Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI
DÉCISION DE L’EXPERT
Orange Brand Services Limited contre Mehdi Tahri
Litige OMPI n° DMA2019-0002
1. Les parties
Le Requérant est Orange Brand Services Limited, Royaume-Uni, représenté par Bilalian Avocats, France.
Le Défendeur est Mehdi Tahri, Maroc.
2. Nom de domaine et prestataire Internet
Le litige concerne le nom de domaine <orangemoney.ma> enregistré le 1er juillet 2019.
Le prestataire Internet est la société Arcanes Technologies.
3. Rappel de la procédure
Une demande a été déposée par Orange Brand Services Limited auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 28 octobre 2019 par courrier électronique.
En date du 28 octobre 2019, le Centre a adressé une requête l’Agence Nationale de Réglementation des Télécommunications (ci- après l”ANRT”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations. Le 29 octobre 2019, l’ANRT a confirmé l’ensemble des données du litige.
Le Centre a vérifié que la demande répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du .ma (ci-après le “Règlement”) en conformité avec à la Charte de nommage du .ma adoptée par l’ANRT.
Conformément à l’article 15(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 5 novembre 2019. Conformément à l’article 16(a) du Règlement, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 25 novembre 2019. Le Défendeur n’a pas fait parvenir de réponse. Le Centre a donc transmis au Défendeur une Notification d’un défaut du Défendeur le 26 novembre 2019.
En date du 4 décembre 2019, le Centre nommait Brahim Chentouf comme Expert dans le présent litige. L’Expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement. L’Expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 5 du Règlement.
4. Les faits
Le Requérant est Orange Brand Service Limited, société de droit anglais, faisant partie du groupe Orange, un groupe de télécommunications qui propose des services de téléphonie fixe et mobile, d’accès à Internet, de télévision, des services bancaires et financiers, le groupe Orange est mondialement connu.
Le groupe Orange a développé depuis plusieurs années au Maroc un service de transfert d’argent et de paiement mobile nommé “Orange Money” marqué par la création en mars 2019 de la société Orange Money Maroc.
Le Requérant est propriétaire de l’ensemble des marques du groupe Orange à travers le monde.
Au Maroc le Requérant est propriétaire des marques suivantes :
- la marque verbale ORANGE déposée le 26 décembre 1995 et enregistrée sous le numéro 58368-1R, pour désigner des produits et services des classes 9 et 38.
- la marque verbale ORANGE déposée le 9 juillet 2001 et enregistrée sous le numéro 19858 pour désigner des produits et services des classes 16, 18, 25, 28, 35, 36, 37, 39, 41, et 42.
- une marque semi-figurative portant sur le logo ORANGE déposée le 9 juillet 2001 et enregistrée sous le numéro 19859 pour désigner des produits et services des classes 16, 18, 25, 28, 35, 36, 37, 39, 41, et 42.
- et la marque verbale ORANGEMONEY déposée le 26 février 2016 et enregistrée sous le numéro 173544 pour désigner des produits et services des classes 9, 35, 36, 38, et 42.
Le Requérant est également titulaire de plusieurs noms de domaine constitués de l’élément verbal “orange”: <orange.com>, <orange.net>, <orange.fr>, <orange.org>, <orange.ma>, <orange-money.com> et <orange-money.fr>.
Le Défendeur est un individu résidant au Maroc. Le nom de domaine litigieux a été enregistré le 1er juillet 2019 et redirige vers un site web en construction censé vendre des oranges biologiques. Le Requérant a adressé une mise en demeure au Défendeur le 6 septembre 2019, qui a pour toute réponse communiqué les coordonnés de son avocat le 13 septembre 2019.
5. Argumentation des parties
A. Requérant
Le Requérant invoque ses droits de marque sur les marques ORANGE et ORANGEMONEY et produit à l’appui de sa demande des éléments propres à établir la notoriété de lesdites marques, en soutenant que les marques et les noms de domaine dont il justifie être titulaire jouissent d’une très forte notoriété. Le Requérant a justifié cette notoriété par la communication de divers documents le concernant.
Le Requérant fait valoir que le nom de domaine litigieux qui est composé de l’expression utilisée par le groupe Orange pour désigner son service “Orange Money” et sa filiale au Maroc, Orange Money Maroc, est identique à sa marque ORANGE MONEY et semblable à sa marque ORANGE au point de prêter à confusion, en ajoutant que le nom de domaine litigieux est susceptible d’être immédiatement associé, dans l’esprit d’un consommateur moyen, aux produits et services couverts par les marques ORANGE et ORANGE MONEY appartenant au Requérant.
