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Précisions sur les tribunaux spécialisés en matière de propriété intellectuelle*

Juin 2019

Jacques de Werra, vice-recteur et professeur de droit de propriété intellectuelle et de droit des contrats, Université de Genève, Suisse*

*Cet article a été publié une première fois dans un numéro spécial du Magazine de l’OMPI à l’occasion de la Conférence internationale sur la promotion du respect de la propriété intellectuelle pour stimuler l’innovation et la créativité tenue à Shanghai (République populaire de Chine) en novembre 2016. Si vous souhaitez utiliser ou adapter cet article, veuillez contacter directement son auteur à l’adresse : Jacques.DeWerra@unige.ch

Bien que cela ne soit pas une obligation, on constate une tendance mondiale à la spécialisation ou à la centralisation en ce qui concerne certains types de litiges de propriété intellectuelle. Toutefois, il est difficile d’établir s’il est bénéfique ou nécessaire de mettre en place des tribunaux spécialisés en la matière. Ils ont en effet des avantages comme des inconvénients et ne sont pas recommandés dans tous les cas. Tout projet de création d’un tribunal spécialisé en matière de propriété intellectuelle implique une analyse approfondie de la situation qui règne dans le pays concerné.

Dans un contexte où la tendance mondiale est à la spécialisation ou à la centralisation du règlement de certains types de litiges de propriété intellectuelle, rien n’indique clairement si la mise en place de tribunaux spécialisés en la matière est bénéfique ou nécessaire. Tout projet de création d’un tribunal spécialisé en matière de propriété intellectuelle implique une analyse approfondie de la situation du pays concerné. (photo: iStock / Getty Images Plus / © no_limit_pictures)

Pouvoirs des tribunaux spécialisés

Un tribunal spécialisé en matière de propriété intellectuelle est un organe judiciaire public indépendant susceptible d’exercer une compétence nationale ou régionale, non seulement sur certains types de litiges de droits de propriété intellectuelle, mais aussi sur d’autres types de litiges. Si les litiges de propriété intellectuelle sont souvent liés à l’application des droits dans le cadre de la lutte contre le piratage et la contrefaçon (notamment, dans les domaines du droit d’auteur et des marques), ils sont en réalité bien plus complexes. Cette complexité est par exemple due à des différences entre les types de droits de propriété intellectuelle et entre les régimes juridiques sur lesquels ils se fondent, à la diversité des éventuels litiges ainsi qu’aux différents types de procédures judiciaires permettant de les régler, à savoir civiles, pénales et administratives.

Si l’on observe au niveau mondial une tendance marquée à la spécialisation, les types de tribunaux spécialisés qui se font jour sont loin d’être uniformes. Certains ne sont compétents que pour examiner certains types de litiges, notamment les litiges en matière de brevets, d’autres sont restreints à des types particuliers de questions juridiques, comme la validité des droits de propriété intellectuelle et d’autres encore ne peuvent statuer que sur des litiges civils. Certains agissent comme tribunal de première instance tandis que d’autres font office d’organe d’appel compétent pour réexaminer les affaires et infirmer les décisions des tribunaux inférieurs.

Avantages des tribunaux spécialisés

On croit souvent que les tribunaux spécialisés améliorent la qualité de la justice dont bénéficient les titulaires de droits de propriété intellectuelle. L’expertise du tribunal permet de régler les litiges de manière cohérente sur la base des expériences passées. Ce point est particulièrement important pour les litiges de propriété intellectuelle dans la mesure où il est souvent demandé aux tribunaux de rendre, dans des délais très brefs, des décisions sur des demandes de mesures conservatoires visant à prévenir ou à mettre un terme à des atteintes aux droits de propriété intellectuelle.

Les tribunaux spécialisés en matière de propriété intellectuelle sont les mieux placés pour suivre l’évolution dynamique de la législation en la matière et s’y adapter rapidement. Ils permettent une gestion prompte et rentable des affaires et peuvent être l’instrument d’une jurisprudence plus cohérente. Ils peuvent également servir à éliminer ou à réduire les risques de recherche du tribunal le plus favorable (cas dans lesquels les titulaires de droits de propriété intellectuelle, compte tenu du choix du for, choisissent celui qui favorisera leurs intérêts) du fait de la centralisation des litiges de propriété intellectuelle devant des tribunaux spécialisés et peuvent ainsi favoriser l’élaboration de règles procédurales spéciales adaptées aux litiges en la matière.

Inconvénients des tribunaux spécialisés

Les coûts liés à la mise en place et au fonctionnement de tribunaux spécialisés constituent leur principal inconvénient, en particulier pour des pays disposant de ressources limitées et dans lesquels le nombre de cas à traiter est faible. Il peut être coûteux d’attirer l’expertise nécessaire au bon fonctionnement du tribunal, cela peut impliquer une hausse des salaires en vue d’attirer les candidats potentiels en provenance du secteur privé.

