Protéger les traditions et donner un nouvel essor à une marque nationale


Les steppes mongoliennes (photo : Ludovic Hirlimann).

Généralités

Léger, doux et chaud, le cachemire (tissu extrêmement fin, fait avec le poil de chèvre) est l’un des tissus les plus chers et les plus luxueux au monde. La place de la Mongolie dans l’industrie internationale du cachemire n’est peut‑être pas très bien connue de l’acheteur‑consommateur. Pourtant, la laine provenant de ce pays, d’une finesse moyenne de 14,5 microns (unité égale à un millionième d’un mètre ‑ une laine de chèvre d’une finesse pouvant aller jusqu’à 19 microns, satisfait aux critères du cachemire), est l’une des laines cachemires les plus fines au monde. En outre, avec une production représentant environ 25% de la production mondiale, la Mongolie est le deuxième plus grand producteur au monde de laine cachemire, les autres pays producteurs étant essentiellement la République populaire de Chine (ci‑après dénommée “Chine”) (avec 70%) et, dans des proportions nettement moindres, la République islamique d’Afghanistan, la République islamique d’Iran, la République d’Inde (ci‑après dénommée “Inde”) et la République islamique du Pakistan (ci‑après dénommée “Pakistan”).

Parmi tous ces pays producteurs de laine cachemire, c’est peut‑être à la Mongolie que cette industrie est réellement vitale parce que la laine cachemire représente sa troisième plus grande exportation et que la survie de plus d’un tiers de la population nationale dépend des revenus que celle‑ci tire du cachemire. Bémol : près de la moitié de toute la laine cachemire produite en Mongolie sort clandestinement du pays, ce qui se traduit par un déficit d’emplois et la perte de dizaines de millions de dollars É.‑U. (rentrées potentielles). Après la privatisation de la plus grande partie de l’économie mongole dans les années 90, l’industrie nationale de laine cachemire à chercher à pallier ces pertes en créant des marques de certification et en construisant une image de marque forte pour la laine cachemire mongole.

Gobi Corporation (ci‑après dénommée “ Gobi”), plus grande entreprise nationale spécialisée dans la laine cachemire, a pris des mesures constructives, couronnées de succès, pour donner un nouvel essor à cette industrie et protéger les chevriers traditionnels tout en mettant en place des moyens de production modernes et en introduisant un design vestimentaire novateur. Créée en 1981, Gobi était, à ses débuts, une entreprise publique; elle fut partiellement privatisée en 1999 et intégralement privatisée en 2007 dans le cadre d’une coentreprise réunissant une entreprise mongolienne et deux entreprises japonaises. Gobi est l’une des entreprises spécialistes du cachemire les plus importantes du monde et offre à sa clientèle l’un des cachemires les plus fins, fabriqués par des éleveurs de chèvres nomades artisanaux en Mongolie.


Les chèvres à cachemire des steppes mongoles présentent de fines couches de poils leur permettant de survivre dans l’environnement très particulier de la région (photo : Paul Esson).

Produits ayant une origine géographique particulière

La laine à cachemire tire son nom de l’ancienne orthographe du Cachemire, région de l’Inde, où cette fibre a été utilisée pour la première fois il y a des siècles. Une fois les chèvres installées dans les plaines des pâturages de Mongolie, les éleveurs de chèvres nomades constatèrent rapidement que cet emplacement géographique influait sur la qualité, remarquable, de leurs poils. C’est un véritable tour de force que de survivre dans les conditions climatiques extrêmes du désert de Gobi, vaste région désertique comprise entre le nord de la Chine et le sud de la Mongolie. Entourant ce désert froid et sec, la steppe désertique de l’est du Gobi, vaste écotone (zone où deux écosystèmes s’interpénètrent), s’étend de la Mongolie intérieure (en Chine) vers les vastes plaines et pâturages de la Mongolie du Sud, l’altitude moyenne étant de 1800 mètres au‑dessus du niveau de la mer. C’est ici que de nombreux éleveurs de chèvres nomades de la Mongolie vivent et élèvent leur bétail depuis des siècles. C’est aussi ici que l’espèce peut‑être la plus célèbre au monde de chèvres – la chèvre à cachemire – vit. La chèvre à cachemire ne constitue pas une race spécifique : elle désigne toute chèvre dont le pelage unique, soyeux et doux, est six fois plus fin que le poil humain, et qui permet à la chèvre de survivre dans les conditions climatiques extrêmes, rudes et venteuses de la région, pauvre en eau, balayée par des vents d’une force extrême et soumise à des changements de température brutaux. Si elle ne vivait pas sous ce climat rigoureux et sec, mais néanmoins non pollué et unique, la chèvre à cachemire ne développerait pas ce fin pelage situé sous le poil extérieur plus grossier permettant de résister au temps. Cette fibre durable, solide, légère et douce, offre une excellente protection sans être volumineuse, et sert à fabriquer des vêtements de luxe depuis des générations.

