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Il devient de plus en plus urgent de s’adapter aux effets du changement climatique. En mettant l’accent sur l'agriculture et la sylviculture, l'eau et les régions côtières, ainsi que les villes, nous montrons dans quelle mesure l'innovation et la technologie peuvent apporter des solutions.

Les effets du changement climatique sont désormais bien réels, et se font ressentir avec force. Pour la seule année 2022, plusieurs records tragiques ont été battus, et la tendance à la multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes apparaît chaque année de plus en plus clairement. Nous devons nous adapter. Malgré les avertissements lancés depuis des décennies et les appels de plus en plus désespérés à l’action, le monde n’est pas encore parvenu à atténuer le changement climatique. Au rythme actuel des choses, l’objectif visé par l’accord de Paris de 2015, à savoir le maintien de l’augmentation de la température de la planète en dessous des 1,5°C dans le meilleur des cas, ne semble pas réaliste.

Le rôle de la technologie dans l’adaptation au changement climatique

L’adaptation au changement climatique vise à accroître la résilience face aux effets de ce changement, et à réduire la vulnérabilité. Les effets du changement climatique peuvent être difficiles à prévoir et prennent de nombreuses formes. Il ne s’agit pas seulement de nous protéger contre les événements extrêmes, il s’agit également de s’adapter aux changements graduels et progressifs susceptibles de modifier la vie de la plupart d’entre nous. Ces changements ont une incidence sur la manière dont nous cultivons les sols, élevons le bétail, utilisons l’eau, cohabitons avec la mer, planifions nos villes, et bien plus encore. Par ailleurs, puisque de nombreux écosystèmes naturels sont menacés, ils auront besoin de notre soutien actif pour éviter l’effondrement et l’extinction de nombreuses espèces. Si tous les pays sont confrontés aux effets du changement climatique, de nombreux pays en développement y sont particulièrement vulnérables. Cela pourrait s’expliquer par le fait que, comme les pays les moins avancés, ils n’ont que des moyens limités pour y répondre, ou être une conséquence de leur situation géographique, comme c’est le cas pour certains petits États insulaires. En outre, étant donné que de nombreux pays en développement n’ont jamais été de gros émetteurs de CO2, les mesures prises pour atténuer les effets du changement climatique pourraient être beaucoup moins utiles dans leur cas que des mesures d’adaptation.

L’innovation et les technologies vertes ont des solutions à offrir. Il n’est néanmoins pas question de s’en remettre à des solutions rapides et à la transposition à plus grande échelle d’un petit nombre de solutions révolutionnaires. Il s’agit plutôt de développer et de déployer des milliers de solutions plus ou moins sophistiquées. Mais il serait également faux de croire que l’innovation et la technologie peuvent tout résoudre. Ce n’est pas le cas. La technologie ne peut se substituer à un large éventail de changements fondamentaux et nécessaires dans la manière dont nous produisons et consommons.

Dans la première édition du Livre sur les technologies vertes, nouvelle publication phare de l’OMPI, nous souhaitons démontrer qu’une multitude d’innovations et de technologies visant l’adaptation sont non seulement mises au point, mais actuellement disponibles. Nous examinons en particulier les principaux secteurs de l’agriculture et de la sylviculture, les zones aquatiques et côtières, ainsi que les villes. En donnant des exemples concrets de technologies, nous espérons inciter d’autres personnes à découvrir et mettre au point des solutions à leurs propres défis. Nous avons choisi de présenter plus de 200 technologies, mais il en existe beaucoup plus qui, à notre connaissance, ne sont pas inférieures à celles reproduites ici. La base de données WIPO GREEN, qui vise à recenser les besoins et les technologies, en contient de nombreux exemples. Les fournisseurs de solutions peuvent librement les transférer dans la base de données, ce qui en fait une source constante d’innovation, de technologie et de solutions.