Les tribunaux spécialisés en matière de propriété intellectuelle peuvent aussi avoir une incidence négative sur l’accès à la justice, les parties pourraient en effet être contraintes d’assumer des coûts de procédure devant un tribunal auquel elles ne peuvent pas se rendre facilement.

En outre, ces tribunaux sont souvent jugés moins indépendants que les tribunaux ordinaires et plus exposés aux influences politiques ou économiques. Cela peut notamment être le cas soit par le processus de nomination des juges, soit par une interaction plus étroite entre les parties, les avocats et les juges.

L’étroitesse de vue constitue encore un autre risque. Certains estiment que les tribunaux spécialisés en matière de propriété intellectuelle peuvent négliger le large cadre juridique et stratégique qui entoure souvent les litiges de propriété intellectuelle. La centralisation peut également entraver l’échange d’idées juridiques et entraîner la perpétuation d’erreurs. D’éventuels problèmes en termes de définition des frontières entre la compétence juridictionnelle d’un tribunal spécialisé et celle d’un tribunal ordinaire représentent également un risque potentiel.

Choix stratégiques

La diversité des systèmes et des régimes juridiques à travers le monde implique qu’il n’y a pas de méthode unique pour établir un système juridictionnel efficace en matière de propriété intellectuelle qui encourage l’innovation et le bien-être social. Rien ne prouve clairement que les tribunaux spécialisés en matière de propriété intellectuelle favorisent plus efficacement l’innovation que les tribunaux non spécialisés dans tous les cas. En revanche, ce qui est évident, c’est qu’un niveau suffisant d’expérience et d’expertise parmi les tribunaux et les juges peut améliorer de manière significative la qualité de la justice dans les litiges de propriété intellectuelle. Il s’agit d’un point particulièrement important dans la mesure où nombre de litiges de propriété intellectuelle commencent par une demande de mesure conservatoire (émanant des titulaires de droits de propriété intellectuelle) sur laquelle le tribunal est censé prendre une décision rapide. L’expertise du tribunal dans le traitement des litiges de propriété intellectuelle peut également susciter une gestion plus efficace des affaires, étant entendu que les juges sont mieux à même de donner des orientations et des conseils aux avocats. Les juges expérimentés peuvent également émettre des avis préliminaires non contraignants susceptibles d’encourager le règlement des litiges entre les parties.

Les tribunaux spécialisés sont-ils nécessaires?

Avant de décider d’établir un tribunal spécialisé en matière de propriété intellectuelle, les législateurs doivent d’abord s’interroger sur l’intérêt d’une telle création. S’ils décident que la mise en place d’un tel tribunal est la meilleure solution, ils doivent étudier avec attention la portée de sa compétence. Celle-ci sera-t-elle limitée à différents types de litiges de propriété intellectuelle (il est plus facile de justifier de tels tribunaux dans certains domaines du droit de la propriété intellectuelle, notamment le droit des brevets) ou s’étendra-t-elle à tous les types de litiges? Le tribunal spécialisé sera-t-il compétent uniquement pour statuer sur des litiges civils de propriété intellectuelle ou pourra-t-il également connaître d’affaires pénales? Il pourrait suffire de centraliser tous les litiges de propriété intellectuelle afin de garantir la création d’un droit cohérent en la matière, sans qu’il soit nécessaire d’établir un tribunal spécialisé. Dans tous les cas, l’établissement de tribunaux spécialisés doit être distingué de la création de règles spécifiques applicables aux litiges de propriété intellectuelle, dans la mesure où ces dernières peuvent être adoptées et mises en œuvre sans qu’il soit nécessaire de créer des tribunaux spécialisés.

Bonnes pratiques

L’expérience des pays qui ont mis en place des tribunaux spécialisés en matière de propriété intellectuelle a fait émerger un certain nombre de bonnes pratiques visant à garantir le fonctionnement effectif de tels tribunaux. Cela implique :

  • la nomination de juges ayant un niveau de compétence représentatif dans les domaines appropriés;
  • d’offrir aux juges une formation appropriée et des possibilités continues de formation afin qu’ils puissent se tenir au courant de l’évolution rapide de la propriété intellectuelle et du règlement des litiges en la matière ainsi que d’autres notions juridiques et évolutions importantes dépassant le cadre du droit de la propriété intellectuelle. Une telle formation peut également limiter les risques que les tribunaux spécialisés aient une vision trop étroite;
  • d’établir un système dans lequel les décisions des tribunaux spécialisés peuvent faire l’objet d’un appel auprès de tribunaux ordinaires afin de s’assurer que celles-ci sont conformes aux principes juridiques généraux.

