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Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

GECINA et EUROSIC SA contre WhoisGuard, Inc. / Marine Castel

Litige No. D2020-1736

1. Les parties

Les Requérants sont GECINA et EUROSIC SA, France, représentés par le Cabinet Santarelli, France.

Le Défendeur est WhoisGuard, Inc., Panama / Marine Castel, France.

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le nom de domaine litigieux <eurosicsa.com> est enregistré auprès de NameCheap, Inc. (ci-après désigné « l’Unité d’enregistrement »).

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par GECINA et EUROSIC SA auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le « Centre ») en date du 2 juillet 2020. En date du 2 juillet 2020, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 2 juillet 2020, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant l’identité du titulaire du nom de domaine litigieux et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte. Le 9 juillet 2020, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant avec les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux telles que communiquées par l’Unité d’enregistrement et invitant le Requérant à soumettre un amendement à la plainte. Le même jour, le Centre a également envoyé une demande d’amendement concernant le for. Le Requérant a déposé deux plaintes amendées le 9 juillet 2020.

L’Unité d’enregistrement a aussi indiqué que la langue du contrat d’enregistrement du nom de domaine litigieux est l’anglais. Le 9 juillet 2020, la plainte ayant été déposée en français, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant, l’invitant à fournir la preuve suffisante d’un accord entre les Parties, la plainte traduite en anglais, ou une demande afin que le français soit la langue de la procédure. Le Centre a également invité le Défendeur à soumettre des observations. Le Requérant a déposé une demande afin que le français soit la langue de la procédure le 9 juillet 2020. Le Défendeur n’a pas soumis d’observations.

Le Centre a vérifié que la plainte et les plaintes amendées répondaient bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés « Principes directeurs »), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les « Règles d’application »), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les « Règles supplémentaires ») pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 15 juillet 2020, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur en français et en anglais. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 4 août 2020. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 5 août 2020, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.

En date du 19 août 2020, le Centre nommait Fabrice Bircker comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

4. Les faits

Les Requérants sont au nombre de deux : la société Gecina et la société Eurosic SA.

Ils sont notamment actifs dans le domaine de la gestion d’actifs immobiliers.

Eurosic SA a été rachetée par Gecina en 2017. Par suite de ce rachat, Eurosic SA est devenue une filiale de Gecina et cette dernière est aujourd’hui sa présidente.

Ce rachat a permis à Gecina de devenir, au plan européen, une des premières sociétés foncières dans le domaine des bureaux et, tous secteurs confondus, la quatrième société foncière.

Ainsi, fin 2019, Gecina détenait et gérait des actifs immobiliers d’une valeur de plus de 20 milliards d’Euros.

Outre les droits qu’elle détient sur sa dénomination sociale, la société Eurosic SA est notamment titulaire des marques suivantes :

logomarque française déposée le 4 mars 2010, enregistrée le 6 août 2010 sous le n° 3718815 et désignant des services des classes 36 et 37;

logo marque française déposée le 12 novembre 2010, enregistrée le 18 mars 2011 sous le n° 3781997 et désignant notamment des services des classes 35 et 41;

logo marque française déposée le 5 avril 2012, enregistrée le 27 juillet 2012 sous le n° 3911235 et désignant notamment des services des classes 35 et 41.

La société Gecina est, quant à elle, titulaire du nom de domaine <eurosic.fr>, lequel a été enregistré le 13 octobre 1999 et dirige vers une page du site institutionnel de cette société comportant notamment le message d’avertissement suivant :

« II a été porté à notre connaissance que l’identité de la société Eurosic propriété du Groupe Gecina a été usurpée par des tiers visant à proposer à la vente un programme de fonds commun d’investissement dans des parking urbains ainsi que plus récemment dans des studios de résidences étudiantes.

Ni Eurosic, ni aucune autre entité du Groupe Gecina ne sont à l’origine de ce programme d’investissement.

Une plainte pénale a été déposée et est en cours d’instruction et l’Autorité des Marchés Financiers a été tenue informée ».

Le nom de domaine litigieux, <eurosicsa.com>, a été réservé le 23 avril 2020.

Il est actuellement inactif.

Toutefois, préalablement à l’introduction de la présente procédure, ce nom de domaine dirigeait vers une page parking promouvant notamment des services monétaires.

En outre, ce nom de domaine a été utilisé pour créer une adresse électronique à partir de laquelle ont été envoyés des e-mails proposant à leurs destinataires de réaliser des opérations de placements immobiliers, notamment à travers l’achat de parkings.

