du 29 octobre 1993
relative à l'harmonisation de la durée de protection du droit d'auteur et de certains droits voisins
LE CONSEIL DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
vu le traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment son article 57 paragraphe 2 et ses articles 66 et 100 A,
vu la proposition de la Commission1,
en coopération avec le Parlement européen2,
vu l'avis du Comité économique et social3,
(1) considérant que la convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques et la convention internationale sur la protection des artistes interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion (convention de Rome) ne prévoient que des durées minimales de protection des droits auxquels elles se réfèrent, laissant ainsi aux États parties la faculté d'accorder des durées plus longues; que certains États membres ont fait usage de cette faculté; que, en outre, certains États membres ne sont pas encore devenus parties à la convention de Rome;
(2) considérant qu'il s'ensuit des disparités entre les législations nationales régissant les durées de protection du droit d'auteur et des droits voisins, disparités qui sont susceptibles d'entraver la libre circulation des marchandises et la libre prestation des services et de fausser les conditions de concurrence dans le marché commun; qu'il convient, dès lors, pour assurer le bon fonctionnement du marché intérieur, d'harmoniser les législations des États membres de manière que les durées de protection soient identiques dans toute la Communauté;
(3) considérant que l'harmonisation doit porter non seulement sur les durées de protection en tant que telles, mais également sur certaines de leurs modalités, telles que la date à partir de laquelle chaque durée de protection est calculée;
(4) considérant que les dispositions de la présente directive ne portent pas atteinte à l'application, par les États membres, de l'article 14 bis paragraphe 2 points b), c) et d) et paragraphe 3 de la convention de Berne;
(5) considérant que la durée minimale de protection prévue par la convention de Berne, à savoir la durée de vie de l'auteur plus cinquante ans après la mort de celui-ci, était destinée à protéger l'auteur et les deux premières générations de ses descendants; que l'allongement des durées de vie moyennes dans la Communauté est tel que ladite durée n'est plus suffisante pour couvrir deux générations;
(6) considérant que certains États membres ont accordé des prolongations de la durée au-delà de cinquante ans après la mort de l'auteur afin de compenser les effets des guerres mondiales sur l'exploitation des œuvres;
(7) considérant que, pour ce qui est de la durée de protection des droits voisins, certains États membres ont introduit une durée de cinquante ans après la publication licite ou après la communication licite au public;
(8) considérant que, selon la position de la Communauté adoptée pour les négociations de l'Uruguay Round menées dans le cadre de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), la durée de protection doit être de cinquante ans après la première publication pour les producteurs de phonogrammes;
(9) considérant que le respect des droits acquis constitue l'un des principes généraux du droit protégés par l'ordre juridique communautaire; que, en conséquence, une harmonisation des durées de protection du droit d'auteur et des droits voisins ne peut avoir pour effet de diminuer la protection dont jouissent actuellement les ayants droit dans la Communauté; que, pour limiter à un minimum les effets des mesures transitoires et permettre au marché intérieur de fonctionner en pratique, il y a lieu de faire porter l'harmonisation des durées de protection sur des périodes longues;
(10) considérant que, dans sa communication du 17 janvier 1991 intitulée «Suites à donner au Livre vert Programme de travail de la Commission en matière de droit d'auteur et droits voisins», la Commission souligne que l'harmonisation du droit d'auteur et des droits voisins doit s'effectuer sur la base d'un niveau de protection élevé, étant donné que ces droits sont indispensables à la création intellectuelle, et souligne aussi que leur protection permet d'assurer le maintien et le développement de la créativité dans l'intérêt des auteurs, des industries culturelles, des consommateurs et de la collectivité tout entière;
(11) considérant que, pour instaurer un niveau de protection élevé, répondant à la fois aux exigences du marché intérieur et au besoin de créer un environnement juridique propice au développement harmonieux de la créativité littéraire et artistique dans la Communauté, il convient d'harmoniser la durée de protection du droit d'auteur sur une période de soixante-dix ans après la mort de l'auteur ou de soixante-dix ans après que l'œuvre a été licitement rendue accessible au public et la durée de protection des droits voisins sur une période de cinquante ans après le fait générateur;
(12) considérant que les recueils sont protégés conformément à l'article 2 paragraphe 5 de la convention de Berne lorsque, par le choix et la disposition de leur contenu, ils constituent des créations intellectuelles; que ces œuvres sont protégées comme telles, sans préjudice des droits d'auteur sur chacune des œuvres qui font partie de ces recueils; que, par conséquent, des durées de protection particulières doivent pouvoir s'appliquer aux œuvres incluses dans des recueils;
(13) considérant que, dans tous les cas où une ou plusieurs personnes physiques sont identifiées comme auteurs, il convient que la durée de la protection soit calculée à partir de leur mort; que la question de la paternité de l'ensemble ou d'une partie d'une œuvre est une question de fait que les juridictions nationales peuvent être amenées à trancher;
(14) considérant que les durées de protection doivent être calculées à partir du 1er janvier de l'année qui suit le fait générateur pertinent, comme elles le sont dans les conventions de Berne et de Rome;