Être ou ne pas être?

L’évaluation de l’opportunité d’établir un tribunal spécialisé en matière de propriété intellectuelle dans un ressort juridique donné implique une analyse transparente et objective de nombreux éléments qui vont bien au-delà de la propriété intellectuelle, notamment les conditions économiques, juridiques et sociales du pays concerné.

Contrairement à la croyance populaire, rien ne prouve que l’existence de tribunaux spécialisés profite aux titulaires de droits de propriété intellectuelle, ni que cela augmente automatiquement le niveau de protection de la propriété intellectuelle ou que cela favorise les investissements directs étrangers.

La création de tribunaux spécialisés en matière de propriété intellectuelle a pour but de garantir l’existence d’un mécanisme de règlement des litiges efficace et équitable conduit par des juges experts au profit de toutes les parties prenantes, qu’il s’agisse de titulaires de droits de propriété intellectuelle, d’utilisateurs de produits et services ou de la société dans son ensemble. La décision de créer un tribunal spécialisé ne peut se fonder uniquement sur la nécessité de lutter contre les activités de piratage et de contrefaçon de la propriété intellectuelle. En principe, les litiges résultants de telles activités illégales ne nécessitent pas les services ou l’expertise d’un tribunal spécialisé.

Une solution de substitution plus adaptée, en particulier pour les pays en développement, peut consister à développer les compétences des tribunaux non spécialisés en matière de propriété intellectuelle, en créant des chambres spécialisées au sein des tribunaux ordinaires. Les tribunaux ordinaires peuvent aussi recourir à une tierce institution compétente en la matière, à l’instar d’un office national de propriété intellectuelle, pour s’exprimer sur un point spécifique (par exemple, la validité d’un brevet) dans le cadre d’un litige. Le développement de l’expertise quant au règlement des litiges de propriété intellectuelle n’implique donc pas nécessairement la mise en place d’un tribunal spécialisé.

On peut aussi favoriser l’expertise et les connaissances en matière de propriété intellectuelle en suscitant des occasions d’améliorer la transparence des procédures judiciaires et en permettant la participation de tiers. On peut y parvenir, par exemple, en autorisant les mémoires amicus curiae dans les litiges de propriété intellectuelle et en publiant les décisions rendues en la matière sur des bases de données en ligne. Il y a également beaucoup à gagner des échanges internationaux entre juges et tribunaux spécialisés en la matière. Développer et partager ainsi l’expertise génère l’enrichissement mutuel et stimule les échanges. Si la propriété intellectuelle reste largement régie par des règles locales, la dimension mondiale de nombre d’entre elles implique qu’il est essentiel d’encourager un tel dialogue.

Occasions supplémentaires d’améliorer le règlement des litiges de propriété intellectuelle

L’analyse approfondie du rôle et des responsabilités de l’ensemble des acteurs de l’écosystème national de la propriété intellectuelle permet de recenser de nouvelles occasions d’améliorer le règlement des litiges en la matière. Un tel exercice implique de cerner les processus d’octroi des droits de propriété intellectuelle dans le ressort juridique concerné, gardant à l’esprit que la nécessité d’établir un tribunal spécialisé peut être plus importante si les droits de propriété intellectuelle sont octroyés sans examen complet de leur validité au moment de leur enregistrement. Une évaluation de l’intégralité de l’écosystème de la propriété intellectuelle est cruciale en ce que l’efficacité des mécanismes de règlement des litiges dans un ressort juridique donné ne dépend pas seulement du système judiciaire, mais aussi des autres parties prenantes, notamment des avocats qui plaident devant les tribunaux.

Pour être efficace, un écosystème de règlement des litiges de propriété intellectuelle doit aussi s’employer à supprimer les atteintes abusives aux droits de propriété intellectuelle contre des tiers innocents. Des outils procéduraux peuvent ainsi être mis au point afin de s’assurer que les tribunaux ne sont pas inutilement encombrés par des requêtes sans fondement et restent disponibles pour les parties empêtrées dans des litiges non futiles de propriété intellectuelle.

En définitive, l’équilibre entre les intérêts divergents, qui est au cœur du système de la propriété intellectuelle, doit aussi être mis en œuvre dans les mécanismes qui permettent de régler les litiges de propriété intellectuelle. De cette façon, tous les intérêts seront dûment considérés d’une manière équitable. Il en résulte que toute décision de créer un tribunal spécialisé en matière de propriété intellectuelle ne doit être prise qu’en fonction d’une analyse approfondie de la situation du ressort juridique concerné.

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