L’un des éléments clés de la renaissance économique de l’Ouganda – avec, notamment, la modernisation de cette activité traditionnelle qu’est la production de café à Kasese – a été l’apparition d’un savoir‑faire commercial et le coup de fouet donné aux investissements par des PME telles que GAC. Fermiers (en photo) au pied de la chaîne de montagnes du Rwenzori (photo : GAC).
Au pied des montagnes au sommet enneigé du district de Kasese, dans la partie occidentale de la République de l’Ouganda (ci‑après dénommée “Ouganda”), des producteurs de café commencent à réaliser un rêve qui leur a échappé pendant des générations. Après s’être rassemblés en coopératives, travaillé avec des chefs d’entreprise, amélioré leurs procédés de production et mis au point des produits caféicoles de qualité, ces producteurs ont réussi leur percée sur le marché international.
Cela a permis aux producteurs de café de Kasese d’augmenter leurs revenus, de développer de nouvelles possibilités commerciales et d’améliorer leur structure sociale. En outre, les agriculteurs de la région commencent à être animés d’un fort esprit d’entreprise, d’autonomie et de fierté.
Derrière cette réussite des producteurs de café, Good African Coffee Limited (ci‑après dénommé “GAC”), entreprise de production et de commercialisation de café ayant son siège à Kampala, capitale de l’Ouganda. Créée en 2003, GAC a non seulement perfectionné les normes applicables aux agriculteurs du district de Kasese, mais aussi investi dans de nouveaux procédés de production et créé de la valeur ajoutée, des produits de qualité et des marques.
L’entreprise a pu faire face à des concurrents internationaux bien implantés et mettre au point un nouveau modèle commercial, fondé sur le partenariat communautaire, l’innovation et la compétitivité, à l’intention des producteurs marginalisés du monde.
L’Ouganda produit depuis des siècles toutes sortes de variétés de café, notamment du robusta (Coffea canephora), arbuste originaire d’Afrique sub‑saharienne, qu’elle utilise à des fins socioéconomiques. De plus, l’arabica (Coffea arabica), originaire de la péninsule d’Arabie , s’est adapté aux sols fertiles en altitude (plus de 5000 mètres), baignant sous le climat frais et humide de la chaîne de montagnes du Rwenzori située dans la partie occidentale de l’Ouganda, plus connues sous le nom de “Montagnes de la lune”.
Les petits agriculteurs de ces montagnes cultivent depuis toujours l’arabica aux saisons humides et sèches, les récoltes ayant lieu deux fois par an (d’abord d’août à novembre, puis de mars à avril). Ces producteurs, qui vivent et travaillent habituellement en famille, récoltaient et dépulpaient traditionnellement à la main les cerises de café avant de les “sécher”, c’est‑à‑dire que les cerises de café étaient étalées avant d’être ratissées et vendues. Ces plantations se faisaient souvent à l’ombre d’autres plantes (telles que des bananiers) afin d’aider la culture.
Pour M. Rugasira (en photo), essayer d’obtenir le soutien de détaillants internationaux et convaincre ceux‑ci que l’entreprise a les capacités de livrer dans les délais a été aussi difficile que gagner la confiance des producteurs (photo : GAC).
Grâce au succès remporté par ses cultures de café (gérées par un comité gouvernemental de commercialisation du café), l’Ouganda, dès les années 60, est devenue le numéro un des exportations de café en Afrique. Peu de temps après, toutefois (dès les années 70), les producteurs de café du pays furent confrontés à des conditions socioéconomiques défavorables, notamment des impôts élevés, des fluctuations de prix, une impossibilité d’accéder directement aux marchés internationaux, des investissements de capitaux insuffisants et – ce qui fut peut‑être le pire – des troubles sociaux. La production de café chuta et la plupart des agriculteurs de la région durent se contenter d’un maigre revenu, grignoté par l’endettement et la pauvreté.