Savoirs traditionnels

Parce que plus de 40% de la population mongole vit du pâturage nomade, les savoirs traditionnels détenus par les éleveurs de chèvres à cachemire nomades mongoles constituent la source même de leurs revenus et sont essentiels à l’économie du pays. Transmis de génération en génération, ce savoir comprend une connaissance tout en finesse du climat et de l’environnement locaux, de bonnes pratiques d’élevage des chèvres ainsi que des techniques de récolte du cachemire. Les éleveurs savent que c’est lorsque l’hiver a été particulièrement rude que la laine cachemire qu’ils récolteront sera de qualité exceptionnelle. Si l’hiver a été trop clément, la chèvre ne produira pas une fibre particulièrement fine. S’il a été trop froid, c’est la survie de la bête qui est en jeu. En outre, il faut qu’il y ait eu suffisamment de vent pour que la chèvre produise ce poil dur et rugueux qui protège le pelage doux et fin de cachemire. Les éleveurs nomades de chèvres à cachemire doivent donc connaître les endroits précis présentant les conditions climatiques indispensables pour que leurs chèvres produisent cette laine cachemire mongole d’une grande finesse.

Mais veiller à ce que le troupeau vit dans les bonnes conditions climatiques ne suffit pas; les chèvres à cachemire doivent aussi avoir accès à du fourrage sec toute l’année. Cela peut parfois être difficile : ce fut notamment le cas lors de l’essor du cachemire à la fin des années 90 et au début des années 2000, qui se solda par une progression de la désertification des régions traditionnelles de pâturage en raison de l’augmentation spectaculaire du nombre de troupeaux de chèvres à cachemire mongoles. Devant l’augmentation de la demande de laine cachemire mongole et la libéralisation de l’économie nationale, les éleveurs de chèvres nomades ont fait porter tous leurs efforts sur un développement accru de leur élevage. S’il est vrai que la population caprine s’est stabilisée à un niveau davantage compatible avec l’environnement en 2012, il n’en reste pas moins que les éleveurs doivent savoir où se trouvent les zones fourragères et quand exactement déplacer leurs troupeaux.

L’extraction de la laine à cachemire se fait après l’hiver, mais cette opération nécessite les compétences d’un éleveur. Pendant l’hiver, les chèvres à cachemire portent deux couches de poils : une couche grossière et rugueuse à l’extérieur pour se protéger du vent et une couche douce, fine et chaude sous la couche extérieure. C’est cette seconde couche qui est connue sous le nom de cachemire. Les éleveurs peignent soigneusement les chèvres, vérifiant que les fibres les plus fines, situées surtout dans la nuque, sont récoltées dans les meilleures conditions; puis, les fibres sont triées à la main, les poils longs ou grossiers étant éliminés. Les fibres conservées sont soigneusement lavées et les fibres ainsi apprêtées sont prêtes à être vendues à un producteur tel que Gobi qui se chargera du tricotage ou du tissage avant de les transformer en produit à base de cachemire. Tout ce processus demande de grandes compétences et une patience extrême : récolter ces fibres peut prendre trois jours par chèvre. Cette façon artisanale de récolter le cachemire permet d’en préserver la qualité; la récole mécanique, qui permet d’extraire rapidement les fibres, donnant une laine cachemire plus épaisse et plus grossière. Parce que cette association de critères environnementaux et climatiques et de savoirs traditionnels des éleveurs mongols nomades de chèvres à cachemire permet d’obtenir l’une des laines cachemires les plus fines au monde, Gobi veille à ne s’approvisionner qu’auprès de ces éleveurs, ce qui, par ricochet, contribue à la protection de leur commerce et de leur mode de vie traditionnel.


Gobi Corporation travaille en partenariat avec des éleveurs de chèvres locaux qui utilisent des techniques traditionnelles (photo : Nicole Clausing).

