Le Requérant est Dr. Ing. h.c. F. Porsche Aktiengesellschaft, Allemagne, représenté par Law Offices Kopacz, France.
Le Défendeur est Guilhem de Beauregard, France.
Le nom de domaine litigieux <coc-porsche.com> (ci-après le “Nom de Domaine Litigieux”) est enregistré auprès de OVH (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).
Une plainte a été déposée par Dr. Ing. h.c. F. Porsche Aktiengesellschaft auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 9 mars 2020. En date du 9 mars 2020, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 11 mars 2020, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige.
Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 23 mars 2020, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur.
Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 12 avril 2020. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 13 avril 2020, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.
En date du 20 avril 2020, le Centre nommait Flip Jan Claude Petillion comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
Dr. Ing. h.c. F. Porsche Aktiengesellschaft (ci-après le “Requérant”) est titulaire des marques enregistrées suivantes, lesquelles couvrent toutes la France où semble résider le Défendeur:
- La marque figurative européenne n° 000073098 représentée ci-dessous, enregistrée le 12 décembre 2000 en classes 3, 8, 9, 12, 14, 16, 18, 21, 24, 25, 28, 34, 35, 36, 37, 39 et 42:
- La marque figurative internationale n° 179928 représentée ci-dessous, enregistrée le 8 octobre 1954 en classes 7, 8 et 12 :
- La marque figurative européenne n° 011737426 représentée ci-dessous, enregistrée le 26 août 2013 en classes 1, 2, 4, 5, 6, 7, 10, 11, 13, 15, 17, 19, 20, 22, 23, 26, 27, 29, 30, 31, 32, 38, 40, 41, 43, 44 et 45:
Toutes ces marques couvrent au moins les automobiles et leurs accessoires.
Le Requérant possède également le nom de domaine <porsche.com>, enregistré le 7 novembre 1996.
Le Nom de Domaine Litigieux <coc-porsche.com> a été enregistré le 8 juillet 2010. Selon une capture d’écran datée du 10 décembre 2019, le site web lié au Nom de Domaine Litigieux mentionnait entre autres ce qui suit, et ce de manière proéminente: “Certificat de Conformité Européen (C.O.C) PORSCHE : Service Homologation Certifauto”.
Le Requérant soutient que le Nom de Domaine Litigieux est semblable, au point de prêter à confusion, à sa marque PORSCHE sur laquelle le Requérant prétend avoir des droits. Le Requérant soutient également que le Défendeur n’a aucun droit sur le Nom de Domaine Litigieux, ni aucun intérêt légitime. Enfin, le Requérant soutient que le Défendeur a enregistré et utilise le Nom de Domaine Litigieux de mauvaise foi. Selon le Requérant, le Nom de Domaine a été enregistré afin de profiter de la renommée de la marque PORSCHE.
Le Défendeur n’a pas répondu aux arguments du Requérant.
Le paragraphe 15 des Règles d’application prévoit que la Commission administrative statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément aux Principes directeurs, aux Règles d’application et à tout principe ou règle de droit qu’elle juge applicable.
La charge de la preuve se situe auprès du Requérant et il résulte aussi bien de la terminologie des Principes directeurs que de décisions préalables de commissions administratives UDRP, que le Requérant doit prouver chacun des trois éléments mentionnés au paragraphe 4(a) des Principes directeurs afin d’établir que le Nom de Domaine Litigieux peut être transféré.
Dès lors, le Requérant doit prouver conformément au paragraphe 4(a) des Principes directeurs et selon la balance des probabilités que:
(i) le Nom de Domaine Litigieux est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le Requérant a des droits; et
(ii) le Défendeur n’a aucun droit sur le Nom de Domaine Litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache; et
(iii) le Nom de Domaine Litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.
Par conséquent, la Commission administrative examinera ces critères séparément.
En premier lieu, le Requérant doit établir qu’il a des droits de marque dont il est titulaire. Comme le Requérant démontre être titulaire de plusieurs marques figuratives dont l’élément textuel est PORSCHE, le Requérant a établi qu’il existe des droits de marque dont il est titulaire. La marque du Requérant est antérieure à l’enregistrement du Nom de Domaine Litigieux.
