WIPO

Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

DJ Soirée contre SARL DJ Events et SARL GN Multimedia, Arafa Mehdi

Litige n° D2010-0487

1. Les parties

Le Requérant est DJ Soirée, Neuilly-sur-Marne, France, représenté par F. F., France.

Les Défendeurs sont :

- SARL GN Multimedia, Arafa Mehdi, Grenoble, France représenté par Maitre François-Xavier Liber Magnan, France, (ci-après Défendeur 1);

- SARL DJ Events, Petit Arnaud, Nogent-sur-Marne, France (ci-après Défendeur 2).

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <dj-soiree.com>.

L’unité d’enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est Gandi SAS.

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par DJ Soirée auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) le 31 mars 2010.

En date du 31 mars 2010, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux, Gandi SARL, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 31 mars 2010, l’unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre, révélant l’identité du titulaire du nom de domaine concerné et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte. Le 9 avril 2010, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant avec les données relatives au titulaire du nom de domaine concerné telles que communiquées par l’unité d’enregistrement et invitant le Requérant à soumettre un amendement à la plainte. Le Requérant a déposé un amendement à sa plainte le 13 avril 2010 distinguant deux défendeurs, GN Multimédia, Arafa Mehdi (Défendeur 1) et la société DJ Events (Défendeur 2).

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 15 avril 2010, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée aux Défendeurs. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 5 mai. À la demande du Défendeur 1, le délai pour faire parvenir la réponse a été reporté au 12 mai 2010. Le Défendeur 1 a fait parvenir sa réponse le 10 mai 2010. Le Défendeur 2 n’a pas adressé de réponse.

En date du 26 mai 2010, le Centre nommait dans le présent litige comme expert unique Christiane Féral-Schuhl. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

4. Les faits

Le Requérant, la société DJ Soirée représentée par Monsieur F. F., exerce une activité récréative et de loisirs, essentiellement dans la commercialisation de prestation de services de disc jockey.

Le Requérant est titulaire :

- de la marque française DJ SOIREE n°3636579 déposée le 15 mars 2009 et enregistrée en classe 35, 38 et 41,

- des noms de domaine <djsoiree.fr> et <djsoiree.com>, déposés le 25 juin 2008.

Le Requérant exploite de façon effective les sites “www.djsoiree.com” et “www.djsoiree.fr” (les deux sites ayant un contenu parfaitement identique).

Le Défendeur 1 est une société spécialisée dans la création, le référencement et l’exploitation commerciale de sites Internet. Elle a pour gérant Monsieur Arafa Mehdi.

Le Défendeur 1 a déposé le nom de domaine <dj-soiree.com> le 12 avril 2009.

Ce nom de domaine pointe vers un site intitulé “DJ Events” (nom commercial du Défendeur 2) qui ne contient qu’un contenu très général présentant la fonction et les modalités d’intervention d’un disc-jockey. Toutefois, le site comporte également :

- le logo de DJ Events (Défendeur 2);

- un formulaire pour entrer en contact avec les internautes consultant le site;

- un lien vers le site de GN Multimédia (le Défendeur 1) “Création site internet”;

- des liens publicitaires (“Rencontre”, “Soirée entreprise”);

- une mention de copyright (“Copyright ©2009-2010 DJ Soiree”).

C’est dans ces conditions que le Centre a été saisi du présent litige.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le Requérant rappelle qu’il a adressé, le 24 décembre 2009, une mise en demeure au Défendeur 1 pour exiger le transfert du nom de domaine litigieux.

Le Requérant soutient que les marques et les noms de domaine dont il justifie être titulaire jouissent d’une notoriété. Il explique cette notoriété par les investissements réalisés en matière de publicité et de marketing. Il illustre cette notoriété par le bon référencement de son site sur le moteur de recherche Google.

Le Requérant fait valoir que le nom de domaine litigieux reproduit à l’identique la marque dont il est titulaire et la dénomination sociale de son entreprise. Il ajoute à cet égard que l’adjonction d’un tiret entre les deux termes “dj” et “soiree” n’est pas de nature à écarter le risque de confusion.