Partenariats et recherche‑développement

Jusqu’à la fin des années 70, la Mongolie n’exploitait pas pleinement ses possibilités de production de laine cachemire et n’occupait donc pas une place prépondérante dans l’industrie mondiale du cachemire. Après avoir pris conscience du potentiel de la laine cachemire en tant qu’article de luxe et moyen de développer l’économie nationale et de créer de nombreux emplois, le Gouvernement de la Mongolie décida de créer une entreprise chargée de commercialiser la laine cachemire mongole. En 1977, le Gouvernement du Japon fournit au Gouvernement de la Mongolie une aide officielle au développement en l’aidant, d’un point de vue technique, à construire la première manufacture de produits à base de cachemire de Gobi. Recherche‑développement (R‑D), technologie, installations modernes et nouvelles pratiques de gestion, jusqu’alors inconnues en Mongolie, furent amenées par le Japon. Afin de garantir une mise en œuvre efficace de ces nouvelles technologie et pratiques ainsi que la prospérité de la manufacture, de nombreux employé de Gobi furent envoyés au Japon pour y suivre une formation. En 1981, la manufacture de Gobi, répartie sur 10 hectares, était prête à fonctionner et l’entreprise fut officiellement déclarée ouverte. Les produits à base de cachemire de grande qualité, provenant des élevages de chèvres mongoles artisanaux, furent rapidement mis en vente dans le pays et à l’étranger, notamment dans les pays de l’Europe orientale. La création de Gobi – et ses premiers succès – amena beaucoup de choses nouvelles en Mongolie : c’était la première fois que la Mongolie avait une grande marque; c’était la première fois que le citoyen mongol moyen pouvait facilement accéder à des produits à base de cachemire et c’était la première fois qu’une entreprise mongole était réellement présente en Europe.

Mais ce ne furent pas les seules nouveautés. À preuve : l’industrie du cachemire de la Mongolie put se développer sur des bases solides alors que jusqu’ici elle n’avait connu qu’une production à petite échelle, au niveau local. Dès ses débuts, Gobi a axé ses activités essentiellement sur l’exportation. Le Gouvernement de la Mongolie comprit rapidement la valeur inestimable du cachemire, et Gobi commença à fabriquer massivement des produits à base de cachemire qui allaient sans contexte devenir les produits les plus recherchés au monde parce que les meilleurs. Grâce à l’aide de ses partenaires japonais, l’entreprise devint rapidement l’un des cinq plus grands producteurs de cette industrie au monde. Au début des années 90, lorsque l’économie mongole devint une économie en transition, les perspectives d’avenir de la plus ancienne et peut‑être la plus prestigieuse marque de la Mongolie devinrent encore meilleures. La demande de laine cachemire de qualité augmentant, sa production devint l’une des principales sources de revenus des éleveurs mongols nomades ruraux, de leurs familles et de leurs communautés.

Allant dans le sens des politiques de libéralisation, le Gouvernement de la Mongolie décida, en 1993, de privatiser partiellement Gobi et mit en vente sur le marché boursier mongol 25% de l’entreprise à l’intention d’investisseurs privés. Pour pouvoir obtenir des capitaux de l’extérieur et régler les problèmes auxquels Gobi se trouvait confrontée dans les années 90 (tels qu’une concurrence accrue provenant de l’étranger et la désertification), le Gouvernement de la Mongolie, en 2003, approuva la privatisation des 75% restant des parts de l’entreprise et une vente officielle par adjudication eut lieu en 2007. Toutefois, Gobi ne fut officiellement entièrement privatisée que lorsque le Gouvernement de la Mongolie accepta l’offre écrite, d’un montant de 13,85 millions de dollars É.‑U., d’un consortium constitué de deux entreprises japonaises, à savoir Toshisuke Investment Bank et HS Securities (détentrices de 40% des parts de Gobi) et de l’un des plus importants groupements mongols, à savoir Tavan Bogd Group (détenteur de 35% des parts de Gobi). La mise aux enchères connue un succès retentissant et rapporta au Gouvernement de la Mongolie 1,5 million de dollars É.‑U. de plus que ce qu’il avait escompté.

