WIPO

 

Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

 

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Auchan contre Bruno Jolly, Event & Go

Litige n° D2007-0886

 

1. Les parties

Le Requérant est Auchan, Croix, France, représenté par Cabinet Dreyfus & Associés, France.

Le Défendeur est Bruno Jolly, Event & Go, Amiens, France.

 

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <auchanbox.com>.

L’unité d’enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est Schlund + Partner.

 

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par Auchan auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 15 juin 2007.

En date du 18 juin 2007, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux, Schlund + Partner, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. L’unité d’enregistrement a confirmé l’ensemble des données du litige en date du 20 juin 2007.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 16 juillet 2007, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 5 août 2007. Le défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 7 août 2007, le Centre notifiait le défaut du défendeur.

En date du 14 août 2007, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique Martine Dehaut. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

 

4. Les faits

Le Requérant expose notamment les faits suivants à l’appui de sa plainte, lesquels n’ont pas été contestés par le Défendeur :

“Groupe Auchan a une activité dans la grande distribution. Le premier magasin AUCHAN est créé en 1961 à Roubaix dans le quartier des “Hauts Champs”. En 1967, le premier hypermarché Auchan ouvre à Roncq et le premier centre commercial en 1969 à Englos. Dans les années 80, le Groupe Auchan prend une dimension internationale et commence à ouvrir des magasins dans divers pays. Groupe Auchan est aujourd’hui présent dans 12 pays et régions et intervient dans les 4 domaines d’activités suivants : Hypermarchés, Supermarchés, Immobilier et Banque.

A présent, Groupe AUCHAN est connu principalement pour son activité de vente au détail par hypermarchés et supermarchés est l’un des leaders mondiaux dans le domaine de la vente au détail. Groupe AUCHAN emploie environ 165.000 personnes, sur plus de 1000 sites répartis dans les 12 pays et régions où il est présent.”

Compte tenu de ses activités, le Requérant est titulaire de nombreux droits de marques en France et dans d’autres pays portant sur le signe AUCHAN, ou comprenant ce terme, et notamment :

- Marque française AUCHAN, n° 05 3386906, en date du 19 octobre 2005, en en classe 03.07.13, 03.07.21, 37.01.01 (classification de Vienne) et en classe 1 à 45 (classification de Nice);

- Marque française AUCHAN, n° 06 3427727 en date du 9 mai 2006, en classe 07.03.21, 29.02.00, 37.01.01 (classification de Vienne) et en classe 01 à 45 (classification de Nice) ;

- Marque française AUCHAN, n° 1258525, en date du 25 janvier 1984, en classe 01 à 42 ;

- Marque française AUCHAN, n° 99768478, en date du 12 janvier 1999, en classe 01.03.01, 03.07013, 26.04.13, 37.01.01 (classification de Vienne) et en classe 29, 30 et 37 (classification de Nice) ;

- Marque française AUCHAN 04 3292297, en date du 17 mai 2004, en classe 01 à 45 ;

- Marque communautaire AUCHAN, n°000283101, en date du 31 mai 1996 en classes 1 à 42;

- Marque communautaire AUCHAN, n° 004510707, en date du 26 juin 2005 en classes 35, 38;

- Marque internationale AUCHAN, n° 284616, en date du 05 juin 1964 en classes 3, 9, 11, 25, 29, 32;

- Marque internationale AUCHAN, n° 332854, en date du 24 janvier 1967, en classes 1, 6, 7, 10, 12, 13, 14, 15, 17, 19, 20, 22, 23, 24, 26, 27, 31, 33, 34, 35, 38, 39, 40, 41, 42;

- Marque internationale AUCHAN n° 407814, en date du 22 avril 1974, en classes 1 à 42;

- Marque internationale AUCHAN, n° 531717, en date du 22 novembre 1988, en classes 3, 9, 11, 25, 29,32;

- Marque internationale AUCHAN n° 580995, en date du 29 janvier 1992, en classes 2, 3, 4, 5, 8, 9, 11, 16, 18, 21, 25, 29, 30;

- Marque internationale AUCHAN n° 585353, en date du 11 mai 1992, en classes 3, 9, 11, 25, 29, 32;

- Marque internationale AUCHAN n° 625533, en date du 19 octobre 1994, en classes 1 à 42;