L’analyse de la similitude prêtant à confusion entre la marque du requérant et le nom de domaine litigieux implique généralement une comparaison côte à côte de ce nom de domaine et des composants textuels de la marque pertinente pour évaluer si la marque est reconnaissable dans le nom de domaine litigieux (Voir la Synthèse des avis des commissions administratives de l’OMPI sur certaines questions relatives aux principes UDRP, troisième édition (“Synthèse, version 3.0”), section 1.7).
La Commission considère que le Nom de Domaine Litigieux <coc-porsche.com> est semblable à la marque du Requérant en ce qu’il reproduit la marque invoquée dans son entièreté en ajoutant simplement les lettres “coc” avant la marque, ainsi qu’un trait d’union. Selon la Commission, ces ajouts ne sont pas suffisants pour distinguer le Nom de Domaine Litigieux de la marque du Requérant (Voir Synthèse, version 3.0, section 1.8).
La Commission estime que la similitude entre le Nom de Domaine Litigieux et la marque du Requérant peut prêter à confusion. Dès lors, le Requérant a établi que le premier élément du paragraphe 4(a) des Principes directeurs est rempli.
Conformément au paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs, le Requérant a la charge de la preuve pour établir que le Défendeur n’a ni droits ni intérêts légitimes vis-à-vis du Nom de Domaine Litigieux.
Il est de jurisprudence UDRP constante qu’il suffit pour le Requérant de démontrer qu’à première vue (“prima facie”) le Défendeur n’a ni droits ni intérêts légitimes vis-à-vis du Nom de Domaine Litigieux pour qu’il incombe au Défendeur de démontrer le contraire (Voir Synthèse, version 3.0, section 2.1).
La Commission constate que le Défendeur n’est pas connu sous le Nom de Domaine Litigieux et qu’il est hautement improbable qu’il ait acquis des droits de marque. Selon les informations obtenues par l’Unité d’enregistrement, le Défendeur se nomme Guilhem de Beauregard. Le Requérant déclare qu’il n’a aucune relation d’affaires avec le Défendeur.
Lorsqu’un nom de domaine se compose d’une marque et d’un terme supplémentaire, il est de jurisprudence UDRP constante qu’une telle composition ne peut pas constituer une utilisation de bonne foi si elle est de nature à usurper l’identité du propriétaire de la marque, ou si elle suggère effectivement une affiliation ou une approbation par le propriétaire de la marque (Voir Synthèse, version 3.0, section 2.5.1).
Dans la présente affaire, le Nom de Domaine Litigieux reproduit la marque PORSCHE du Requérant précédée des lettres “coc”, qui peuvent être comprises comme l’abréviation de “certificate of conformity”, également utilisée en français pour désigner le certificat de conformité d’une voiture. Vu le lien évident entre l’abréviation “coc” et les produits couverts par la marque PORSCHE du Requérant, la Commission considère que le Nom de Domaine Litigieux peut difficilement constituer un usage légitime sans l’accord du Requérant.
Au-delà du nom de domaine lui-même, les commissions UDRP prennent également en compte d’autres circonstances, comme le contenu du site web lié au nom de domaine, l’absence de réponse du défendeur, le fait que le défendeur a fourni de fausses informations de contact, et/ou le fait que le défendeur a déjà enregistré d’autres noms de domaine en violation de droits de marque (Voir Synthèse, version 3.0, section 2.5.3).
Sur la base des pièces produites par le Requérant, la Commission constate que le site web lié au Nom de Domaine Litigieux mentionnait expressément le terme “certificat de conformité” et son abréviation, ainsi que toutes les marques PORSCHE invoquées par le Requérant.
En outre, il ressort du dossier de la présente procédure que l’adresse e-mail renseignée par le Défendeur était introuvable. Selon la Commission, cela indique que le Défendeur a probablement fourni de fausses informations de contact.
Le Requérant fait également référence à une précédente affaire UDRP à l’encontre du Défendeur, dans laquelle la commission a estimé que le Défendeur avait enregistré le nom de domaine <coc-fiat.com> en violation des droits de marque du requérant FCA Group Marketing S.P.A. (FCA Group Marketing S.P.A. contre Guilhem de Beauregard, Litige OMPI No. D2016-2061)
Enfin, le Défendeur a eu l’opportunité de répondre aux arguments susmentionnés mais ne l’a pas fait.
