WIPO

Centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI

DÉCISION DE L'EXPERT

Crédit Industriel et Commercial contre Brad Klarkson

Litige n° DFR2010-0007

1. Les parties

Le Requérant est le Crédit Industriel et Commercial, Paris, France, représenté par Meyer & Partenaires, France.

Le Défendeur est Brad Klarkson, Paris, France.

2. Nom de domaine et prestataire Internet

Le litige concerne le nom de domaine <banquecic.fr> enregistré le 22 novembre 2009.

Le prestataire Internet est Cœur Internet, France.

3. Rappel de la procédure

Une demande a été déposée par le Requérant, le Crédit Industriel et Commercial, auprès du Centre d'arbitrage et de médiation de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 5 mars 2010.

En date du 8 mars 2010, le Centre a adressé à l'Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l'“Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.

Le 8 mars 2010, l'Afnic a confirmé l'ensemble des données du litige, ainsi qu'aucune procédure administrative applicable au nom de domaine objet du litige n'est pendante.

Le Centre a vérifié que la demande répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le “Règlement”) en vigueur depuis le 22 juillet 2008, et applicable à l'ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l'Afnic applicable (ci-après la “Charte”).

Conformément à l'article 14(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 10 mars 2010. Conformément à l'article 15(a) du Règlement, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 30 mars 2010. Le Défendeur n'a fait parvenir aucune réponse. En date du 14 avril 2010, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.

Le 16 avril 2010, le Centre nommait Jean-Claude Combaldieu comme Expert dans le présent litige. L'Expert constate qu'il a été nommé conformément au Règlement. L'Expert a adressé au Centre une déclaration d'acceptation et une déclaration d'impartialité et d'indépendance, conformément à l'article 4 du Règlement.

4. Les faits

Le Crédit Industriel et Commercial (ci-après désigné “CIC”), Requérant dans le présent litige, quatrième groupe bancaire français et bien connu du grand public, est titulaire de nombreuses marques:

- Marque verbale CIC déposée le 10 juin 1986, enregistrée sous le n° 1358524, en renouvellement d'une marque déposée le 25 juin 1976 et enregistrée sous le n°959999. Elle a été renouvelée en dernier lieu le 21 février 2006. Elle concerne les classes 35 et 36 de la classification de Nice.

- Marque verbale CIC communautaire déposée le 10 mai 2007 et enregistrée le 5 mars 2008 sous le n° 005891411. Elle concerne les classes 9, 16, 35 et 36.

- Marque française CIC BANQUES semi figurative du 5 septembre 1991sous le n°1691423 dans les classes 35,36 et 41.

- Marque française CIC BANQUES semi figurative déposée le 31 juillet 1991sous le n° 1684098 dans les classes 35, 36 et 41.

- Marque française CIC BANQUES verbale déposée le 24 juillet 1991 sous le n° 1682713 dans les classes 35, 36 et 41.

- Marque internationale CIC BANQUES semi figurative déposée le 10 mai 1992 sous le n° 585099 dans les classes 35 et 36.

- Marque internationale CIC BANQUES verbale déposée le 10 avril 1992 sous le n° 585098 dans les classes 35 et 36.

Le Requérant a été inscrit au Registre du Commerce et des Sociétés en 1954 en mentionnant le sigle CIC.

Enfin le Requérant a enregistré des noms de domaines antérieurs au nom de domaine litigieux comportant le sigle “CIC” et le mot “banque”, soit séparément soit en combinaison, avec diverses extensions telles que “.fr”, “.eu”, “.com”, “.net”, “.org”, “.biz”, “.info”, “.mobi”.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le Requérant présente d'abord le Défendeur comme un habitué de ce type de “cybersquatting”. Ce dernier, non content de donner une fausse adresse postale et un faux numéro de téléphone afin qu'il soit plus difficile de le retrouver, a déposé directement ou par personne interposée des noms de domaine qui sont a l'évidence destinés à détourner la clientèle de sociétés notoires, notamment bancaires, comme par exemple <labaquepostale.fr>, <bnpparibasnet.fr >, <wwwunicredit.ru>, <pgesjaunes.fr>, etc.

Il a d'ailleurs été condamné pour ces agissements dans une procédure (Dreamstar Cash S.L. v. Brad Klarkson, Litige OMPI No. D2007-1943).

Le Requérant fait ensuite valoir qu'il a des droits sur les dénominations “CIC” et “CICBANQUES”. Il invoque le sigle “CIC” mentionné au registre du commerce et des sociétés (droit à titre d'enseigne et au nom commercial), les marques visées au point précédent (4. Les faits) et ses noms de domaine, plus particulièrement <cic-banques.fr> et <cic.fr> qui ont fait l'objet d'une exploitation continue.

Le Requérant souligne aussi qu'il bénéficie d'une renommée plus particulièrement sur le portail Internet où il est accessible depuis 2000 à l'adresse “www.cic.fr”. Il justifie cette notoriété par les 417 000 résultats proposés par le moteur de recherche Google à partir d'une requête sur l'expression “banque cic”.

Il ajoute que sa notoriété a aussi été reconnue par des experts désignés dans le cadre de procédures PARL et/ou UDRP. Il cite en particulier le cas Crédit Industriel et Commercial (CIC) contre Pneuboat Sud, Litige OMPI No. DFR2004-0005, pour le nom de domaine <cic-banque.fr>.