L’un des avantages les plus importants de cette privatisation intégrale de Gobi était que celle‑ci allait bénéficier d’un afflux de nouveaux apports en R‑D qui lui permettraient de mettre à jour ses équipements et ses méthodes de fabrication. Le JV consortium s’était fixé comme objectif stratégique de mettre à jour la technologie de la manufacture de Gobi, ce qui fut particulièrement bien accueilli par le Gouvernement de la Mongolie d’autant plus que, pendant de nombreuses années, l’entreprise avait appliqué des techniques plus anciennes, moins efficaces. Rapidement après avoir acquis une participation majoritaire en 2007, les nouveaux propriétaires mongol et japonais mirent en place un plan quinquennal de modernisation de la manufacture au moyen de techniques modernes, de pointe. Il s’agissait, notamment, d’installer de nouvelles machines à tricoter entièrement automatisées, un nouveau matériel de nettoyage et une nouvelle machine de retrait ainsi qu’une nouvelle machine de filature mise au point par le célèbre fabricant italien Officine Guadino. Les autres améliorations portaient notamment sur les modernités de tri, l’épilage enzymatique, la teinture, l’assemblage, les machines de couture douce. Les installations d’aération et de plomberie des locaux de la manufacture furent aussi améliorées. D’un montant de 12 millions de dollars É.‑U., ce projet quinquennal fut achevé en 2012 et permit de transformer la manufacture de l’entreprise en une grande fabrique ultramoderne dotée de capacités accrues de fabrication à des fins de performance accrues.

Ces nouvelles techniques, outre qu’elles ont rendu possible la mise à niveau sur le plan technique de la manufacture de Gobi, ont permis à celle‑ci aussi de mettre au point de nouveaux types de produit apportant un supplément de valeur, de développer les exportations et de faire augmenter les recettes. Parce que 80% des recettes de son entreprise proviennent d’exportations constituées essentiellement par de la matière brute de cachemire sans valeur ajoutée en Mongolie, Gobi s’est tournée vers la mise au point de produits permettant de satisfaire les demandes en évolution sur les marchés internationaux. C’est ainsi que Gobi fabrique aussi des produits tricotés semi‑finis (mélange cachemire et laine) et de la fibre de cachemire traitée, de qualité moindre et, partant, d’un coût moindre. Dotée de nouvelles techniques, la manufacture de l’entreprise peut désormais fabriquer des produits finis extrêmement fins, légers et de grande qualité. Ces produits sont davantage adaptés au marché de pays à climat plus chaud et les recettes accrues que ceux‑ci lui procurent permettent à Gobi de réduire sa fabrication de produits de moindre qualité, qui lui rapportent moins.


Développer la renommée de sa marque constitue l’une des stratégies les plus importantes de Gobi (enregistrement #520340 selon le système de Madrid, recherche dans ROMARIN).

Gestion des marques

Grâce à une manufacture modernisée, à de nouvelles techniques de gestion et à des investissements provenant de l’étranger, Gobi continua de prospérer après sa privatisation intégrale en 2007. Mais elle se trouva confrontée à des problèmes traditionnels importants dont le règlement ne passait pas uniquement par une mise à niveau de la manufacture ou la mise au point de nouveaux produits. Lorsque l’industrie du cachemire décolla en Mongolie dans les années 90, ses exportations firent rapidement partie des principales exportations du pays. Les éleveurs de chèvres nomades se trouvèrent rapidement confrontés à une augmentation de la demande provenant non seulement de la Mongolie mais aussi de l’étranger. Gobi achetait la plus grande partie de la matière brute de cachemire auprès des éleveurs de chèvres nomades, mais la demande était tellement importante qu’un “marché noir” de l’industrie du cachemire se développa. L’étendue de la frontière mongole facilitait le passage en fraude du cachemire; mi‑1990, cette activité illégale représentait 20 à 50 % de toutes les exportations de cachemire mongoles. En outre, bien que la plus grande partie du cachemire de contrebande soit mélangée à d’autres types de laine, il continuait à être commercialisé sous la marque “Pure Mongolian Cashmere”. Cela engendra une augmentation plus que sensible de la demande mondiale de produits à base de cachemire mais, pour l’industrie de transformation mongole, cela se solda par moins de matière brute de cachemire et mit en jeu la notoriété du cachemire mongol.

