Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Concierge Service SAS contre World Travel Tour SL

Litige No. D2021-1403

1. Les parties

La Requérante est Concierge Service SAS, France, représentée à l’interne.

La Défenderesse est World Travel Tour SL, Espagne.

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le nom de domaine litigieux <wttbyjohnpaul.com> est enregistré auprès de LiquidNet Ltd (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée en français par la Requérante auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 5 mai 2021. Le 6 mai 2021, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par la Requérante. Le même jour, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant l’identité du titulaire du nom de domaine litigieux et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte. Le 7 mai 2021, le Centre a envoyé un courrier électronique à la Requérante avec les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux telles que communiquées par l’Unité d’enregistrement et invitant la Requérante à soumettre une plainte amendée. Le même jour, le Centre a envoyé une autre communication par email en français et en anglais aux parties concernant la langue de la procédure. Le 11 mai 2021, la Requérante a déposé une plainte amendée incluant également ses arguments pour que la présente procédure soit diligentée en français. La Défenderesse n'a pas soumis de commentaires.

Le Centre a vérifié que la plainte et la plainte amendée répondent bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 18 mai 2021, une notification de la plainte amendée valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée en français et en anglais à la Défenderesse. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 7 juin 2021. La Défenderesse n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 8 juin 2021, le Centre a notifié le défaut la Défenderesse.

En date du 14 juin 2021, le Centre a nommé Matthew Kennedy comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

4. Les faits

La Requérante est une société française dont le nom commercial est “John Paul”, qui délivre des services de conciergerie auprès d’une clientèle d’entreprises et de particuliers. La Requérante est titulaire des marques suivantes :

- la marque internationale verbale JOHN PAUL enregistrée le 24 septembre 2008 sous n° 988283, sous priorité de la marque française n° 08 3 564 572 du 29 août 2008, désignant plusieurs juridictions dont l’Espagne et le Maroc, pour identifier des services dans les classes 35, 39 et 41; et

- une marque internationale semi-figurative JOHN PAUL enregistrée le 31 octobre 2013 sous n° 1190448, sous priorité de la marque française n° 13 4 021 908 du 23 juillet 2013, désignant plusieurs juridictions dont l’Espagne et le Maroc, pour identifier des services dans les classes 35, 39, 41 et 43.

Ces enregistrements sont en vigueur. La Requérante a aussi enregistré le nom de domaine <johnpaul.com> qu’elle utilise avec un site Internet en français et en anglais sur lequel elle présente ses prestations.

La Défenderesse est une société espagnole qui exploite une agence de voyage et exerce son activité sur le territoire marocain. Son logo montre son nom et son sigle “WTT”. Elle a enregistré le nom de domaine <worldtraveltourvip.com> qu’elle utilise avec un site Internet en français sur lequel elle présente ses prestations.

La Commission administrative a consigné la chronologie des faits de cette affaire de la manière suivante.

Les Parties ont signé un Contrat-Cadre de Prestations de Services à Marrakech (Maroc) le 7 octobre 2013 (le “Contrat-Cadre”). Le Contrat-Cadre était exploité sous la forme d’un co-branding pour lequel les Parties avaient créé un logo “WTT By John Paul” composé des logos respectifs des Parties, reliés par le mot anglais “By”. Les Parties se sont engagés à n’utiliser ce logo composite ainsi que leurs noms, uniquement dans le cadre de ce contrat et dans les conditions qui y étaient stipulées. Le Contrat-Cadre disposait qu’en aucun cas, il ne donnait un droit d’exploitation des marques des Parties en dehors de ce co-branding (voir le Contrat-Cadre, annexe technique et financière no. 1, clause A). La Requérante limitait l’accès au service à la base de Membres fournie par la Défenderesse ; les demandes des Membres étaient traitées dans le cadre des Conditions Générales d’Utilisation du service de conciergerie de la Requérante (voir le Contrat-Cadre, annexe technique et financière n° 1, clause C ; les conditions générales elles-mêmes figuraient dans l’annexe n° 1bis). Le Contrat-Cadre stipulait qu’il restait en vigueur pendant un an et serait reconduite par tacite reconduction pour des périodes d’un an, tout en précisant que “l’expiration ou la résiliation du présent accord n’entraîne pas la résiliation des prestations en cours, qui continuent jusqu’à l’expiration de leur terme contractuel”. (Contrat-Cadre, article 5).