Une fois la paix peu ou prou revenue dans le pays (à partir de la mi‑1980) et l’économie nationale libéralisée (début des années 90), les producteurs du pays commencèrent à exploiter de nouvelles possibilités commerciales et à rêver à un avenir meilleur. L’élément clé de cette renaissance économique – dont le coup de fouet donné à la production de café traditionnelle du district de Kasese – a été l’apparition d’un savoir‑faire commercial et l’impulsion donnée aux investissements par des petites et moyennes entreprises (PME) telles que GAC.
GAC, qui portait autrefois le nom de Rwenzori Finest Coffee Company (de 2003 à 2006), a été créée par Andrew Rugasira, chef d’entreprise ougandais ayant suivi des études de droit et d’économie. Avant de créer cette compagnie de café, M. Rugasira avait hérité, au début des années 90, de l’usine familiale de bâtons de craie.
Quand son entreprise dut fermer face à la concurrence impitoyable d’importations meilleur marché, ce chef d’entreprise créa, en 1994, VR Promotions (ci‑après “VR”), entreprise de gestion et de commercialisation d’événements ayant son siège à Kampala. Alors que VR se portait relativement bien, le chef d’entreprise commença à nourrir l’idée de soutenir la communauté rurale à Kasese en commercialisant son café. Huit années après avoir créé l’entreprise de commercialisation, il créait Good African Coffee.
Les débuts de la nouvelle entreprise de M. Rugasira furent placés sous le signe du risque, du manque de capitaux et d’un certain nombre de déboires. Durant les deux premières années d’activité de GAC, le chef d’entreprise se lança dans des travaux de recherche‑développement (R‑D) approfondis concernant la production de café, afin de relever plusieurs défis. L’un d’entre eux consistait à trouver les moyens de gagner la confiance des agriculteurs et d’encourager les producteurs à adopter de nouvelles techniques de production et à se rassembler en coopératives, dont des caisses d’épargne et de crédit (le peu de succès remporté par ces caisses s’expliquait par les soupçons qu’entretenaient depuis toujours les agriculteurs envers les étrangers et les prêteurs intermédiaires).
À la suite d’un certain nombre de réunions et d’entretiens avec des aînés de village et des agriculteurs de Kasese, le chef d’entreprise réussit toutefois à démontrer le bien‑fondé d’une idée. Ainsi que M. Rugasira l’a expliqué, “nous avons réussi à convaincre les producteurs qu’ils ne devaient pas chercher une solution à leurs problèmes à eux uniquement mais qu’ils devaient aussi mettre en commun leurs ressources pour pouvoir, du fait qu’ils forment un groupe d’agriculteurs relativement pauvres, créer un réel potentiel, trouver des capitaux et avoir des possibilités de transformer leurs communautés respectives”.
Des organismes de producteurs d’une cinquantaine de membres ont pu être constitués dans la région; ils ont ensuite été habilités à définir et à choisir un comité de responsables formés aux meilleures pratiques de la culture du café (dont la méthode de taille et de paillage des cerises de café). Ces responsables (comprenant des représentants et des représentantes afin d’honorer l’engagement du comité de respecter l’égalité entre les hommes et les femmes) devaient, à leur tour, diffuser les nouvelles informations auprès de la communauté. C’est ainsi que “tous les producteurs assurèrent le transfert de savoirs au sein de leur propre communauté”, selon M. Rugasira. “Eux‑mêmes suivirent avec enthousiasme la formation qu’ils transmirent à d’autres agriculteurs de la chaîne de montagnes du Rwenzori, et gérèrent les groupes de producteurs eux‑mêmes”.
Des organismes de producteurs d’une cinquantaine de membres ont été constitués dans la région; ils ont ensuite été habilités à définir et à choisir un comité de responsables formés aux meilleures pratiques de production du café. M. Rugasira (à droite sur la photo), en compagnie d’agriculteurs du district de Kasese (photo : GAC).
Dans le cadre du processus de R‑D, le chef d’entreprise a rassemblé d’importantes données (notamment sur la superficie en acres de chaque ferme, les rendements moyens et le nombre total de membres dans chaque famille) en se fondant sur les enquêtes menées auprès des producteurs. Grâce à ces entretiens, M. Rugasira découvrit, par exemple, que la superficie moyenne d’une parcelle appartenant à un agriculteur était d’une acre, ce qui permettait d’obtenir environ 300 kilogrammes (kg) de café par saison. Sur la base de ces informations, le chef d’entreprise put mettre au point un plan de développement sous l’égide du GAC, répertoriant notamment les domaines appelant une intervention immédiate (telle qu’une formation à la culture du café à l’intention des producteurs) et faisant des prévisions d’expansion pour l’entreprise.