Autre changement ayant apporté son lot de difficultés à Gobi et à l’industrie du cachemire mongol : la mise en place soudaine d’une économie de marché. Avant la libéralisation du marché, les éleveurs de chèvres nomades qui approvisionnaient Gobi en cachemire étaient des fonctionnaires, bénéficiant de pensions garanties et de quotas déterminés à l’avance quant au nombre d’animaux qu’ils pouvaient élever. Lorsque l’économie s’élargit, bon nombre de ces éleveurs se “dénationalisèrent”, ce qui leur fit perdre leurs pensions et connaître une diminution de leurs revenus. Confrontés à la pauvreté, au chômage et s’efforçant par tous les moyens de nourrir leurs familles et leurs communautés, de nombreux éleveurs croisèrent leurs chèvres à cachemire avec des chèvres aux poils plus grossiers pour pouvoir faire augmenter leur offre. C’est que, de 1990 à 1999, le nombre de chèvres passa de six à onze millions, faisant aussi, par ricochet, augmenter leurs ventes de cachemire. Mais ce cachemire était d’une qualité inférieure en raison du croisement. Ces fibres de cachemire mélangées n’étaient pas aussi fines, ni aussi chaudes que celles du cachemire pur, et la baisse de qualité entraîna une mise à mal regrettable de la renommée du cachemire mongol.

Sous l’effet conjugué de la contrefaçon, du mélange de fibres et des croisements, l’offre de cachemire mongol – aussi bien pur que mélangé – s’envola fin 1990 et début 2000. Toutefois, l’instabilité économique de certains grands marchés internationaux sur lesquels Gobi était présente, entraîna une chute de la demande pour ce produit de luxe, mettant la stabilité de l’entreprise est danger. En outre, parce que l’augmentation de l’offre nationale rendait le cachemire mondial moins séduisant, des fabricants tels que Gobi devinrent beaucoup plus vulnérables à la concurrence étrangère. Le Gouvernement de la Mongolie ayant pour objectif de développer l’industrie du cachemire dans des proportions telles que celles‑ci contribueraient d’une manière sensible et durable à la croissance économique et à la réduction de la pauvreté, la décision finale de privatiser entièrement Gobi, qui intervint en 2003, était tout à fait fortuite. Jusqu’à l’achèvement de cette privatisation en 2007, l’industrie du cachemire mongol se révéla être résistante, commençant même à se relever en raison essentiellement, toutefois, d’une chute du prix du cachemire, à l’origine d’une augmentation des exportations du matériau brut de cachemire. Lorsque la privatisation de Gobi fut terminée, ses nouveaux propriétaires s’employèrent à ajouter davantage de valeur aux produits de l’entreprise en Mongolie et créèrent pour ce faire une nouvelle image de marque, synonyme de luxe faisant fond sur l’un des noms d’entreprise les plus anciens du pays.

L’un des éléments stratégiques essentiels de la coentreprise était un projet détaillé visant à donner un nouvel essor à la marque Gobi tout en mettant en valeur la fierté d’une fabrication en Mongolie. La direction de l’entreprise s’attacha à y parvenir de différentes manières. Premièrement, en 2008, Gobi créa son magasin d’usine (aussi point de vente) à côté de ses bâtiments à Ulaanbaatar (capitale de la Mongolie). Ce magasin, conçu par le célèbre architecte japonais Keiichiro Sako, mit en exergue le côté luxueux des produits de Gobi et permit aux clients d’admirer par eux‑mêmes l’un des cachemires mongols les plus fins au monde. D’une surface de 1150 mètres carrés, le magasin d’usine, structure moderne, met à l’honneur les produits fabriqués par Gobi, rehaussant ainsi le prestige et l’image de marque de l’entreprise.

Deuxièmement, Gobi multiplie ses efforts pour fabriquer des produits d’une meilleure qualité pouvant être vendus plus cher, afin de renforcer l’image de marque de l’entreprise en tant qu’entreprise de produits de luxe et de la rendre moins dépendante de la vente de matériaux brutes ou semi‑traités de cachemire. Troisièmement, l’entreprise met au point de nouveaux types de produits visant des clients plus jeunes, à revenu plus élevé, ne perdant jamais de vue certains marchés et climats spécifiques. Ainsi, les produits de Gobi sur les marchés mongols peuvent être trop épais pour les clients de certains pays d’Europe ou d’Asie, où il fait plus chaud. Même si, en 2012, Gobi réalisait environ 45% de ses ventes en Mongolie, il n’en reste pas moins qu’elle s’appliquait à diversifier sa gamme de produits pour faire augmenter ses exportations (par exemple, en mettant sur le marché des produits destinés au plein air). Quatrièmement, afin de renforcer son image de marque de produits de luxe et de mettre au point de nouveaux produits, davantage à la mode, Gobi, en 2011, travailla en collaboration avec le designer italien Saverio Palatella, devenu célèbre grâce à ses dessins pour des vêtements tricotés, à la création d’une nouvelle ligne de dessins exclusivement aux fins de la marque Gobi. Cette nouvelle collection a été dévoilée à l’occasion du trentième anniversaire de l’entreprise; elle comprend des articles conçus par Palatella associant la douceur du ciel bleu, la beauté de la nature et la force du vent à des techniques de designs modernes.

