contrôler leur invention et la commercialiser. L’augmentation du potentiel de retour sur investissement peut agir comme un catalyseur, encourageant l’allocation de capitaux et de talents à la recherche de nouvelles connaissances et à leur application pratique.

En outre, le système de propriété intellectuelle joue également un rôle important dans la diffusion plus large des connaissances. Le régime des brevets, par exemple, fonctionne sur la base d’une contrepartie : en échange de l’octroi de droits exclusifs, les inventeurs sont tenus de divulguer leur invention de manière suffisamment détaillée (voir généralement Lee, 2024). Cette exigence transforme les connaissances tacites en informations explicites, enrichissant ainsi le domaine public et fournissant une base pour de futures innovations.

Les vastes référentiels d’informations relatives aux brevets constituent également une ressource précieuse pour orienter le développement technologique et identifier de nouveaux domaines de recherche scientifique et commerciale pour les chercheurs et les entrepreneurs (Kwakwa et Oksen, 2024; voir également Borthakur, 2023). En outre, les droits de propriété intellectuelle facilitent le processus de transfert de technologie et les projets collaboratifs. Les contrats de licence permettent aux titulaires de droits de diffuser leurs innovations de manière stratégique, en atteignant des marchés et des applications qui, sans cela, resteraient inaccessibles. De tels contrats peuvent favoriser une adoption plus rapide et plus large des nouvelles technologies.

Parmi les types de propriété intellectuelle potentiellement pertinents pour les technologies de la mode, on peut citer les brevets pour les nouveaux matériaux et procédés, les marques liées à une image de marque durable et les droits sur les dessins et modèles pour les produits écologiques. Dans le même temps, la protection des savoirs traditionnels et des solutions fondées sur la nature liées à la mode – telles que les techniques de teinture naturelle, les méthodes agricoles régénératives et les méthodes anciennes de production manuelle de textiles – dans le cadre de la propriété intellectuelle peut poser des difficultés, d’autant plus que ces types d’innovations sont souvent développés collectivement sur plusieurs générations, dans des contextes culturels différents, et peuvent donc ne pas répondre aux critères de nouveauté requis pour la protection par brevet. En outre, ces innovations sont généralement transmises oralement, ce qui rend difficile l’établissement de leur propriété légale. Des instruments internationaux tels que le Protocole de Nagoya et le Traité de l’OMPI sur la propriété intellectuelle, les ressources génétiques et les savoirs traditionnels associés visent à combler certaines de ces lacunes.

OMPI et WIPO GREEN

En tant qu’institution spécialisée des Nations Unies, l’OMPI vise à promouvoir un système international de propriété intellectuelle équilibré et efficace qui favorise l’innovation et la créativité au profit de tous. Tout d’abord, elle sert de forum pour la coopération internationale, notamment en offrant à ses États membres une plateforme pour engager le dialogue et négocier des accords internationaux. Ensuite, elle offre des services de propriété intellectuelle à l’appui des processus d’innovation. Des accords tels que le Traité de coopération en matière de brevets (PCT) et le système de Madrid pour les marques tentent de rationaliser le processus complexe et coûteux de recherche d’une protection internationale de la propriété intellectuelle en offrant un mécanisme centralisé permettant aux innovateurs d’obtenir une protection dans plusieurs ressorts juridiques. Parmi les autres services, on peut citer la mise à disposition de bases de données telles que Patentscope, qui permet aux utilisateurs d’accéder à des millions de documents de brevets, notamment aux demandes selon le PCT.

Autre base de données de ce type, WIPO GREEN, qui regroupe toutes les technologies mentionnées dans le présent rapport. La base de données WIPO GREEN contient plus de 140 000 technologies vertes, experts et besoins, et est une ressource publique gratuite. Fondée sur les téléchargements des demandeurs et des prestataires de solutions, elle vise à combler le manque d’informations sur les technologies vertes en fournissant des informations accessibles sur les solutions disponibles ou à venir.

La propriété intellectuelle dans l’économie circulaire

Une autre question qui mérite une analyse plus approfondie est le rôle de la propriété intellectuelle dans l’économie circulaire, un modèle qui maintient les ressources en circulation et réduit les déchets (Calboli, 2024). Les processus clés tels que la réutilisation, la réparation, la remise à neuf et le recyclage nécessitent souvent l’accord du titulaire du droit de propriété intellectuelle. Ainsi, la mise sur le marché d’un produit ayant subi une transformation substantielle peut constituer une atteinte aux droits du titulaire de la propriété intellectuelle. Le droit de réparer peut ne pas s’appliquer si les modifications apportées au produit sont trop importantes.

Aussi peut-il être justifié, compte tenu de ces tensions, d’examiner la manière dont certains éléments de la propriété intellectuelle sont exercés ou interprétés dans l’économie circulaire. Dans la pratique, les entreprises qui sont favorables à l’économie circulaire doivent considérer leur rôle de facilitateurs d’une forte circularité en adoptant des pratiques collaboratives (Capponi et al., 2025). Au niveau politique, certains suggèrent d’envisager des exceptions spécifiques pour la réparation et le surcyclage, ainsi qu’une interprétation plus large du principe d’épuisement des droits.