WIPO

Centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Spontin SA contre sig services, Com web Services, A Consumer Service MutuWeb

Litige n° D2009-1281

1. Les parties

Le Requérant est Spontin SA, Belgique, représenté par Marx Van Ranst Vermeersch & Partners, Belgique.

Le Défendeur est sig services, Com web Services, A Consumer Service MutuWeb, Nivelles, Belgique.

2. Noms de domaine et unités d'enregistrement

Le litige concerne les noms de domaine <spontin.biz>, <spontin.com>, <spontin.info>, <spontin.net> et <spontin.org.>

L'unité d'enregistrement auprès de laquelle les noms de domaine sont enregistrés est OVH.

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par Spontin SA auprès du Centre d'arbitrage et de médiation de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 28 septembre 2009.

En date du 28 septembre 2009, le Centre a adressé une requête à l'unité d'enregistrement du nom de domaine litigieux, OVH, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 30 septembre 2009, l'unité d'enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l'ensemble des données du litige.

En date du 6 octobre 2009, le Requérant a déposé une plainte traduite en français.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d'application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d'application“), et aux Règles supplémentaires de l'OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l'application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d'application, le 9 octobre 2009, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d'application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 29 octobre 2009. Le Défendeur a fait parvenir sa réponse le 28 octobre 2009.

En date du 2 novembre 2009, le Centre nommait dans le présent litige comme expert unique Flip Jan Claude Petillion. La Commission administrative constate qu'elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d'application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d'acceptation et une déclaration d'impartialité et d'indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d'application.

4. Les faits

Le Requérant est la société Spontin S.A., qui a été constituée le 24 juillet 2007, ayant comme objet entre autre la gestion et toutes opérations se rapportant directement ou indirectement aux produits alimentaires tels que notamment l'exploitation de sources d'eaux naturelles et minérales, l'extraction de tous produits et sous-produits qu'elles contiennent, le traitement et la vente, sous quelque forme que ce soit, de cette eau, de leurs sous-produits ainsi que de toutes autres boissons quelconques.

Le Requérant est le titulaire des marques suivantes :

- SPONTIN, registrée au Benelux sous le numéro 0101786 au 31 décembre 1971 dans la classe 32;

- SPONTIN, registrée au Benelux sous le numéro 0486984 au 9 août 1990 dans la classe 32;

- SPONTIN, registrée au Benelux sous le numéro 0754249 au 30 octobre 1990 dans la classe 32.

La marque SPONTIN a été enregistrée le 31 décembre 1971 par la société publique intitulée “Compagnie Générale des Eaux Minérales et Gazeuse”.

En 1980, la société privée “Spontin, Compagnie Générale des Eaux Minérales et Gazeuse“ en abrégé SPONTIN S.A. N.V. a été crée au sein du groupe “Spadel” afin de reprendre l'activité des sources ainsi que des marques d'exploitation SPONTIN. Depuis le 29 juin 2001 cette société a été absorbée par voie d'opération assimilée à une fusion par absorption par la société SPA Monopole.

Finalement, la société Spontin S.A. a été constituée à nouveau le 24 juillet 2007. Cette société a repris les marques SPONTIN mentionnées ci-dessus.

Le Défendeur a enregistré les noms de domaines litigieux <spontin.com>, <spontin.net>, <spontin.org>, <spontin.biz> et <spontin.info> auprès d'OVH.

Le nom de domaine <spontin.com> a été enregistré le 23 mai 2000 par le Défendeur. Le nom de domaine <spontin.net> a été enregistré le 2 mars 2000 par le Défendeur.

Le 23 novembre 2007, le Requérant a demandé au Défendeur de lui transférer les noms de domaines <spontin.com>, <spontin.net> et <spontin.be>. Le 30 novembre 2007, le Défendeur a accusé personnellement réception du fax du Requérant et a annoncé qu'il devait transmettre la requête à ses managers.