Grâce à toutes ces mesures, Gobi a réussi à exploiter son patrimoine et son nom pour faire naître sa propre notoriété. Le cachemire mongol bénéficie depuis toujours d’un avantage concurrentiel sur les marchés internationaux en raison de cette image de grande terre pastorale vierge aux traditions séculaires associée, dans l’inconscient collectif, à ses produits. C’est parce qu’elle a su faire fond sur cette image de marque déjà bien ancrée, améliorer encore la qualité de ses produits, réinventer et innover en matière de design ainsi que multiplier ses efforts de commercialisation aux niveaux national et international (par l’intermédiaire de ses partenaires chargés de ses exportations et de ses filiales) que Gobi est devenue la cinquième entreprise de cachemire la plus importante au monde et l’une des marques mongoles les plus réputées.




Marques de certification “Pur Mongolian Cashmere” et “Made With Mongolian Cashmere” (demandes auprès de l’OHMI, portant respectivement les numéros 003326139 et 003326113).

Marques de certification

Devant la reprise de l’industrie du cachemire mongol et l’augmentation de la demande de cachemire pur, il devint indispensable de protéger la définition du cachemire mongol pur. Pour que les clients soient conscients de ce qu’ils achetaient, Gobi, avec Agency for International Development (États‑Unis d’Amérique), travailla, en 2002, avec trois autres entreprises de cachemire mongoles (Goyo, Altai Cashmere et Mongol Nekhmel) à la création de la Mongolian Fiber Mark Society (ci‑après dénommée “Société”). Organisme à but non lucratif (OBNL), la Société se consacre au développement du caractère concurrentiel de l’industrie mongole du cachemire, à la promotion du cachemire mongol sur les marchés internationaux et à la réalisation d’activités de commercialisation connexes.

À ces fins, la Société s’efforce de protéger la réputation du cachemire mongol grâce à deux marques de certification enregistrées : “Pure Mongolian Cashmere” et “Made With Mongolian Cashmere” (au moins 50% de cachemire mongol). Grâce à ces marques de certification, des entreprises telles que Gobi peuvent mettre à profit l’avantage concurrentiel dont jouit l’industrie du cachemire mongol en augmentant les exportations et les recettes, en améliorant les méthodes de production ainsi qu’en mettant à disposition des instruments de commercialisation collective efficaces. D’ailleurs, la plupart des stratégies de gestion de marques que Gobi met en œuvre sont conformes aux objectifs de la Société.

Les marques de certification ont pour principal objet de permettre d’ajouter de la valeur et de protéger les produits de leurs membres; l’OBNL y parvient en mettant en œuvre un ensemble de normes de qualité éthiques et environnementales. La Société a défini trois catégories dont relèvent ces normes. Première catégorie : obligation pour le cachemire de provenir de la Mongolie. Ceci est déterminé par l’emplacement géographique de la production du cachemire; s’il est complètement produit en Mongolie, le cachemire répond aux critères de la marque de certification “Pure Mongolian Cashmere”. S’il est produit en Mongolie et qu’il s’agit d’un mélange de laine cachemire mongole et de laine cachemire étrangère ou s’il est en partie traité en Mongolie, puis fini dans un autre pays, il répond aux critères de la marque de certification “Made With Mongolian Cashmere”. Afin de pouvoir garantir l’origine du cachemire, la Société travaille en collaboration avec des fabricants chargés de réaliser les inspections, ce qui implique de vérifier qu’il existe une collection de traces écrites de la livraison, de la réception, de l’importation ou de l’exportation du cachemire concerné.