(15) considérant que l'article 1er de la directive 91/250/CEE du Conseil, du 14 mai 1991, concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur4 , prévoit que les États membres protègent les programmes d'ordinateur par le droit d'auteur en tant qu'œuvres littéraires au sens de la convention de Berne; que la présente directive harmonise la durée de protection des œuvres littéraires dans la Communauté; qu'il y a donc lieu d'abroger l'article 8 de la directive 91/250/CEE, qui ne règle que provisoirement la durée de protection des programmes d'ordinateur;
(16) considérant que les articles 11 et 12 de la directive 92/100/CEE du Conseil, du 19 novembre 1992, relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle5 , ne prévoient que des durées minimales de protection, sous réserve d'une nouvelle harmonisation; que la présente directive introduit cette nouvelle harmonisation; qu'il y a donc lieu d'abroger les articles en question;
(17) considérant que la protection des photographies dans les États membres fait l'objet de différents régimes; que, pour obtenir une harmonisation suffisante de la durée de protection des œuvres photographiques, et notamment de celles qui, en raison de leur caractère artistique ou professionnel, ont une importance dans le cadre du marché intérieur, il est nécessaire de définir le niveau d'originalité requis dans la présente directive; qu'une œuvre photographique au sens de la convention de Berne doit être considérée comme originale si elle est une création intellectuelle de l'auteur qui reflète sa personnalité, sans que d'autres critères, tels que la valeur ou la destination, ne soient pris en compte; que la protection des autres photographies doit pouvoir être régie par la législation nationale;
(18) considérant que, pour éviter des différences de durée de protection dans le cas des droits voisins, il est nécessaire de prévoir le même point de départ pour le calcul de la durée dans l'ensemble de la Communauté; que l'exécution, la fixation, la diffusion, la publication licite et la communication licite au public, c'est-à-dire le fait de rendre perceptible à des personnes en général, par tout moyen approprié, un objet sur lequel porte un droit voisin, doivent être prises en compte pour le calcul de la durée de protection, quel que soit le pays où cette exécution, fixation, diffusion, publication licite ou communication licite au public a lieu;
(19) considérant que les droits des organismes de radiodiffusion sur leurs émissions, que celles-ci soient diffusées sans fil ou avec fil, y compris par câble ou par satellite, ne doivent pas être perpétuels; qu'il est donc nécessaire de faire courir la durée de la protection seulement à partir de la première diffusion d'une émission particulière; que cette disposition est destinée à éviter qu'une nouvelle durée de protection ne coure lorsqu'une émission est identique à une précédente;
(20) considérant que les États membres doivent rester libres de maintenir ou d'introduire d'autres droits voisins, notamment en ce qui concerne la protection des éditions critiques et scientifiques; que, pour assurer la transparence au niveau communautaire, il est toutefois nécessaire que les États membres qui introduisent de nouveaux droits voisins en informent la Commission;
(21) considérant qu'il est utile de préciser que l'harmonisation à laquelle procède la présente directive ne s'applique pas aux droits moraux;
(22) considérant que, pour les œuvres dont le pays d'origine au sens de la convention de Berne est un pays tiers et dont l'auteur n'est pas un ressortissant de la Communauté, il y a lieu d'appliquer la comparaison des durées de protection sans que la durée accordée dans la Communauté ne puisse être plus longue que la durée prévue à la présente directive;
(23) considérant que, lorsqu'un titulaire de droits qui n'est pas un ressortissant de la Communauté réunit les conditions pour bénéficier d'une protection en vertu d'un accord international, il convient que la durée de protection des droits voisins soit la même que celle prévue à la présente directive, sauf que cette durée ne doit pas dépasser celle du pays tiers dont le titulaire est ressortissant;
(24) considérant que la comparaison des durées de protection ne doit pas avoir pour conséquence de mettre les États membres en conflit avec leurs obligations internationales;
(25) considérant que, pour permettre le bon fonctionnement du marché intérieur, la présente directive doit s'appliquer à partir du 1er juillet 1995;
(26) considérant que les États membres doivent rester libres d'arrêter des dispositions sur l'interprétation, l'adaptation et la poursuite de l'exécution de contrats qui portent sur l'exploitation d'œuvres et d'autres objets protégés et qui ont été conclus avant l'extension de la durée de protection résultant de la présente directive;
(27) considérant que le respect des droits acquis et de la confiance légitime des tiers est garanti par l'ordre juridique communautaire; que les États membres doivent pouvoir prévoir notamment que, dans certaines circonstances, les droits d'auteur et les droits voisins qui renaîtront en application de la présente directive ne pourront pas donner lieu à des paiements de la part de personnes qui avaient entrepris de bonne foi l'exploitation des œuvres au moment où celles-ci faisaient partie du domaine public,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DIRECTIVE :
Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d'une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres.
Les États membres communiquent à la Commission le texte des dispositions de droit interne qu'ils adoptent dans le domaine régi par la présente directive.
Fait à Bruxelles, le 29 octobre 1993.
Par le Conseil
Le président
R. URBAIN
1 JO n° C 92 du 11. 4. 1992, p. 6 et JO n° C 27 du 30. 1. 1993, p. 7.
2 JO n° C 337 du 21. 12. 1992, p. 205 et Décision du 27 octobre 1993 (non encore parue au Journal officiel).
3 JO n° C 287 du 4. 11. 1992, p. 53.
4 JO n° L 122 du 17. 5. 1991, p. 42.
5 JO n° L 346 du 27. 11. 1992, p. 61.