Grâce à ses premières recherches exhaustives, M. Rugasira mit en œuvre des procédures de formation à l’intention des agriculteurs et de nouvelles méthodes de production. Cela impliquait de transformer la culture du café dans la région, autrement dit de passer de la traditionnelle technique de production “sèche” à une technique “humide” où les cerises de café sont immergées dans l’eau pour distinguer le bon grain (celles qui tombent) de ivraie (celles qui flottent).
En outre, GAC investit dans des équipements destinés aux producteurs, dont des machines manuelles à dépulper – c’était la première fois qu’une machine de ce type était utilisée dans la région. Puis, M. Rugasira définit un plan de mesures d’encouragement destiné aux producteurs (selon lequel les agriculteurs toucheraient le double du prix habituel s’il produisait du café de qualité) afin de les amener à adopter de nouvelles machines et de nouvelles techniques de production.
Malgré ces investissements et ces mesures d’encouragement, l’entreprise fut confrontée à d’autres défis pendant cette période, dont les modalités d’accès aux techniques de valeur ajoutée les plus récentes, telles que les machines à torréfier, pour la production de café. Avant ces machines, GAC devait sous‑traiter des techniques de production essentielles, dont celles de la torréfaction et de l’emballage, à une usine en République d’Irlande. Toutefois, en 2009, l’entreprise réussit à acheter ses propres machines de torréfaction et de conditionnement. La même année, ces nouvelles machines furent installées dans une nouvelle usine de fabrication de l’entreprise à Kampala.
Grâce à ses réalisations, GAC devint le premier producteur africain de café intégré verticalement (c’est‑à‑dire que la chaîne d’approvisionnement reste sous le contrôle du même propriétaire du début à la fin), accédant directement au marché européen. Parce que les procédés de valeur ajoutée de l’entreprise ne sont plus sous‑traités (ce qui a permis à l’entreprise de s’épargner des frais) et parce que GAC réinvestit 50% de ses bénéfices dans la communauté de Kasese, les producteurs de café de la chaîne de montagnes du Rwenzori ont pu augmenter leurs investissements en vue de développer leur structure socioéconomique. En 2012, 14 000 producteurs de café du district de Kasese faisaient partie du réseau de fournisseurs de GAC.
GAC a mis au point une nouvelle image de marque ainsi qu’un certain nombre de marques de qualité bien conçues, à l’appui d’un logo distinctif : l’image stylisée d’une personne (voir ci‑dessus) rappelant le continent africain (photo : UKIPO).
Mis à part la R‑D, accéder à des investissements en capitaux et au savoir‑faire nécessaires à la croissance et à la compétitivité internationale constitua l’un des principaux obstacles à la réussite de M. Rugasira et de son entreprise. Sans véritable système de capital‑risque, sans possibilités d’accès rapide à des crédits et sans communauté d’experts économiques auprès desquels obtenir des conseils, l’Ouganda s’est révélé être un pays éprouvant pour ce chef d’entreprise. Le fondateur de GAC s’est donc trouvé contraint, dès le début, à utiliser ses actifs personnels, notamment en liquidant VR et en hypothéquant sa maison tout en se mettant en quête d’investisseurs à l’extérieur du pays.
Le fondateur de GAC était conscient du fait que, après avoir trouvé des investisseurs et des partenaires, il devrait arrêter une stratégie de gestion des marques et de commercialisation exhaustives afin de pouvoir pénétrer le marché international et y être concurrentiel. Mais, pour y parvenir, l’entreprise devait surmonter ce qui constituait peut‑être l’un des obstacles les plus importants : combler la lacune de crédibilité. S’efforcer d’obtenir le soutien de détaillants internationaux et leur garantir que l’entreprise avait les capacités de livrer dans les délais a été aussi difficile pour M. Rugasira que gagner la confiance des producteurs.