Le 2 janvier 2008, le Requérant a proposé au Défendeur de racheter le nom de domaine <spontin.com> pour la somme de 2.000 EUR en spécifiant que l'offre serait valide jusqu'au 10 janvier 2008.

Le 5 janvier 2008, à 17h 38m 12s GMT, le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux <spontin.info>.

Le 5 janvier 2008, à 17h 38 m 19s GMT, le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux <spontin.org>.

Le 5 janvier 2008, à 17h 38m 27s GMT, le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux <spontin.biz>.

A la date du dépôt de la plainte par le Requérant, les noms de domaine litigieux étaient directement ou indirectement (par l'intermédiaire d'une seule page web contenant un seul lien) redirigés vers “www.cfbocq.be”. Sur le site “www.cfbocq.be” une attraction touristique appelée “le chemin de fer du Bocq” est promue. Cette attraction est exploitée par une autre entité juridique, à savoir l'A.S.B.L. PFT. L'attraction est située dans la région de l'entre Sambre et Meuse et passe entre autre par Yvoir (qui est la Commune dont ressort le village de Spontin), Ciney, Spontin et Purnode.

Au-delà des noms de domaine litigieux, le Défendeur a enregistré sous différents noms une multitude de noms de domaine, y compris des noms de domaine basés sur des noms de localités, communes et noms à connotation géographiques (<yvoir.com>, <yvoir.net>, <ciney.net>, <woluwe.com>, <woluwe.net>, <florennes.net>, <philippeville.net>, <gerpinnes.net>, <mettet.com>, <mettet.net>, <wallons.net>, <allonie.com> (typo squatting, basée sur la région belge “Wallonie”)).

Certains des noms de domaine enregistré par le Défendeur étaient en vente, notamment les noms de domaine <woluwe.com>, <wallons.net>, <kgb.be>, <philippeville.net>. Le 10 janvier 2007, le Défendeur a vendu le nom de domaine <sourire.be> et le 5 août 2009, le Défendeur a vendu le nom de domaine <crowdsourcing.fr>.

D'autres noms de domaine, enregistrés par le Défendeur, sont utilisés comme des points d'entrées sur des sites contenant des bannières publicitaires. Les noms de domaine <mettet.net> et <mettet.com> sont utilisés afin de faire de la publicité de ventes immobilières.

Le 28 septembre 2009, le Requérant a déposé une plainte auprès du Centre afin d'obtenir le transfert des noms de domaines <spontin.com>, <spontin.net>, <spontin.org>, <spontin.info> et <spontin.biz>.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le Requérant soutient que les noms de domaine litigieux sont identiques ou semblables, au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le Requérant prétend avoir des droits. Le Requérant soutient également que le Défendeur n'a aucun droit sur les noms de domaine litigieux, ni aucun intérêt légitime. Le Requérant soutient que le Défendeur, qu'il considère être un “domain name broker”, n'utilise pas les noms de domaine d'une façon légitime ou équitable, mais qu'il les utilise par contre afin d'attirer des internautes vers ses sites web pour leur communiquer de l'information sur des commerces et entreprises qui ne sont en aucun cas liés au Requérant, ou de les dévier vers les sites web de ces entreprises. Finalement, le Requérant soutient que le Défendeur a enregistré et utilisé les noms de domaine litigieux de mauvaise foi.

B. Défendeur

Le Défendeur soutient que le Requérant ne dispose pas des droits sur les marques SPONTIN. Le Défendeur prétend également avoir un intérêt légitime sur les noms de domaine litigieux, parce qu'il considère que ces noms de domaine ont été enregistrés et demeurent toujours utilisés dans un but de promotion collective du tourisme. Le Défendeur prétend qu'ils apportent de la visibilité au Chemin de Fer du Bocq et ses retombées touristiques et culturelles pour la région de Spontin et du Bocq. Ainsi le Défendeur considère qu'avant qu'il ait eu connaissance du litige, il est établi qu'il a utilisé les noms de domaine en relation avec une offre de bonne foi d'informations, de produits ou de service. Il considère également qu'il est connu sous les noms de domaine en question, même s'il n'a pas acquis de droits sur une marque de produits ou de services. Ensuite, le Défendeur prétend avoir fait un usage non commercial légitime ou un usage loyal des noms de domaine sans l'intention de détourner à des fins lucratives des internautes en créant de la confusion avec la marque du Requérant en ce qui concerne la source, le commanditaire, l'affiliation ou l'approbation du site ou l'espace web du détenteur ou d'un produit ou d'un service qui y est proposé.

