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Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Société d’économie mixte d’aménagement et de gestion du marché d’intérêt national de la région Parisienne (“Semmaris”) contre l’Union Générale des Syndicats Grossistes du Marché de “Rungis” (“UNIGROS”)

Litige No. D2021-3312

1. Les Parties

Le Requérant est la Société d’économie mixte d’aménagement et de gestion du marché d’intérêt national de la région Parisienne (“Semmaris”), France, représenté par Casalonga Avocats, France.

Le Défendeur est l’Union Générale des Syndicats Grossistes du Marché de “Rungis” (“UNIGROS”), France.

2. Noms de domaine et unité d’enregistrement

Les noms de domaine litigieux <rungis-unigros.com> et <rungisunigros.com> sont enregistrés auprès de OVH (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par la Société d’économie mixte d’aménagement et de gestion du marché d’intérêt national de la région Parisienne auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 6 octobre 2021. En date du 7 octobre 2021, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 8 octobre 2021, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige.

Le Centre a vérifié que la plainte répondait bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 15 octobre 2021, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 15 octobre 2021. Le 28 octobre 2021, le Défendeur a demandé une extension du délai de réponse en raison du COVID-19. Le Centre a accordé exceptionnellement une extension du délai de réponse jusqu’au 14 novembre 2021. Le Défendeur a fait parvenir sa réponse le 10 novembre 2021.

En date du 26 novembre 2021, le Centre nommait Benjamin Fontaine comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

4. Les faits

Le Requérant est la Société d’Economie Mixte d’Aménagement et de Gestion du Marché d’Intérêt National de la Région Parisienne, ci-après dénommée “Semmaris”. Cette société est la gestionnaire du marché de Rungis, et ses misions comprennent notamment l’aménagement, l’exploitation et la gestion du marché, la commercialisation des ensembles immobiliers, l’accueil et la sécurité des locataires et usagers, et la charge de sa dynamisation et de son rayonnement par la gestion et la défense de ses marques et des actions de communication.

Le marché de Rungis a ouvert ses portes en 1969, pour accueillir les grossistes auparavant installés dans le quartier des Halles à Paris. Ce marché assure l’approvisionnement de la région parisienne en produits frais, ce qui justifie son statut de “marché d’intérêt national” (“MIN”). Il occupe une surface de 234 hectares, et constitue à ce jour le plus gros marché de produits frais au monde. 1200 entreprises y sont implantées, dont de très nombreux grossistes. Le marché de Rungis est légalement un “marché clos”, ce qui signifie que les grossistes opérant dans la région parisienne ont l’obligation d’exercer dans son enceinte.

Les grossistes présents dans le MIN de Rungis assurent la défense de leurs intérêts par l’intermédiaire de divers syndicats, organisés par secteur d’activité. Ainsi par exemple, le syndicat des grossistes des produits de la mer présents sur le MIN de Rungis est Agromer, et le syndicat des grossistes des produits carnés du MIN de Rungis est le Syndicat des Grossistes Négociants Commissionnaires en Viandes. Ces syndicats sont à leur tour regroupés au sein d’un syndicat unique, qui représente donc l’ensemble des grossistes présents dans le MIN de Rungis.

Ce syndicat unique est le Défendeur, l’Union Générale des Syndicats Grossistes du Marché de “Rungis”, plus connu sous le nom d’“Unigros”. Fondé en 1969 et ayant son siège à Rungis, il a pour activité d’assurer la défense des intérêts de ses membres, et ses interlocuteurs sont notamment le Requérant, mais également les pouvoirs publics : préfecture, collectivités territoriales, ministère de l’agriculture, etc.

La Semmaris exploite plusieurs sites Internet dans le cadre de ses activités. Son site principal est hébergé sous le nom de domaine <rungisinternational.com>. La Semmaris est par ailleurs titulaire des droits de marque suivants invoqués à l’appui de la plainte, visant de nombreuses classes :

D’une part, deux marques déposées préalablement à l’enregistrement des noms de domaine litigieux, et portant sur le signe semi-figuratif reproduit ci-après :

logo

- Marque semi-figurative de l’Union européenne n° 018085337 déposée le 24 juin 2019 et enregistrée le 8 janvier 2020;

- Marque semi-figurative française n°4560777 déposée et enregistrée le 18 juin 2019;

D’autre part, deux marques déposées postérieurement à l’enregistrement des noms de domaine litigieux, et portant sur le signe semi-figuratif reproduit ci-après :

logo

- Marque semi-figurative française n°4771103 déposée le 28 mai 2021 et enregistrée le 17 septembre 2021;

- Marque semi-figurative de l’Union européenne n° 018510388 déposée le 8 juillet 2021, et dont l’enregistrement est pendant.

Les noms de domaine litigieux, <rungis-unigros.com> et <rungisunigros.com>, ont été réservés le 15 avril 2021 par Unigros. Ils n’ont pas encore été exploités, mais Unigros a fait état de préparatifs d’usage pour la mise en ligne de son site Internet, dans le cadre de ses activités.

