WIPO

 

Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

 

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Nature et Découvertes contre SARL Labenne Météorites

Litige n° D2004-0364

 

1. Les parties

Le requérant est Nature et Découvertes, Toussus le Noble, France, représenté par Allen & Overy, France.

Le défendeur est SARL Labenne Météorites, B.P. 57, 02700 TERGNIER, France.

 

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <natureetdecouverte.com>.

L’unité d’enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est Ascio Technologies Inc. (DK).

 

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par Nature et Découvertes auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 18 mai 2004.

En date du 18 mai 2004, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux, Ascio Technologies Inc. (DK), aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. L’unité d’enregistrement a confirmé l’ensemble des données du litige en date du 18 mai 2004.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 25 mai 2004, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 14 juin 2004. Le défendeur a fait parvenir sa réponse le 14 juin 2004.

En date du 23 juin 2004, le Centre nommait dans le présent litige comme expert unique Christiane Féral-Schuhl. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

Le 23 juin 2004, le requérant adressait au Centre et au défendeur une réplique additionnelle à la réponse du défendeur. La Commission tient à rappeler qu’une telle faculté n’est pas expressément ouverte au requérant, sauf demande spécifique en ce sens de la Commission conformément au paragraphe 12 des Règles d’application et ce, afin de ne pas conduire à un rallongement des délais de la procédure administrative mise en place par l’OMPI, lequel nuirait à la finalité première de cette procédure. La Commission note cependant que le défendeur ne s’est pas opposé à cette réplique additionnelle, ni n’a manifesté jusqu’au jour de la présente décision, l’intention de répondre. La Commission accepte donc, au vu de la date à laquelle a été présentée cette réplique et des considérations susvisées, de prendre en compte la réplique additionnelle du requérant dans l’élaboration de sa décision.

 

4. Les faits

Le requérant est une société immatriculée au registre du commerce et des sociétés depuis le 15 mai 1991, exploitant 54 magasins en France spécialisés dans le commerce de cadeaux et de livres et ayant pour concept la protection de la Nature et les Sciences de la Vie et de la Terre. Le requérant se présente comme une entreprise “écocitoyenne” qui soutient différentes associations de protection de la nature par l’intermédiaire de sa fondation NATURE ET DECOUVERTES.

Le requérant exploite deux sites internet “www.nature-et-decouvertes.com” et “www.nature-et-decouvertes.fr”.

Le requérant est également titulaire des deux marques françaises suivantes qu’il exploite à travers son réseau de magasins et utilise sur ses documents commerciaux et publicitaires :

- marque dénominative “NATURE ET DECOUVERTES” n°1 610 967 déposée le 27 juin 1990, et régulièrement renouvelée par déclaration en date du 21 juin 2000, pour désigner l’intégralité des services des classes 9, 14, 16, 25 et 28 incluant les “métaux précieux” et les “pierres précieuses” ;

- marque dénominative “NATURE ET DECOUVERTES” n°3 058 757 déposée le 18 octobre 2000, pour désigner l’intégralité des services des classes 38, 41 et 42.

“NATURE ET DECOUVERTES” constitue également la dénomination sociale et l’enseigne du requérant.

Le défendeur est une société française spécialisée dans la recherche et la vente de météorites auprès des institutions et des collectionneurs privés et est membre de la Meteoritical Society, organisme officiel dont le siège est situé dans le Département de Chimie et Biochimie de l’Université de L’Arkansas, aux Etats-Unis. Le défendeur a notamment été l’objet d’un reportage télévisé dans le cadre de l’émission “ Des racines et des ailes ”.

Le défendeur existe essentiellement sur Internet où il est présent depuis le 23 juin 1997, avec l’enregistrement de son premier nom de domaine <labenne-meteorites.com>.

Le défendeur a procédé à l’enregistrement du nom de domaine litigieux <natureetdecouverte.com> le 10 mai 2002. Le défendeur procédait sur cette même période, au dépôt des noms de domaine <nature-et-sciences.com>, <sciences-and-nature.com> et <sciencesnature.com>.

