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Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Vente-Privee.Com contre Whois Privacy Protection Service by onamae.com / 李厚昌 (Li Hou Chang)

Litige No. D2019-3017

1. Les parties

La Requérante est Vente-Privee.Com, France, représentée par Cabinet Degret, France.

Le Défendeur est Whois Privacy Protection Service by onamae.com, Japon / 李厚昌 (Li Hou Chang), Chine.

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le nom de domaine litigieux <veeoee.com> est enregistré auprès de DNSPod, Inc. (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée en français par Vente-Privee.Com auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 6 décembre 2019. Le même jour, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par la Requérante. Le 24 décembre 2019, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant l’identité du titulaire du nom de domaine litigieux et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte. Le même jour, le Centre a envoyé un courrier électronique à la Requérante avec les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux telles que communiquées par l’Unité d’enregistrement et invitant la Requérante à soumettre un amendement à la plainte. Le Centre a également indiqué à la Requérante que la langue du contrat d’enregistrement du nom de domaine litigieux était le chinois. La plainte ayant été déposée en français, le 24 décembre 2019, le Centre a envoyé un courrier électronique aux Parties en chinois et en français concernant la langue de la procédure. Le même jour, le Défendeur a envoyé un courrier électronique à la Requérante en anglais. Le 27 décembre 2019, la Requérante a réitéré sa requête pour que le français soit la langue de la procédure ou à tout le moins que sa Plainte soit déclarée recevable, telle que déposée, en langue française. Le 28 décembre 2019, le Défendeur a demandé une version chinoise de la plainte. Le 29 décembre 2019, la Requérante a déposé un amendement à la plainte en français.

Le Centre a vérifié que la plainte et l’amendement à la plainte répondaient bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 7 janvier 2020, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative a été adressée au Défendeur en français et chinois. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 27 janvier 2020. Le Défendeur n'a pas fait parvenir une réponse au Centre.

En date du 19 février 2020, le Centre nommait Matthew Kennedy comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

4. Les faits

La Requérante a pour activité l’achat et la vente de produits et services de toute nature via les outils du commerce électronique, ainsi que la fourniture de conseils dans le domaine du e-commerce. Depuis 2001, elle déploie ses activités en particulier sur le site Internet “www.vente-privee.com”. Chaque mois plusieurs millions de visiteurs uniques, provenant de plusieurs pays, se rendent sur ce site. Au début de l’année 2019, la société mère de la Requérante a initié un processus de "group rebranding" afin d’unifier toutes ses marques sous une seule et unique dénomination, à savoir la dénomination VEEPEE. Dès lors, son site “www.vente-privee.com” opère une redirection vers le site “www.veepee.com”. Ce "rebranding" a fait l’objet d’une forte couverture médiatique au niveau international. La Requérante détient des droits de marque dont marque française VEEPEE, déposée le 3 mai 2017, enregistrée sous le numéro 4359100; et VEEPEE : marque de l’Union européenne déposée le 8 novembre 2017, enregistrée sous le numéro 17442245. Ces enregistrements de marque sont actuellement en vigueur.

Le Défendeur est un individu résidant à Wuxi en Chine. Selon les preuves fournies par la Requérante, des commissions administratives ont déjà estimé selon les Principes directeurs que le Défendeur avait enregistré et utilisait d’autres noms de domaine en mauvaise foi. Voir, par exemple, Accor c. Li Hou Chang, Litige OMPI No. D2019-1825; Chewy, Inc. c. Li Hou Chang, Litige OMPI No.D2019-1845.

Le nom de domaine litigieux a été enregistré le 12 juillet 2019. Il redirige vers une page de stationnement comportant des liens de hypertextes qui renvoient les internautes à des sites des concurrents de la Requérante, notamment dans le domaine du voyage.

Dans son courrier électronique du 24 décembre 2019 envoyé à la Requérante, le Défendeur a suggéré qu’elle pourrait avoir le nom de domaine litigieux “gratuitement” mais qu’elle devait payer une taxe de transfert de EUR 800. Selon lui, si la Requérante contestait le nom de domaine, cela allait durer longtemps et, même si elle obtenait gain de cause dans cette procédure administrative, le Défendeur pouvait mener l’affaire devant un tribunal chinois pour empêcher que la Requérante obtienne le nom de domaine litigieux.

5. Argumentation des parties

A. Requérante

La Requérante avance que le nom de domaine litigieux est quasi-identique ou semblable, au point de prêter confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle la Requérante a des droits. Le nom de domaine litigieux reproduit quasiment à l’identique les marques VEEPEE de la Requérante, à une lettre près (la lettre “P” étant remplacée par la lettre “O” au sein du nom de domaine litigieux).