Finalement, le Défendeur prétend qu'il n'a ni enregistré ni utilisé les noms de domaine litigieux de mauvaise foi, comme il ne les aurait pas enregistrés ou acquis essentiellement aux fins de vendre, de louer ou de céder d'une autre manière l'enregistrement de ces noms de domaine au Requérant, en tant que propriétaire présumé de la marque de produits ou de services, ou à un concurrent de celui-ci, à titre onéreux et pour un prix excédant le montant des frais que le Défendeur a déboursés en rapport direct avec ce nom de domaine. Puis, le Défendeur considère qu'il n'a pas enregistrés les noms de domaine en vue d'empêcher le Requérant de reprendre sa marque sous forme de nom de domaine et qu'il n'est pas coutumier d'une telle pratique. Le Défendeur prétend également que les noms de domaine n'ont pas été enregistrés en vue de perturber les opérations commerciales du Requérant. Dernièrement, le Défendeur argumente que les noms de domaine n'ont pas été enregistrés par le Défendeur en vue de sciemment tenter d'attirer, à des fins lucratives, les utilisateurs de l'internet sur un site web ou un autre espace en ligne lui appartenant, en créant une probabilité de confusion avec la marque du Requérant en ce qui concerne la source, le commanditaire, l'affiliation ou l'approbation du site ou de l'espace web du Défendeur ou d'un produit ou d'un service qui y est proposé.

6. Discussion et conclusions

Le paragraphe 15 des Règles d'application prévoit que la commission statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément aux Principes directeurs, aux Règles d'application et à tout principe ou règle de droit qu'elle juge applicable.

La charge de la preuve se situe auprès du Requérant et il résulte aussi bien de la terminologie des Principes directeurs que de décisions préalables de commissions UDRP, que le Requérant doit prouver tous les trois éléments mentionnés au paragraphe 4(a) des Principes directeurs pour pouvoir établir que le nom de domaine peut être transféré. Puisqu'il s'agit de procédures civiles le critère de la preuve est la balance des probabilités.

Dès lors, le Requérant, pour réussir, doit prouver dans le sens du paragraphe 4(a) des Principes directeurs et selon la balance des probabilités que:

1. le nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le Requérant a des droits; et

2. le Défendeur n'a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s'y attache; et

3. le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.

Par conséquence, la Commission examinera ces critères séparément.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Premièrement, le Requérant doit établir qu'il existe des droits de marques ou de services dont il est titulaire. Comme le Requérant est le titulaire de la marque verbale Benelux SPONTIN et d'autres marques figuratives Benelux comprenant le mot “spontin”, qui sont utilisées afin de distinguer les eaux minérales et les boissons fruitées provenant des sources d'eau minérale “Spontin”, le Requérant a clairement établi qu'il existe des droits de marques ou de services dont il est titulaire. Les marques Benelux dont le Requérant a fait preuve d'être le titulaire ont été enregistrées respectivement le 31 décembre 1971, le 9 août 1990 et le 30 octobre 1990, bien avant les dates d'enregistrement des noms de domaines par le Défendeur, c'est à dire le 2 mars 2000, le 23 mai 2000 et le 5 janvier 2008. Dès lors, la Commission constate même si cela n'est pas décisif sous le première élément de l'UDRP, les droits de marque du Requérant datent d'avant la registration des noms de domaine litigieux.