Les technologies d’adaptation sont disponibles mais ne sont pas toujours accessibles

Bien que de nombreuses solutions technologiques soient disponibles, elles ne sont pas déployées suffisamment vite pour relever les multiples défis posés par le changement climatique. Les technologies d’adaptation sont généralement derrière les technologies d’atténuation en termes de soutien politique et de financement. L’adaptation gagne néanmoins en popularité. Plusieurs organismes de financement et d’appui s’intéressent spécialement à cette option. Le secteur privé est également en train de se rallier à l’idée, à mesure que se développent de nouveaux moyens d’évaluer les rendements et l’impact de l’investissement dans ce domaine. Un secteur qui a connu une croissance remarquable des investissements est celui des technologies agricoles. De nombreux pays ont également établi des plans d’adaptation précis, qu’ils mettent à présent en œuvre. Une part croissante des fonds liés au climat est affectée à l’adaptation, même si c’est toujours le financement des mesures d’atténuation qui l’emporte. Il convient également de noter que bon nombre des technologies classées comme des technologies d’adaptation comportent également des aspects relatifs à l’atténuation, ce qui permet de dépasser la dichotomie bien établie entre ces deux sphères. Des solutions fondées sur la nature, lorsque des procédés naturels sont utilisés ou renforcés pour, par exemple, se protéger des inondations, gagnent du terrain. Nombre de ces solutions s’inscrivent dans la catégorie des solutions à utiliser “sans regrets”, puisqu’elles apportent des avantages indépendamment de la question de savoir si les effets du changement climatique pour lesquels elles ont été conçues prendront forme ou non.

Un petit nombre de pays développés dominent l’espace d’innovation pour les technologies d’adaptation, du moins si l’on examine la situation du point de vue des brevets. Il existe un transfert des technologies d’adaptation vers les pays en développement, mais à un niveau bien inférieur à celui des technologies d’atténuation. Cela n’est pas surprenant si l’on considère les technologies souvent très avancées mises au point pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre, par rapport aux solutions très diverses et souvent moins sophistiquées nécessaires à l’adaptation. Néanmoins, cela n’est en aucun cas un signe de réticence. En outre, l’innovation dans le domaine des technologies d’adaptation augmente.

Des solutions sont créées au sein d’un écosystème d’innovation dépendant de nombreux facteurs. Ces facteurs couvrent l’éducation, la taille et le perfectionnement du marché, ainsi que la primauté du droit. L’écosystème de l’innovation fournit les conditions dans lesquelles un inventeur peut mettre au point, financer, faire connaître, commercialiser, protéger et tirer parti d’une innovation. Les droits de propriété intellectuelle sont l’une des pierres angulaires de cet écosystème. Et c’est par le biais du système des brevets qu’une énorme quantité d’informations sur l’innovation devient accessible. Les connaissances technologiques peuvent être recherchées dans plusieurs bases de données publiques sur les brevets. Cela permet l’utilisation autorisée d’une invention dans les pays où un brevet a été délivré, la libre utilisation dans les pays où un brevet n’a pas été délivré et la poursuite du développement de nouvelles inventions brevetables.

Domaines thématiques du Livre sur les technologies vertes

Dans cette publication, nous nous sommes concentrés sur trois grands domaines dans lesquels les effets du changement climatique seront très importants, à savoir l’agriculture et la sylviculture, les zones aquatiques et côtières, et les villes. Nous avons recherché des exemples d’innovation qui peuvent apporter des solutions. Elles sont présentées ici afin de montrer ce qui est possible et ce qui peut être fait.

Les technologies se répartissent en trois catégories :

  • les technologies éprouvées, qui existent depuis un certain temps et sont parfaitement rodées;
  • les technologies d’avant-garde, qui sont moins bien rodées mais qui sont disponibles; et
  • les technologies d’avenir, qui sont des solutions qui apparaîtront sur le marché dans un avenir proche.

Agriculture et sylviculture adaptées au changement climatique

L’agriculture et la sylviculture sont déjà fortement touchées par le changement climatique. Cela se manifeste par un changement dans la durée des saisons de culture, des températures plus élevées, une baisse des eaux ou des inondations, la forte salinité des sols et la création de conditions propices à la propagation des parasites.