Deuxième critère : la qualité. À cet égard, les deux marques diffèrent quant à leur définition de la qualité. Pour la marque de certification “Pure Mongolian Cashmere”, le produit doit satisfaire aux conditions suivantes : 1) contenir, dans le pire des cas, des traces (moins de 1%) de fibres autres que du cachemire; 2) présenter un diamètre moyen ne dépassant pas 17 microns pour le tricot et 17,5 microns pour les articles tissés et 3) contenir au maximum 0,5% de poils grossiers pour le tricot et 1% pour le tissage. Pour la marque de certification “Made With Mongolian Cashmere”, le produit doit satisfaire aux conditions suivantes : 1) contenir au minimum 50% de cachemire mongol; 2) comprendre un étiquetage pertinent des autres fibres mélangées, le cas échéant. Des échantillons du produit doivent être fournis à la Société afin qu’un laboratoire indépendant puisse mener à bien des essais en vue de vérifier le contenu desdits produits. Enfin, dans tous les cas, le produit doit avoir été fabriqué dans le respect des normes éthiques favorisant l’écocompatibilité.

Mis à part ces marques de certification, la Société travaille, en collaboration avec ses membres, à l’exportation et à la mise sur les marchés, principalement de l’Amérique du Nord, d’Europe occidentale et d’Asie, de produits mongols certifiés à base de cachemire. Enfin, l’OBNL facilite l’établissement de liens entre les acheteurs de ces marchés avec les membres de la Société, encourageant l’entreprise qui satisfera au mieux les besoins des acheteurs. Ces services sont proposés gratuitement aux acheteurs; toutefois, les membres de la Société s’acquittent d’une taxe pour que ladite Société puisse mener à bien ses tâches quotidiennes et sa mission générale consistant à promouvoir le cachemire mongol sur les marchés internationaux. En outre, la Société parraine divers programmes de formation à la gestion des marques afin de rendre les marques de certification aussi visibles que possible et d’en assurer la réussite.

Marques et noms de domaine

Avec la mise au point d’une nouvelle image de marque pour Gobi et la création de marques de certification, recourir au système de propriété intellectuelle est devenu essentiel pour Gobi, la Société et l’ensemble de l’industrie du cachemire mongol. Au moment où le cachemire mongol commençait à acquérir ses lettres de noblesse dans les années 80, Gobi comprit immédiatement qu’il était important de protéger son nom. En 1988, il déposa une demande d’enregistrement de marque pour le nom Gobi et son logo par l’intermédiaire du système de Madrid pour l’enregistrement international des marques, administré par l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI). Beaucoup de pays étaient désignés dans cette demande d’enregistrement, parmi lesquels l’Italie en 1988, les États-Unis d’Amérique et le Royaume‑Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord en 2009 ainsi que le Japon en 2010.

Parce que la protection de ses marques de certification était tout aussi importante, la Société fit rapidement enregistrer ses deux marques pour ses plus grands marchés. C’est ainsi que Pure Mongolian Cashmere et Made With Mongolian Cashmere furent enregistrer par l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) en juin 2005 et novembre 2004, respectivement. La Société fit aussi enregistrer Pure Mongolian Cashmere et Made With Mongolian Cashmere dans le Commonwealth d’Australie par l’intermédiaire d’IP Australia.

Gobi a en outre choisi, dans le cadre de ses stratégies essentielles, de maintenir sa présence sur l’Internet car, grâce à son site Web interactif non dépourvu de cachet, elle peut se faire connaître auprès de futurs clients partout en Mongolie et dans le monde. À ces fins, l’entreprise est propriétaire d’un nom de domaine, à savoir gobi.mn, permettant aux utilisateurs de découvrir les nouvelles collections de l’entreprise, de feuilleter le catalogue des produits disponibles, de trouver les points de vente des produits de Gobi et de s’informer davantage sur l’histoire et le dessin de l’entreprise ainsi que sur ses méthodes de fabrication. L’entreprise est aussi propriétaire d’un autre nom de domaine, gobi-cashmere.com, au contenu analogue mais destiné à la clientèle internationale.


Le cachemire peut servir à fabriquer toute une variété de produits raffinés (photo : Yahaira Ferreira).