Le même jour, Unigros a procédé au dépôt de deux noms de domaine jumeaux, sous extension <.fr>, à savoir <rungis-unigros.fr> et <rungisunigros.fr>. Le Requérant a indiqué que des plaintes étaient en cours à leur encontre.

Quelques jours plus tard, le 28 avril 2021, le Défendeur a procédé au dépôt de quatre marques en France, toutes déclinées autour du logo reproduit ci-après :

logo

Il s’agit des marques françaises no 4760696, no 4760712, no 4760719 et no 4760705, contre lesquelles le Requérant indique avoir formé des oppositions. Ces procédures sont actuellement pendantes.

Par courrier du 27 mai 2021, la Semmaris a mis Unigros en demeure de procéder au retrait de l’ensemble des noms de domaine et marques susvisés. Une fin de non-recevoir a été adressée par Unigros le 31 suivant. Dans ces conditions, le Requérant a initié diverses procédures, dont la présente Plainte UDRP.

5. Argumentation des Parties

Compte tenu de la complexité de cette affaire, il est nécessaire de revenir en détail sur les arguments développés par les Parties. La Commission administrative relève que celles-ci ont fourni des informations très complètes et largement étayées par de nombreuses preuves, ce qui est fort appréciable.

A. Requérant

- Le Requérant estime, en premier lieu, que les noms de domaine litigieux sont fortement similaires aux marques RUNGIS invoquées à l’appui de la Plainte.

S’agissant des noms de domaine litigieux, il expose notamment que le vocable “rungis” figure en position d’attaque, ce qui lui confère une position dominante. Au contraire, le vocable “unigros”, placé en seconde position, aurait une importance négligeable, au motif qu’“appliqué à une union de grossistes, l’élément verbal “ UNIGROS” au sein des noms de domaine litigieux, se composant des abréviations “UNI” pour “UNION” et “GROS” pour “GROSSISTES” est purement descriptif de sorte qu’il devra également être ignoré lors de la comparaison”.

S’agissant des marques invoquées à l’appui de la plainte, le Requérant estime par ailleurs que les éléments figuratifs associés à ses marques antérieures, qui par essence ne peuvent être reproduits sur un nom de domaine, ne doivent pas entrer en ligne de compte dans le cadre de l’analyse effectuée par l’Expert. Il ajoute que l’expression “marché international”, qui figure au sein des signes déposés préalablement à l’enregistrement des noms de domaine litigieux, doit également être écartée, au double motif qu’il “il s’agit de termes jouissant d’un caractère distinctif limité et ii) ces termes constituent des éléments accessoires compte tenu de leur positionnement sur une ligne inférieure et en petits caractères”.

Par ailleurs, la Semmaris estime que la marque RUNGIS bénéficie d’une forte renommée, et donc d’un caractère distinctif élevé dans le secteur agroalimentaire. A l’appui de cette revendication, le Requérant verse notamment au dossier les conclusions détaillées d’un sondage TNS Sofres effectué en 2014 auprès d’un échantillon de 1,000 individus, au terme duquel il apparaît que 80% des personnes interrogées associent “Rungis” au marché hébergé dans la commune du même nom. Le Requérant s’appuie également sur l’historique de l’installation du grand marché du bassin parisien à Rungis en 1969, et sur le volume impressionnant de marchandises qui y transitent. La Semmaris invoque enfin le bénéfice de trois décisions rendues par l’Institut national de la propriété industrielle (“INPI”) en 2015, 2018 et 2019 dans des procédures d’opposition, et dans lesquelles la notoriété de la marque RUNGIS a été expressément reconnue.

- Le Requérant affirme, en second lieu, que le Défendeur n’a aucun droit sur les noms de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache.

A cet égard, la Semmaris déduit de l’absence d’usage des noms de domaine litigieux que “le Défendeur réservataire des noms de domaine litigieux n’est pas connu sous les noms de domaine considérés et ne fait aucune exploitation de ces derniers en lien avec une offre de bonne foi de produits ou de services ni de préparatifs sérieux à cet effet”.

Elle ajoute qu’elle n’a pas autorisé Unigros à enregistrer ou exploiter ces noms de domaine litigieux. Bien au contraire, le Défendeur aurait interdiction d’enregistrer des noms de domaine comprenant le vocable “rungis”, en vertu du règlement intérieur du MIN Rungis. L’article 37 de ce règlement, en vigueur au moment de l’enregistrement des noms de domaine litigieux, stipule que “Les usagers du Marché International de Paris-Rungis ne peuvent ni reproduire, ni imiter, ni exploiter, de manière totale ou partielle, la marque officielle, ni aucune des marques (logo ‘Rungis Marché International’) ou autres signes d’identification (dénomination sociale, nom commercial, nom de domaine...) déposées ou exploités par le gestionnaire du marché, actuelles et futures, quels que soient le support, matériel ou immatériel, le moyen de diffusion, ou le lieu, sans autorisation écrite préalable du gestionnaire du marché. Les usagers du Marché International de Rungis ne peuvent ni déposer, ni enregistrer des signes reproduisant ou imitant tout ou partie des marques et autres signes distinctifs déposés ou exploités par le gestionnaire du marché, ni revendiquer des droits de quelque nature que ce soit sur ces mêmes signes, en particulier et de manière non exclusive le signe distinctif Rungis, et ce, à quelque titre que ce soit, notamment à titre de marque, nom de domaine, dénomination sociale, nom commercial ou enseigne.”

