Centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI

DÉCISION DE L'EXPERT

Duracell Batteries BVBA contre Geoffroy Boutaud

Litige n° DFR2010-0015

1. Les parties

Le Requérant est Duracell Batteries BVBA, Aarshot, Belgique, représenté par ADSIGNA, France.

Le Défendeur est Geoffroy Boutaud, Marseille, France.

2. Noms de domaine et prestataire Internet

Le litige concerne le nom de domaine <duracell.fr>.

L'unité d'enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est OVH.

3. Rappel de la procédure

Une demande a été déposée par le Requérant Duracell Batteries BVBA auprès du Centre d'arbitrage et de médiation de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 1 juin 2010.

En date du 1 juin 2010, le Centre a adressé à l'Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l'“Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.

Le 1 juin 2010, l'Afnic a confirmé l'ensemble des données du litige, ainsi qu'aucune procédure administrative applicable au nom de domaine objet du litige n'est pendante.

Le Centre a vérifié que la demande répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le “Règlement”) en vigueur depuis le 22 juillet 2008, et applicable à l'ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l'Afnic applicable (ci-après la “Charte”).

Conformément à l'article 14(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 8 juin 2010. Conformément à l'article 15(a) du Règlement, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 28 juin 2010. Le Défendeur n'ayant pas soumis de réponse le Centre a notifié le défaut du Défendeur le 29 juin 2010

Le 8 juillet 2010, le Centre nommait Christian Le Stanc comme Expert dans le présent litige. L'Expert constate qu'il a été nommé conformément au Règlement. L'Expert a adressé au Centre une déclaration d'acceptation et une déclaration d'impartialité et d'indépendance, conformément à l'article 4 du Règlement.

4. Les faits

Le Requérant est la société Duracell Batteries BVBA, entreprise très connue et leader sur son marché pour la fabrication et la commercialisation de piles et de batteries. Elle dispose de diverses marques et notamment de la marque nominale française DURACELL en vigueur n° 1321117 enregistrée le 26 août 1985 pour désigner des produits de la classe 9.

Le Requérant dispose aussi du nom de domaine <duracell.com> où sont promus ses produits.

Le nom de domaine <duracell.fr> a été enregistré le 12 octobre 2006 auprès du bureau d'enregistrement OVH. Le titulaire du nom de domaine en cause est M. Geoffroy Boutaud. Le Requérant demande que le nom de domaine <duracell.fr> lui soit transmis en application de l'article 12 (b)(v) du Règlement.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le Requérant dans sa demande, succincte, indique que le Défendeur a réservé le nom de domaine <duracell.fr>, identique à la marque du Requérant et que ce Défendeur n'est titulaire d'aucun droit de marque sur ce signe “Duracell”.

Le Requérant avance qu'il est le seul titulaire des marques françaises DURACELL; qu'il est leader en France sur le marché des piles et que cette marque DURACELL fait donc directement référence à ses produits.

Le Requérant poursuit que la singularité de cette marque et sa notoriété en France montrent que le Défendeur n'a aucun droit légitime sur le nom de domaine <duracell.fr> et que sa réservation n'a pour but que de nuire au Requérant en le privant d'une extension au regard de sa présence nationale ou de générer un profit indu en bénéficiant du caractère notoire de sa marque ou en tentant de monnayer le rachat du nom de domaine. Il ajoute qu'il s'agit bien là d'un cas de violation manifeste du décret du 6 février 2007, justifiant le transfert à son profit.

B. Défendeur

Le Défendeur n'a pas formalisé de réponse dans le délai prescrit par le Règlement.

6. Discussion

L'Expert rappelle que, en application de l'article 1 du Règlement, une atteinte aux droits des tiers est constituée “lorsque le nom de domaine est identique ou susceptible d'être confondu avec un nom sur lequel est conféré un droit de propriété intellectuelle français ou communautaire (propriété littéraire et artistique et/ou propriété industrielle), ou est identique au nom patronymique d'une personne, sauf si le défendeur fait valoir un droit ou un intérêt légitime sur le nom de domaine et agit de bonne foi”. En application du même article, une atteinte aux règles de la concurrence désigne notamment “une violation du comportement loyal en matière commerciale en droit français ou communautaire”.