Commercialisation

En plus de 30 ans d’existence, Gobi a réussi à survivre aux changements radicaux intervenus en Mongolie et demeure l’entreprise nationale de pointe chargée de la commercialisation du cachemire. Gobi met un point d’honneur à travailler en étroite collaboration avec des éleveurs de chèvres, contribuant ainsi à la préservation de leur culture et de leur mode de vie nomade. L’entreprise est convaincue que c’est le seul moyen de conserver une offre importante de cachemire mongol de première qualité. En outre, parce qu’elle s’en remet à ces éleveurs de chèvres, Gobi donne à ceux‑ci et à leurs communautés des emplois (ce qui est plus que nécessaire), des revenus et des perspectives de croissance. Une fois que Gobi a pris possession du cachemire auprès des éleveurs de chèvres, la matière brute est amenée à l’usine de l’entreprise à Ulaanbaatar où elle est transformée en produits finis de grande qualité grâce à des équipements et des techniques modernes de dernier cri. L’entreprise a aussi été la première entreprise mongole à obtenir la certification ISO 9001:2000 de l’Organisation internationale de normalisation (ISO), chargée de la normalisation au niveau international, en vue de la mise en œuvre de systèmes de gestion de haute qualité.

Dans son usine à Ulaanbaatar, Gobi transforme plus de 1200 tonnes de matériaux bruts de cachemire (et de laine de chameau) par an, ce qui se traduit, concrètement, par 500 000 vêtements tricotés, 250 000 mètres de tissu et 25 000 articles sur mesure. Si l’on part du principe qu’une chèvre ne produit pas plus qu’environ 200 à 380 grammes environ de cachemire par an, on peut rapidement évaluer la chaîne d’approvisionnement et les relations que Gobi entretient avec les éleveurs de chèvres nomades. L’entreprise fournit ainsi un cinquième de la production totale de cachemire de la Mongolie et représente la plus importante marque de cachemire du pays, détenant environ 60% du marché national. Le magasin d’usine de Gobi, à côté de son usine, est le plus grand magasin de produits à base de cachemire en Mongolie. Depuis son siège à Ulaanbaatar, l’entreprise exporte ses produits dans une trentaine de pays sur quatre continents, dont le Canada, l’Union européenne, la République de Corée, le Japon, la Fédération de Russie et les États‑Unis d’Amérique.

Résultats commerciaux

Gobi fait fond sur sa marque et sur ses relations avec les éleveurs de chèvres nomades pour survivre aux nombreux changements draconiens intervenus au fil de ces 30 dernières années, et est devenue le cinquième plus grand fabricant de produits à base de cachemire au monde et le premier en Mongolie. Depuis que la coentreprise mongolojaponaise est devenue le principal actionnaire de l’entreprise, les ventes de celle‑ci n’ont pas cessé d’augmenter. Ainsi, en 2008, l’entreprise enregistrait des ventes d’un montant d’environ 15 000 millions de dollars É.‑U. mais, grâce à de nouveaux équipements, des stratégies de gestion des marques et des marques de certification, ses ventes se sont élevées à près de 27 millions de dollars É.‑U. en 2011. Bien que le coût de la matière première et du carburant ait augmenté à la fin des années 2000 et au début des années 2010, l’entreprise a conservé un flux de trésorerie positif et multiplié par presque huit ses actions de jouissance du début de 2009 à la fin de 2011. Après avoir procédé à une mise à niveau technique importante et opté pour la nouvelle stratégie de gestion des marques en 2011, l’entreprise a enregistré, en 2012, une augmentation de ses ventes et de ses bénéfices nets, et détient aujourd’hui encore l’une des marques les plus connues de la Mongolie.

Made in Mongolia

Parce qu’il fait vivre près de la moitié de la population mongole, élevage et industrie de transformation confondus, le cachemire constitue une exportation essentielle à la poursuite du développement économique du pays. Malgré une concurrence ardue de l’étranger, une concurrence déloyale dans le pays et une augmentation du coût de la matière brute de cachemire, l’industrie cachemire mongole a réussi son grand retour, sous la houlette de Gobi. Parce qu’elle sait faire le trait d’union entre la protection d’un savoir traditionnel, la mise en œuvre d’une technique moderne et l’utilisation d’un solide porte‑feuille de propriété intellectuelle, composé de marques et de marques de certification, l’entreprise est “condamnée” à poursuivre sur la voie du succès. Ses perspectives d’avenir sont dans l’intérêt non seulement de Gobi en tant qu’entreprise mais aussi des éleveurs de chèvres nomades, de leurs communautés et de l’économie mongole. Répondant individuellement à chaque client, Gobi et ses partenaires redorent le blason du “Made in Mongolia”, enveloppant le monde dans la douceur et la chaleur du cachemire mongol.


Last update:

26 septembre 2012


Country/Territory:
Mongolie

Company name:
Gobi Corporation

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