Selon la Semmaris, l’enregistrement des noms de domaine litigieux contreviendrait non seulement aux dispositions de ce règlement intérieur, mais constituerait une violation d’une obligation légale. En effet, l’article R. 761-16 du Code du Commerce dispose que “Les usagers du marché sont notamment tenus aux obligations suivantes : 1° Se conformer aux dispositions du règlement intérieur du marché ainsi qu’aux textes législatifs et réglementaires applicables à leurs activités; 2° Ne pas nuire à l’image et à la notoriété du marché; 3° Respecter leurs obligations contractuelles envers le gestionnaire; 4° Acquitter les redevances et contributions de toute nature perçues par le gestionnaire”.

- Le Requérant estime, enfin, que les noms de domaine litigieux <rungis-unigros.com> et <rungisunigros.com> ont été enregistrés, et sont utilisés, de mauvaise foi par le Défendeur.

A cet égard, la Semmaris relève notamment que “de par leurs relations professionnelles, le Règlement Intérieur précité ainsi que le courrier de mise en demeure qui lui a été adressé (…), le Défendeur avait nécessairement connaissance, au préalable, des marques du Requérant et a sciemment enregistré les noms de domaine litigieux afin de cibler et de profiter indûment de la réputation des marques du Requérant, sans autorisation ni licence”.

Le Requérant estime également que la réservation d’autres noms de domaine, sous l’extension <.fr>, et le dépôt de quatre marques, confirment les agissements de mauvaise foi d’Unigros.

Pour conclure son argumentaire, le Requérant expose que “Le Défendeur tente manifestement de tirer un avantage déloyal des efforts et des investissements réalisés par le Requérant depuis plus de 20 ans pour promouvoir et protéger ses marques antérieures. Les Internautes pourraient valablement croire que les noms de domaine litigieux sont exploités par le Requérant. Ainsi, le Défendeur tente de perturber l’activité du Requérant, par sa détention passive des noms de domaine litigieux, démontrant ainsi clairement la mauvaise foi du Défendeur lors de l’enregistrement et de l’usage des noms de domaine litigieux”.

B. Défendeur

Dans ses observations, le Défendeur conteste l’ensemble des arguments développés par le Requérant.

- En premier lieu, Unigros estime que les noms de domaine litigieux ne sont pas identiques ou semblables aux marques du Requérant.

A cet égard, l’essentiel de son argumentaire repose sur le fait que “Rungis” n’est pas une marque, mais un terme purement géographique, voire une “indication de métier”.

D’abord, “Rungis” est le nom d’une commune sur laquelle est établi le marché. C’est aussi là que le Défendeur a son siège et exerce ses activités. De fait, le nom complet du Défendeur, constitué sous forme d’association Loi 1901, comprend le terme “rungis”. Unigros insiste donc sur le fait que “La localisation des grossistes membres d’UNIGROS dans la commune de Rungis, au sein d’un même marché, est donc à la fois une réalité professionnelle, une donnée commerciale et une contrainte réglementaire”.

Ensuite, “Rungis” serait aux dires du Défendeur une “indication de métier”, puisque ce terme “n’identifie pas spécifiquement une entreprise déterminée, mais l’ensemble des grossistes qui, après avoir dû, en exécution du Décret précité, quitter les Halles de Paris pour déménager à Rungis, ont concouru à sa création, y exercent depuis leurs activités et participent au quotidien à son développement, ainsi qu’à la notoriété collective et originale qui est la sienne”.

Le Défendeur conteste par ailleurs que le vocable “unigros” puisse être descriptif. Ceci est vrai tant intrinsèquement, notamment du fait que le vocable “gros” n’est pas utilisé en français comme diminutif de “grossiste”, que du fait de l’ancienneté et de l’intensité de l’usage d’Unigros. Ainsi, Unigros est connu de l’ensemble des professionnels du secteur, et des autorités de l’Etat, comme l’indiquent de nombreux documents versés au dossier. De fait, la Semmaris elle-même a pour interlocuteur régulier Unigros, et désigne cette dernière par son acronyme.

Ainsi, loin d’être descriptif, le terme “unigros” constitue l’élément dominant des noms de domaine litigieux, alors que “le terme ‘RUNGIS’ ne peut être compris que comme désignant le lieu géographique où se déroulent les activités d’UNIGROS ou la catégorie professionnelle unique en son genre des membres d’UNIGROS, soit les grossistes dont l’activité est circonscrite au marché de Rungis”.

- En second lieu, le Défendeur estime avoir un intérêt légitime sur les noms de domaine litigieux.

D’abord, il indique effectuer des préparatifs d’usage sérieux, via le renvoi desdits noms de domaine litigieux vers son site Internet, hébergé sous le nom de domaine <unigros.fr>.