En plus de provenir d’une adresse électronique du type « initialeduprénom.patronyme@eurosicsa.com », ces e-mails comportaient notamment en signature la dénomination sociale de la société Eurosic SA, l’adresse de son siège social et son numéro Siren, alors qu’ils n’étaient pas envoyés par la société Eurosic SA.

Certains de ces e-mails contenaient également en pièce jointe une brochure détaillant les investissements proposés et reproduisant les éléments d’identification de la société Eurosic SA (dénomination sociale, numéro d’immatriculation au RCS, siège social et marque semi-figurative française n° 3718815), alors que ces programmes d’investissement n’émanent pas de ladite société Eurosic SA.

Enfin, préalablement à l’introduction de la présente procédure, la société Eurosic SA, estimant que les agissements du Défendeur étaient notamment constitutifs du délit d’usurpation d’identité, a procédé au dépôt d’une plainte pénale avec constitution de partie civile.

5. Argumentation des parties

A. Requérants

Les Requérants estiment tout d’abord être fondés à agir de concert contre le Défendeur car, en substance, ils appartiennent au même groupe de sociétés et ont des griefs communs contre le Défendeur, ce dernier portant atteinte à leurs droits de propriété intellectuelle.

Par ailleurs, les Requérants sollicitent que la présente procédure soit conduite en français (alors que la langue du contrat d’enregistrement est l’anglais).

A cet égard et en particulier afin de faire valoir que le Défendeur est familier avec la langue française, ils mettent notamment en avant les éléments suivants :

- toutes les parties sont domiciliées en France,
- le nom de domaine litigieux renvoie vers un site dont le contenu est en français,
- les e-mails envoyés à partir du nom de domaine litigieux sont rédigés en français.

Sur le fond, les arguments des Requérants peuvent être résumés comme suit :

Identité ou similitude prêtant à confusion :

Les Requérants se prévalent de leurs droits sur les marques identifiées au point 4. supra constituées de la dénomination EUROSIC, ainsi que de la dénomination sociale Eurosic SA et du nom de domaine <eurosic.fr>.

Ils font notamment valoir que le nom de domaine litigieux est composé du radical « eurosicsa », lequel reproduit, en intégralité, la dénomination sociale Eurosic SA, ainsi que la marque EUROSIC.

Les Requérants indiquent également que l’absence d’espace entre « eurosic » et « sa » au sein du radical du nom de domaine litigieux est inopérante pour éviter un risque de confusion entre les signes en présence.

Ils soutiennent également que le sigle « sa » qui suit « eurosic » au sein du radical du nom de domaine litigieux est usuel pour faire référence à la forme juridique d’une société anonyme, et est donc descriptif de la nature juridique de la société Eurosic SA.

En outre, les Requérants arguent que le nom de domaine litigieux est très proche du nom de domaine <eurosic.fr> détenu par la société Gecina.

Enfin, ils font valoir que l’extension « .com » constitue l’extension générique de premier niveau (« gTLD ») la plus connue et que sa présence n’est pas suffisante pour rendre les signes différents.

Absence de droit ou d’intérêt légitime :

Les Requérant font valoir en substance que :

- le Défendeur a réservé le nom de domaine litigieux sans aucune autorisation ou licence d’exploitation des Requérants d’utiliser leurs marques ou de réserver un nom de domaine reproduisant le signe EUROSIC ou EUROSIC SA sur lequel ils détiennent des droits antérieurs depuis 1976 (à titre de dénomination sociale),

- le Défendeur n’a aucun droit, ni intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux car il ne détient aucune marque antérieure pertinente,

- l’usage de mauvaise foi que fait le Défendeur du nom de domaine litigieux, démontre que la réservation dudit nom de domaine a été réalisée en toute connaissance de cause et dans la volonté de profiter de la réputation de la marque EUROSIC en usurpant son identité pour attirer et détourner la clientèle des Requérants, et ce sans droits ni intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux. Les Requérants précisent que dans ce contexte, la réservation du nom de domaine litigieux ne peut pas être le fruit du hasard, d’autant que l’appellation EUROSIC est distinctive et que rien ne justifie son emploi ou sa réservation par le Défendeur,

- en réservant le nom de domaine litigieux, le Défendeur a cherché à empêcher les Requérants qui sont les propriétaires des marques EUROSIC et du nom de domaine <eurosic.fr> de réserver et d’exploiter le nom de domaine litigieux dans l’extension « .com ».