Le requérant a mis en demeure le défendeur, par courrier du 18 mars 2004, de cesser tout usage du nom de domaine litigieux et de procéder au transfert de ce nom de domaine au profit du requérant auprès des autorités compétentes. Aucune suite n’a été donnée à cette mise en demeure par le défendeur.

L’enregistrement du nom de domaine litigieux <natureetdecouverte.com> a été renouvelé par le défendeur le 11 mai 2004.

 

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le requérant fait tout d’abord valoir que le nom de domaine <natureetdecouverte.com> est identique, ou à tout le moins, présente un risque de confusion certain avec les marques du requérant, les seules différences consistant en :

- l’absence de la lettre “s” à la fin du terme “decouverte” dans le nom de domaine litigieux : cette différence n’est toutefois pas perceptible phonétiquement dans la langue française;

- l’accolement, dans le nom de domaine litigieux, de chacun des mots composant les marques du requérant.

Le requérant invoque par ailleurs que le défendeur ne peut justifier d’aucun droit ni d’aucun intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux dès lors que :

- le requérant n’a cédé ou concédé au défendeur aucune licence d’utilisation des marques du requérant;

- il n’existe aucune relation commerciale entre les parties justifiant le dépôt du nom de domaine litigieux par le défendeur;

- le défendeur n’est pas connu sous le nom de domaine en cause, le nom de domaine litigieux renvoyant au demeurant automatiquement les internautes vers le site internet “www.lunar-meteorites.com”.

Le requérant expose enfin que le nom de domaine <natureetdecouverte.com> a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi. En effet, le requérant fait valoir qu’il est une société française très connue sur l’ensemble du territoire national et exploite de manière constante et sérieuse ses marques “NATURE ET DECOUVERTES” et qu’à ce titre, le défendeur ne pouvait ignorer lesdites marques. Par ailleurs, le requérant rappelle que sa marque “NATURE ET DECOUVERTES” n°1 610 967 a été déposée pour désigner notamment les “métaux précieux” et les “pierres précieuses” et qu’il vend via ses sites internet des montres, bijoux et livres consacrés aux pierres précieuses. Or, le requérant souligne que le défendeur commercialise également sur son site internet accessible via le nom de domaine litigieux <natureetdecouverte.com>, des montres et des bijoux en météorites, pouvant ainsi laisser penser aux internautes que le site internet du défendeur appartient au requérant, attestant ainsi selon le requérant d’une utilisation de mauvaise foi du nom de domaine litigieux par le défendeur.

B. Défendeur

Le défendeur expose en premier lieu avoir enregistré le nom de domaine litigieux <natureetdecouverte.com> en vue d’optimiser son référencement sur les moteurs de recherche, l’association de mots clefs dans des noms de domaine lui étant apparue comme une solution. Le défendeur soutient à ce titre que l’association des mots clefs “nature” et “découverte” est pertinente pour un site internet traitant des météorites, au regard des résultats obtenus sur le moteur de recherche “www.google.fr” avec les recherches “nature des météorites” et “découverte de météorites”.

Le défendeur fait au demeurant valoir que les termes “nature” et “découverte” sont des termes faisant partie intégrante du dictionnaire français et qu’en conséquence, le fait que le requérant soit titulaire de la marque “NATURE ET DECOUVERTES” ne saurait lui conférer un droit exclusif d’exploitation des mots “nature” et “découverte” et par extension, sur leur association comme mots clefs dans un URL comme “www.natureetdecouverte.com”.

Le défendeur souligne également que le nom de domaine litigieux se différencie de la marque du requérant de part l’absence de la lettre “s” dans ledit nom de domaine et qu’il ne saurait y avoir confusion dans l’esprit des internautes dès lors que le titre de la page d’accueil du site internet correspondant au nom de domaine litigieux est Labennes Météorites, aucune référence n’étant faite à la dénomination commerciale du requérant. Le défendeur indique également être spécialisé dans la recherche et la vente de météorites, n’entrant donc pas en concurrence avec les activités du requérant.