Ensuite, il précise que le Défendeur est une association à but non lucratif, regroupant plusieurs syndicats de grossistes, dont les activités sont donc de nature syndicale. Son site Internet lui permet d’échanger avec ses adhérents, via un espace dédié, de communiquer sur ses activités et actions dans une rubrique “Actualités” et d’afficher ses missions et objectifs. Le Défendeur n’offre donc pas des “produits ou des services” au sens du paragraphe 4(c)(i) des Principes directeurs mais “utilise son site Internet pour organiser ses activités syndicales et communiquer pour assurer la visibilité de l’association”. Ainsi, cette activité à des fins non lucratives, dans le cadre d’activités syndicales, ne porte aucunement préjudice à la Semmaris, et est au contraire justifiée au titre de la liberté d’expression. Elle serait compatible avec les dispositions du paragraphe 4(c)(iii) des Principes directeurs, lequel dispose que démontre un intérêt légitime le Défendeur qui atteste qu’il fait “une utilisation non commerciale légitime ou loyale du nom de domaine, sans intention d’en tirer des profits commerciaux en détournant de façon trompeuse les utilisateurs ou en ternissant l’image de la marque commerciale ou de la marque de service en question”. En définitive, sur cette question, le Défendeur estime que “Le Requérant invoque donc un fondement erroné à l’appui de ses arguments et ne démontre pas en quoi l’utilisation des noms de domaine litigieux à des fins syndicales et donc non-commerciales serait illégitime ou déloyale, et n’apporte aucune preuve ni d’un détournement des utilisateurs des sites de la SEMMARIS de façon trompeuse ni d’un ternissement de sa marque, encore moins lié à un profit commercial du Demandeur”.

Unigros conteste également, sur ce point, la pertinence des arguments du Requérant tirés d’une prétendue violation des dispositions du règlement intérieur. Il le fait en invoquant deux arguments. Le premier tient au fait que la Semmaris d’indique pas en quoi ce règlement lui serait applicable, alors qu’il intervient en tant que syndicat, et non en tant qu’“usager” du marché de Rungis, usagers dont la liste est énumérée limitativement à l’article 5 du règlement. Le second tient au fait que le Requérant ne serait pas en mesure d’invoquer des droits sur le terme “rungis” antérieurs à l’adoption dudit règlement ou à la date d’enregistrement des noms de domaine litigieux. Selon le Défendeur, le Requérant n’a déposé ses premières marques RUNGIS (sous-entendu, marques “RUNGIS” seul, sans autre éléments dénominatifs) que le 28 mai 2021. Ainsi, “en 2020, l’article 37 du règlement Intérieur visait un signe distinctif ‘RUNGIS’ inexistant. Dès lors, les stipulations de l’article concernant ‘le signe distinctif Rungis’ étaient sans objet, et donc privées d’effet. L’article n’a pu produire ses effets, au demeurant contestables, avant que le terme ‘RUNGIS’ ait été enregistré en tant que marque et donc reconnu comme signe distinctif, soit après le 28 mai 2021”.

Enfin, Unigros estime disposer d’un intérêt légitime au titre du paragraphe 4(c)(ii) des Principes directeurs, lequel dispose que constitue une circonstance attestant d’un intérêt légitime dans le nom de domaine le fait que le Défendeur est généralement connu sous le nom de domaine, même s’il n’a pas acquis de droit de propriété industrielle dessus. Or, le Défendeur utilise le terme “rungis” dans sa communication depuis de nombreuses années, ce que fait même le Requérant lorsqu’il s’adresse au Défendeur.

- En troisième lieu, le Défendeur réfute avoir enregistré, ou utilisé, les noms de domaine litigieux de mauvaise foi.

A titre liminaire, le Défendeur rappelle que la démonstration par le Requérant d’un enregistrement et d’un usage constituent des conditions cumulatives, de sorte que l’absence de l’une entrainerait nécessairement le rejet de la Plainte.

Concernant d’une part la question de l’enregistrement de mauvaise foi, les arguments d’Unigros sont de plusieurs ordres :

D’abord, le Défendeur estime que les marques du Requérant déposées antérieurement aux noms de domaine litigieux portent sur l’expression “rungis marché international”, au sein de laquelle l’élément “marché international” ne peut en aucun cas être considéré comme dénué de caractère distinctif. En effet, la revendication du caractère “international” du marché est arbitraire et ne décrit pas les activités du Requérant, qui sont nationales. De fait, le Défendeur précise que “l’article 1 du décret du 13 juillet 1962 édicte ‘il est créé dans la région parisienne un marché d’intérêt national implanté sur le territoire des communes de Rungis et Chevilly-Larue. Sa dénomination est Marché d’intérêt national de Paris-Rungis’. L’article L. 761-1 du Code de commerce français précise par ailleurs que ‘[les marchés d’intérêt national sont des services publics de gestion de marchés […]. Ils répondent à des objectifs d’aménagement du territoire, d’amélioration de la qualité environnementale et de sécurité alimentaire’”.