Enregistrement et usage de mauvaise foi :

Les Requérants soutiennent en substance que :

- en réservant et en utilisant le nom de domaine litigieux pour l’exploiter en relation avec un site parking et pour envoyer des courriels commerciaux frauduleux à partir d’une adresse électronique rattachée audit nom de domaine pour promouvoir, sans autorisation, des produits financiers d’investissement immobilier, qui correspondent au cœur de métier des Requérants, le Défendeur a intentionnellement cherché à tirer profit de la marque des Requérants en cherchant à faire croire aux internautes qu’il s’agissait d’un site partenaire ou que l’éditeur de la propagande commerciale frauduleuse était affilié ou économiquement lié aux Requérants et qu’il agissait en leur nom, ce qui n’est pas le cas,

- le nom de domaine litigieux est exploité en relation avec un site parking comportant des liens commerciaux, dont certains promeuvent des placements ou des produits financiers,

- les Requérants ont été contactés par des tiers qui les ont informés avoir reçu des courriels envoyés à partir de l’adresse électronique « @eurosicsa.com », signés par un individu se faisant passer pour un conseiller financier et de gestion immobilière de la société Eurosic SA et proposant à la vente des parkings sur les villes de Lyon et de Porto à titre de placements sécurisés et rentables. Or, cette communication publi-promotionnelle par voie d’emailing n’a pas été ordonnée par les Requérants et n’a pas non plus été faite avec leur accord. De plus, l’individu dont le nom apparaît en tant que signataire de ces e-mails n’est pas salarié ou commissionné par les Requérants, et ce dernier usurpe l’identité de la société Eurosic SA dont il revendique être un représentant. Par ailleurs, l’email en question propose des actifs qui ne sont pas des offres de placement des Requérants. Une documentation annexée au courriel litigieux reproduit la marque des Requérants,

- une plainte a été déposée le 24 juin 2020 à la préfecture de police de Paris pour contester ces actes frauduleux,

- le nom de domaine litigieux est également proposé à la vente sur la fiche WhoIs de l’Unité d’enregistrement,

- Les Requérants concluent qu’en réservant le nom de domaine litigieux, le Défendeur a entendu se placer dans le sillage des marques des Requérants et profiter ainsi indûment de leur notoriété en usurpant leur identité et leurs droits de propriété intellectuelle. Le nom de domaine litigieux a été enregistré essentiellement en vue de perturber les opérations commerciales des Requérants, empêchant ces derniers de pouvoir réserver et exploiter sous leur propre nom le radical « eurosicsa »dans une extension particulière stratégique dans le commerce numérique, ainsi que cela est le cas du « .com ».

B. Défendeur

Le Défendeur n’a pas répondu aux arguments du Requérant.

6. Discussion et conclusions

6.1 Sur la procédure

A. Sur la langue de procédure

Selon le paragraphe 11(a) des Règles d’application, « sauf convention contraire entre les parties ou stipulation contraire du contrat d’enregistrement, la langue de la procédure est la langue du contrat d’enregistrement; toutefois, la commission administrative peut décider qu’il en sera autrement, compte tenu des circonstances de la procédure administrative ».

Les commissions administratives ont ainsi la possibilité d’opter pour une langue de procédure autre que celle définie par le paragraphe 11 des Règles d’application si cela leur paraît approprié, et pour autant qu’elles s’assurent que les deux parties soient traitées sur un même pied d’égalité et qu’il soit donné à chacune une possibilité équitable de présenter son argumentation (voir la Synthèse des avis des commissions administratives de l’OMPI sur certaines questions relatives aux principes UDRP, troisième édition « Synthèse, version 3.0 », section 4.5).

En l’espèce, la Commission administrative relève que la procédure devrait en principe être conduite en anglais, langue du contrat d’enregistrement du nom de domaine litigieux.

Toutefois, les Requérants sollicitent que le français soit la langue de la procédure, et ils avancent l’existence de plusieurs éléments qui, selon eux, laissent penser que le Défendeur est en mesure de parler et de comprendre le français.

Dans ce contexte, la Commission administrative relève que :

- les deux parties sont domiciliées en France,

- lorsqu’il était actif, le nom de domaine litigieux dirigeait vers un site rédigé en français,

- l’adresse électronique créée à partir du nom de domaine litigieux a été utilisée par le Défendeur pour l’envoi de courriers électroniques et de documents rédigés en français,

- à aucun moment le Défendeur n’a contesté le choix du français comme langue de la procédure, alors qu’il a été invité à le faire.

Au regard de ces éléments, il est plus que probable que le Défendeur maîtrise la langue française.

