WIPO

 

Centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI

 

DÉCISION DE L’EXPERT

Crédit Industriel et Commercial (CIC) contre Pneuboat Sud

Litige n° DFR 2004-0005

 

1. Les parties

Le Requérant est la société Crédit Industriel et Commercial (CIC), Paris, France représenté par le Cabinet Meyer & Partenaires, Strasbourg, France.

Le Défendeur est la société Pneuboat Sud, Béziers, France.

 

2. Nom de domaine et prestataire Internet

Le litige concerne le nom de domaine <cic-banque.fr> enregistré le 13 octobre 2004.

Le prestataire Internet est la société Arsys Hostmaster.

 

3. Rappel de la procédure

Une plainte déposée par le Requérant auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) a été reçue le 3 décembre 2004, par courrier électronique et le 7 décembre 2004, par courrier postal.

Le 3 décembre 2004, le Centre a adressé à l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l’Afnic) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.

Le 6 décembre 2004, l’Afnic a confirmé l’ensemble des données du litige.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” par décision technique (ci-après le ”Règlement”) en vigueur depuis le 11 mai 2004, et applicable à l’ensemble des noms de domaine du “.fr” conformément à la Charte de nommage de l’Afnic (ci-après la ”Charte”).

Conformément à l’article 14(c) du Règlement, le 16 septembre 2004, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 7 décembre 2004. Le Défendeur a adressé sa réponse au Centre le 21 décembre 2004, il en a été accusé réception par le Centre le 22 décembre 2004.

Le 4 janvier 2005, le Centre nommait Isabelle Leroux comme expert dans le présent litige. L’expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement. L’expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 4 du Règlement.

 

4. Les faits

Le Requérant, le Crédit Industriel et Commercial ou CIC fait partie du Groupe Crédit Mutuel, quatrième groupe bancaire français, créé en 1954.

Le Requérant justifie être titulaire des marques suivantes :

- Marque française verbale C.I.C. déposée le 10 juin 1986 et enregistrée sous le n°1 358 524 dûment renouvelée le 10 mai 1996 pour désigner les produits et services relevant des classes 16, 35, 36, 39 et 41.

- Marque française semi-figurative C.I.C. BANQUES déposée le 5 septembre 1991 et enregistrée sous le n°1 691 423 dûment renouvelée le 20 juin 1991 pour désigner les produits et services relevant des classes 35, 36 et 41.

- Marque française semi-figurative C.I.C. BANQUES déposée le 31 juillet 1991 et enregistrée sous le n°1 684 098 dûment renouvelée le 20 juin 1991 pour désigner les produits et services relevant des classes 35, 36 et 41.

- Marque française verbale C.I.C. BANQUES déposée le 24 juillet 1991 et enregistrée sous le n°1 682 713 dûment renouvelée le 19 juin 2001 pour désigner les produits et services relevant des classes 35, 36 et 41.

Le Requérant est également titulaire des noms de domaine suivants :

- <cic.fr>, enregistré le 28 mai 1999

- <cic-banques.fr>, enregistré le 24 avril 1996

- <cic.fr>.

Les autres noms de domaine dont la liste est jointe en annexe et comprenant la dénomination CIC ont été enregistrés soit par la « Compagnie Financière de CIC et de l’Union Européenne », soit par la société Euro Information, filiale informatique du Groupe CIC.

Le Défendeur est une association ayant pour objet le développement et la promotion de la pratique du bateau pneumatique et l’organisation de raids nautiques.

Le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux <cic-banque.fr> le 13 octobre 2004.

Ce nom de domaine renvoyait dans un premier temps “vers une page parking en français du courtier en noms de domaine SEDO, sur laquelle figurait la mention suivante : ‘cic-banque.fr : le nom de domaine est à vendre’. En cliquant sur le lien hypertexte ‘plus d’informations’, le nom de domaine apparaissait comme mis en vente par son propriétaire pour un montant minimum de 600 £”.

Par courrier recommandé du 18 novembre 2004, le Requérant a mis en demeure le Défendeur de cesser l’utilisation du nom de domaine litigieux et de procéder à sa transmission volontaire.