Le Requérant fait valoir que le gérant du Défendeur 1 a déposé le nom de domaine litigieux pour l’un de ses clients, la société DJ Events (Défendeur 2) qui a pour activité de proposer des prestations de disc-jockey. Le Requérant soutient que l’enregistrement et l’exploitation des noms de domaine litigieux sont constitutifs de contrefaçon de marque d’une part et de typosquatting d’autre part.

Le Requérant fait valoir que la présence de la mention “Copyright ©2009-2010 DJ Soiree ” sur le site litigieux est de nature à susciter la confusion des internautes avec la marque dont le Requérant est titulaire. Le Requérant en déduit la volonté des Défendeurs de détourner, à des fins lucratives, les internautes vers le site de la société DJ Events, et ceci au préjudice du Requérant.

Le Requérant précise que la société DJ Events exerce une activité concurrente à la sienne et dans le même secteur géographique. Le Requérant ajoute que les Défendeurs ne peuvent ignorer l’existence du Requérant puisqu’ils ont été indirectement liés par un contrat en date du 31 décembre 2009.

Le Requérant soutient que les Défendeurs ne bénéficient d’aucune notoriété sous la dénomination de “dj-soiree” et qu’ils ne sont titulaires d’aucune marque comportant la combinaison des termes “dj” et “soiree”.

Le Requérant estime enfin que l’enregistrement et l’exploitation du nom de domaine litigieux en y faisant figurer une mention de copyright laissant croire que le site serait lié aux marques du Requérant démontre la mauvaise foi des Défendeurs.

En conséquence, le Requérant sollicite une mesure de transfert du nom de domaine litigieux à son profit.

B. Défendeurs

Le Défendeur 1 fait valoir que le Requérant reproche à la société GN Multimedia d’avoir procédé à la réservation du nom de domaine litigieux alors que celui-ci a été enregistré par Monsieur Mehdi Arafa et non par la société GN Multimedia. Il en déduit que le Requérant devra réitérer les démarches effectuées auprès du Centre en y faisant figurer les bonnes mentions relatives au Défendeur.

Le Défendeur 1 fait valoir que le Requérant ne peut se prévaloir de sa marque compte tenu du défaut de distinctivité de ladite marque. Le Défendeur 1 communique à cet égard plusieurs décisions de juridictions françaises pour illustrer ses propos.

Le Défendeur 1 fait valoir que les termes “dj” et “soiree” sont les mots les plus employés dans le domaine d’activité concerné, à savoir l’organisation d’évènements festifs.

Le Défendeur 1 conteste avoir procédé à du typosquatting et affirme que les conditions de réalisation de l’infraction ne sont pas réunies en l’espèce puisque :

- le Requérant ne démontrerait pas la notoriété de sa marque ni le fait que les internautes associerait le nom de domaine litigieux à la marque dont il est titulaire;

- Le risque de confusion entre les marques et noms de domaines du Requérant et le nom de domaine litigieux doit être écarté lorsque les termes utilisés sont communs ou nécessaires;

- La volonté du Défendeur 1 de créer une confusion ne serait absolument pas démontrée puisque l’intitulé, les codes couleurs et la mise en page du site vers lequel pointe le nom de domaine litigieux écarteraient tout risque de confusion.

En conséquence, le Défendeur 1 s’oppose à toute mesure de transfert du nom de domaine litigieux au profit du Requérant.

Le Défendeur 2 n’a pas adressé de réponse au Centre.

6. Discussion et conclusions

La Commission administrative constate que le Requérant invoque un enregistrement et une utilisation du nom de domaine litigieux par les Défendeurs en violation de ses droits et sollicite, en conséquence, le transfert à son profit du nom de domaine litigieux.

Le paragraphe 15(a) des Règles d’application prévoit que “la Commission statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément aux Principes directeurs, aux présentes Règles et à tout Principe ou Règle de droit qu’elle juge applicable”.