Ensuite, le Défendeur insiste sur le fait que les marques du Requérant comprenant le seul vocable “rungis”, outre des éléments figuratifs, sont postérieures à l’enregistrement des noms de domaine litigieux, ce qui exclue toute mauvaise foi.

De même, le Défendeur s’appuie sur la nature purement géographique du terme “rungis”, excluant dès lors tout comportement de mauvaise foi.

Enfin, le Défendeur insiste sur le fait que ses activités ne sont absolument pas concurrentielles de celles de la Semmaris. Elles sont au contraire complémentaires : “Lorsque le Requérant affirme que le Défendeur a pour ambition ‘de cibler et de profiter indûment de la réputation des marques du Requérant’, elle révèle donc sa propre confusion sur son rôle et ses missions. Alors-même que l’une de ses missions consiste à ‘dynamiser l’image du marché’, ce qui implique de mettre en avant les grossistes dans sa communication, elle refuse désormais que les grossistes revendiquent toute association avec le marché et les accuse même de ‘profiter indûment’ d’une réputation qu’ils ont contribué à forger et dont ils constituent l’élément clé. Enfin, l’attitude du Requérant à l’égard du Défendeur est d’autant plus déconcertante qu’ils ont toujours travaillé main dans la main, tant pour assurer la bonne gestion du marché que pour améliorer son image. La SEMMARIS s’est souvent reposée sur UNIGROS pour fluidifier ses échanges avec les grossistes du marché, faisant d’UNIGROS un interlocuteur privilégié.” de fait, le Requérant s’est déjà référé au Défendeur sous le nom “Unigros Rungis”, et même “Rungis Unigros”, dans des courriers qui ont été versés au dossier.

Concernant d’autre part la question de l’utilisation de mauvaise foi, les arguments développés par le Défendeur sont les suivants :

D’abord, il est faux de prétendre que les Internautes puissent croire que les noms de domaine litigieux sont exploités par le Requérant, comme l’invoque ce dernier. Puisqu’en effet, au sein de l’expression “Rungis Unigros”, c’est ce dernier qui identifie le Défendeur, qui est bien connu sous ce nom depuis des décennies. Il s’agit de l’élément dominant au sein des noms de domaine litigieux.

Ensuite, le Requérant n’apporte pas la preuve d’un “usage” des noms de domaine litigieux. Or, il s’agit là d’une condition essentielle.

De même, les faits de l’espèce ne démontrent aucune volonté de cybersquattage des marques du Requérant. Au contraire, Unigros a souhaité réserver ces noms de domaine litigieux dans la double intention de les exploiter légitimement, et d’empêcher tout cybersquatting à ses dépens.

6. Discussion et conclusions

Le paragraphe 4(a) des Principes directeurs impose au Requérant d’apporter la preuve que les trois conditions suivantes sont réunies cumulativement :

- Le nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le Requérant a des droits; et

- Le Défendeur ne dispose d’aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y attache; et

- Le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Les Parties ont amplement débattu sur la question de savoir si les expressions “rungis unigros” constituant les noms de domaine litigieux prêtent à confusion avec les marques du Requérant, lesquelles comprennent le terme “rungis”.

La Commission administrative estime que, dans le cadre restreint du premier test du paragraphe 4(a) des Principes directeurs, la réponse est clairement affirmative. Il existe bien une similitude prêtant à confusion entre les marques du Requérant et les noms de domaine litigieux. Ce constat s’impose à la lumière des éléments suivants :

- D’abord, le terme “rungis” est immédiatement perceptible, dans les deux noms de domaine litigieux. Il est placé en position d’attaque, et peut être facilement détaché du terme “unigros” qui le suit. Ceci est vrai qu’un tiret soit inséré ou non entre les deux termes. D’ailleurs, ce point n’est pas débattu par les Parties.

- Ensuite, le vocable “rungis” constitue bien une marque parfaitement distinctive. S’il s’agissait à l’origine d’une indication purement descriptive, correspondant au nom d’une commune de la couronne parisienne, il devenu depuis quelques décennies une marque notoire pour désigner un marché de produits frais.

Ceci est démontré par le Requérant, notamment à l’appui du sondage versé au dossier. Pour mémoire, cette enquête menée auprès d’un large échantillon démontre que le public français associe dans sa grande majorité le terme “rungis” au marché géré par le Requérant. Certes, le sondage date déjà de 2014, mais élément ne permet de remettre en cause sa force probante.

Particulièrement probantes, également, sont les décisions rendues par l’INPI dans le cadre d’oppositions formées par le Requérant sur la base des marques invoquées à l’appui de la présente plainte, les 20 mars 2015, 13 décembre 2018 et 12 février 2019. Les décisions de l’Institut confirment la connaissance qu’a le public de la marque RUNGIS pour désigner le plus important marché de produits frais au monde.