Par courrier électronique du 24 novembre 2004, le Défendeur a informé le Requérant de ses difficultés financières, justifiant la proposition de rachat du nom de domaine pour un montant de 600 euros et non 600 livres comme mentionné par erreur.

Par courrier électronique du 27 novembre 2004, le Défendeur a proposé de céder le nom de domaine litigieux pour la somme de 575 euros.

Par courrier recommandé du 30 novembre 2004, le Requérant a informé le Défendeur qu’à défaut d’une transmission amiable du nom de domaine litigieux, une procédure serait engagée à son encontre aux fins de récupération du nom de domaine.

Le 25 novembre le Requérant a constaté que le Défendeur avait désactivé le renvoi du nom de domaine litigieux vers le site Internet “sedo.fr”, ce nom de domaine renvoyant désormais vers une page de parking du prestataire d’enregistrement ARSYS Hostmaster.

Enfin, le Requérant a pu constater le 3 décembre 2004, que le nom de domaine avait encore été modifié et renvoyait vers une page active “http://j.schalk.free.fr” sur laquelle figurent notamment les mentions suivantes : “Partageons pour un monde meilleur-Conseil et Information pour les Consommateurs de la banque alimentaire de l’Hérault.”

C’est dans ces conditions que le Centre a été saisi du présent litige.

 

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le Requérant indique, en premier lieu, être titulaire de droits privatifs sur les dénominations CIC et CIC BANQUES. Ces dénominations sont également protégées à titre de noms de domaine.

Par ailleurs, ces dénominations bénéficient d’une renommée certaine en France.

L’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le Défendeur constitue une atteinte aux droits du Requérant pour les raisons suivantes :

- Le nom de domaine <cic-banque.fr> constitue l’imitation des marques CIC et plus particulièrement CIC BANQUES.

Le nom de domaine <cic-banque.fr> constitue également l’imitation du nom de domaine <cic-banques.fr>.

Le Défendeur ne bénéficie d’aucun droit sur ces dénominations et ne saurait raisonnablement ignorer l’existence du Requérant qui jouit d’une renommée sur l’ensemble du territoire français.

La circonstance selon laquelle le nom de domaine <cic-banque.fr> était disponible à l’enregistrement et/ou aurait pu être enregistré par le Requérant avant l’entrée en vigueur des nouvelles règles d’attribution des noms de domaine en “.FR” le 11 mai 2004 est inopérante. L’absence d’enregistrement par le Requérant ne saurait en aucun cas être assimilé à une renonciation à un droit.

Il appartenait au Défendeur en tant que titulaire d’un nom de domaine en “.fr” de respecter la Charte de nommage de l’AFNIC imposant notamment de ne pas porter atteinte aux droits des tiers.

L’enregistrement du nom de domaine litigieux a été fait en premier lieu dans le but de le revendre au Requérant.

Le Défendeur a par ailleurs enregistré d’autres noms de domaine contrefaisant ou imitant des marques appartenant à des tiers : <bnpparisbas.fr>; <simens.fr>.

S’agissant de l’utilisation du nom de domaine :

Le nom de domaine litigieux renvoyait dans un premier temps “vers une page parking en français du courtier en noms de domaine SEDO, sur laquelle figurait la mention suivante : “cic-banque.fr : le nom de domaine est à vendre”. En cliquant sur le lien hypertexte “plus d’informations”, le nom de domaine apparaissait comme mis en vente par son propriétaire pour un montant minimum de 600 £”.

L’offre de revente du nom de domaine <cic-banque.fr> pour un prix excédant considérablement les frais engendrés pour son enregistrement constitue une forte présomption de mauvaise foi à l’égard du Défendeur.

Par ailleurs, sur la page de parking litigieuse figuraient de nombreux liens hypertextes renvoyant vers des sites Internet de sociétés directement concurrentes ainsi que vers des sites de répertoires de sites de banque en ligne et de comparateurs de prix et de services dans le domaine bancaire. Ces faits constituent, a priori, des actes de concurrence déloyale et parasitaire à l’encontre du Requérant.