Au demeurant, le paragraphe 4(a) des Principes directeurs impose au Requérant de prouver contre les Défendeurs cumulativement que :

(i) le nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produit ou de service sur laquelle le Requérant a des droits;

(ii) les Défendeurs n’ont aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y rattache;

(iii) le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi par les Défendeurs.

En conséquence, il y a lieu de s’attacher à vérifier que chacune de ces conditions est bien remplie par le Requérant.

À titre liminaire, la Commission administrative prend note de l’argument développé par le Défendeur 1 aux termes duquel la société GN Multimedia ne serait pas titulaire du nom de domaine litigieux puisque ce dernier aurait été déposé par Monsieur Mehdi Arafa. La Commission administrative estime néanmoins, à l’analyse des informations contenues dans la plainte amendée, que Monsieur Mehdi Arafa figure également comme Défendeur à la présente procédure. De plus, le WhoIs du site litigieux, porte à croire que différents éléments rattachent le nom de domaine litigieux à la société GN Multimédia dont Monsieur Mehdi Arafa est le gérant. Ainsi, l’adresse du titulaire du nom de domaine est le siège de la société GN Multimédia, l’adresse courriel du titulaire est l’adresse professionnelle de Monsieur Mehdi Arafa et les contacts techniques et administratifs visent la société GN Multimédia.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

La Commission administrative constate que le nom de domaine litigieux a été enregistré le 12 avril 2009 par le Défendeur 1 et qu’il constitue la reproduction quasi-identique du nom commercial ainsi que de la marque et du nom de domaine que le Requérant avait déposés et enregistrés préalablement, respectivement en juin 2008 et mars 2009.

En effet, il existe incontestablement une similarité entre le nom de domaine litigieux qui comporte les termes “dj” et “soiree” qui composent la marque et le nom commercial du Requérant et qui en constituent les deux éléments essentiels. La Commission administrative rappelle que l’extension “.fr” ou “.com” est sans incidence sur l’identité ou la similitude des signes en présence (voir par exemple 3 Suisses International contre Nguyet-T-T Dang, Litige OMPI No. DFR2009-0026). Il en va de même de l’ajout d’un tiret entre les deux éléments essentiels de ladite marque (voir par exemple InfoSpace.com, Inc. v. Tenenbaum Ofer, Litige OMPI No. D2000-0075).

Le Requérant justifie être titulaire de la marque française DJ SOIREE. La Commission administrative prend note de l’argument du Défendeur 1 aux termes duquel cette marque ne remplirait pas la condition de distinctivité puisqu’elle ne serait composée que de dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service. Toutefois, la Commission administrative estime que dans l’affaire qui lui est soumise, il n’est ni nécessaire ni dans sa mission de se prononcer sur la validité de l’enregistrement de marque effectué par l’INPI en 2008. En revanche, il est de la mission de la Commission administrative de vérifier que le Requérant dispose bien de droits sur la marque DJ SOIREE et de procéder à une comparaison de cette marque avec le nom de domaine litigieux tel que déposé par le Défendeur 1. En l’espèce, la Commission administrative estime que le Requérant justifie de droits de marque et que la comparaison conduit à constater la similitude entre la marque et le nom commercial du Requérant d’une part et le nom de domaine litigieux d’autre part.

Pour ces raisons, la Commission administrative considère que la première condition du paragraphe 4(a) des Principes directeurs est remplie.

B. Droits ou légitimes intérêts

En application du dernier alinéa du paragraphe 4(a) des Principes directeurs, c’est au Requérant qu’il incombe de rapporter la preuve que les Défendeurs ne disposent d’aucun droit sur le nom de domaine ni d’aucun intérêt légitime s’y rattachant.

Toutefois, comme la Commission administrative a eu l’occasion de le rappeler dans de nombreux précédents litiges et notamment le litige Les Editions Neressis contre Corail Jeans David Bitton, Litige OMPI No. D2009-0423, il est admis, compte tenu de la difficulté qu’il peut y avoir à prouver un fait négatif, que le Requérant doit seulement établir que les Défendeurs n’ont, à première vue (“prima facie”) pas de droit ni d’intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux, les Défendeurs devant ensuite établir en quoi ils seraient au contraire bien titulaires d’un tel droit ou intérêt.