Le Défendeur reconnait lui-même à plusieurs reprises dans ses écritures ce “secondary meaning” acquis par le terme “rungis”. Ainsi par exemple, le Défendeur expose avoir contribué, du fait de ses activités au sein du MIN Rungis, “à la notoriété collective et originale qui est la sienne”. Ainsi, le Défendeur reconnaît la grande notoriété, la grande attractivité de “Rungis”, et il estime même y avoir contribué de façon décisive, ce qui paraît peu contestable.

- Confronté à l’association des termes “rungis” et “unigros”, le public effectuera nécessairement un lien avec la marque notoire RUNGIS. Ce terme ne sera pas perçu comme un élément géographique, comme l’adresse du Défendeur, mais bien comme une référence au marché au sein duquel les membres du Défendeur exercent leurs activités. Ainsi, si le Défendeur a intégré le terme “rungis” à ses noms de domaine litigieux, c’est précisément parce qu’il lui confère une importance significative en termes de communication, de visibilité, de lien structurel avec le MIN Rungis.

- La reconnaissance d’une similitude prêtant à confusion s’étend à l’ensemble des marques invoquées par le Requérant, y compris donc celles enregistrées antérieurement aux noms de domaine litigieux et comprenant l’expression “rungis marché international”. A cet égard, l’argument du Défendeur selon lequel le caractère distinctif de ces signes reposerait sur l’expression “marché international” n’est pas crédible. D’une part, cette expression ne figure qu’en signature, alors que l’élément “rungis” est dominant visuellement, et d’autre part même si le marché de Rungis a une portée nationale, et est qualifié de “marché d’intérêt national”, rien n’empêche le Requérant d’invoquer une portée internationale à titre promotionnel, et non pas distinctif. Au contraire, pour les motifs rappelés plus haut, c’est bien sur le terme “rungis” que repose le caractère distinctif des éléments dénominatifs de ces marques.

- Au surplus, la Commission administrative doit également rejeter l’argument du Défendeur selon lequel les marques du Requérant déposées postérieurement à la réservation des noms de domaine litigieux ne sauraient être invoqués utilement à l’appui de la Plainte. Il est de jurisprudence UDRP constante que la reconnaissance d’une similitude prêtant à confusion n’est pas tributaire de l’antériorité des droits de marque invoqués.

- Enfin, la Commission administrative écarte également l’argument du Requérant selon lequel le terme “unigros” serait dénué de caractère distinctif. Comme l’a correctement relevé le Défendeur, l’élément “gros” ne constitue pas une abréviation usuelle du terme “grossiste”, est n’est donc pas dénué de caractère distinctif. L’ensemble “unigros” est un néologisme, arbitraire, et qui bénéficie au surplus d’une importante reconnaissance auprès des professionnels du secteur et des pouvoirs publics.

En réalité, pour reconnaître une similitude prêtant à confusion entre les marques du Requérant et les noms de domaine litigieux, dans le cadre de la mise en œuvre des Principes directeurs, il suffit que les marques du Requérant soient perceptibles, soient reconnaissables. La Commission administrative n’effectue pas d’évaluation globale du risque de confusion en sens du droit des marques, et partant il n’est pas nécessaire de statuer sur le caractère distinctif des autres termes intégrant un nom de domaine.

En définitive, pour les motifs exposés ci-dessus, la première condition du paragraphe 4(a) des Principes directeurs est bien remplie.

B. Droits ou intérêts légitimes

La charge de la preuve de l’absence de droit ou d’intérêts légitimes d’un défendeur sur un nom de domaine appartient initialement au requérant. Les preuves et arguments exposés par ce dernier peuvent naturellement être contestés par le défendeur, dans sa réponse. A cet égard, le paragraphe 4(c) des Principes directeurs précise que les circonstances suivantes sont susceptibles, notamment, de démontrer qu’un défendeur a des droits ou un intérêt légitime sur un nom de domaine :

i) avant d’avoir eu connaissance du litige, le défendeur a utilisé le nom de domaine ou un nom correspondant au nom de domaine en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services, ou fait des préparatifs sérieux à cet effet;

ii) le défendeur (individu, entreprise ou autre organisation) est connu sous le nom de domaine considéré, même sans avoir acquis de droits sur une marque de produits ou de services; ou

iii) le défendeur effectue un usage non commercial légitime ou un usage loyal du nom de domaine sans intention de détourner à des fins lucratives les consommateurs en créant une confusion ni de ternir la marque de produits ou de services en cause.

Les Parties semblent être d’accord sur le fait que le Défendeur ne dispose pas de “droits” sur le terme “rungis”, il est donc inutile d’envisager cette hypothèse ici.

En revanche, la question de “l’intérêt légitime” du Défendeur sur les noms de domaine litigieux est largement débattue. Le Requérant a bien apporté un début de preuve négative, qu’il a fondé principalement sur l’interdiction contractuelle, voire légale, qu’il serait faite au Défendeur d’enregistrer des noms de domaine comprenant le terme “rungis”. Le Défendeur a répondu en invoquant le bénéfice des paragraphes 4(c)(ii) et 4(c)(iii) des Principes directeurs, rappelés ci-dessus.

La Commission administrative examinera les deux moyens invoqués par le Défendeur, successivement.