Ainsi, en 2004, lorsque le chef d’entreprise essaya pour la première fois de commercialiser ses produits caféicoles en Europe, il mit au point un plan de développement pour bien faire comprendre ses desseins aux acheteurs des principaux supermarchés à Londres (Royaume‑Uni). Après plusieurs courriers électroniques et appels téléphoniques à des acheteurs potentiels restés sans réponse, M. Rugasira n’eut pas d’autres choix que de rentrer les mains vides en Ouganda.
Trois mois plus tard, le chef d’entreprise revenait à Londres pour, de nouveau, essayer de conclure des contrats de mise en marché avec des supermarchés. Une fois encore, M. Rugasira se heurta à un mur de silence. Non seulement sa stratégie ne fonctionna pas mais aussi de nombreux acheteurs potentiels ne crurent tout simplement pas que GAC arriverait à livrer, dans les délais, des grains de café de qualité.
Toutefois, quelques semaines après son deuxième déplacement à Londres, il reprit espoir lorsqu’il reçut une invitation à soumettre son plan de développement à Waitrose Limited (ci‑après dénommé “Waitrose”), supermarché bien connu au Royaume‑Uni. Après son douzième déplacement à Londres pour y rencontrer des responsables de chez Waitrose, M. Rugasira, dont les moyens financiers se réduisaient comme peau de chagrin, réussit à signer son premier contrat de mise en marché avec un grand détaillant de produits alimentaires et de boissons du Royaume‑Uni.
Parce qu’il souhaitait promouvoir la PME d’une manière créative et obtenir davantage de fonds, M. Rugasira rédigea un article sur la marque GAC, qui fut publié dans The Guardian, quotidien national renommé du Royaume‑Uni. Grâce au contrat signé avec Waitrose et à l’article paru dans The Guardian, le profil international de l’entreprise s’améliora et ses recettes augmentèrent; M. Rugasira comprit alors que GAC avait besoin d’un réseau plus large d’acheteurs et de stratégies de gestion de marques pour pouvoir bénéficier d’une viabilité commerciale à long terme. En 2005, le chef d’entreprise, qui souhaitait développer la demande pour ses produits, ouvrit une caféterie sous le nom de “Good African Café” à Kampala.
GAC a investi dans des équipements destinés à des producteurs, notamment en achetant des machines manuelles à dépulper servant à séparer le grain de café de sa coque; c’était la première fois que des machines de ce type étaient utilisées dans la région (photo : GAC).
Malgré ce contrat de mise en marché et l’ouverture de la prestigieuse caféterie, le fondateur de GAC était toujours déterminé à décrocher d’autres contrats de ce type pour pouvoir écouler les stocks en augmentation des producteurs. Ses fonds propres se raréfiant, M. Rugasira s’investit dans son plan de développement pour séduire de nouveaux acheteurs à Londres. Son obstination paya puisqu’il parvint à signer, en 2007, l’un de ses contrats de mise en marché les plus lucratifs avec Sainsbury’s Supermarkets Limited (ci‑après dénommé “Sainsbury”), l’un des hypermarchés les plus grands du Royaume‑Uni.
Deux années plus tard, surfant sur la vague du succès, M. Rugasira conclut un autre contrat de mise en marché des produits de GAC, cette fois‑ci dans des supermarchés des États‑Unis d’Amérique, pays où le marché des produits caféicoles est bien plus important qu’au Royaume‑Uni. Le contrat, qui portait initialement sur des ventes sur l’Internet puis sur un certain nombre de supermarchés du pays, liait M. Rugasira à Kehe Distributors, société de distribution ayant largement accès aux supermarchés des États‑Unis d’Amérique.
Outre ces réalisations, M. Rugasira créa une nouvelle image de marque pour son entreprise (dont son changement de dénomination en 2006) et mit au point un certain nombre de marques bien conçues, de qualité, à l’appui d’un logo distinctif : l’image stylisée d’une personne rappelant le continent africain.
