Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI
DÉCISION DE L’EXPERT
Sanofi contre Karim Basrire
Litige N° DMA2012-0002
1. Les Parties
Le requérant: la Société Sanofi de Paris, France, représentée par le Cabinet Chardy, Maroc.
Le défendeur: M. Karim Basrire de Courbevoie, France.
2. Nom de Domaine Litigieux:
<sanofi.ma>.
3. Rappel de la Procédure
Par email daté du 18 octobre 2012, le requérant a introduit auprès du Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) une demande d’application du Règlement de la Procédure Alternative de Résolution des Litiges des .ma (“Règlement”) tel qu’il a été adopté par l’Agence Nationale de Réglementation des Télécommunications (ci-après “ANRT”) le 1er août 2007 et ce pour le transfert à son bénéfice du nom de domaine litigieux <sanofi.ma>.
Le 18 octobre 2012, le Centre accuse réception de la demande du requérant. Après avoir conclu à la recevabilité de cette demande conformément au Règlement, le Centre en informe le même jour l’ANRT et lui demande de geler le nom de domaine litigieux et de confirmer les coordonnées de son titulaire.
Le 22 octobre 2012, l’ANRT confirme au Centre que le titulaire du nom de domaine litigieux <sanofi.ma> est M. Karim Basrire, résidant à Courbevoie – France, et que ce nom de domaine est gelé en attendant l’aboutissement de la Procédure.
Conformément à l’article 15(c) du Règlement, le Centre adresse le 1er novembre 2012 au défendeur par mail et par courrier postal une copie de la plainte du requérant et l’informe qu’une procédure a été ouverte à son encontre. Son attention a été attirée sur le fait qu’en vertu de l’article 15 du Règlement, il lui appartient de notifier au Centre ses éléments de défense au plus tard 20 jours à compter de la date de notification du déclenchement de la procédure, soit le 21 novembre 2012. Passée cette date, et en cas de non réponse de sa part, il sera réputé en défaut.
Le 22 novembre 2012, le Centre informe le défendeur que, faute d’avoir répondu dans les délais impartis, il est considéré en défaut.
Après avoir déclaré au Centre son indépendance par rapport aux parties, tel que prévu à l’article 5 du Règlement, Monsieur Mazini Abderrazak a été nommé expert pour trancher ce litige.
4. Les faits
Le requérant est une multinationale française notoire qui opère dans le secteur pharmaceutique. Il dispose de droits exclusifs sur la marque SANOFI qu’il a enregistré auprès de l’OMPI et de l’Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale (ci-après “OMPIC”). Il a constaté que le défendeur a procédé à l’enregistrement le 20 avril 2011 du nom de domaine litigieux.
Le défendeur est un individu résidant en France.
5. Argumentation des Parties
Le requérant déclare:
Que la société Sanofi est une multinationale française opérant dans le secteur de l’industrie pharmaceutique et y bénéficie d’une grande notoriété, occupant en effet le 4ème rang mondial dans les ventes sur ordonnance; Que ladite Société exerce également des activités de recherche, de développement, de fabrication des produits pharmaceutiques. Elle dispose de filiales dans plusieurs pays du monde, dont le Maroc où la filiale Sanofi Maroc, créée en 1953, réalise 25% des médicaments vendus au Maroc;
Qu’il est titulaire de la marque SANOFI enregistrée par ses soins tant auprès de l’OMPI qu’auprès de l’OMPIC, et ce pour les classes 1, 3, 5, 9, 10, 16, 38, 41, 42, et 44;
Que la Société SANOFI est également titulaire de plusieurs noms de domaine comprenant les termes “sanofi aventis”, puis “sanofi”. Il précise que le changement en 2011 du nom de “Sanofi-Aventis” en “Sanofi” était consécutif à la fusion en 2004 des sociétés Aventis et Sanofi-Synthélabo;
Que la dénomination “Sanofi” est également un élément distinctif de sa filiale marocaine “Sanofi-Aventis-Maroc”;
Que le défendeur, sans licence ni autorisation de la part de la Société Sanofi, a procédé à l’enregistrement du nom de domaine litigieux <sanofi.ma> le 20 avril 2011 et a demandé le renouvellement de cet enregistrement le 19 avril 2012;
Que le nom de domaine litigieux <sanofi.ma> est identique à la marque SANOFI sur lequel il dispose du droit exclusif d’utilisation. Il précise que cette grande ressemblance d’appellations est de nature à créer la confusion dans l’esprit des clients de Sanofi, notamment ceux d’attention moyenne;
Que le défendeur a procédé de mauvaise foi à l’enregistrement du nom de domaine litigieux, sans l’utiliser au demeurant pour une quelconque offre commerciale;
Que le défendeur n’a pas répondu aux lettres qui lui on été transmises l’invitant à rétrocéder le nom de domaine litigieux.