Le nom de domaine litigieux a été enregistré le 14 août 2018.

La Requérante a notifié sa dénonciation du Contrat-Cadre avec effet à compter du 1er octobre 2019. Dans sa notification, la Requérante s’est engagée à délivrer des prestations de conciergerie aux Membres jusqu’à la fin de leurs abonnements à savoir, selon elle, à compter un an à partir de l’adhésion par chaque Membre. En été 2020, deux Membres ont envoyé des demandes à la Requérante, qui les a fait suivre à la Demanderesse le 2 juillet 2020 et le 4 septembre 2020, respectivement, à chaque fois mettant celle-ci en demeure de cesser toute utilisation de la marque JOHN PAUL, et notamment de cesser d’utiliser “WTT by John Paul” et le logo composite, particulièrement sur le site principal de la Défenderesse associé au nom de domaine <worldtraveltourvip.com>.

La Défenderesse a répondu par courriel daté du 4 septembre 2020. Même si le Contrat-Cadre entre les Parties était caduc depuis le 2 octobre 2019, elle soutenait que les obligations dues aux Membres demeuraient valables jusqu’à l’expiration de leur terme contractuel, comme indiqué dans les conditions générales et conformément à l’article 5 du Contrat-Cadre. Par “terme contractuel” des prestations en cours, la Défenderesse comprenait le terme des abonnements. Elle alléguait qu'un certain nombre de Membres “WTT by John Paul” avaient souscrit et réglé des abonnements qui venaient à expiration en 2025. Pour la Défenderesse il n’était pas question de suspendre les opérations de conciergerie pour les Membres “WTT by John Paul”, sauf pour la Requérante à se mettre en contravention délibérée avec les termes du Contrat-Cadre et des conditions générales. La Défenderesse avait alors décidé d'assurer les prestations de Conciergerie “WTT by John Paul” jusqu’à l’expiration des abonnements souscrits.

Selon un constat d’huissier fourni par la Requérante, le 5 octobre 2020 le nom de domaine litigieux conduisait à un site Internet en français qui présentait le logo de la Défenderesse et les prestations d’un service de conciergerie “WTT by John Paul”. Le nom de la Défenderesse était suivi des mots “Agence de Voyage à la carte et Conciergerie Privé by John Paul”. Le site comprenait plusieurs onglets, dont un qui donnait accès aux Membres. De même, la Défenderesse exploitait une page Facebook intitulée “WTT by John Paul” qui renvoyait vers son site Internet. Le 20 janvier 2021, le conseil juridique de la Requérante a envoyé une mise en demeure à la Défenderesse à l’égard du site associé au nom de domaine litigieux, après laquelle la Requérante a pu constater la suppression sur ce site des références visibles à son nom et à sa marque. Etant donné que la Défenderesse détenait toujours le nom de domaine litigieux, le conseil juridique de la Requérante lui a envoyé une autre mise en demeure en date du 26 mars 2021.

A la date de la présente Décision, le nom de domaine litigieux ne conduit à aucun site actif, la Défenderesse en faisant un usage passif.

La Commission administrative n’a reçu aucun avis d’une procédure judiciaire engagée concernant le nom de domaine litigieux.

5. Argumentation des parties

A. Requérante

Le nom de domaine litigieux est semblable à la marque JOHN PAUL de la Requérante et au point de prêter à confusion. En effet, le nom de domaine litigieux reprend l’intégralité de cette marque.

La Défenderesse ne détient aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache. En effet, le contrat qui reliait les Parties stipulait que le logo WTT by JOHN PAUL devait être exclusivement utilisé dans le cadre du contrat et qu’“en aucun cas le présent contrat ne donne un droit d’exploitation des marques des sociétés en dehors de ce co-branding”. Par ailleurs, le contrat n’autorisait pas une utilisation de la marque de la Requérante à titre de nom de domaine et ce, même en reliant la marque de la Requérante à celle de la Défenderesse. Ce contrat a été dénoncé avec effet au 1er octobre 2019, entraînant la fin de tout droit d’exploitation par chaque partie de la marque de l’autre partie, et excluant l’existence d’un droit ou d’un intérêt actuel.