Dès 2005, année où GAC signa des contrats de mise en marché avec Waitrose, l’entreprise conçut toute une série de marques telles que Rukoki Gold (torréfaction moyenne), Prestige, Espresso Roast (mélange de robusta et d’arabica) et Central Plains (mélange de café subtilement torréfié). L’année suivante, GAC enrichit sa gamme de produits sous de toutes nouvelles marques dont Freeze Dried Instant (100% arabica), Rwenzori Mountains (torréfaction moyenne) et du café surgelé en petit paquet.
Parce qu’il a réussi à développer la notoriété de sa marque d’une manière impressionnante et à nimber de prestige son entreprise, M. Rugasira est rapidement devenu, au niveau international, une référence en matière d’entreprenariat et de réussite. Exploitant sa fraîche renommée, le chef d’entreprise se lança dans un certain nombre d’activités de promotion de ses produits non seulement auprès des médias mais aussi en plaçant bien en vue les produits de l’entreprise lors d’événements d’importance ou dans des lieux où s’exerce le jeu du pouvoir.
Des cafés GAC ont ainsi été servis à des délégués assistant aux nombreux exposés de M. Rugasira sur l’économie et les questions de développement, en particulier ses allocutions devant la Chambre des lords, seconde chambre chargée de l’élaboration des lois au Royaume‑Uni, et au Sommet du Groupe des huit (G8), groupe intergouvernemental de discussion des pays les plus puissants économiquement parlant. M. Rugasira a aussi fait connaître les objectifs et les qualités de GAC grâce à un certain nombre de journaux et de médias, notamment en participant à des émissions de la British Broadcasting Corporation et de Cable News Network.
GAC a mis en œuvre une politique de partage équitable des bénéfices avec les agriculteurs tout en répondant à leurs attentes en matière d’entreprenariat sous la forme de programmes de littératie financière, de flux de crédits et de comptes d’épargne individuels dans des banques locales (photo : GAC).
Afin de diffuser l’information auprès de plus en plus de clients et d’adeptes au niveau international, GAC utilise un certain nombre d’instruments fondés sur l’Internet, dont un site Web d’entreprise (avec la biographie de producteurs du district de Kasese) comportant des liens vers des réseaux sociaux interactifs tels que Facebook, Myspace et Twitter. M. Rugasira recourt aussi à un blog, à un flux de nouvelles immédiates et à un bulletin ainsi qu’au canal You Tube de l’entreprise pour diffuser les informations les plus récentes sur les marques, les objectifs et les réalisations de GAC.
En 2012, après application d’une stratégie de commercialisation et de gestion de marques exhaustive, les produits et les marques de GAC étaient disponibles dans de nombreux supermarchés du monde, notamment en Ouganda (supermarchés Uchumi, Game, Nakumatt et Shoprite) et au Royaume‑Uni (supermarchés Waitrose, Sainsbury’s et Tesco plc).
Toujours en 2012, l’entreprise commercialisait ses grains de café aux États‑Unis d’Amérique par l’intermédiaire d’une boutique présente sur l’Internet, gérée par Eye level Solutions (ci‑après dénommée “ELS”), entreprise offrant aux spécialités un accès à des marchés ainsi qu’à un certain nombre de supermarchés tels que Ultra Foods, Grocery Outlet et Orange Street Food Farm. En outre, GAC écoulait son café localement dans un certain nombre de caféteries Good African Cafés à Kampala.
Parce qu’elle souhaite asseoir sa position sur le marché international et préserver ses possibilités d’expansion, l’entreprise s’appuie sur le système de propriété intellectuelle. À ces fins, elle a fait enregistrer deux marques pour Good African (dont un logo stylisé) pour son marché jusqu’ici le plus lucratif, à savoir celui du Royaume‑Uni, auprès de l’office national de propriété intellectuelle (UKIPO).
La même année, elle a fait protéger son nom en Union européenne au moyen d’un enregistrement de marque pour Good African, délivré par l’Office de l’harmonisation pour le marché intérieur. En outre, après avoir fait enregistrer des marques dans des pays et des régions fondamentaux, l’entreprise a renforcé sa présence sur l’Internet en faisant enregistrer son propre nom de domaine, à savoir http://www.goodafrican.com.