En réponse à ces risques, des nouveautés importantes sont apparues, en rapport avec des pratiques optimisées et sophistiquées. Il s’agit notamment d’utiliser des données de télédétection et des données de terrain pour mieux comprendre la situation et les besoins des plantes et des animaux. Ces informations peuvent ensuite être utilisées pour diriger diverses machines, par exemple pour établir un dosage précis d’herbicides ou d’eau. Elles permettent de réduire l’utilisation potentiellement nocive de certains produits, d’économiser des ressources et d’optimiser la production dans un environnement en pleine mutation. Nombre de ces technologies sont le mieux adaptées aux grandes exploitations capables d’accéder aux capitaux nécessaires à l’investissement dans le matériel. Néanmoins, d’autres technologies de pointe n’ont pas nécessairement besoin d’investissements aussi importants. Par exemple, avec des appareils portables quasiment omniprésents, les technologies de pointe en matière de données et de contrôle peuvent être utiles dans des situations beaucoup plus limitées et défavorisées. En outre, de simples améliorations des techniques peuvent avoir un effet significatif. Par exemple, les agriculteurs peuvent réduire leur vulnérabilité aux effets du changement climatique en économisant les ressources en eau. Nombre des pratiques et technologies qui entrent dans le cadre d’une agriculture adaptée au changement climatique profitent à la fois à l’atténuation et à l’adaptation. La modification des végétaux et des animaux pour mieux faire face à l’évolution du climat est un autre domaine d’innovation actif mais qui, selon les méthodes appliquées, peut donner lieu à des controverses compte tenu des modifications génétiques qu’elle suppose.

Préservation de l’eau et protection des zones côtières

L’eau est essentielle à la vie. Le changement climatique fait qu’il y en a trop… ou pas assez. Pour les communautés côtières, l’élévation du niveau des mers, les violentes tempêtes et les inondations, ainsi que l’intrusion d’eau salée, constituent un risque de plus en plus courant. Mais il en va de même des océans plus acides et plus chauds, d’où la nécessité de mettre en place une approche renforcée et innovante en matière de conservation des écosystèmes marins.

De nombreuses innovations importantes peuvent contribuer à économiser l’eau, ainsi qu’à surveiller sa qualité et l’état des réserves. Les capteurs à distance et sur le terrain jouent un rôle important dans la mise en place d’autres technologies, par exemple pour réguler l’utilisation de l’eau. L’amélioration des systèmes de récupération de l’eau de pluie et des réservoirs de stockage de l’eau peut maintenir l’approvisionnement durant les périodes sèches. Dans certains pays, la demande croissante d’installations de dessalement de l’eau oriente l’innovation vers une plus grande efficacité et une baisse des coûts. Le traitement de l’eau et le contrôle avancé des réseaux de distribution combinent plusieurs technologies innovantes pour réaliser d’impressionnantes économies d’eau. La nécessité de se protéger contre l’arrivée massive d’eau a donné lieu à d’importantes innovations en matière de barrières anti-inondation, de stockage naturel des eaux de pluie et de systèmes d’alerte rapide. Les zones côtières sont particulièrement exposées au changement climatique. Du fait qu’elles sont souvent densément peuplées et qu’elles constituent d’importants pôles économiques, les effets peuvent être considérables. La modélisation avancée des mouvements d’eau et de sédiments contribue à déterminer les mesures de protection les plus adaptées, qu’il s’agisse de renforcement des grèves, de digues ou d’autres structures rigides ou souples. Ici encore, des solutions fondées sur la nature, telles que le rétablissement des mangroves et des récifs coralliens, entre autres, peuvent être appliquées “sans regrets”, avec des avantages généralisés pour les populations et les écosystèmes marins.

Villes adaptées au changement climatique et planification urbaine

Les phénomènes météorologiques extrêmes de ces dernières années ont montré très clairement que les villes et leurs populations sont extrêmement vulnérables au changement climatique. De nouvelles idées – et surtout de nouvelles innovations – sont nécessaires. Les vagues de chaleur, les précipitations abondantes, les inondations, les tempêtes et l’élévation du niveau des mers ont déjà fait des ravages parmi les populations, et leurs effets se font ressentir sur le budget des villes.