Il serait donc inéquitable et contreproductif d’obliger les Requérants à traduire la plainte en anglais.

En conséquence, la Commission administrative accepte la requête des Requérants visant à ce que le français soit la langue de la procédure.

B. Sur l’incidence du dépôt de la plainte pénale

Préalablement à l’introduction de la présente procédure UDRP et par suite des agissements reprochés au Défendeur par les Requérants, la société Eurosic SA a déposé une plainte pénale contre « X ».

Parallèlement, le paragraphe 18(a) des Règles d’application dispose que "Lorsqu'une procédure judiciaire a été engagée avant ou pendant la procédure administrative concernant le litige portant sur le nom de domaine qui fait l'objet de la plainte, il appartient à la commission de décider de suspendre ou de clore la procédure, ou de la poursuivre et de rendre sa décision."

Au vu du récépissé de la plainte pénale déposée, la Commission administrative estime qu’elle ne porte qu’indirectement sur le nom de domaine litigieux (l’infraction reprochée étant « usurpation de l’identité d’un tiers ou usage de données permettant de l’identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d’autrui ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération »).

Or, dans pareilles circonstances, dans la mesure où la plainte pénale vise à sanctionner le Défendeur pour les actes frauduleux opérés à travers le nom de domaine et à permettre au plaignant d’obtenir réparation du préjudice subi, et où son issue est sans conséquence sur le statut du nom de domaine litigieux, les commissions administratives décident habituellement de ne pas suspendre la procédure UDRP et de statuer sur le fond (voir par exemple Groupement d’Intérêt Economique Humanis Fonctions Groupe contre Thibaut Assogba, Litige OMPI No. D2018-0428 ou CGE Distribution contre Admin Contact / Marie Cruchet, Litige OMPI No. D2016-2077).

Enfin, cette Commission administrative relève que c’est l’un des Requérants qui est à l’origine tant de la présente procédure UDRP que de la plainte pénale, et que le Défendeur n’a fait valoir aucun argument en faveur de la suspension ou de la clôture de la présente procédure par suite du dépôt de la plainte pénale des Requérants. Dans ces circonstances, statuer au fond de la présente affaire apparait approprié.

Au regard de l’ensemble de ce qui précède, la Commission administrative est d’avis que l’existence de la plainte pénale déposée par les Requérants n’empêche pas qu’il soit statué au fond dans le cadre de la présente procédure UDRP.

C. Requérants multiples

La présente procédure a été introduite par deux Requérants.

Pour apprécier la capacité de plusieurs requérants à agir dans une même procédure à l’encontre d’un défendeur, les commissions administratives examinent si (i) les requérants ont un grief commun particulier contre le défendeur ou si le défendeur s’est livré à une conduite commune qui a touché les requérants de la même façon ; et (ii) il serait équitable et efficace sur le plan procédural de permettre la consolidation (voir en particulier la section 4.11.1 de la Synthèse, version 3.0.)

En l’espèce, les Requérants appartiennent au même groupe de sociétés, tous deux disposent de droits sur des signes distinctifs constitués en tout ou partie du terme EUROSIC, estiment être victimes des agissements du Défendeur, et demandent la transmission du nom de domaine litigieux à l’un d’entre eux indifféremment.

Par ailleurs, le bienfondé de cette action conjointe des Requérants à l’encontre du Défendeur n’a nullement été remis en cause par ce dernier, et la Commission administrative ne voit pas comment cet aspect de la procédure pourrait être préjudiciable au Défendeur.

Dans ces circonstances, la Commission administrative estime que les deux Requérants sont recevables à agir de concert contre le Défendeur dans le cadre de la présente procédure.

6.2 Sur le fond

Selon le paragraphe 4(a) des Principes directeurs, afin d’obtenir le transfert ou la suppression du nom de domaine litigieux, les requérants doivent apporter la preuve de chacun des trois éléments suivants :

(i) Le nom de domaine litigieux est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle les Requérants ont des droits;

(ii) Le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache;

(iii) Le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.

Par ailleurs, le paragraphe 10(b) des Règles d’application dispose quant à lui que « Dans tous les cas, la commission veille à ce que les parties soient traitées de façon égale et à ce que chacune ait une possibilité équitable de faire valoir ses arguments ».

En outre, le paragraphe 15(a) des Règles d’application dispose que « La commission statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément aux Principes directeurs, aux présentes Règles et à tout principe ou règle de droit qu’elle juge applicables ».

