Le Requérant est Société Air France de Roissy, France, représenté par MEYER & Partenaires, France.
Le Défendeur est Domain Admin, C/O ID#10760, Privacy Protection Service INC d/b/a PrivacyProtect.org de Nobby Beach, Queensland, Australie / Ms Gomes, Media Com Trading Hong Kong Ltd de Hong Kong, Chine.
Le nom de domaine litigieux <boostairfrance.com> est enregistré auprès de Launchpad.com Inc. (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).
Une plainte en français a été déposée par Société Air France auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 24 mai 2017. En date du 24 mai 2017, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 7 juin 2017, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant l’identité du titulaire du nom de domaine litigieux et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte. Le 12 juin 2017, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant avec les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux telles que communiquées par l’Unité d’enregistrement et invitant le Requérant à soumettre un amendement à la plainte ou une plainte amendée. Le même jour, le Centre a envoyé une communication aux parties, notant que l’anglais était la langue du contrat d’enregistrement du nom de domaine litigieux, et invitant le Requérant soit à fournir la preuve d’un accord entre les parties afin que la procédure se déroule en français, soit à déposer la plainte traduite en anglais, soit à déposer une demande afin que le français soit la langue de la procédure. Le Requérant a déposé une plainte amendée le 15 juin 2017, reflétant l’identité du titulaire du nom de domaine litigieux et ses coordonnées et demandant à ce que le français soit la langue de la procédure. Le 20 juin 2017, le Défendeur a envoyé au Centre une communication électronique en français.
Le Centre a vérifié que la plainte la plainte amendée répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 20 juin 2017, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur en anglais et en français. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 10 juillet 2017. Le Défendeur a envoyé une communication informelle au Centre le 21 juin 2017. Suite à une demande du Requérant, la procédure a été suspendue le 23 juin 2017, et a été ré-instituée le 4 juillet 2017. Le délai pour le dépôt d’une réponse a été prolongé jusqu’au 21 juillet 2017. Le Défendeur n’a fait parvenir une réponse formelle.
En date du 7 août 2017, le Centre nommait Richard Hill comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
Le Requérant est titulaire de la marque française AIR FRANCE, n° 1703113, enregistrée le 31 octobre 1991. La marque est également enregistrée dans des nombreux autre pays. La marque est célèbre. Le Requérant utilise la marque pour ses activités dans le secteur du transport aérien.
Le nom de domaine litigieux a été enregistré le 8 février 2017.
Le Requérant n’a pas accordé de licence au Défendeur pour ses marques, ni aucune quelconque autorisation d’utilisation.
Le nom de domaine litigieux dirige vers un site contenant une offre de vente du nom de domaine litigieux, des hyperliens renvoyant vers le site web d’un concurrent direct du Requérant, et des bandeaux publicitaires représentant les offres de sociétés concurrentes.
Le Requérant dit être une compagne de transport aérien qui a transporté plus de 93 millions de passagers en 2016 avec sa flotte de 534 appareils qui desservent 328 villes dans 118 pays, ce qui représente 2200 vols quotidiens pour un chiffre d’affaire annuel d’EUR 24,7 milliards. Le Requérant utilise le signe AIR FRANCE à titre de dénomination sociale depuis 1933. Il a enregistré la marque AIR FRANCE en France le 31 octobre 1991. La marque a également été enregistrée dans des nombreux autres pays, y compris la Chine. Le Requérant a communiqué publiquement en novembre 2016 concernant un projet opérationnel nommé BOOST.
Selon le Requérant, le nom de domaine litigieux est semblable au point de prêter confusion à sa marque, car la marque est intégralement reproduite dans le nom de domaine litigieux, l’absence d’espace doit être ignoré dans l’analyse de la similitude, et l’utilisation du préfixe “boost” ne suffit pas à conférer un caractère distinctif au nom de domaine litigieux, car le mot “boost” est un mot descriptif anglais, qui veut dire augmenter ou améliorer.
Le Requérant allègue que le Défendeur n’a aucun droit ni intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux. Il n’y a aucune relation entre les parties pouvant justifier l’enregistrement du nom de domaine. Le Requérant n’a accordé au Défendeur aucune autorisation ou licence d’exploitation de sa marque. Le Défendeur n’est pas et n’a jamais été connu sous la dénomination “Air France” ou “Boost”. De plus, l’utilisation du nom de domaine litigieux n’est pas un usage non commercial légitime ou un usage loyal sans intention de détourner à des fins lucratives les consommateurs en créant une confusion. En effet, le nom de domaine litigieux dirige vers un site qui contient une offre de revente du nom de domaine, la description d’un projet de prise de contrôle du Requérant par ses salariés, des allégations contestataires et des critique générales.