Le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi. La Défenderesse a sciemment tenté d'attirer, à des fins lucratives, les utilisateurs de l'Internet sur un site Web ou un autre espace en ligne lui appartenant, en créant une confusion avec la marque de la Requérante en ce qui concerne la source, le commanditaire, l'affiliation ou l'approbation du site ou espace web du détenteur ou d'un produit ou d'un service qui y est proposé. Par ailleurs, le nom de domaine litigieux renvoyait vers une page Internet gérée par la Défenderesse, qui reprenait des services similaires à ceux proposés par la Requérante, utilisant ainsi de mauvaise foi, sans aucun droit ni titre, en violation délibérée de la réglementation applicable, la marque de la Requérante. L’absence d’utilisation actuelle du nom de domaine litigieux, renvoyant à une page blanche, n’est pas suffisant pour écarter la mauvaise foi de la Défenderesse.

La Requérante demande que le nom de domaine litigieux soit radié.

B. Défenderesse

La Défenderesse n’a pas répondu dans le cadre de la présente procédure aux arguments de la Requérante. Toutefois, dans un courriel envoyé à la Requérante avant l’ouverture de cette procédure, la Défenderesse a présenté des arguments, qui sont repris dans la section 4 de la présente Décision.

6. Discussion et conclusions

6.1. Langue de la procédure

Le paragraphe 11(a) des Règles d’application prévoit que, “sauf convention contraire entre les parties, la langue de la procédure est la langue du contrat d’enregistrement ; toutefois, la Commission administrative peut décider qu’il en sera autrement, compte tenu des circonstances de la procédure administrative”. En l’espèce, l’Unité d’enregistrement a informé le Centre que la langue du contrat d’enregistrement était l’anglais.

La Requérante a déposé la plainte amendée en français et demande que la procédure se déroule dans cette même langue. A l’appui de sa demande, la Requérante fournit les éléments suivants : (i) le contrat de prestation de services qui reliait la Requérante et la Défenderesse, rédigé en français; et (ii) les échanges par écrit en français entre la Requérante et un représentant de la Défenderesse.

Les paragraphes 10(b) et (c) des Règles d’application disposent que la Commission administrative doit veiller à ce que les parties soient traitées de façon égale, à ce que chacune ait une possibilité équitable de faire valoir ses arguments, et à ce que la procédure soit conduite avec célérité. Selon une jurisprudence constante, le choix de la langue de la procédure ne doit pas créer une charge excessive pour les parties. Voir, par exemple, Solvay S.A. c. Hyun-Jun Shin, Litige OMPI No. D2006-0593; Whirlpool Corporation, Whirlpool Properties, Inc. c. Hui’erpu (HK) electrical appliance co. ltd., Litige OMPI No. D2008-0293.

La Commission administrative remarque que la plainte amendée a été déposée en français. Le site auquel le nom de domaine litigieux conduisait était rédigé en français aussi. Des éléments de preuve fournis par la Requérante, à savoir le Contrat-Cadre et la correspondance échangée entre les Parties, il ressort que la Défenderesse maîtrise la langue française. D’ailleurs, la Défenderesse n’a manifesté aucun souhait à apporter des commentaires sur la langue de la procédure ni à répondre dans le cadre de cette procédure aux arguments de la Requérante. Dans ces circonstances, la Commission administrative estime qu’exiger la traduction de la plainte amendée créerait une charge excessive pour la Requérante et un délai injustifié dans la procédure.

Compte tenu de ces circonstances, selon le paragraphe 11(a) des Règles d’application la Commission administrative décide que la langue de cette procédure est le français.

6.2. Sur le fond

Conformément au paragraphe 4(a) des Principes directeurs, la Commission administrative doit déterminer si sont réunies les trois conditions posées par celui-ci, à savoir :

i) si le nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle la Requérante a des droits; et

ii) si la Défenderesse n’a pas un droit ou un intérêt légitime à l’utilisation du nom de domaine; et

iii) si la Défenderesse a enregistré et utilise le nom de domaine de mauvaise foi.

En outre, il revient à la Requérante d’apporter la preuve que les trois conditions précédemment énoncées sont cumulativement réunies.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Au vu des éléments de preuve présentés, il est établi que la Requérante est titulaire de la marque verbale JOHN PAUL, entre autres.