Les progrès en matière de planification urbaine peuvent apporter des solutions. Par exemple, l’intégration d’une infrastructure verte, comme le drainage des eaux pluviales, et la transformation temporaire des aires de stationnement souterraines et des réseaux routiers en réservoirs peuvent réduire la vulnérabilité d’une ville face aux fortes précipitations. Les nouveaux matériaux et la conception de bâtiments écologiques peuvent contribuer à atténuer les effets des vagues de chaleur et réduire l’effet des îlots de chaleur dans la plupart des villes. Il existe de nombreuses options pour rendre les paysages urbains plus verts. Celles-ci peuvent contribuer à accroître l’infiltration des eaux de surface, à réduire la chaleur, à procurer de l’ombre, voire à produire de la nourriture.

Les progrès des technologies d’adaptation au niveau mondial

La recherche de solutions parmi un large éventail de ressources nous a permis de tirer des enseignements importants, qui sous-tendent les recommandations suivantes.

Il est clair que la nécessité d’une adaptation ne se limite pas aux pays en développement. L’adaptation au changement climatique est nécessaire dans le monde entier. Mais l’urgence et la diversité des solutions requises dans les pays en développement sont marquées. Une grande partie de l’adaptation est déjà dirigée vers ces pays. Mais souvent, les solutions en provenance des pays en développement sont moins visibles lorsque des dispositifs publics disponibles dans le monde entier sont utilisés pour la recherche. Cela ne signifie néanmoins pas que l’innovation est inexistante. Au contraire, une plus grande visibilité est nécessaire pour les solutions d’adaptation provenant des pays en développement, notamment dans le but de transférer ces solutions entre les pays en développement et le reste du monde.

Promouvoir l’écosystème de l’innovation est important, non seulement pour la création de l’innovation, mais aussi pour recevoir l’innovation, l’adopter, l’adapter et la développer. Promouvoir l’écosystème de l’innovation revient, dans une large mesure, à favoriser les nombreux facteurs qui permettent à l’imagination et à la créativité de s’épanouir, et à encourager la transformation des idées en solutions viables et éventuellement commercialisables.

La planification de l’adaptation est complexe. Les besoins en matière d’adaptation sont très variés et comportent de nombreuses inconnues ou incertitudes. En conséquence, une analyse approfondie des risques, coûts et avantages d’une initiative avant son adoption est essentielle pour éviter les erreurs. L’utilisation et l’amélioration des dispositifs de prévention déjà intégrés, notamment les évaluations de l’impact environnemental et social, peuvent être un moyen d’aller de l’avant.

Des solutions, simples ou sophistiquées, sont nécessaires. Dans de nombreuses situations, les techniques simples et bon marché peuvent tout d’abord sembler les plus appropriées et les plus réalistes. Mais les technologies de pointe telles que l’imagerie satellitaire et les données de capteurs avancés peuvent, grâce aux appareils mobiles, faire la différence et permettre de se préparer pour éviter de tout perdre. Ces technologies peuvent également contribuer à suivre le développement et les effets des phénomènes climatiques en temps réel.

Le Livre sur les technologies vertes doit être une source d’inspiration pour toutes celles et tous ceux qui ont besoin d’une solution face à un défi lié au changement climatique. Il peut aussi être une source d’inspiration pour répondre à d’autres besoins. Nous espérons que ce sera le cas. Nous souhaitons étoffer cette publication en proposant une nouvelle édition chaque année. Nous souhaitons également faire de la base de données WIPO GREEN, qui recense les besoins et les technologies vertes, un point d’ancrage pour l’innovation qui, grâce à chaque téléchargement généré par l’utilisateur d’une nouvelle solution, se développera parallèlement à la publication. Il sera ainsi possible de faire connaître au grand public, aux spécialistes et aux profanes des solutions encore plus innovantes.