Le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache. Le Défendeur n’est pas connu sous tout ou partie du nom de domaine litigieux. Le Défendeur ne détient aucun droit sur la dénomination “veeoee”. Le Défendeur ne fait ni un usage non commercial légitime, ni un usage loyal du nom de domaine litigieux et son usage dudit nom est effectué afin de détourner les internautes en créant une confusion et a pour effet de ternir la réputation de la Requérante.

Le Défendeur a enregistré et utilise le nom de domaine de mauvaise foi. Les marques VEEPEE sont notoires en France et à l’échelle internationale, de sorte que le choix de la dénomination “veeoee” (qui ne correspond à aucune marque déposée) n’a pu être accidentel. Le contenu de la page de stationnement déclenchée par la saisie du nom de domaine litigieux promeut des activités concurrentes de celles pour lesquelles les marques de la Requérante sont notamment notoires. Le nom de domaine litigieux faisant nécessairement référence aux droits de la Requérante, en l’utilisant, le Défendeur tente sciemment d’attirer, notamment à des fins lucratives, les utilisateurs de l’Internet sur un site web lui appartenant, en créant une confusion avec les marques de la Requérante en ce qui concerne la source, le commanditaire, l’affiliation ou l’approbation du site ou de l’espace web litigieux.

B. Défendeur

Dans son courrier électronique du 24 décembre 2019 envoyé à la Requérante, le Défendeur a avoué qu’il ne connaissait ni la Requérante ni sa marque VENTE-PRIVEE.

6. Discussion et conclusions

6.1. Langue de la procédure

Le paragraphe 11(a) des Règles d’application prévoit que, sauf convention contraire entre les parties, la langue de la procédure est la langue du contrat d’enregistrement. Toutefois, la Commission administrative peut décider qu’il en sera autrement, compte tenu des circonstances de la procédure administrative. En l’espèce, l’Unité d’enregistrement a informé le Centre que la langue du contrat d’enregistrement du nom de domaine litigieux est le chinois.

La Requérante a déposé la plainte et l’amendement à la plainte en français et demande que la procédure se déroule dans cette même langue ou à tout le moins que la plainte soit déclarée recevable, telle que déposée, en langue française. Sa demande est motivée par les arguments suivants: 1) la Requérante ne maîtrise pas le chinois; 2) le nom de domaine litigieux redirige vers une page parking dont les liens sont quasiment tous rédigés en français et pointent vers des sites web de concurrents de la Requérante, également rédigés en français. Il est donc probable que le Défendeur a sciemment choisi de viser le public français. Il est ainsi vraisemblable que la langue française est familière au Défendeur; et 3) le Défendeur a utilisé un adresse email associée à l’enregistrement de nombreux noms de domaine dont certains reproduisent avec des fautes de frappe (c’est-à-dire ils “typosquattent”) des marques présentant des liens avec la France et/ou la langue française.

Le Défendeur a demandé une version chinoise de la plainte.

Les paragraphes 10(b) et (c) des Règles d’application disposent que la Commission administrative doit veiller à ce que les parties soient traitées de façon égale, à ce que chacune ait une possibilité équitable de faire valoir ses arguments, et à ce que la procédure soit conduite avec célérité. Selon une jurisprudence constante, le choix de la langue de la procédure ne doit pas créer une charge excessive pour les parties. Voir, par exemple, Solvay S.A. c. Hyun-Jun Shin, Litige OMPI No. D2006-0593; Whirlpool Corporation, Whirlpool Properties, Inc. c. Hui’erpu (HK) electrical appliance co. ltd., Litige OMPI No. D2008-0293.

La Commission administrative remarque que la plainte et la plainte amendée ont été déposées en français. Le Défendeur utilise un adresse email qui est associée à l’enregistrement de nombreux noms de domaine qui reproduisent avec des fautes de frappe des marques françaises ou des noms de domaine qui conduisent à des sites rédigés en français, dont notamment ACCOR, PARIS MATCH et DES JARDINS. Il y a tout lieu de penser que le Défendeur comprend le français. La Commission administrative estime qu’exiger la traduction de la plainte et l’amendement de la plainte en langue chinoise créerait une charge excessive pour la Requérante et un délai injustifié dans la procédure. Par contre, accepter les communications de chacune des Parties dans sa version originale et rédiger cette Décision en français est équitable pour les deux Parties.

Compte tenu de toutes ces circonstances, selon le paragraphe 11(a) des Règles d’application la Commission administrative décide que la langue de cette procédure est le français. Toutefois, elle aurait accepté une Réponse formelle en chinois sans traduction mais aucune réponse n’a été déposée par le Défendeur en dehors de sa communication informelle du 28 décembre 2019. Quant à son courrier électronique du 24 décembre 2019 envoyé à la Requérante, il était en anglais et français.