Le défendeur invoque en second lieu avoir un intérêt légitime se rattachant au nom de domaine <natureetdecouverte.com>, faisant valoir à cet égard :

- exploiter en toute bonne foi ce nom de domaine et, depuis sa création, commercialiser des météorites sous diverses formes avec des mises à jour régulières du site internet correspondant;

- ne pas avoir acquis ce nom de domaine aux fins de le vendre, louer ou céder d’une quelconque manière;

- être connus sous ce nom de domaine, les internautes retrouvant le site du défendeur par l’usage des signets ou des favoris.

Le défendeur expose enfin ne pas avoir enregistré le nom de domaine litigieux en vue d’empêcher le requérant de reprendre sa marque sous forme de nom de domaine, ni de créer une confusion entre les deux sociétés, le défendeur indiquant au demeurant que le requérant ne jouissait pas, à la date du dépôt du nom de domaine litigieux, de la notoriété auprès du grand public qu’il connaît actuellement.

Le défendeur mentionne également ne pas avoir répondu au courrier du requérant du 18 mars 2004, du fait qu’il ne souhaitait pas céder ce nom de domaine.

C. Réplique additionnelle du Requérant

Le requérant fait en substance état des arguments additionnels suivants dans sa réplique, par rapport à sa plainte initiale.

Selon le requérant, l’argument du défendeur quant à une utilisation du nom de domaine litigieux en tant que simple outil permettant de renvoyer à son site internet “www.labennes-meteorites.com” et dans le seul but d’optimiser son référencement est l’aveu d’un enregistrement et d’une utilisation de mauvaise foi du nom de domaine litigieux par le défendeur et la preuve de ce que le défendeur n’a aucun intérêt légitime se rattachant audit nom de domaine, le requérant soulignant que le défendeur n’est connu des médias et de la communauté scientifique que sous sa dénomination sociale “LABENNE METEORITES”.

 

6. Discussion et conclusions

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Le requérant a valablement établi être titulaire des marques dénominatives “NATURE ET DECOUVERTES” n°1 610 967 et n°3 058 757.

La Commission constate que les trois mots “nature”, “et” et “découverte” composant les marques du requérant sont intégralement repris dans le nom de domaine litigieux <natureetdecouverte.com>. La Commission note également que si la marque du requérant est composée de termes génériques, elle n’en a pas moins acquis une réputation certaine sur le territoire nationale.

L’absence de reproduction de la lettre “s” au sein du nom de domaine litigieux est sans incidence, tant visuellement que phonétiquement, comme constaté dans la décision Nature et Découvertes contre Découverte 3 Vallées Ballon d’Alsace (Litige OMPI No. D2004-0143), et n’est donc pas de nature à écarter le risque de confusion entre les marques du requérant et le nom de domaine litigieux enregistré par le défendeur.

De même, l’accolement de chaque mot composant les marques du requérant, dans le nom de domaine litigieux, n’affecte en rien la séquence desdits mots qui demeure, sinon visuellement, du moins phonétiquement et intellectuellement, identique.

Enfin, l’adjonction du suffixe <.com> n’est qu’un ajout nécessaire, sans incidence dans la comparaison du nom de domaine litigieux et des marques du requérant.

La Commission considère en conséquence que le nom de domaine <natureetdecouverte.com> est identique, ou à tout le moins similaire au point de prêter à confusion, aux marques du requérant.

B. Droits ou légitimes intérêts

Il est patent des éléments produits par les parties, dont notamment ceux du défendeur, que ce dernier n’est pas connu de la communauté scientifique et des médias sous le nom de domaine <natureetdecouverte.com> ou l’appellation “NATURE ET DECOUVERTE”, mais sous sa dénomination commerciale “LABENNE METEORITES”, le simple enregistrement du nom de domaine litigieux par les internautes dans les favoris ou signets n’étant pas de nature à justifier être connu sous ledit nom de domaine.