Le nom de domaine litigieux reproduit la marque JOHN PAUL, avec l’adjonction du sigle de la Défenderesse “WTT” suivi du mot anglais “by”. Des décisions de précédentes commissions administratives ont déjà et à plusieurs reprises pu retenir que l’adjonction d’autres termes et marques à la marque d’un requérant ne suffit pas à écarter un risque de confusion lorsque la marque du requérant est reconnaissable dans le nom de domaine. Voir la Synthèse des avis des commissions administratives de l’OMPI sur certaines questions relatives aux Principes directeurs, troisième édition (“Synthèse de l’OMPI, version 3.0”), sections 1.8 et 1.12. En l’espèce, la marque JOHN PAUL est parfaitement reconnaissable dans le nom de domaine litigieux.

La Commission administrative estime que l’ajout de l’extension générique de premier niveau “.com” au nom de domaine litigieux ne constitue pas un élément de nature à éviter une similitude pouvant prêter à confusion aux fins des Principes directeurs. Voir la Synthèse de l’OMPI, version 3.0, section 1.11.

Pour ces raisons, la Commission administrative retient que le nom de domaine litigieux est semblable, au point de prêter à confusion, à la marque JOHN PAUL de la Requérante. Par conséquent, la Commission administrative considère que la première condition posée par le paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs est remplie.

B. Droits ou intérêts légitimes

Le paragraphe 4(c) des Principes directeurs dispose que la preuve des droits du défendeur sur le nom de domaine litigieux ou de son intérêt légitime qui s’y attache aux fins du paragraphe 4(a)(ii) peut être constituée, en particulier, par l’une des circonstances ci-après :

i) avant d’avoir eu connaissance du litige, [le défendeur a] utilisé le nom de domaine ou un nom correspondant au nom de domaine en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services, ou fait des préparatifs sérieux à cet effet;

ii) [le défendeur est] connu sous le nom de domaine considéré, même sans avoir acquis de droits sur une marque de produits ou de services; ou

iii) [le défendeur fait] un usage non commercial légitime ou un usage loyal du nom de domaine sans intention de détourner à des fins lucratives les consommateurs en créant une confusion ni de ternir la marque de produits ou de services en cause.

La Commission administrative évaluera les droits ou les intérêts légitimes de la Défenderesse avec une vision des circonstances qui prévalaient au moment du dépôt de la Plainte. Voir la Synthèse de l’OMPI, version 3.0, section 2.11.

En ce qui concerne la première et la troisième circonstances énoncées ci-dessus, le nom de domaine litigieux conduisait à un site sur lequel la Défenderesse présentait les prestations d’un service de conciergerie “WTT by John Paul” pour de nouveaux clients ainsi que pour des Membres. Bien que les Parties aient conclu un Contrat-Cadre pour la prestation de tels services sous la forme d’un co-branding, ce contrat ne donnait en aucun cas un droit d’exploitation des marques des Parties en dehors de ce cadre. Quoi qu’il en soit du terme contractuel des prestations en cours à la date de la résiliation du Contrat-Cadre, la Commission administrative constate qu’après cette date le site auquel conduisait le nom de domaine litigieux n’était pas destiné uniquement aux Membres déjà abonnés. A la date de cette Décision, la Défenderesse fait un usage passif du nom de domaine litigieux. Au vu de ces circonstances, la Commission administrative n’a pas raison de constater que la Défenderesse utilise le nom de domaine litigieux en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services, ni qu’elle en fait un usage noncommercial légitime ou un usage loyal.

En ce qui concerne la deuxième circonstance énoncée ci-dessus, le nom de domaine litigieux incorpore non seulement le sigle de la Défenderesse (“WTT”) mais aussi la marque de la Requérante (“JOHN PAUL”) selon la forme de leur co-branding. Toutefois, rien dans le dossier indique que la Défenderesse à elle seule soit connue par le nom de domaine litigieux, y compris la marque JOHN PAUL.

En résumé, la Commission administrative considère que la Requérante a établi une preuve prima facie que la Défenderesse n’a pas un droit ou un intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux. Tout en ayant pris en compte les arguments que la Défenderesse a présenté à la Requérante avant l’ouverture de cette procédure, la Commission administrative considère que la Défenderesse n’a pas réfuté cette preuve prima facie, pour les raisons énoncées ci-dessus.