L'Expert souligne que, en application de l'article 20(c) du Règlement, il fait droit à la demande “lorsque l'enregistrement ou l'utilisation du nom de domaine par le défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers ou aux règles de la concurrence telles que définies à l'article 1 du présent Règlement et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le requérant a justifié de ses droits sur l'élément objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte applicable”.

Aussi, l'Expert a en charge de vérifier, au vu des arguments et pièces soumis par les parties, si l'enregistrement et/ou l'utilisation du nom de domaine <duracell.fr> porte atteinte aux droits du Requérant et, si le Requérant demandant la transmission du nom de domaine à son profit, justifie de droits sur l'élément objet de l'atteinte.

(i) Droits du requérant sur le nom de domaine

Le Requérant a établi être titulaire de la marque française nominale DURACELL, n° 1321117 enregistrée le 26 août 1985, pour des produits : appareils et instruments électriques de la classe 9, par production d'un certificat de l'Institut National de la Propriété Industrielle de renouvellement de la marque et d'un extrait du Registre national des marques.

Le Requérant dispose par ailleurs de diverses marques françaises semi-figuratives, elles aussi en vigueur, comportant le terme “duracell”.

Le nom de domaine litigieux <duracell.fr>, nonobstant l'extension “.fr”, inhérente au fonctionnement des noms de domaine, reproduit identiquement le nominal “duracell”.

(ii) Enregistrement ou utilisation du nom de domaine litigieux en violation des droits des tiers ou des règles de la concurrence

Le nom de domaine <duracell.fr> est donc identique au nom sur lequel le Requérant est titulaire de droits de propriété intellectuelle, notamment de droits de marque.

Le nom de domaine en cause ne paraît pas avoir été ou être l'objet d'une exploitation par le Défendeur pour promouvoir des produits identiques ou similaires à ceux du Requérant. L'Expert note que le site n'est pas utilisé par le Défendeur, et que ce site affiche des informations générales sur le bureau d'enregistre OVH. La détention passive d'un nom de domaine peut s'analyser en une rétention injustifiée et peut apparaitre comme fautive. (Craiglist, Inc. v. D.M.I.S., Litige OMPI No. DFR2008-0028; Confédération Nationale du Crédit Mutuel v. Fernand Guilon, Litige OMPI No. DFR2009-0002)

Il demeure, cependant, comme le justifie le Requérant, que la marque DURACELL domine largement en France le marché des piles alcalines et jouit d'une certaine notoriété, maintenue par de fréquentes campagnes publicitaires, mettant en scène un jouet représentant un lapin en peluche.

Dès lors, le Défendeur, qui n'a pas jugé opportun de formaliser une réponse à la demande, ne pouvait pas, aux yeux de l'Expert, raisonnablement ignorer, lors de l'enregistrement du nom de domaine, l'existence de la marque DURACELL fort connue. N'ayant pas soumis de réponse, le Défendeur n'a pu faire valoir un droit ou un intérêt légitime sur le nom de domaine en cause ni faire état d'une quelconque bonne foi.

L'Expert considère, dès lors, que l'enregistrement opéré par le Défendeur du nom de domaine <duracell.fr> a constitué, au sens des textes susvisés, une atteinte aux droits du Requérant, quel qu'en soit le mobile : intention de nuire au Requérant en le privant d'une extension en”.fr”, ou intention de profit pour bénéficier de la notoriété de la marque ou désir de monnayer le rachat du nom domaine.

Il y a donc lieu de décider le transfert au profit du Requérant du nom de domaine litigieux.

7. Décision

Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l'Expert ordonne la transmission au profit du Requérant du nom de domaine <duracell.fr>.


Christian Le Stanc
Expert

Le 11 juillet 2010