La Commission administrative examinera ci-après la position des parties au regard des trois points du paragraphe 4(a) des Principes directeurs.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Aux termes du paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs, les Requérants doivent d’abord établir disposer de droits sur une marque enregistrée, et ensuite démontrer que le nom de domaine litigieux lui est identique ou semblable au point de prêter à confusion.

En l’espèce, parmi les droits invoqués par les Requérants figurent plusieurs marques enregistrées (cf. paragraphe 4. supra).

S’agissant spécifiquement de la marque semi-figurative française EUROSIC APPRECIER LA DIFFERENCE n° 3718815, la Commission administrative relève qu’elle a été déposée le 4 mars 2010 et que la preuve de son renouvellement avant son échéance décennale n’est pas rapportée.

Toutefois, cette marque ne peut pas pour autant être considérée comme dépourvue d’effets, dans la mesure où, au jour où la Commission administrative statue, elle peut encore faire l’objet d’un renouvellement en délai de grâce.

Par ailleurs, au sein des marques invoquées, la dénomination EUROSIC constitue, soit un élément distinctif essentiel et dominant (ce qui est le cas de la marque semi-figurative française EUROSIC APPRECIER LA DIFFERENCE n° 3718815), soit un élément distinctif détachable.

Pour ce qui est du nom de domaine litigieux, il reproduit à l’identique le signe distinctif EUROSIC constitutif des marques du Requérant.

De l’avis de la Commission administrative, l’adjonction au sein du nom de domaine litigieux des deux lettres « sa » n’empêche pas la dénomination EUROSIC de demeurer perceptible tant cette adjonction est minime, d’autant que les lettres « sa » sont descriptives d’une forme juridique de société.

Enfin, il est constant que l’extension de premier niveau « .com » constitue un élément technique nécessaire à l’enregistrement d’un nom de domaine, de sorte qu’elle est normalement sans incidence sur l’appréciation du risque de confusion, et qu’elle peut donc être ignorée pour examiner la similarité entre les marques des Requérants et le nom de domaine litigieux (par exemple voir Telstra Corporation Limited c. Nuclear Marshmallows, Litige OMPI No. D2000-0003 ou Synthèse, version 3.0, section 1.11).

En conséquence, la Commission administrative considère que le nom de domaine litigieux est similaire au point de prêter à confusion avec les droits de marques invoqués par les Requérants, et donc que la première condition du paragraphe 4(a) des Principes directeurs est satisfaite.

B. Droits ou intérêts légitimes

Le paragraphe 4(c) des Principes directeurs énumère de manière non-exhaustive un certain nombre de circonstances de nature à établir les droits ou les intérêts légitimes du défendeur sur le nom de domaine :

(i) avant d’avoir eu connaissance du litige, le défendeur a utilisé le nom de domaine ou un nom correspondant au nom de domaine en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services, ou fait des préparatifs sérieux à cet effet,

(ii) le défendeur (individu, entreprise ou autre organisation) est connu sous le nom de domaine considéré, même sans avoir acquis de droits sur une marque de produits ou de services, ou

(iii) le défendeur fait un usage non commercial légitime ou loyal du nom de domaine, sans intention d’en tirer des profits commerciaux en détournant de façon trompeuse les utilisateurs ou en ternissant l’image de la marque commerciale ou de la marque de service sur laquelle le Requérant a des droits.

En l’espèce, les Requérants font valoir que le Défendeur ne leur est pas affilié et qu’ils ne l’ont pas autorisé à demander l’enregistrement du nom de domaine litigieux.

En outre, l’identité du Défendeur renseignée dans la base de données WhoIs ne correspond pas au nom de domaine litigieux, de sorte que rien ne permet d’établir que le Défendeur pourrait être connu sous le nom de domaine litigieux au sens du paragraphe 4(c)(ii) des Principes directeurs.

Par ailleurs, les Requérants font valoir de manière crédible et documentée que le nom de domaine litigieux a été utilisé afin de créer une adresse électronique à partir de laquelle ont été envoyés des e-mails usurpant l’identité de la société Eurosic SA (l’e-mail produit en ce sens par les Requérants contient en signature, ainsi que dans le document y attaché, la dénomination sociale, le siège social et le numéro Siren de cette société) et proposant à leurs destinataires des produits d’investissement de même nature que ceux commercialisés par les Requérants, mais qui n’émanent pas d’eux.

Ces agissements font d’ailleurs l’objet d’une plainte pénale (notamment pour usurpation d’identité).