Par conséquent, la Commission administrative considère que la deuxième condition posée par le paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs est remplie.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Le paragraphe 4(b) des Principes directeurs dispose que la preuve de ce qu’un nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi peut être constituée aux fins du paragraphe 4(a)(iii) en particulier dans certains cas de figure, dont le quatrième est le suivant :

(iv) en utilisant ce nom de domaine, [le défendeur a] sciemment tenté d’attirer, à des fins lucratives, les utilisateurs de l’Internet sur un site Web ou autre espace en ligne [lui] appartenant, en créant une probabilité de confusion avec la marque du requérant en ce qui concerne la source, le commanditaire, l’affiliation ou l’approbation de [son] site ou espace Web ou d’un produit ou service qui y est proposé.

Le nom de domaine litigieux a été enregistré en 2018, ce qui est bien postérieur à l’enregistrement de la marque JOHN PAUL enregistrée en 2008. A cette époque, la Défenderesse vendait des abonnements à un service de conciergerie assuré par la Requérante dans le cadre d’un Contrat-Cadre conclu entre les deux parties en 2013; la Défenderesse était donc pleinement consciente de la Requérante et de la marque JOHN PAUL. La Défenderesse était autorisée à utiliser un logo et les noms des deux Parties dans l’exploitation du Contrat-Cadre et la Défenderesse les utilisait en particulier sur son site principal associé au nom de domaine <worldtraveltourvip.com>. Il ne ressort pas clairement du Contrat-Cadre si la Défenderesse était autorisée à enregistrer un nom de domaine comprenant la marque de la Requérante JOHN PAUL. Néanmoins, la Défenderesse a enregistré le nom de domaine litigieux comprenant l’expression “WTT By John Paul”. Il ne ressort pas clairement du dossier si la Défenderesse a fait un usage actif du nom de domaine litigieux pendant la durée du Contrat-Cadre. Il ressort des correspondances entre les parties fournies par la Requérante que la Requérante n’ait pris connaissance du nom de domaine litigieux qu’après avoir envoyé des mises en demeure concernant en particulier le site principal de la Défenderesse, un an après la résiliation du Contrat-Cadre. Après avoir reçu de nouvelles mises en demeure concernant spécifiquement le nom de domaine litigieux, la Défenderesse n’a fait aucun commentaire mais a supprimé les références visibles à la Requérante et à sa marque sur le site associé. Selon la prépondérance des probabilités, il y a lieu de croire que la Défenderesse a enregistré le nom de domaine litigieux de mauvaise foi à l'insu de la Requérante, et d'après les preuves du dossier il apparaît que le nom de domaine litigieux n'a jamais été utilisé dans le cadre de leur relation contractuelle, ce qui conduit la Commission administrative dans cette affaire à déduire une intention éventuelle de l'utiliser en dehors du cadre de leur relation contractuelle.

Le nom de domaine litigieux conduisait à un site Internet qui présentait les prestations d’un service de conciergerie “WTT by John Paul”, qui incorpore la marque JOHN PAUL, non seulement pour les Membres déjà abonnés mais aussi pour de nouveaux clients après la résiliation du Contrat-Cadre par la Requérante. Au vu de l’ensemble des circonstances, y compris celles décrites dans la Section 6.2B de cette Décision, la Commission administrative considère qu’en utilisant le nom de domaine litigieux, la Défenderesse a sciemment tenté d’attirer, à des fins lucratives, les internautes sur un site Web, en créant une probabilité de confusion avec la marque de la Requérante en ce qui concerne la source, le commanditaire, l’affiliation ou l’approbation de ce site Web ou d’un service qui y est proposé, conforme au paragraphe 4(b)(iv) des Principes directeurs.

La Commission administrative observe que le nom de domaine litigieux ne dirige plus à un site actif, quoique la Défenderesse en reste le détenteur. Cette modification récente dans l’usage du nom de domaine litigieux ne change en rien la conclusion de la Commission administrative; en effet, elle constituerait une preuve de mauvaise foi.

Par conséquent, la Commission administrative considère que la troisième condition posée par le paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs est remplie.

La Commission administrative souligne que les conclusions dans cette Décision sont sans préjudice de l’interprétation du terme contractuel des prestations en cours au moment de la résiliation du Contrat-Cadre.

7. Décision

Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <wttbyjohnpaul.com> soit radié.

Matthew Kennedy
Expert Unique
Le 21 juin 2021