Le Requérant affirme que le Défendeur est dépourvu de tout droit ou intérêt légitime lui permettant la réservation du nom de domaine litigieux.
Enfin, le Requérant soutient que le Défendeur a agi de mauvaise foi, en précisant que les marques ORANGE et ORANGEMONEY sont des marques notoires dont la réputation est solide, et que la réservation du nom de domaine litigieux par le Défendeur a été effectuée dans le but d’en monnayer le cession au Requérant pour un prix sans rapport avec le montant des frais exposés pour la réservation dudit nom de domaine.
B. Défendeur
Le Défendeur n’a pas déposé de réponse.
6. Discussion
L’article 2 du Règlement dispose qu’il appartient au Requérant d’apporter la preuve des trois éléments du Règlement, que l’Expert s’apprête à examiner.
A. Le nom de domaine est identique ou semblable, au point de prêter à confusion, à une marque de fabrique, de commerce ou de service protégée au Maroc sur laquelle le requérant a des droits
L’Expert constate que le Requérant est titulaire de droits antérieurs sur les marques ORANGE et ORANGEMONEY sur lesquelles il dispose de droits exclusifs dérivés de leur enregistrement au Maroc.
L’Expert constate également que le nom de domaine litigieux est composé des mêmes lettres, placées dans le même ordre que la marque ORANGEMONEY, la seule différence consistant en l’ajout du code de pays “.ma” qui n’altère en rien le risque de confusion engendré à raison de l’imitation de la marque du Requérant.
Vu ces circonstances, l’Expert considère que la première condition de l’article 2(a)(i) du Règlement est remplie.
B. Le défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y attache
L’Expert constate que le Défendeur n’a aucun droit ni intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.
L’Expert constate que le Défendeur n’est pas affilié au Requérant, et n’a pas été autorisé par ce dernier à enregistrer ou à utiliser un nom de domaine comportant une quelconque marque du Requérant en particulier les marques ORANGE et ORANGEMONEY.
Vu ces constatations et au vu des éléments développés ci-dessous, l’Expert considère que la condition posée à l’article 2(a)(ii) du Règlement, à savoir le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache, est remplie.
C. Le nom de domaine a été enregistré ou est utilisé de mauvaise foi
L’Expert considère que le Défendeur ne peut ignorer, sans être de mauvaise foi, l’existence des marques ORANGE et ORANGE MONEY détenues par le Requérant, qui est notoirement connu dans le secteur des télécommunications et de la téléphonie, et notamment au Maroc.
L’Expert estime aussi, après étude des éléments du dossier, que la mauvaise foi du Défendeur est établie, en enregistrant le nom de domaine litigieux pour le squatter et empêchant ainsi le Requérant de l’enregistrer pour son compte.
Le nom de domaine litigieux redirige vers une page Internet en construction indiquant “Orange bio store” et “Special product - Coming Soon”. Toutefois ce site ne semble pas fonctionner et semble être prétextuel. De plus, le Défendeur n’a pas déposé de réponse dans ce dossier et n’a pas apporté d’éléments démontrant que ce site était lié à une véritable activité. De surcroît le Défendeur n’explique pas pourquoi il aurait enregistré “orangemoney” et pas “orangebiostore” qui semblerait correspondre au mieux à son activité, si cette activité existe.
Au vu de l’ensemble des éléments de ce dossier, l’Expert considère que l’utilisation du nom de domaine litigieux est de mauvaise foi en application de l’article 2(b) du Règlement.
L’Expert considère donc que la condition posée à l’article 2(a)(iii) du Règlement est remplie.
7.Décision
De l’examen des éléments versées par le Requérant à l’appui de sa demande, et considérant l’absence de réponse formelle, convaincante et fondée du Défendeur dans les délais impartis, l’Expert conclut que le Requérant a produit des arguments qui satisfont à l’ensemble des conditions de fond et de forme pour demander le transfert du nom de domaine litigieux <orangemoney.ma>
Conformément aux articles 21(b) et (c) du Règlement, l’Expert ordonne la transmission au profit du Requérant du nom de domaine <orangemoney.ma>.
Brahim Chentouf
Expert
Le 23 décembre 2019