6.2. Quant au fond

Conformément au paragraphe 4(a) des Principes directeurs, la Commission administrative doit déterminer si sont réunies les trois conditions posées par celui-ci, à savoir:

i) si le nom de domaine est identique à une marque de produit ou de service sur laquelle la Requérante a des droits, ou suffisamment proche pour engendrer la confusion; et

ii) si le Défendeur n’a pas un droit ou un intérêt légitime à l’utilisation du nom de domaine; et

iii) si le Défendeur a enregistré et utilise le nom de domaine de mauvaise foi.

En outre, il revient à la Requérante d’apporter la preuve que les trois conditions précédemment énoncées sont cumulativement réunies.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Au vu des éléments de preuve présentés, il est établi que la Requérante est titulaire de la marque VEEPEE.

La Commission administrative constate que le nom de domaine litigieux reprend presque intégralement la marque VEEPEE. La substitution d’une lettre “O” pour la lettre “P” dans la marque est insuffisante pour écarter tout risque de confusion. Cette modification est constitutive de “typosquatting” qui se fonde sur l’enregistrement de noms de domaine qui contiennent des erreurs, comme des fautes d’orthographe, faites par les internautes quand ils saisissent l’adresse d’un site dans un navigateur Internet. Néanmoins, le nom de domaine litigieux contient suffisamment d’éléments de la marque pour qu’elle reste reconnaissable. Voir la Synthèse des avis des commissions administratives de l’OMPI sur certaines questions relatives aux principes UDRP, troisième édition (“ Synthèse, version 3.0”), section 1.9.

La Commission administrative estime que l’ajout de l’extension générique de premier niveau “.com” au nom de domaine litigieux ne constitue pas un élément de nature à éviter une similitude pouvant prêter à confusion aux fins des Principes directeurs. Voir la Synthèse, version 3.0, section 1.11.

Par conséquent, la Commission administrative considère que la première condition posée par le paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs est remplie.

B. Droits ou intérêts légitimes

Le paragraphe 4(c) des Principes directeurs dispose que la preuve des droits du défendeur sur le nom de domaine litigieux ou de son intérêt légitime qui s’y attache aux fins du paragraphe 4(a)(ii) peut être constituée, en particulier, par l’une des circonstances ci-après:

“i) avant d’avoir eu connaissance du litige, [le défendeur a] utilisé le nom de domaine ou un nom correspondant au nom de domaine en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services, ou fait des préparatifs sérieux à cet effet;

ii) [le défendeur est] connu sous le nom de domaine considéré, même sans avoir acquis de droits sur une marque de produits ou de services; ou

iii) [le défendeur fait] un usage non commercial légitime ou un usage loyal du nom de domaine sans intention de détourner à des fins lucratives les consommateurs en créant une confusion ni de ternir la marque de produits ou de services en cause.”

En ce qui concerne les première et troisième circonstances énoncées ci-dessus, le Défendeur utilise le nom de domaine litigieux en relation avec un site de stationnement qui affiche des liens hypertextes qui renvoient les internautes à des sites des concurrents de la Requérante. La réservation et l’exploitation du nom de domaine litigieux a l’objectif de profiter des éventuelles fautes de frappe des internautes pour les attirer sur ce site de stationnement et les renvoyer vers des sites de concurrents de la Requérante. Selon toute vraisemblance, les liens hypertextes génèrent des revenus pour le Défendeur ou pour les opérateurs des sites auxquels les liens renvoient les internautes, ou pour les deux. Vu l’ensemble de ces circonstances, la Commission administrative ne considère pas que l’utilisation du nom de domaine litigieux soit en relation avec une offre de bonne foi conforme au paragraphe 4(c)(i) des Principes directeurs. Voir Express Scripts, Inc. c. Windgather Investments Ltd. / Mr. Cartwright, Litige OMPI No. D2007-0267. D’ailleurs, la Commission administrative considère que cette utilisation du nom de domaine litigieux est non plus un usage non commercial légitime ou un usage loyal conforme au paragraphe 4(c)(iii).

En ce qui concerne la deuxième circonstance énoncée ci-dessus, le nom du Défendeur est 李厚昌 (Li Hou Chang). Rien dans le dossier indique qu’il soit connu sous le nom de domaine litigieux conforme au paragraphe 4(c)(ii).

En résumé, la Commission administrative considère que la Requérante a établi une preuve prima facie que le Défendeur n'a pas un droit ou un intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux. Le Défendeur n'a pas réfuté cette preuve prima facie parce qu'il n'a pas allégué un tel droit ou intérêt légitime.