Selon le Requérant, le fondateur du Défendeur est un employé du Requérant, et il a été sujet à une procédure disciplinaire au début de l’année 2017. Toujours selon le Requérant, les critiques formulées sur le site web du Défendeur sont injustifiée, et des propositions concernant un fond d’investissement pourraient être illicites ou constitutives d’une contrefaçon de la marque AIR FRANCE.
Le Requérant allègue que le vrai but poursuivi par le Défendeur est d’utiliser le nom de domaine litigieux pour des buts lucratifs. Le site web du Défendeur n’opère aucune critique du projet Boost du Requérant, le mot est utilisé uniquement pour profiter de la médiatisation récente du projet afin de détourner une partie des internautes qui souhaitent s’informer sur le projet. De plus, ledit site web contient des hyperliens renvoyant vers le site web d’un concurrent direct du Requérant, et des bandeaux publicitaires représentant les offres de sociétés concurrentes.
Selon le Requérant, le Défendeur a enregistré et utilisé le nom de domaine litigieux de mauvaise foi, notamment parce que le nom de domaine litigieux dirige vers un site qui contient une offre de vente du nom de domaine litigieux, des hyperliens renvoyant vers le site web d’un concurrent direct du Requérant, et des bandeaux publicitaires représentant les offres de sociétés concurrentes.
Le Défendeur n’a pas répondu formellement aux arguments du Requérant. Par contre, le dossier contient des communications conséquentes du Défendeur, faits dans le contexte de négociations entre les parties.
Conformément à la jurisprudence concernant les Principes directeurs, la Commission peut prendre en considération ces communications. Voir la section 3.10 de la Synthèse des avis des commissions administratives 3.0 et SAP SE c. Domains by Proxy, LLC / Kamal Karmakar, Litige OMPI No. D2016-2497; Giorgio Armani S.p.A. c. Yitao / Apex Laboratories Limited, Litige OMPI No. D2013-2060.
Pour l’essentiel, le Défendeur confirme son offre de vendre le nom de domaine litigieux, pour le prix d’EUR 10 millions. Il dit que l’employé du Requérant cité dans la plainte n’est qu’un simple actionnaire et que cet employé n’a pas été sujet à une procédure disciplinaire. Le Défendeur défend la licéité du contenu de son site web. Mais il ne conteste pas avoir placé sur ce site des hyperliens vers des concurrents du Requérant et des bandeaux publicitaires pour des concurrents du Requérant.
Avant de statuer sur les trois éléments des Principes directeurs, la Commission administrative doit décider la question de la langue de la procédure. Le Requérant demande que la langue de la présente procédure soit le français, malgré le fait que la langue de l’accord d’enregistrement soit l’anglais. A l’appui de cette demande, le Requérant fait valoir que le nom de domaine litigieux dirige vers un site web en français et que la correspondance conséquente entre les parties est en français, ce qui établit que le Défendeur comprend bien cette langue. Il est constant d’après la jurisprudence des Principes directeurs qu’il faut prendre en compte les Règles d’application, paragraphes 10(b) et 10(c) afin de statuer sur les questions de langue de la procédure. Notamment, il faut prendre en compte des faits indiquant que le Défendeur comprend la langue de la plainte. Voir The Argento Wine Company Limited c. Argento Beijing Trading Company, Litige OMPI No. D2009-0610. De plus, la Commission administrative peut prendre en compte le préjudice qui pourrait être causé à l’une ou l’autre des parties si elle exigeait la traduction de la plainte dans une autre langue. Voir Finter Bank Zurich c. Shumin Peng, Litige OMPI No. D2006-0432.
Conformément au paragraphe 11(a) des Règles d’application, la Commission administrative est convaincue, sur la base du dossier, que le Défendeur comprend la langue française. En conséquence, ayant pris en compte tous les éléments pertinents de la présente procédure, la Commission administrative décide de procéder en français.
Le Requérant est titulaire de la marque AIR FRANCE. Le nom de domaine litigieux inclut la marque du Requérant dans sa totalité, enlève un espace, et ajoute le terme “boost”, qui veut dire augmenter ou promouvoir en anglais. Ces ajouts ne sont pas de nature à écarter le risque de confusion existant entre le nom de domaine litigieux et la marque du Requérant. Voir British Airways Plc c. Cadmos LLC and Francis R. Grenier, Litige OMPI No. D2002-0612; MasterCard International Incorporated c. Michael J Yanda, Indy Web Productions, Litige OMPI No. D2007-1140; Arthur Guinness Son & Co. (Dublin) Limited c. Tim Healy/BOSTH, Litige OMPI No. D2001-0026.
Par conséquent, la Commission administrative considère que la condition posée par le paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs est remplie.