- Marque internationale AUCHAN, n° 626147, en date du 31 octobre 1994, en classes 2, 3, 4, 5, 8, 9, 11, 16, 18, 21, 25, 29, 30, 32, 36, 37;

- Marque internationale AUCHAN n° 658656, en date du 29 juillet 1996, en classes 1, 6, 7, 10, 12, 13, 14, 15, 17, 19, 20, 22, 23, 24, 26, 27, 28, 31, 33, 34, 35, 38, 39, 40, 41, 42;

- Marque internationale AUCHAN n° 673493, en date du 25 mai 1997, en classes 3;

- Marque internationale AUCHAN n° 713595, en date du 03 juin 1999, en classes 29, 30, 31;

- Marque américaine AUCHAN, n° 2868275, du 3 août 2004 en classes 3, 9, 11, 25, 29, 32, 35, 36, 37, 38 et42;

- Marque américaine A AUCHAN, n° 2873113, du 17 août 2004 en classes 3, 9, 11, 25, 29, 32, 35, 36, 37, 38 et 42.

Le Requérant a apporté la preuve de l’existence de ces droits de marque par le biais d’extraits de bases de données.

Le Défendeur, quant à lui, serait actif dans le domaine de la publicité.

Le nom de domaine litigieux a été réservé par le Défendeur le 2 janvier 2007, en même temps que le nom de domaine <auchanbox.fr> (ce second nom de domaine, dont le Requérant n’a eu connaissance que postérieurement, fait également et simultanément l’objet d’une procédure en application du Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le “Règlement”) sous la référence DFR2007-0026).

Après avoir constaté l’existence du nom de domaine <auchanbox.com>, le Requérant (lui-même ou par l’intermédiaire de son mandataire) a adressé le 13 mars 2007 un courrier au Défendeur, afin de lui en demander le transfert amiable.

Dans sa réponse du 16 avril 2007, le Défendeur indique ce qui suit : “Le nom de domaine <auchanbox.com> n’a selon nous rien à voir avec le groupe Auchan. Si cependant vous souhaitez nous faire une proposition de rachat, nous sommes à votre disposition”.

Le 23 mai 2007, et après avoir pris connaissance de l’existence du nom de domaine <auchanbox.fr> également réservé par le Défendeur, le Requérant a à nouveau pris contact avec ce dernier afin de demander le transfert des deux noms de domaine litigieux. Le Requérant n’a effectué aucune proposition de rachat. Le Défendeur n’a apparemment pas répondu à cette seconde mise en demeure.

Le nom de domaine <auchanbox.com> n’est pas actif.

 

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le Requérant expose, en substance, les arguments ci-après :

Le nom de domaine litigieux constitue l’imitation des marques AUCHAN du Requérant: la simple adjonction du terme générique “box” au terme “Auchan” n’est pas de nature à écarter un risque de confusion pour le public.

Le Défendeur n’a aucun droit ni intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.

Le Défendeur a enregistré et utilise le nom de domaine <auchanbox.com> de mauvaise fois: de nationalité française, le Défendeur avait nécessairement connaissance de la marque AUCHAN au moment d’enregistrer le nom de domaine, et la détention passive du nom de domaine est un indice d’utilisation de mauvaise foi.

B. Défendeur

Le Défendeur n’a pas répondu à la plainte.

 

6. Discussion et conclusions

Le paragraphe 4(a) des Principes directeurs impose au Requérant d’apporter la preuve que les trois conditions suivantes sont réunies cumulativement :

- Le nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le Requérant a des droits,

- Le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y attache,

- Le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.

La Commission administrative examine ci-après le bien fondé de l’argumentation du Requérant sur ces trois points.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Abstraction faite du nom de domaine de premier niveau “.com” qui n’est pas appropriable en tant que tel, l’Expert note que le nom de domaine litigieux consiste en la simple juxtaposition du terme “Auchan”, placé en position d’attaque, et du terme “box”, signifiant boîte en anglais. Le public français, et qui plus est le public utilisant l’Internet, a généralement une connaissance à tout le moins basique de l’anglais, lui permettant de connaître la signification du terme “box”. Confronté au signe “Auchanbox”, le public y percevra et y détachera immédiatement la marque AUCHAN.

L’Expert estime en conséquence qu’il existe une similitude prêtant à confusion entre les marques AUCHAN du Requérant et le nom de domaine <auchanbox.com>.