Enfin, le Défendeur a, à plusieurs reprises, renvoyé le nom de domaine litigieux vers d’autres pages de parking ou en dernier lieu vers une page web sur laquelle figurent notamment les mentions suivantes : “Partageons pour un monde meilleur-Conseil et Information pour les Consommateurs de la banque alimentaire de l’Hérault.”

Cette dernière utilisation atteste de la mauvaise foi du Défendeur qui essaie en vain de justifier l’enregistrement du nom de domaine litigieux.

B. Défendeur

Le Défendeur, par courrier électronique adressé au Centre le 21 décembre 2004, fait valoir que le site Internet actuellement exploité ne saurait prêter à confusion avec l’activité du Requérant puisqu’il est destiné à permettre aux internautes d’obtenir des informations sur les banques alimentaires.

Le Défendeur indique, par ailleurs, avoir été conciliant puisqu’il a, dès le premier courrier adressé par le Requérant, arrêté la redirection du nom de domaine litigieux vers le site SEDO et était prêt à transférer le nom de domaine en cause pour la somme de 575 euros.

Le refus opposé par le Requérant, consiste selon le Défendeur, en outre, dans le fait que le but recherché par celui-ci et son Conseil est de “lancer des procédures juridiques (plus que coûteuses en argent et en temps ) et ainsi profiter de sa position de supériorité financière et de pouvoir devant une seule personne”.

Le Défendeur précise avoir également informé le Requérant de l’existence d’autres noms de domaine disponibles à la vente sur Internet et comprenant la dénomination CIC.

Le Défendeur sollicite donc du Centre le rejet de la demande de transfert du nom de domaine <cic-banques.fr> dans la mesure où son enregistrement ne porte pas préjudice au Requérant.

 

6. Discussion

L’Expert constate que le Requérant invoque un enregistrement et une utilisation du nom de domaine litigieux par le défendeur en violation de ses droits et sollicite en conséquence sa transmission à son profit.

L’Expert rappelle que, conformément à l’article 20(c) du Règlement, “il fait droit à la demande lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers telle que définie à l’article 1 du présent règlement et au sein de la Charte et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le requérant a justifié de ses droits sur l’élément objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte”.

L’Expert rappelle également que l’article 1 du Règlement dispose que l’on entend par “atteinte aux droits des tiers, au titre de la Charte, une atteinte aux droits des tiers protégés en France et en particulier à la propriété intellectuelle (propriété littéraire et artistique et/ou propriété industrielle), aux règles de la concurrence et du comportement loyal en matière commerciale et au droit au nom, au prénom ou au pseudonyme d’une personne”.

En conséquence, l’Expert s’est attaché à vérifier, au vu des arguments et pièces soumis par les parties, si l’enregistrement et/ou l’utilisation du nom de domaine litigieux portent atteinte aux droits du requérant et, le requérant sollicitant la transmission de ce nom de domaine à son profit, s’il justifie de droits sur ce nom de domaine.

Enregistrement du nom de domaine litigieux

L’Expert constate que le Requérant justifie être titulaire des marques suivantes :

- Marque française verbale C.I.C. déposée le 10 juin 1986 et enregistrée sous le n°1 358 524 dûment renouvelée le 10 mai 1996 pour désigner les produits et services relevant des classes 16, 35, 36, 39 et 41.

- Marque française semi-figurative C.I.C. BANQUES déposée le 5 septembre 1991 et enregistrée sous le n°1 691 423 dûment renouvelée le 20 juin 1991 pour désigner les produits et services relevant des classes 35, 36 et 41.

- Marque française semi-figurative C.I.C. BANQUES déposée le 31 juillet 1991 et enregistrée sous le n°1 684 098 dûment renouvelée le 20 juin 1991 pour désigner les produits et services relevant des classes 35, 36 et 41.

- Marque française verbale C.I.C. BANQUES déposée le 24 juillet 1991 et enregistrée sous le n°1 682 713 dûment renouvelée le 19 juin 2001 pour désigner les produits et services relevant des classes 35, 36 et 41.