En premier lieu, il semble qu’Unigros puisse revendiquer utilement être connu sous les noms de domaine litigieux, à savoir sous le nom “Rungis Unigros”. Le Défendeur a versé au dossier quelques courriers émis par le Requérant lui-même, dans lesquels il est désigné sous le nom “Rungis Unigros”, ou “Unigros Rungis”. Certes, la Commission administrative n’est pas en mesure de déterminer s’il s’agit d’une pratique courante ou isolée. En revanche, le Défendeur se présente bien sous le nom “Rungis Unigros” dans son site Internet institutionnel, hébergé à l’adresse “www.unigros.fr”. De même, le Défendeur a prouvé utiliser la dénomination “Unigros Rungis”, puis “Rungis Unigros” sur son papier à en-tête depuis au moins 2011. Enfin, une carte d’acheteur a également été fournie par le Défendeur, sur laquelle est portée la mention “Unigros Rungis”.

“Etre connu sous un nom” ne veut pas dire “disposer de droits sur un nom”, ce qui est important en l’espèce : le Défendeur n’invoque pas de droits sur le terme “Rungis”, mais il estime être connu non seulement sous sa dénomination “Unigros”, mais aussi sous la déclinaison “Rungis Unigros”.

En second lieu, il semble également acquis que le Défendeur entende effectuer un usage non commercial, légitime, des noms de domaine litigieux. Certes, ces noms de domaines litigieux ne sont pas encore exploités, mais le reproche formulé à cet égard par le Requérant semble prématuré. Les noms de domaine ont été enregistrés il y a peu, et le Défendeur a démontré effectuer des préparatifs d’usage. De plus, le litige né entre les Parties risque de différer davantage leur utilisation effective.

Tout porte à croire que le Défendeur entend exploiter les noms de domaine litigieux dans le cadre de ses activités habituelles de représentation des syndicats de grossistes du MIN Rungis. Il s’agit d’un usage – à venir - effectué par un acteur majeur de ce marché, dont les membres contribuent au rayonnement depuis plus de cinquante ans. Certes, les noms de domaine litigieux ne sont pas “utilisés”, mais la Commission administrative est d’avis que le paragraphe 4(c)(iii) peut être interprété largement : s’il n’y a pas “usage” au sens strict, il y a en l’espèce “intention d’usage” pour héberger l’un des sites du Défendeur. Au surplus, il convient de rappeler que les circonstances permettant à un défendeur de justifier d’un droit ou d’un intérêt légitime sur un nom de domaine ne sont pas énumérées exhaustivement au paragraphe 4(c).

Ceci étant posé, quelle incidence peut avoir l’argument du Requérant selon lequel l’enregistrement des noms de domaine litigieux contreviendrait à des obligations contractuelles, voire légales? Cette circonstance est évidemment importante dans le litige opposant les Parties. La Commission administrative estime toutefois qu’elle ne remet pas directement en cause l’intérêt objectif du Défendeur sur les noms de domaine litigieux, dans le cadre restreint de la présente procédure. Objectivement, le Défendeur semble être connu sous les noms de domaine litigieux, du moins pour partie. Par ailleurs, Unigros a bien l’intention d’utiliser ces noms de domaine litigieux dans le cadre d’une exploitation non commerciale, au soutien de ses activités syndicales. En effet, le Défendeur a apporté la preuve qu’il avait fait des préparatifs sérieux à cet effet et indique vouloir créer un renvoi depuis ces noms de domaine vers son site “www.unigros.fr”. Il y a bien là un “intérêt légitime”, ce qui ne préjuge en rien de la légalité, in fine, de l’enregistrement et de l’exploitation des noms de domaine litigieux.

Ainsi, le Requérant n’a pas apporté la preuve de l’absence d’intérêt légitime du Défendeur sur les noms de domaine. La seconde condition du paragraphe 4(a) des Principes directeurs n’est pas remplie et la Plainte doit être rejetée.

Néanmoins, compte tenu du caractère très particulier de cette affaire, la Commission administrative juge nécessaire d’analyser également la question de la bonne foi du Défendeur, qui confirmera la nécessité de rejeter la Plainte.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Selon le paragraphe 4(b) des Principes directeurs, la réalisation de l’une des circonstances suivantes est susceptible d’établir que le nom de domaine a été enregistré et utilisé de mauvaise foi :

i) les faits montrent que le défendeur a enregistré ou acquis le nom de domaine essentiellement aux fins de vendre, de louer ou de céder d’une autre manière l’enregistrement de ce nom de domaine au requérant qui est le propriétaire de la marque de produits ou de services, ou à un concurrent de celui-ci, à titre onéreux et pour un prix excédant le montant des frais qu’il peut prouver avoir déboursé en rapport direct avec ce nom de domaine,

ii) le défendeur a enregistré le nom de domaine en vue d’empêcher le propriétaire de la marque de produits ou de services de reprendre sa marque sous forme de nom de domaine, et est coutumier d’une telle pratique,

iii) le défendeur a enregistré le nom de domaine essentiellement en vue de perturber les opérations commerciales d’un concurrent, ou

iv) en utilisant ce nom de domaine, le défendeur a sciemment tenté d’attirer, à des fins lucratives, les utilisateurs de l’Internet sur un espace Web ou autre site en ligne lui appartenant, en créant une probabilité de confusion avec la marque du requérant en ce qui concerne la source, le commanditaire, l’affiliation ou l’approbation de son espace ou espace Web ou d’un produit ou service qui y est proposé.