Le défendeur n’a pas déposé de réponse.
6. Discussion
En vertu de l’article 21(c) du Règlement, il appartient à l’Expert d’examiner la réunion et la pertinence des critères cumulatifs visés à l’article 2(a), (b) et (c) du même Règlement en vue de juger la recevabilité de la demande de transfert du nom de domaine litigieux formulée par le requérant:
- La similitude au point de prêter à confusion entre la marque enregistré au Maroc du requérant et le nom de domaine litigieux;
- L’absence de droit ou d’intérêt légitime du défendeur sur le nom de domaine litigieux;
- L’enregistrement ou l’utilisation de mauvaise foi par le défendeur du nom de domaine litigieux.
a) Sur la similitude entre la marque et le nom de domaine litigieux, et conformément à l’article 2(a)(i) du Règlement, et tel qu’il découle des pièces fournies par le requérant, l’Expert constate que la marque SANOFI a été enregistrée par ce dernier aussi bien au niveau international qu’à l’OMPIC pour le territoire marocain; Que la société Sanofi est bien connue aussi bien au Maroc qu’à l’international dans le secteur de l’industrie pharmaceutique; Qu’elle est présente dans plusieurs pays du monde y compris le Maroc; Qu’elle est titulaire de nombreux noms de domaine composés de la dénomination “sanofi” associée à plusieurs extensions géographiques ccTLD, dont le Maroc. L’Expert note que le défendeur a procédé le 20 avril 2011, soit postérieurement aux droits exclusifs acquis par le requérant sur la marque SANOFI, à l’enregistrement du nom de domaine litigieux <sanofi.ma>. Il constate qu’entre la marque SANOFI et les multiples noms de domaine “sanofi” associés à de multiples extensions géographiques et le nom de marque SANOFI d’une part, et le nom de domaine litigieux <sanofi.ma> d’autre part il y a une grande ressemblance au point de semer la confusion dans l’esprit des Internautes. Le fait de supprimer la dénomination “aventis” du nom de domaine <sanofiaventis.ma> appartenant au requérant ne change en rien à la ressemblance entre le nom de domaine litigieux <sanofi.ma> et la marque SANOFI appartenant au requérant.
b) Sur l’absence d’intérêt légitime ou de droit sur le nom de domaine litigieux, et conformément à l’article 2(a)(ii) du Règlement, l’Expert constate que le défendeur n’a produit aucune licence d’exploitation ni autorisation délivrée par le requérant qui dispose du droit exclusif sur la marque SANOFI; et que par conséquent le défendeur n’a ni droit ni intérêt légitime pour utiliser le nom de domaine litigieux pour une quelconque offre commerciale.
c) Sur l’enregistrement de mauvaise foi du nom de domaine litigieux par le défendeur, et conformément à l’article 2(a)(iii) du Règlement, l’Expert note que le défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux dès qu’il a été informé de l’intention de l’ex-société Sanofi-Aventis d’adopter l’appellation Sanofi. En effet, et au vu des justificatifs produits par le requérant, l’annonce de la fusion entre les sociétés Sanofi et Genzyne Corporation, et la décision de changer l’appellation “Sanofi-Aventis” en “Sanofi” avait fait l’objet d’une large couverture de presse en France au mois d’avril 2011. Le défendeur, résidant en France, s’est empressé alors d’enregistrer le 20 avril 2011 le nom de domaine litigieux <sanofi.ma>. Il a pris alors contact avec le requérant pour le lui revendre. Depuis cette date, le défendeur n’a jamais exploité le nom de domaine litigieux pour une quelconque offre commerciale, ce qui dénote chez lui uniquement l’intention d’empêcher la Société Sanofi de l’enregistrer au Maroc afin de le lui revendre. L’Expert note que le défendeur Monsieur Karim Basrire est coutumier dans la pratique du cybersquattage et de revente des noms de domaine ressemblant à des marques notoires (Compagnie Gervais Danone c. Karim Basrire, Litige OMPI No. DMA2009-0002). L’Expert déclare que la réunion de l’ensemble de ces éléments prouve que le défendeur a procédé de mauvaise foi à l’enregistrement du nom de domaine litigieux.
7. Conclusion de l’Expert
Au vu des éléments produits par le requérant et des circonstances de l’espèce, et considérant le défaut de présentation d’éléments de défense par le défendeur, et conformément aux dispositions de l’article 21 du Règlement, l’Expert ordonne le transfert au requérant du nom de domaine litigieux <sanofi.ma>.
Abderrazak Mazini
Expert
Le 31 décembre 2012