Ensuite, le Requérant soutient que l'enregistrement ou l'utilisation du nom de domaine par le Défendeur constitue une atteinte à ses droits.

Il expose que l'enregistrement imite la marque CIC et que l'ajout du domaine d'activité “banque” n'est pas de nature à écarter la confusion et, bien au contraire, la renforce. Le Requérant cite des cas de procédures UDRP dans ce sens en particulier un cas concernant <cicbank.com>.

De plus il expose que le nom de domaine litigieux imite les marques CIC BANQUES sur lesquelles il détient des droits. En effet l'inversion des termes “CIC” et “banque” ainsi que la suppression du “s” ne sauraient faire échapper à la confusion compte tenu du caractère extrêmement évocateur de ce nom de domaine.

Ainsi le Requérant estime que le Défendeur a méconnu les dispositions de l'article 12.1(4) de la charte de nommage qui oblige a vérifier que le nom de domaine choisi ne porte pas atteinte aux droits des tiers, en particulier aux droits de propriété intellectuelle.

De plus, le Requérant montre que le nom de domaine litigieux active une page parking avec des liens qui renvoient à des sociétés directement concurrentes du CIC et tente ainsi de détourner la clientèle en profitant de la notoriété du Requérant. Ceci constitue un acte de concurrence déloyale et de parasitisme contraire aux bonnes pratiques commerciales.

En conclusion, le Requérant demande le transfert à son profit du nom de domaine <banquecic.fr>.

B. Défendeur

Le Défendeur n'a apporté aucune réponse au Centre.

6. Discussion

L'Expert rappelle que, en application de l'article 1 du Règlement, une atteinte aux droits des tiers est constituée “lorsque le nom de domaine est identique ou susceptible d'être confondu avec un nom sur lequel est conféré un droit de propriété intellectuelle français ou communautaire (propriété littéraire et artistique et/ou propriété industrielle), ou est identique au nom patronymique d'une personne, sauf si le défendeur fait valoir un droit ou un intérêt légitime sur le nom de domaine et agit de bonne foi”. En application du même article, une atteinte aux règles de la concurrence désigne notamment “une violation du comportement loyal en matière commerciale en droit français ou communautaire”.

L'Expert souligne que, en application de l'article 20(c) du Règlement, il fait droit à la demande “lorsque l'enregistrement ou l'utilisation du nom de domaine par le défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers ou aux règles de la concurrence telles que définies à l'article 1 du présent Règlement et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le requérant a justifié de ses droits sur l'élément objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte applicable”.

(i) Droits du Requérant sur le nom de domaine

Le Requérant justifie qu'il détient des droits sur des marques comportant les termes “CIC” et “banque” séparément ou en combinaison (voir supra).

Le Requérant justifie aussi qu'il a enregistré des noms de domaine antérieurement au nom de domaine litigieux, notamment <banquescic.eu>, <banque-cic.com> et <cicbanque.com>.

Il est rappelé ici que pour comparer un nom de domaine avec un droit de propriété intellectuelle antérieur il n'y a pas lieu de tenir compte de l'extension.

Le Requérant rappelle à juste titre que “CIC” est pour lui son sigle et son nom commercial.

Enfin le Requérant justifie qu'il bénéficie d'une grande notoriété, au moins en France, dans un large public mais aussi sur Internet.

Dans ces conditions le Requérant apporte le preuve qu'il bénéficie d'un droit de propriété intellectuelle sur le signe “CIC” pris isolément ou en combinaison avec le mot “banque”, au singulier ou au pluriel, d'autant plus que son activité de banque est le cœur de son métier.

En conclusion nous estimons que le Requérant détient des droits de propriété intellectuelle sur le nom de domaine litigieux <banquecic.fr>.

(ii) Enregistrement ou utilisation du nom de domaine litigieux en violation des droits des tiers ou des règles de la concurrence

Ce n'est sûrement pas le fait du hasard si le Défendeur a choisi d'associer “CIC” et “banque” dans un nom de domaine. Une simple recherche sur les bases de données en matière de marques lui aurait permis de constater que le nom de domaine qu'il avait envisagé d'enregistrer n'était pas disponible, ne serais-ce que pour se conformer aux obligations prévues à l'article 12.1(4) de la Charte

Au demeurant la notoriété de la banque CIC en France aurait dû suffire à le décourager.

Si on ajoute à cela que, comme l'a prouvé le Requérant, le Défendeur n'en est pas à sa première tentative de déposer des noms de domaine comportant le nom de sociétés bien connues, le doute sur ses intentions n'est guère permis.

Concernant l'utilisation du nom de domaine litigieux, il est démontré par le Requérant que le site Internet comporte des liens commerciaux qui renvoient à des sociétés concurrentes dudit Requérant. Il s'agit d'une tentative de détournement de clientèle. Ce simple fait constitue un acte de concurrence déloyale et de parasitisme non conforme aux règles de bonne pratique commerciale.

7. Décision

Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l'Expert ordonne la transmission au profit du Requérant du nom de domaine <banquecic.fr>.


Jean-Claude Combaldieu
Expert

Le 19 avril 2010