Dès lors, la reproduction et/ou l’imitation de marques ou autres droits privatifs appartenant à un tiers ou exploités par un tiers, sans autorisation, constitue une atteinte qui doit être sanctionnée.

L’Expert constate que le nom de domaine litigieux constitue l’imitation des marques et noms de domaine dont le Requérant est titulaire et/ou dont il fait un usage public. En effet, la seule suppression de la lette “S” au sein du nom de domaine <cic-banque.fr> n’est pas de nature à écarter tout risque de confusion avec les marques et noms de domaine exploités par le Requérant.

L’expert constate que le Défendeur ne justifie pas détenir de droits antérieurs l’autorisant à enregistrer le nom de domaine litigieux.

Par ailleurs, eu égard à la notoriété dont bénéficie le Requérant sur le territoire français, le Défendeur domicilié en France ne pouvait sérieusement en ignorer l’existence.

Le Défendeur a d’ailleurs reconnu, dans le cadre des échanges intervenus avec le Requérant suite à l’envoi de la première lettre de mise en demeure, avoir enregistré le nom de domaine litigieux sciemment.

Il ressort par ailleurs de l’ensemble des pièces versées au dossier et notamment des échanges intervenus entre le Requérant et le Défendeur que l’enregistrement du nom de domaine litigieux n’a été effectué que dans le seul but de tirer profit, indûment, de la notoriété du Requérant, le Défendeur espérant ainsi pouvoir bénéficier du trafic engendré par les connexions au nom de domaine litigieux.

En conséquence, l’Expert considère que l’enregistrement du nom de domaine litigieux par le Défendeur est intervenu tout à la fois en violation des droits du Requérant sur les marques dont il est titulaire et en violation du principe de loyauté dans les relations commerciales.

Utilisation du nom de domaine litigieux

Le fait pour le Défendeur, dans un premier temps, de proposer le nom de domaine à la vente pour la somme de 600 livres, puis de réitérer cette demande après avoir été informé par le Requérant de l’existence de ses droits antérieurs et de sa volonté de voir le nom de domaine transférer à titre amiable, démontre que le Défendeur n’a jamais entendu en faire une exploitation légitime mais, purement lucrative. Cette intention purement mercantile n’est d’ailleurs nullement niée par le Défendeur, dans le cadre des courriers échangés avec le Requérant.

Par ailleurs, le fait que le nom de domaine litigieux, avant que le Défendeur ne soit pour la première fois mis en demeure par le Requérant de cesser tout usage et de le transférer, renvoie vers une page de parking sur laquelle figuraient de nombreux liens hypertexte, renvoyant eux-mêmes vers des sites Internet de sociétés directement concurrentes ainsi que vers des sites de répertoires de sites de banque en ligne et de comparateurs de prix et de services, démontre la volonté du Défendeur d’induire en erreur l’Internaute, qui peut penser, légitimement, accéder au site Internet officiel du Requérant.

Le fait de rediriger le nom de domaine vers une page de parking démontre également la volonté purement spéculative du Défendeur qui entendait tirer ainsi profit de la notoriété des marques du Requérant par le trafic ainsi généré.

Enfin, la dernière utilisation faite par le Défendeur du nom de domaine litigieux renvoyant vers une page web comportant notamment la mention “Conseil et Information pour les Consommateurs de la banque alimentaire de l’Hérault” démontre, s’il en était besoin, la parfaite mauvaise foi du Défendeur dont l’intention première n’a jamais été d’enregistrer le nom de domaine <cic-banque.fr> pour exploiter un site Internet à vocation informative voire caritative, mais a toujours été de tenter de tirer un quelconque bénéfice de l’exploitation d’un nom de domaine imitant une marque connue sur l’ensemble du territoire français.

En conséquence, l’Expert considère que l’utilisation du nom de domaine litigieux par le Défendeur est intervenu tout à la fois en violation des droits du Requérant sur les marques dont il est titulaire et en violation du principe de loyauté dans les relations commerciales.

 

7. Décision

Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l’expert ordonne la transmission au profit du Requérant du nom de domaine <cic-banque.fr>.


Isabelle Leroux
Expert

Le 18 janvier 2005