Au vu de ce qui précède, la Commission considère que le Requérant a démontré que le Défendeur n’a ni droits ni intérêts légitimes vis-à-vis du Nom de Domaine Litigieux. Le critère repris au paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs est donc rempli.
Le Requérant doit apporter la preuve sur la balance des probabilités que le Nom de Domaine Litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi (Voir Synthèse, version 3.0, section 4.2; Telstra Corporation Limited c. Nuclear Marshmallows, Litige OMPI No. D2000-0003; Control Techniques Limited c. Lektronix Ltd, Litige OMPI No. D2006-1052).
Le paragraphe 4(b) des Principes directeurs prévoit une liste non-exhaustive de circonstances qui peuvent constituer la preuve qu’un nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi. Cette liste comprend le cas où en utilisant un nom de domaine, le défendeur a essayé intentionnellement d’attirer, à des fins commerciales, des utilisateurs d’Internet sur son site web ou toute autre destination en ligne en créant un risque de confusion avec la marque du requérant quant à la source, au parrainage, à l’affiliation ou à l’approbation de son site web ou destination en ligne ou d’un produit ou service offert sur celui-ci.
En l’espèce, la Commission estime qu’il est inconcevable que le Défendeur n’avait aucune connaissance du Requérant et des droits de marque du Requérant lors de l’enregistrement du Nom de Domaine Litigieux. Il est vrai que la majorité des pièces fournies à l’appui de la réputation de la marque PORSCHE du Requérant sont postérieures à la date d’enregistrement du Nom de Domaine Litigieux, à savoir le 8 juillet 2010. Cependant, il apparaît que la marque PORSCHE faisait déjà partie des 100 marques ayant le plus de valeur au monde en 2009 et 2010 selon le classement Interbrand. De plus, le site web lié au Nom de Domaine Litigieux reprenait toutes les marques figuratives invoquées par le Requérant.
Il est dès lors évident que le Défendeur avait connaissance des marques du Requérant. Selon la Commission, cela démontre, ou à tout le moins suggère, l’enregistrement de mauvaise foi du Nom de Domaine Litigieux (Red Bull GmbH v. Credit du Léman SA, Jean-Denis Deletraz, Litige OMPI No. D2011-2209; Nintendo of America Inc. v. Marco Beijen, Beijen Consulting, Pokemon Fan Clubs Org., and Pokemon Fans Unite, Litige OMPI No. D2001-1070; et BellSouth Intellectual Property Corporation v. Serena, Axel, Litige OMPI No. D2006-0007).
Selon la capture d’écran produite par le Requérant, le site web lié au Nom de Domaine Litigieux mentionnait entre autres ce qui suit, et ce de manière proéminente: “Certificat de Conformité Européen (C.O.C) PORSCHE : Service Homologation Certifauto”. Cette mention semble indiquer que le Défendeur fournissait de tels certificats via le Nom de Domaine Litigieux, ou du moins donnait l’impression de les fournir. Cette mention était combinée avec les marques figuratives du Requérant. Selon la Commission administrative, ceci démontre sur la balance de probabilités que le Nom de Domaine Litigieux a été utilisé par le Défendeur dans le but d’attirer, à des fins lucratives, les internautes en créant une probabilité de confusion avec les marques du Requérant.
La Commission estime que la fourniture de fausses informations de contact et l’enregistrement d’au moins un autre nom de domaine en violation de droits de marque (voir plus haut), constituent des indications supplémentaires de la mauvaise foi du Défendeur.
En ne soumettant pas de réponse à la plainte, le Défendeur n’a pris aucune initiative pour contester ce qui précède. Conformément au paragraphe 14 des Règles d’application, la Commission administrative devra en tirer les conclusions qu’elle estime appropriées.
La Commission déduit des faits et circonstances susmentionnés que le Nom de Domaine Litigieux a été enregistré et utilisé de mauvaise foi. Par conséquent, la Commission considère que le Requérant a satisfait le critère énoncé au paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs.
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le Nom de Domaine Litigieux <coc-porsche.com> soit transféré au Requérant.
Flip Jan Claude Petillion
Expert Unique
Le 4 mai 2020