De plus, le producteur de café a conservé son premier nom de domaine (www.rwenzoricoffee.com) afin de protéger l’ensemble de ses actifs intangibles. Grâce à sa stratégie de propriété intellectuelle détaillée, l’entreprise commercialise en toute sécurité ses produits dans plusieurs pays et régions.
Située sous le Rift Albertine (sans aucun doute la partie abritant la plus riche biodiversité de l’Afrique), la chaîne de montagnes du Rwenzori accueille une flore et une faune somptueuses, comprenant des forêts tropicales, des prairies, de grands mammifères et de nombreuses espèces d’oiseaux endémiques. Cette région très vivante est toutefois de plus en plus menacée en bien des endroits, notamment parce que les êtres humains braconnent et détruisent les habitats. Soucieuse de conserver l’impressionnante biodiversité de la chaîne de montagnes du Rwenzori tout en apportant un soutien à la communauté locale des agriculteurs, GAC travaille avec des partenaires régionaux et internationaux à la mise en œuvre d’une stratégie de développement écocompatible.
Une fois la paix peu ou prou revenue dans le pays (à partir de la mi‑1980) et l’économie nationale libéralisée (début des années 90), les producteurs du pays commencèrent à exploiter de nouvelles possibilités commerciales et à rêver à un avenir meilleur (photo : Neil Palmer, International Center for Tropical Agriculture).
Travaillant en collaboration avec le Productive Resources Investment for Managing the Environment Project (PRIME/West) de l’Ouganda, initiative de développement rural mise en œuvre de 2003 à 2008 dans la partie occidentale du pays, et avec l’Uganda Wildlife Authority, l’entreprise recensa en 2007 un certain nombre de menaces écologiques pesant sur la région et mit au point des techniques de riposte. Parallèlement, la PME renforça les capacités de gains des habitants de la région.
Par le jeu de la collaboration (prise en charge des coûts, pour moitié, avec PRIME/West), GAC se lança dans un certain nombre d’activités dont une nouvelle formation à l’intention de certains membres de la communauté (faisant aussi partie du réseau de producteurs de l’entreprise) afin que ceux‑ci puissent se mettre à l’agriculture et abandonner le braconnage.
Autre avantage du partenariat : les programmes de gestion de la biodiversité et des forêts de la région (avec mise en place d’autres possibilités professionnelles, notamment dans l’écotourisme) “permirent de développer les habitats en application d’une gestion améliorée de l’écorégion menacée de l’Albertine Rift et de multiplier les avantages économiques des communautés, notamment en produisant 600 tonnes d’arabica dans la chaîne de montagnes du Rwenzori” (Agence internationale pour le développement des États‑Unis d’Amérique, rapport annuel de 2007). C’est ainsi que 107 000 hectares d’habitats écologiquement vulnérables et 98 coopératives bénéficièrent d’un soutien la même année.
Par ailleurs, les communautés locales ont pu réinvestir la part des bénéfices obtenus dans des programmes sociaux et environnementaux. Encouragés par l’entreprise, les agriculteurs de la région se forment à certains aspects de la préservation, notamment la déforestation, le pâturage et les cultures sur brûlis ainsi qu’à la mise au point de techniques de gestion des sols et des eaux.
En outre, l’une des pièces maîtresses de la stratégie de développement rural du GAC porte sur le renforcement des capacités des producteurs de gagner correctement leur vie tout en respectant l’environnement. L’entreprise a aussi veillé à ce que les producteurs soient protégés contre des menaces endémiques pesant sur leur développement, telles que les fluctuations de prix sur le marché international et l’endettement auprès de prêteurs peu scrupuleux. GAC a mis en œuvre une politique de partage équitable des bénéfices avec les agriculteurs tout en répondant à leurs attentes en matière d’entreprenariat sous la forme de programmes de littératie financière, des flux de crédit et des comptes d’épargne individuels au sein de banques de la communauté. En 2012, l’entreprise travaillait avec des agriculteurs du district de Kasese à la création de 17 banques locales.
