GENÈVE – Avec la mort, intervenue récemment, de l’éminent artiste populaire américain, Pete Seeger, le monde a perdu un virtuose de la musique, célèbre pour ses compositions originales telles que "If I Had a Hammer", ainsi que son interprétation d’œuvres classiques telles que "Home on the Range" qui ont permis aux nouvelles générations de tisser un lien avec leur patrimoine culturel.
Lauréat d’un Grammy Award, faisant partie du cercle restreint des géants du rock and roll, militant des droits civiques et défenseur de la tradition populaire par excellence, Pete Seeger était célèbre à plus d’un titre. Moins connu, toutefois, était son engagement en faveur des peuples autochtones et des communautés locales du monde entier s’efforçant d’avoir une plus grande maîtrise de leur savoirs traditionnels, expressions culturelles traditionnelles et ressources génétiques.
Message de M. Peter Seeger à l’OMPI
Même nos activités à l’OMPI ont retenu l’attention de M. Seeger.
En avril 2006, une déclaration rédigée par M. Seeger a été présentée à la neuvième session du Comité intergouvernemental de la propriété intellectuelle relative aux ressources génétiques, aux savoirs traditionnels et au folklore (IGC), par Mat Callahan. M. Callahan, un musicien représentant Music in Common, une organisation non gouvernementale ayant le statut d’observateur auprès de l’IGC, avait développé l’idée alors novatrice de Pete Seeger concernant la mise en place dans le cadre des Nations Unies d’une commission du domaine public afin de reverser une partie des redevances perçues au titre des chansons populaires protégées par le droit d’auteur au “lieu et au peuple d’où la chanson tire son origine”.1
M. Wend Wendland, directeur de la Division des savoirs traditionnels de l’OMPI, se souvient : “M. Seeger et moi même avions discuté à plusieurs reprises et j’avais été frappé par son engagement en faveur des musiciens issus de milieux et de communautés défavorisés et sa détermination à faire en sorte qu’une partie des redevances soit reversée aux compositeurs d’origine”.
En fait, Peter Seeger tirait du répertoire traditionnel une grande partie de ses œuvres protégées par le droit d’auteur. Estimant qu’il était nécessaire de revivifier les traditions populaires, tout en veillant au respect de ceux qui les avaient conservées, il avait déclaré dans le cadre de l’IGC : “[P]our veiller à ce que les traditions demeurent vivantes, il [faut] les introduire aux nouvelles générations d’une manière qui honor[e] la musique elle même ainsi qu’à ceux qui maint[iennent] les formes d’expression les plus élevées.”
Rendre aux communautés ce qui leur revient
M. Seeger était convaincu qu’il fallait rétrocéder une partie des bénéfices aux communautés d’où les œuvres étaient originaires. Dans les années 50, son groupe, the Weavers, avait enregistré une chanson sud africaine, Wimoweh (terme qui résulte d’une mauvaise compréhension par M. Seeger du mot “Mbube” titre d’une chanson composée par le Sud Africain Solomon Linda). M. Seeger a déclaré à l’IGC “Lorsque j’ai appris comment de modestes redevances pour la chanson ‘Mbube’(‘Wimoweh’ aux États Unis d’Amérique) avaient été versées à son auteur africain, Solomon Linda, je me suis rendu compte que c’était un problème mondial. Pourquoi alors ne pas essayer de le résoudre? J’avais reçu des redevances de livres et de disques pour ‘Abiyoyo’, une histoire pour enfants que j’avais inventée en 1952. Elle utilise une vieille berceuse Xhosa. Aujourd’hui, ces redevances sont scindées en deux, la moitié étant versée au Fonds Ubuntu pour les bibliothèques et bourses destinées aux enfants Xhosa près de Port Elizabeth.”
Pour M. Seeger, la musique populaire représentait un patrimoine vivant et les festivals, maisons de disques et publications qu’il avait fondés témoignaient du dynamisme des expressions culturelles traditionnelles. Ces dernières, parallèlement aux savoirs traditionnels et aux ressources génétiques, constituent les thèmes actuellement traités dans le cadre de l’IGC. La vingt sixième session du comité intergouvernemental se tiendra du 3 au 7 février 2014.
M. Seeger est décédé le 27 janvier 2014, de mort naturelle, à l’âge de 94 ans.
- Toutes les citations attribuées à M. Seeger sont extraites du paragraphe 120 du rapport de la neuvième session du Comité intergouvernemental de la propriété intellectuelle relative aux ressources génétiques, aux savoirs traditionnels et au folklore, tenue à Genève du 24 au 28 avril 2006 (document WIPO/GRTKF/IC/9/14 Prov. 2).↑