En l’espèce, la Commission administrative rappelle que le Requérant a pour sa part apporté des arguments à l’appui de sa prétention selon laquelle les Défendeurs ne justifiaient d’aucun droit ni intérêt légitime attaché au nom de domaine litigieux.

La Commission administrative constate également que le Défendeur 2 est défaillant et que le Défendeur 1 ne prétend pas être titulaire de droits sur l’expression “dj-soiree” et qu’il ne démontre pas en quoi il détiendrait un intérêt légitime à exploiter le nom de domaine litigieux. En effet, le Défendeur 1 n’a fondé son argumentaire que sur la non-validité de la marque du Requérant. Or la Commission administrative rappelle qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur le caractère distinctif ou non de la marque dans le cadre de la présente procédure, seul un tribunal pouvant se prononcer sur cette question.

La Commission administrative constate ainsi, au vu des arguments présentés, que ni le Défendeur 1 ni le Défendeur 2 n’ont apporté la preuve de l’existence d’un quelconque droit qu’ils pourraient avoir sur le nom de domaine, ni d’un quelconque intérêt qui s’y attacherait.

En conséquence, la Commission administrative considère que le second critère posé au paragraphe 4(a) des Principes directeurs est rempli.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

La Commission administrative estime que le Défendeur 2 (pour lequel le nom de domaine a été enregistré par le Défendeur 1) dont le logo figure sur le site litigieux et qui semble en être l’exploitant effectif, ne pouvait ignorer l’existence du Requérant qui est un concurrent direct, au surplus sur le même secteur géographique.

Or, pour proposer un site reprenant des informations d’ordre général sur l’activité de disc-jockey, d’autres associations de termes se rapportant à cette activité auraient pu être utilisées. Les Défendeurs semblent ainsi avoir opéré une utilisation opportune d’un nom de domaine qui apparaissait disponible et reprenant le nom commercial et la marque d’un concurrent direct.

La Commission administrative rappelle en outre qu’il appartenait au Défendeur 1 de s’assurer de l’absence de droits de tiers sur cette expression préalablement à l’enregistrement du nom de domaine litigieux.

La Commission administrative considère en conséquence que le nom de domaine litigieux a été enregistré de mauvaise foi.

La Commission administrative estime que cette mauvaise foi est d’ailleurs confirmée par l’usage qui est faite du nom de domaine litigieux. La Commission administrative considère en effet que la présence d’une mention “Copyright ©2009-2010 DJ Soiree” atteste à la fois de la connaissance de la marque du Requérant et de la volonté de créer une confusion pour les internautes et cela au détriment du Requérant.

La Commission administrative constate en outre que le Défendeur 1 ne peut bénéficier des exceptions définies au paragraphe 4(c)(iii) des Principes directeurs, à savoir :

- “un usage non commercial légitime” puisque la réservation du nom de domaine litigieux pour un concurrent direct du Requérant, s’adressant à une clientèle similaire tant au regard de la nature des services proposés que de leur localisation géographique et la présence de liens publicitaires sur le site sur lequel pointe le nom de domaine litigieux exclut une telle utilisation;

- “un usage loyal du nom de domaine sans intention de détourner à des fins lucratives les consommateurs en créant une confusion ni de ternir la marque de produits ou de services en cause” puisque la présence de la mention “Copyright ©2009-2010 DJ Soiree” exclut un usage loyal et crée au contraire un risque de confusion en créant une illusion de lien entre le nom de domaine litigieux et le Requérant.

Dès lors, la Commission administrative considère que l’enregistrement et l’usage du nom de domaine litigieux ont été faits de mauvaise foi et, en conséquence, que le troisième et dernier critère posé au paragraphe 4(a) des Principes directeurs est rempli.

7. Décision

Au regard des éléments développés ci-dessus et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne le transfert du nom de domaine <dj-soiree.com> au profit du Requérant.


Christiane Féral-Schuhl
Expert Unique

Le 9 juin 2010