En application des Principes directeurs, le Requérant ne peut obtenir gain de cause qu’à la double condition d’établir que le nom de domaine litigieux a été enregistré de mauvaise foi, et est utilisé de mauvaise foi.

En l’espèce, les noms de domaine litigieux ne sont pas exploités, et les circonstances de l’espèce excluent de recourir à la doctrine de “l’usage passif de mauvaise foi” du nom de domaine. En effet, le Défendeur a apporté la preuve qu’il allait utiliser légitiment à l’avenir les noms de domaine litigieux, dans le cadre de ses activités syndicales. Ainsi qu’il a été exposé dans les développements précédents, le Défendeur a effectué des préparatifs en ce sens, auquel la Commission administrative accorde tout crédit.

Bien sûr, le Requérant peut souligner que le Défendeur avait nécessairement connaissance de ses droits sur les marques RUNGIS au moment de l’enregistrement des noms de domaine litigieux. C’est incontestable. Cela étant, il est probablement abusif d’affirmer qu’Unigros cherche à détourner à son profit la notoriété de cette marque. Le Défendeur a largement démontré avoir contribué à la reconnaissance du MIN Rungis. Ses membres sont des acteurs incontournables de ce marché, depuis son origine. De plus, le Défendeur n’a pas enregistré des noms de domaine consistant uniquement en la marque RUNGIS, il a pris soin d’y associer son nom, “unigros”, ce qui ne peut échapper aux Internautes.

La Commission administrative estime donc que le Défendeur n’a pas agi de mauvaise foi lors de l’enregistrement des noms de domaine litigieux.

De plus, ceux-ci n’ont pas encore été exploités, et partant une condition sine qua non des principes directeurs fait ici défaut.

Par ailleurs, les manquements contractuels ou légaux mis en avant par le Requérant ne relèvent pas de l’évaluation de la mauvaise foi, pas plus que de l’intérêt légitime, tels qu’interprétés dans le cadre de la mise en œuvre des Principes directeurs. Ce sont des questions qui ne peuvent être tranchées que par une juridiction compétente. La jurisprudence du Centre sur ce point est bien établie (voir, à titre d’illustration, Litige OMPI No. D2015-0527, TEFAL v. BombayBiz India Private Limited).

La Commission administrative relève au surplus que les Parties n’ont pas relevé un élément qui remet directement en cause l’éventualité du transfert des noms de domaine litigieux : dans la mesure où ceux-ci associent la marque RUNGIS du Requérant, et le nom du Défendeur, quelle légitimité peut avoir le Requérant pour en devenir titulaire? Il eut été plus approprié, en tout état de cause, de solliciter l’annulation des noms de domaine litigieux.

En conclusion : la plainte doit être rejetée, au double motif que le Défendeur semble bien pouvoir invoquer un intérêt légitime sur les noms de domaine litigieux, et qu’en tout état de cause il n’a pas enregistré, et encore moins exploité, les noms de domaine litigieux de mauvaise foi.

Néanmoins, ce constat n’est effectué que dans le cadre bien délimité des Principes directeurs, qui s’attachent à censurer les actes de cybersquattage. Dès lors, il n’est absolument pas exclu que le Requérant soit bien fondé, in fine, à reprocher au Défendeur des manquements à des obligations contractuelles, voire légales. Et la Commission administrative ne peut prendre position sur les arguments des Parties relatifs, par exemple, à la qualité d’“usager”, ou non, du Défendeur tel que défini dans le règlement intérieur du MIN de Rungis. Il n’est pas non plus exclu, par principe, que les agissements du Défendeur puissent être qualifiés de contrefaçon des marques du Requérant. Ces questions dépassent largement les compétences de la Commission administrative dans le cadre de la procédure UDRP.

La Commission administrative ne peut que souhaiter que les Parties, qui sont des acteurs fondamentaux du marché de Rungis et ont des intérêts en commun, puissent s’entendre pour régler globalement leur différend. A défaut, il leur appartiendra de saisir les juridictions compétentes pour statuer sur les manquements relevés par le Requérant.

La Commission administrative rappelle, enfin, que le rejet de la présente plainte est sans préjudice non plus de la décision à venir concernant les noms de domaines enregistrés par le Défendeur sous l’extension <.fr>. Il suffit à cet égard de rappeler que ces procédures obéissent à des règles distinctes, et notamment le <.fr> se réfère à la législation nationale française alors que la présente procédure se réfère aux Principes directeurs.

7. Décision

Pour les raisons exposées ci- dessus, la Commission administrative rejette la plainte.

Benjamin Fontaine
Expert Unique
Le 10 décembre 2021