Par conséquent, la Commission administrative considère que la deuxième condition posée par le paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs est remplie.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Le paragraphe 4(b) des Principes directeurs dispose que la preuve de ce que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi peut être constituée aux fins du paragraphe 4(a)(iii), en particulier, dans certains cas de figure, dont le premier et le quatrième sont les suivants :

“i) les faits montrent que [le défendeur a] enregistré ou acquis le nom de domaine essentiellement aux fins de vendre, de louer ou de céder d’une autre manière l’enregistrement de ce nom de domaine au requérant qui est le propriétaire de la marque de produits ou de services, ou à un concurrent de celui-ci, à titre onéreux et pour un prix excédant le montant des frais que [le défendeur peut] prouver avoir déboursé en rapport direct avec ce nom de domaine;

(iv) en utilisant ce nom de domaine, [le défendeur a] sciemment tenté d’attirer, à des fins lucratives, les utilisateurs de l’Internet sur un site Web ou autre espace en ligne [lui] appartenant, en créant une probabilité de confusion avec la marque du requérant en ce qui concerne la source, le commanditaire, l’affiliation ou l’approbation de [son] site ou espace Web ou d’un produit ou service qui y est proposé.”

L’Unité d’enregistrement a confirmé que le Défendeur a acquis le nom de domaine litigieux le 12 juillet 2019, ce qui est postérieur au dépôt et à l’enregistrement de la marque VEEPEE de la Requérante et postérieur aussi à la couverture médiatique an niveau international du "rebranding" des activités de la Requérante.

Malgré la déclaration du Défendeur qu’il ne connaissait pas la Requérante, le nom de domaine litigieux n’a aucune signification si ce n’est l’évocation presque complète, à l’exception d’une lettre substituée, de la marque VEEPEE de la Requérante. Les seules différences sont la substitution d’une lettre “O” pour la lettre “P” et l’ajout de l’extension générique de premier niveau. Par conséquent, le nom de domaine litigieux est quasi-identique au nom de domaine associé au site officiel de la Requérante, ce qui constitue une situation de “typosquatting”. La Commission administrative constate que le Défendeur est coutumier de cette pratique. Voir, par exemple, Accor c. Li Hou Chang (litige cité dans la section 4 ci-dessus) concernant les noms de domaine <accorhotrls.com> et <accorhptels.com> qui visaient la marque ACCORHOTELS, et Chewy, Inc. c. Li Hou Chang (litige cité dans la section 4 ci-dessus) concernant le nom de domaine <chwy.com> qui visait la marque CHEWY. Les lettres “O” et “P” se côtoient dans les claviers QWERTY et AZERTY, ce qui rend d’autant plus plausible l’hypothèse d’une faute de frappe lors de la saisie du nom de domaine de la Requérante. Dans le cas où un internaute saisit accidentellement le nom de domaine associé au site web officiel de la Requérante, il sera conduit vers le site détenu par le Défendeur vers lequel le nom de domaine litigieux conduit. Il est généralement admis que la pratique du “typosquatting” constitue en elle‑même un indice d’enregistrement de mauvaise foi. Voir, par exemple, AltaVista Company c. Saeid Yomtobian, Litige OMPI No. D2000-0937; Vente-privee.com, Vente-privee.com IP S.à.r.l. c. Contact Privacy Inc. Customer 0145729438 / Milen Radumilo, Litige OMPI No. D2017-1918.

Selon toute vraisemblance, les liens hypertextes affichés sur le site détenu par le Défendeur génèrent des revenus pour lui ou pour les opérateurs des sites auxquels les liens renvoient les internautes, ou pour les deux. En tout état de cause, l’utilisation du nom de domaine serait à des fins lucratives. Voir Express Scripts, Inc. c. Windgather Investments Ltd. / Mr. Cartwright, Litige OMPI No. D2007-0267. Vu l’ensemble des circonstances, la Commission administrative considère qu’en utilisant le nom de domaine litigieux, le Défendeur a sciemment tenté d’attirer, à des fins lucratives, les utilisateurs de l’Internet sur son site, en créant une probabilité de confusion avec la marque de la Requérante en ce qui concerne la source, le commanditaire, l’affiliation ou l’approbation de son site ou d’un produit ou service qui y est proposé, conforme au paragraphe 4(b)(iv).

D’ailleurs, tout de suite après le dépôt de la plainte, le Défendeur a proposé un transfert du nom de domaine litigieux vers la Requérante pour EUR 800, une somme qui excéderait le montant des frais d’enregistrement, de renouvellement et de stationnement de ce nom de domaine. La Commission administrative estime alors que le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux essentiellement aux fins de vendre son enregistrement à la Requérante ou à un concurrent de celle-ci, à titre onéreux et pour un prix excédant le montant des frais que le Défendeur peut prouver avoir déboursé en rapport direct avec ce nom de domaine conforme au paragraphe 4(b)(i).

Par conséquent, la Commission administrative considère que la troisième condition posée par le paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs est remplie.

7. Décision

Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <veeoee.com> soit transféré à la Requérante.

Matthew Kennedy
Expert Unique
Le 23 février 2020