B. Droits ou légitimes intérêts

Le paragraphe 4(c) des Principes directeurs énumère de manière non-exhaustive un certain nombre de circonstances de nature à établir les droits ou l’intérêt légitime du défendeur sur le nom de domaine telles que :

(i) avant d’avoir eu connaissance du litige, le défendeur a utilisé le nom de domaine ou un nom correspondant au nom de domaine en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services, ou fait des préparatifs sérieux à cet effet,

(ii) le défendeur (individu, entreprise ou autre organisation) est connu sous le nom de domaine considéré, même sans avoir acquis de droits sur une marque de produits ou de services, ou

(iii) le défendeur fait un usage non commercial légitime ou un usage loyal du nom de domaine sans intention de détourner à des fins lucratives les consommateurs en créant une confusion ni de ternir la marque de produits ou de services en cause.

Le Requérant a indiqué que le Défendeur n’est pas affilié au Groupe Auchan, et n’a pas été autorisé à exploiter la marque AUCHAN, seule ou associée au terme “box”.

Par ailleurs, le Défendeur s’est limité à indiquer, dans le cadre d’un échange avec le Requérant, que le nom de domaine litigieux n’avait selon lui “rien à voir avec le groupe Auchan”. Il n’a pas précisé s’il disposait de droits ou intérêts d’une quelconque nature sur celui-ci.

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que ce dernier n’a aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Selon le paragraphe 4(b) des Principes directeurs, la réalisation de l’une des circonstances suivantes est susceptible d’établir que le nom de domaine a été enregistré et utilisé de mauvaise foi :

(i) les faits montrent que le défendeur a enregistré ou acquis le nom de domaine essentiellement aux fins de vendre, de louer ou de céder d’une autre manière l’enregistrement de ce nom de domaine au requérant qui est le propriétaire de la marque de produits ou de services, ou à un concurrent de celui-ci, à titre onéreux et pour un prix excédant le montant des frais qu’il peut prouver avoir déboursé en rapport direct avec ce nom de domaine,

(ii) le défendeur a enregistré le nom de domaine en vue d’empêcher le propriétaire de la marque de produits ou de services de reprendre sa marque sous forme de nom de domaine, et est coutumier d’une telle pratique,

(iii) le défendeur a enregistré le nom de domaine essentiellement en vue de perturber les opérations commerciales d’un concurrent, ou

(iv) en utilisant ce nom de domaine, le défendeur a sciemment tenté d’attirer, à des fins lucratives, les utilisateurs de l’Internet sur un espace Web ou autre site en ligne lui appartenant, en créant une probabilité de confusion avec la marque du requérant en ce qui concerne la source, le commanditaire, l’affiliation ou l’approbation de son espace ou espace Web ou d’un produit ou service qui y est proposé.

L’Expert estime que le nom de domaine litigieux a été enregistré et utilisé de mauvaise foi par le Défendeur.

Ce dernier, de nationalité française et actif dans le domaine de la publicité, ne peut raisonnablement ignorer l’existence de la marque notoire AUCHAN, et l’enregistrement de cette marque, associée au terme descriptif “box”, a très vraisemblablement été effectué de mauvaise foi (voir, en ce sens, Sanofi-aventis v. Nevis Domains LLC, Litige OMPI n° D2006-0303, et Veuve Clicquot Ponsardin, Maison Fondée en 1772 v. The Polygenix Group Co., Litige OMPI n° D2000-0163).

Par ailleurs, la détention passive d’un nom de domaine incorporant une marque notoire constitue un indice d’utilisation de mauvaise foi (voir, en ce sens, la décision Telstra Corporation Limited v. Nuclear Marshmallows, Litige OMPI n° D2000-0003, souvent citée par les Experts). En effet, l’Expert ne conçoit pas que le nom de domaine litigieux, qui incorpore une marque notoire placée en position d’attaque, puisse faire l’objet d’une utilisation de bonne foi. Par ailleurs, l’absence de réponse à la plainte, et la démarche effectuée par le Défendeur afin de revendre le nom de domaine litigieux, confortent l’Expert dans ses opinions.

 

7. Décision

Pour les motifs exposés ci-dessus, et en application du paragraphe 4(i) des Principes directeurs, et du paragraphe 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne le transfert du nom de domaine <auchanbox.com> au profit du Requérant.


Martine Dehaut
Expert Unique

Le 31 août 2007