Afin de leur assurer une stabilité de revenus, le chef d’entreprise achète la production de café de ses producteurs à un prix 15 à 20% supérieur à celui du marché. Grâce à ce supplément de revenus, ces lignes de crédit et ces épargnes, les agriculteurs ont pu investir à long terme dans des soins de santé, des améliorations de leur logement, de nouveaux équipements (motocycles) et l’éducation de leurs enfants.
Ainsi que l’a dit l’un des agriculteurs de la région, “j’ai adhéré au réseau du GAC parce que celle‑ci m’offrait un bon prix […]. J’ai réussi à payer les frais d’écolage du dernier trimestre, je n’ai plus de dettes”. Petit plus : certains producteurs ont pu traduire dans les faits leur esprit d’entreprise en créant de nouveaux flux de recettes émanant de l’apiculture et des activités d’élevage de bétail.
En donnant à la communauté des moyens renforcés de mener une vie viable d’un point de vue socioéconomique, GAC a fait en sorte que les générations à venir, qu’il s’agisse de l’homme, de l’animal ou du végétal, soient préservées dans de nombreux endroits de la chaîne de montagnes du Rwenzori.
GAC écoule son café localement dans un certain nombre de caféteries “Good African Cafes” de Kampala, capitale de l’Ouganda (photo : Mark Jordahl).
Parce qu’elle a été la première à mettre en œuvre de nouveaux modèles de développement rural dans la chaîne de montagnes du Rwenzori, GAC a intensifié sa productivité, fait augmenter ses recettes et amélioré sa compétitivité au niveau international. À preuve : peu de temps après sa création, la PME achetait 7000 kg de café à des producteurs du district de Kasese et gérait des ventes annuelles de 80 000 dollars É.‑U.; sept ans plus tard (en 2011), l’entreprise, chaque année, achetait auprès de son réseau de producteurs 430 000 kg de café et réalisait des ventes d’un montant de 1,2 million de dollars É.‑U.
En 2012, la production de café dans la région devrait augmenter et GAC estime que ses ventes annuelles lui rapporteront 2 millions de dollars É.‑U. L’entreprise a non seulement accru sa production et ses recettes mais a aussi su anticiper les choses en utilisant sa marque sur d’autres produits et sur d’autres marchés. “Nous cherchons à placer [Good African Chocolate; Good African Tea; Good African Fruit; et Good African Music] et nous y arriverons tôt ou tard”, a déclaré M. Rugasira. Par ailleurs, l’entreprise a mené à bien des négociations portant sur la fourniture de café à un détaillant de la République d’Autriche.
L’entreprise et son fondateur, outre leur réussite commerciale, ont été distingués par leurs pairs et se sont vu décerner des prix. C’est ainsi que le Forum économique mondial a nommé M. Rugasira “Young Global Leader” en 2007. Le chef d’entreprise s’est en outre vu décerner par l’Uganda Coffee Development Authority Ugandan le prix Uganda Entrepreneur of the Year (en 2007).
L’entreprise a été lauréate du premier Legatum Pioneers of Prosperity African Prize (en 2007), décerné par Legatum Limited, entreprise privée soutenant des projets de développement social dans le monde. Enfin, GAC a été nominée pour le Financial Times/ArcelorMittal Boldness in Business Award (en 2010). Ce prix est attribué aux particuliers et aux entreprises prenant des décisions audacieuses pour faire évoluer d’une manière positive la vie des affaires.
Parce que GAC a encouragé les producteurs de café de la chaîne de montagnes du Rwenzori à opter pour de nouvelles méthodes d’agriculture et des principes commerciaux modernes, un changement extraordinaire s’est produit. Les agriculteurs de la région ont réagi en améliorant leurs normes de production, en accroissant leur rendement et en faisant augmenter leurs recettes. Dans de nombreux cas, l’esprit d’entreprise a aussi été mobilisé.
Grâce à des produits de qualité commercialisés sous une marque devenue le fer de lance de leur percée économique, les producteurs de café ougandais ont non seulement réalisé leur rêve, à savoir obtenir un accès direct aux nouveaux marchés, mais aussi préservé leur environnement et soutenu leur famille tout en développant leur autonomie et redorant leur blason.
Cette étude de cas se fonde sur des informations provenant de: