Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Mondadori Magazines France contre Actuality World, Consly

Litige No. D2018-0254

1. Les parties

La Requérante est Mondadori Magazines France de Montrouge, France, représenté par Novagraaf France, France.

Le Défendeur est Actuality World, Consly de London, Tunisie, représenté par Badis Bouchaala, Tunisie.

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le nom de domaine litigieux <topsante.org> est enregistré auprès d’OVH (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par Mondadori Magazines France auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 6 février 2018. En date du 6 février 2018, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 7 février 2018, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige.

Le Centre a vérifié que la plainte répondait bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 22 février 2018, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 14 mars 2018. Le Défendeur a par un courrier électronique en date du 14 mars 2018, déposé une demande afin que le délai de réponse soit prolongé de quatre jours. Le Centre a envoyé un courrier électronique aux parties en date du 15 mars 2018, prolongeant le délai de réponse de quatre jours conformément au paragraphe 5(b) du Règlement. La date pour soumettre la Réponse était 18 mars 2018. Le Défendeur a fait parvenir sa réponse le 18 mars 2018.

En date du 3 avril 2018, le Centre nommait Philippe Gilliéron comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

4. Les faits

La Requérante est titulaire de plusieurs marques comportant les termes TOP SANTE, dont la marque verbale française n° 1547341, enregistrée avec une date de priorité remontant au 20 juillet 1987 en classes 35, 38 et 41 de la Classification de Nice, et plusieurs autres marques combinées comportant ces mêmes termes comme éléments dominants enregistrées sur le plan international en ces mêmes classes ainsi que, pour certaines, en classes 16 et 28 de la Classification de Nice.

La Requérante est également titulaire de plusieurs noms de domaine, soit en particulier <topsante.fr> (2 janvier 2001), <topsante.com> (14 décembre 1996), <topsante.be> (12 juillet 2001), <topsanté.fr> (3 janvier 2012) et <top-santé.com> (3 juillet 2012).

Le Défendeur a enregistré le nom de domaine <topsante.org> le 7 novembre 2014.

La Requérante a adressé les 30 mars et 6 juillet 2017 des lettres et courriels de mise en demeure au Défendeur, auxquels le Défendeur n’a pas répondu.

Le 15 mars 2018, le Défendeur a déposé la marque verbale tunisienne TOP SANTE sous le n° TN/T/2018/0678.

5. Argumentation des parties

A. Requérante

La Requérante fait tout d’abord valoir le fait que le nom de domaine <topsante.org> renvoie une impression d’ensemble identique à ses marques antérieures TOP SANTE, la simple adjonction de l’extension correspondant au domaine générique de premier niveau (“gTLD”) “.org” étant impropre à écarter le risque de confusion.

La Requérante expose ensuite que le Défendeur n’a aucun droit ni intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux. Il n’est pas connu sous ce nom et la Requérante ne l’a jamais autorisé à exploiter sa marque TOP SANTE de quelque manière que ce soit.

La Requérante considère enfin que le nom de domaine <topsante.org> a été enregistré et qu’il est utilisé de mauvaise foi. Le site rattaché au nom de domaine litigieux étant calqué sur le site officiel de la Requérante figurant à l’adresse “www.topsante.com” en prenant la forme d’un magazine électronique présentant des articles en des catégories identiques ou très proches de celles utilisées par la Requérante, il ne fait aucun doute que le Défendeur avait connaissance de la marque de la Requérante lorsqu’il a enregistré le nom de domaine litigieux. L’utilisation faite par le Défendeur avec pour objectif de détourner les lecteurs du magazine de la Requérante en créant une probabilité de confusion avec cette dernière, ce pour générer du trafic et générer des revenus publicitaires, est également de mauvaise foi.

B. Défendeur

Le Défendeur fait tout d’abord valoir le fait que le fait qu’il ait pu déposer la marque TOP SANTE en Tunisie montre qu’elle était libre d’usage en son pays et, à ce titre, que la Requérante n’a aucun droit à détenir cette marque dans d’autres pays comme la Tunisie. Il considère qu’il n’existe pas de risque de confusion entre son nom de domaine et la marque TOP SANTÉ de la Requérante en raison de l’absence d’accent aigu du nom de domaine litigieux.

Le Défendeur considère ensuite qu’il ne fait nullement allusion aux produits ou services de la Requérante, son site comportant de très nombreuses rubriques les plus diverses dans le domaine de la santé, sans aucun but lucratif quel qu’il soit.

Le Défendeur considère enfin que le nom de domaine litigieux n’a pas été enregistré ni qu’il est utilisé de mauvaise foi et la Requérante n’a jamais réagi de quelque manière que ce soit nonobstant l’enregistrement du nom de domaine en 2014, laissant le Défendeur développer son site et acquérir ainsi une certaine audience au fil des ans qu’il convient de protéger.