Le Défendeur n'est pas affilié au Requérant, et aucune licence ni autorisation n’a été accordée au Défendeur de faire une quelconque utilisation des marques du Requérant. D’après les informations fournies par le WhoIs relatif au nom de domaine litigieux, le Défendeur n’est pas connu sous le nom de domaine litigieux.
La Commission administrative note que le Défendeur a utilisé le nom de domaine litigieux en relation avec un site web contenant des critiques du Requérant. Pour les raisons exposées ci-dessous, la Commission administrative retient que ceci n’établit pas des droits out intérêts légitimes.
En effet, le Défendeur a utilisé le nom de domaine litigieux pour mettre en vente ledit nom de domaine et pour promouvoir des concurrents du Requérant. La Commission administrative retient que le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux afin de le vendre au Requérant conformément au sens du paragraphe 4(b)(i) des Principes directeurs. Ceci n’a pas été réfuté par le Défendeur. De plus, la Commission administrative retient que le Défendeur tente d’attirer, à des fins lucratives, des internautes vers son site. Elle considère que cette utilisation du nom de domaine litigieux n’est pas une offre de bonne foi conforme au paragraphe 4(c)(i) des Principes directeurs ni un usage non commercial légitime ou loyal conforme au paragraphe 4(c)(iii) des Principes directeurs. Voir Hoffmann-La Roche Inc. C. Samuel Teodorek, Litige OMPI No. D2007-1814.
Vu ce qui précède, et vu l’absence de preuves, et même d’indices, indiquant que le Défendeur aurait des droits ou intérêts légitimes sur le nom de domaine litigieux, la Commission administrative retient que ceci n’est pas le cas. Voir Yakka Pty Ltd c. Mr. Paul Steinberg, Litige OMPI No. D2004-0502; Cash Converters Pty Ltd c. John Cox, Litige OMPI No. D2013-0721; Croatia Airlines d.d. c. Modern Empire Internet Ltd., Litige OMPI No. D2003-0455.
Par conséquent, la Commission administrative considère que le Défendeur n’a aucun droit ni aucun intérêt légitime dans le nom de domaine litigieux, et que la condition posée par le paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs est remplie.
La Commission administrative retient que l’utilisation effective par le Défendeur du nom de domaine litigieux n’est pas de bonne foi parce que le Défendeur a offert de vendre le nom de domaine pour une contrepartie dépassant ses débours documentés liés directement au nom de domaine, ce qui constitue une utilisation en mauvaise foi selon le paragraphe 4(b)(i) des Principes directeurs. Voir Arla Foods Amba and Mejeriforeningen Danish Dairy Board c. Mohammad Alkurdi, Litige OMPI No. D2017-0391; Pepperdine University c. BDC Partners, Inc., Litige OMPI No. D2006-1003; World Wrestling Federation Entertainment, Inc. c. Michael Bosman, Litige OMPI No. D1999-0001.
De plus, le site web du Défendeur contient (ou contenait) des bandeaux publicitaires pour des concurrents directes du Requérant. La Commission administrative retient que ceci indique que le Défendeur a enregistré et utilisé le nom de domaine litigieux afin de sciemment tenter d’attirer, à des fins lucratives, les utilisateurs de l’Internet sur son site web, en créant une probabilité de confusion avec la marque du Requérant en ce qui concerne la source, l’affiliation ou l’approbation dudit site web et des services qui y sont proposés, ce qui constitue une utilisation en mauvaise fois selon le paragraphe 4(b)(iv) des Principes directeurs. Voir The Jennifer Lopez Foundation c. Jeremiah Tieman, Jennifer Lopez Net, Jennifer Lopez, Vaca Systems LLC, Litige OMPI No. D2009-0057; Philip Morris Incorporated. c. Alex Tsypkin, Litige OMPI No. D2002-0946.
Dans ses communications concernant une résolution à l’amiable du litige, le Défendeur donne des multiples explications concernant le choix du nom de domaine litigieux, mais il n’explique pas pourquoi il a inclus la marque AIR FRANCE dans ce nom de domaine litigieux, mis à part qu’il allègue qu’il a l’intention de créer un fond d’investissement pour aider le Requérant. La Commission administrative n’est pas convaincue par les arguments du Défendeur, notamment parce qu’il a offert de vendre le nom de domaine pour un prix bien au-delà des coûts, et il a placé sur son site web des publicités pour les concurrents du Requérant. Donc, la Commission administrative retient que le Défendeur a utilisé et enregistré le nom de domaine litigieux en mauvaise foi, dans le sens des Principes directeurs.
La Commission administrative considère que la condition posée par le paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs est remplie.
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <boostairfrance.com> soit transféré au Requérant.
Richard Hill
Expert Unique
Le 8 août 2017