Le fait que le défendeur fait usage de plusieurs URL, dont “www.lunar-meteorites.com”, pour pointer vers un même site internet, et plus précisément le site correspondant au nom de domaine litigieux, confirme que le défendeur ne se fait pas connaître avant tout au moyen du nom de domaine litigieux, les internautes accédant à ce site indistinctement par des noms de domaine différents.

Le défendeur admet par ailleurs lui-même utiliser le nom de domaine litigieux à seule fin d’optimisation de son référencement sur Internet et ne disposer d’aucun droit de propriété intellectuelle sur la dénomination “NATURE ET DECOUVERTE”.

La Commission estime en conséquence que n’est pas établie l’existence d’un droit ou d’un intérêt légitime du défendeur se rattachant au nom de domaine <natureetdecouverte.com>.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Le défendeur a procédé à l’enregistrement du nom de domaine litigieux le 10 mai 2002.

Le défendeur indique avoir procédé à cet enregistrement à seule fin d’optimisation de son référencement sur Internet et avoir ainsi, dans cette même logique et sur la même période, déposé les noms de domaine <nature-et-sciences.com>, <sciences-and-nature.com> et <sciencesnature.com>.

Au regard des différentes déclinaisons opérées par le défendeur autour des termes “sciences” et “nature”, il est à penser que le défendeur a pu chercher à établir des déclinaisons similaires autour des termes “nature” et “découverte” et dans ce cadre, a pu avoir connaissance de ce que les noms de domaine <nature-et-decouverte.com> et <nature-et-decouvertes.fr> avaient déjà été enregistrés par le requérant, dont la dénomination sociale et les marques sont identiques aux dits noms de domaine.

La Commission relève également que le défendeur aurait également pu déposé le nom de domaine <nature-decouverte> mais n’a pourtant déposé que le nom de domaine <natureetdecouverte.com> reprenant ainsi à l’identique les trois mots composant les marques du requérant, à la seule exception de la lettre “s” à la fin du terme “découverte”.

En toute hypothèse et contrairement aux affirmations du défendeur dans sa réponse, les marques du requérant jouissaient déjà à cette époque, sur le territoire français, d’une renommée certaine et le défendeur, étant spécialisé dans le domaine de la recherche et de la vente de météorites, ne pouvait ignorer, lors du dépôt du nom de domaine litigieux, l’existence des marques du requérant, société ayant pour concept la protection de la Nature et les Sciences de la Vie et de la Terre.

La Commission constate également, comme le défendeur le mentionne lui-même, que le nom de domaine n’est pas utilisé en tant que tel pour désigner un site internet, mais comme un outil permettant de maximiser les visites d’internautes sur ce site, via différents noms de domaine et sans utilisation spécifique de l’appellation “NATURE ET DECOUVERTE” dans ledit site, le titre de la page d’accueil étant “LABENNE METEORITES”.

Il y a par ailleurs matière à penser que le défendeur pouvait logiquement penser attirer sur son site, lequel vend notamment des bijoux en météorites, des internautes pensant accéder au site internet du requérant, sur lequel sont notamment vendus des bijoux en pierres précieuses, et ayant commis une erreur en tapant l’URL permettant d’accéder audit site internet.

Enfin, le nom de domaine litigieux étant identique ou à tout le moins similaire aux marques préexistantes du requérant, et en l’absence de toute cession ou concession d’un droit d’utilisation sur ces marques par le requérant au profit du défendeur, il ne peut y avoir d’utilisation légitime et de bonne foi de ce nom de domaine.

La Commission considère en conséquence que le nom de domaine <natureetdecouverte.com> a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.

 

7. Décision

Conformément aux paragraphes 4.i) des principes directeurs et 15 des règles d’application, la Commission Administrative décide le transfert du nom de domaine <natureetdecouverte.com> au profit du requérant.

 


 

Christiane Féral-Schuhl
Expert Unique

Date : Le 7 juillet 2004