6. Discussion et conclusions

Conformément au paragraphe 4(a) des Principes directeurs, la Commission administrative doit déterminer si sont réunies les trois conditions posées par ceux-ci, à savoir:

(i) si les noms de domaine sont identiques ou semblables au point de prêter à confusion à une marque de produits ou de services sur laquelle la requérante a des droits; et

(ii) si le défendeur n’a aucun droit ou un intérêt légitime sur les noms de domaine; et

(iii) si le défendeur a enregistré et utilise les noms de domaine de mauvaise foi.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Selon le paragraphe 4(a)(i), la Requérante doit démontrer que le nom de domaine litigieux est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produits ou de services sur laquelle la Requérante a des droits.

En l’espèce, il est établi que la Requérante est titulaire de la marque TOP SANTE.

Il est largement admis que le fait de reprendre à l’identique la marque d’un tiers dans un nom de domaine peut suffire à établir que ce nom de domaine est identique ou similaire au point de prêter à confusion avec la marque sur laquelle la partie requérante a des droits.

Ainsi en va-t-il en l’espèce puisque la marque de la Requérante est intégralement reprise dans le nom de domaine litigieux <topsante.org> du Défendeur, sans adjonction autre que le gTLD “.org”, élément technique impropre à exclure le risque de confusion résultant de la reprise intégrale de la marque de la Requérante.

Au vu de ce qui précède, la Commission administrative considère que la condition posée par le paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs est remplie.

B. Droits ou intérêts légitimes/Enregistrement et utilisation de mauvaise foi

Selon les Principes directeurs, paragraphe 4(a)(ii), la requérante doit démontrer que le défendeur n’a pas de droit ou d’intérêt légitime sur les noms de domaine litigieux. Quant au paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs, elle exige que la partie requérante démontre que le défendeur a enregistré et qu’il utilise le nom de domaine litigieux de mauvaise foi.

Il est admis qu’un intérêt légitime ne peut être reconnu qu’à la condition que le nom de domaine ne soit pas manifestement exploité en violation des droits à la marque de la partie requérante, raison pour laquelle les circonstances peuvent conduire la Commission administrative à traiter les deuxième et troisième conditions posées par les Principes directeurs conjointement lorsque des indices clairs témoignent de la mauvaise foi du Défendeur quant à l’exploitation du nom de domaine qui écartent tout intérêt légitime possible (Synthèse des avis des commissions administratives de l’OMPI sur certaines questions relatives aux principes UDRP, troisième édition (“Synthèse, version 3.0”), section 2.15). Ainsi en va-t-il en l’espèce.

La Requérante fait valoir le fait qu’elle n’aurait jamais autorisé le Défendeur à exploiter sa marque et que ce dernier ne serait pas connu sous ce nom.

L’enregistrement effectué le 15 mars 2018 par le Défendeur d’une marque TOP SANTE après avoir eu connaissance du litige n’est évidemment pas pertinente pour lui reconnaître un droit sur cette dénomination (voir Synthèse, version 3.0, section 2.12.2).

En application des pouvoirs généraux qui lui sont conférés par le paragraphe 10 des Règles, la Commission a examiné le site rattaché au nom de domaine litigieux. Il en ressort que les conditions générales ont manifestement été reprises dans leur structure par le Défendeur à partir du site “www.topsante.com” appartenant à la Requérante; quant à la rubrique “contact”, elle fait état d’une capture écran tirée de Google Maps relative aux Etats-Unis, sans que l’on ne sache au final véritablement qui se cache derrière le site en question. Ces problèmes d’identification ressortent également de la procédure, les envois adressés par le Centre aux adresses indiquées par le Défendeur étant revenus en retour.

Au final, la Commission considère que l’ensemble des circonstances tend à démontrer que le Défendeur avait parfaitement connaissance de l’existence de la Requérante lorsqu’il a choisi le nom de domaine <topsante.org>, choix que le Défendeur ne cherche du reste nullement à expliquer quand bien même il avait tout loisir de le faire. Il en découle que le Défendeur a sciemment enregistré un nom de domaine correspondant à la marque de la Requérante que cette dernière n’avait pas enregistré en Tunisie pour y développer une activité concurrente, tirant parti de la réputation de la Requérante notamment en France. Un tel enregistrement et une telle utilisation ne sauraient être protégées en tant qu’ils ont manifestement eu lieu de mauvaise foi.

7. Décision

Pour les raisons qui précédent, conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <topsante.org> soit transféré à la Requérante.

Philippe Gilliéron
Expert Unique
Le 18 avril 2018