Dans ces circonstances, le nom de domaine litigieux n’est manifestement pas exploité en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services; au contraire, son utilisation est effectuée avec la volonté de tirer des profits commerciaux illégitimes au moyen de procédés trompeurs sciemment destinés à engendrer une confusion avec les droits antérieurs des Requérant.

La jurisprudence des commissions administrative est constante quant au fait qu’utiliser un nom de domaine dans le cadre d’activités illicites ne peut jamais conférer un intérêt légitime à son égard au bénéfice du Défendeur (voir la Synthèse, version 3.0, section 2.13).

La Commission administrative considère donc que le Défendeur, qui au surplus par son silence n’a nullement contredit les éléments avancés par les Requérants, ne dispose pas d’un intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux au sens des dispositions des paragraphes 4(c)(i) et 4(c)(iii) des Principes directeurs.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Aux termes du paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs, les Requérants doivent démontrer que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi par le Défendeur.

Parallèlement, le paragraphe 4(b) des Principes directeurs donne des exemples non exhaustifs de comportements susceptibles d’avérer la mauvaise foi.

En l’occurrence, la Commission administrative relève que :

- les marques invoquées par les Requérants sont largement antérieures au nom de domaine litigieux et participent à identifier un acteur important dans le domaine des investissements immobiliers,

- la dénomination EUROSIC est intrinsèquement distinctive,

- en plus de reproduire un élément distinctif et attractif des marques invoquées par les Requérants, le radical du nom de domaine litigieux reproduit à l’identique la dénomination sociale de la société Eurosic SA,

- le Défendeur a réservé le nom de domaine litigieux en occultant son identité ainsi que ses coordonnées au moyen d’un service d’anonymisation, et il a communiqué des coordonnées incomplètes à l’Unité d’enregistrement (aucun nom et numéro de rue n’étant renseigné, et le code postal indiqué est manifestement erroné),

- les e-mails envoyés, sans autorisation des Requérants, à partir d’une adresse électronique rattachée au nom de domaine litigieux, sont présentés comme provenant de la société Eurosic SA (ils contiennent en signature, ainsi que dans le document y attaché, la dénomination sociale, le siège social et le numéro Siren de cette société) et proposent à leurs destinataires des produits d’investissement de même nature que ceux commercialisés par les Requérants, mais qui n’émanent pas d’eux,

- le nom de domaine litigieux dirigeait vers un site parking promouvant des activités monétaires pouvant être considérées comme complémentaires aux activités d’investissements immobiliers des Requérants,

- le Défendeur, pourtant invité à participer à la présente procédure, n’a aucunement contesté les allégations des Requérants.

Au regard de ce qui précède, la Commission administrative ne peut que constater que les agissements du Défendeur, mettant en œuvre un stratagème à l’évidence sciemment préparé avant la réservation du nom de domaine litigieux, révèlent nécessairement sa connaissance des droits des Requérants lors de la réservation du nom de domaine litigieux.

Ces agissements établissent également que le Défendeur a utilisé le nom de domaine litigieux de manière déloyale et dans un but lucratif, à savoir dans la perspective :

- d’une part, de percevoir des revenus publicitaires à chaque fois que des internautes cliquaient sur les annonces affichées sur le site accessible via le nom de domaine litigieux, alors que la saisie dudit nom de domaine ne peut être motivée que par la volonté d’accéder à un site opéré par la société Eurosic SA dès lors, notamment, qu’il est identique à la dénomination sociale distinctive de cette société,

- et, d’autre part, de percevoir indument des fonds de la part des destinataires de l’emailing qu’il a envoyé en se faisant passer pour la société Eurosic SA, et qui auraient donné suite à sa proposition d’investissement.

De tels agissements visant à se faire remettre des fonds en usurpant l’identité d’un tiers ont déjà été considérés comme avérant un enregistrement et une utilisation de mauvaise foi du nom de domaine litigieux (voir par exemple Minerva S.A. v. TT Host, Litige OMPI No. D2016-0384).

En outre, il est constant que l’utilisation d’un nom de domaine pour une activité intrinsèquement illégitime ou illicite est systématiquement considérée comme une preuve de la mauvaise foi du défendeur (Synthèse, version 3.0, section 3.1.4).

En conclusion, la Commission administrative estime que la condition d’enregistrement et d’usage de mauvaise foi du nom de domaine litigieux, posée au paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs, se trouve ici remplie.

7. Décision

Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <eurosicsa.com> soit transféré à l’une des sociétés requérantes.

Fabrice Bircker
Expert Unique
Le 2 septembre 2020