La Commission considère que tous les noms de domaine litigieux sont identiques à la marque verbale SPONTIN, ainsi qu'à l'élément verbal des marques figuratives SPONTIN. Conformément à une jurisprudence constante des commissions de l'OMPI, les éléments “.com”, “.net”, “.org”, “.biz” et “.info” des noms de domaine litigieux doivent être ignorés afin d'apprécier la similarité entre ceux-ci et les marques invoquées.

Puisque les noms de domaine litigieux sont identiques aux marques dont le Requérant est le titulaire, le Requérant a établi que le premier élément du paragraphe 4(a) des Principes directeurs est rempli.

B. Droits ou légitimes intérêts

Conformément au paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs, le Requérant a la charge de la preuve pour établir que le Défendeur n'a de ni de droits ni d'intérêts légitimes vis-à-vis des noms de domaine.

Il est de jurisprudence constante qu'il suffit pour le Requérant de démontrer qu' à première vue le Défendeur n'a de ni de droits ni d'intérêts légitime dans les noms de domaine pour mettre la charge de la preuve chez le Défendeur. (Voir: Champion Innovations, Ltd. c. Udo Dussling (45FHH), Litige OMPI No. D2005-1094 (<championinnovation.com>); Croatia Airlines d.d. c. Modern Empire Internet Ltd., Litige OMPI No. D2003-0455 (<croatiaairlines.com>); Belupo d.d. c. WACHEM d.o.o., Litige OMPI No. 2004-0110 (<belupo.com>).)

La Commission remarque que le Défendeur n'est pas connu par les noms de domaine litigieux et n'exerce aucun commerce ou entreprise sous ce terme. Pareillement, le Défendeur n'a pas obtenu de droit de marque ou de service dans ce mot. Le Défendeur n'a pas non plus reçu de licence, mandat ou contrat de mission de la Commune d'Yvoir, qui est la Commune dont ressort le village de Spontin, pour enregistrer les noms de domaine litigieux. De même, il n'existe aucun lien entre le Requérant et le Défendeur.

Bien que le terme “Spontin” désigne un terme géographique et que le site web actuel semble faire la promotion de la région, la Commission note que le Défendeur, avant le dépôt de la plainte utilisait le nom de domaine à des fins commerciales. Par conséquent, la Commission considère, au vu des éléments développés ci-dessous, que le Défendeur ne fait pas d'usage légitime des noms de domaine sans intention de détourner à des fins lucratives.

En effet, a la date du dépôt de la plainte par le Requérant, les noms de domaine litigieux étaient directement ou indirectement (par l'intermédiaire d'une seule page web contenant un seul lien) redirigés vers “www.cfbocq.be”. Sur le site “ www.cfbocq.be” une attraction touristique appelée “le chemin de fer du Bocq” est promue. Cette attraction est exploitée par une autre entité juridique, à savoir l'A.S.B.L. PFT. L'attraction est située dans la région de l'entre Sambre et Meuse et passe entre autre par Yvoir (qui est la Commune dont ressort le village de Spontin), Ciney, Spontin et Purnode.

Avant que les noms de domaine litigieux soient redirigés vers “www.cfbocq.be”, le Défendeur utilisait certains des noms de domaine litigieux (<spontin.com> et <spontin.net>) en 2003 afin de faire de la publicité pour un service appelé “Taupe Web System”. Il était annoncé que le nom de domaine serait utilisé pour “le futur site du tourisme dans la région de Spontin – Ciney, province de Namur – Belgique”.

Ce projet a été abandonné par le Défendeur.

En 2004, le site web relatif aux noms de domaine <spontin.com> et <spontin.net> consistait en une page écran contenant une liste de petites images/logos (“thumbnails”), redirigeant l'internaute, entre autres, vers une radio commerciale “Nostalgie”, un site répertoriant entre autres des restaurants. Il était également mentionné qu'il y avait un projet en préparation qui aurait trait à “la Belgique par communes en ordre alphabétique” Ce registre de codes postaux n'a jamais été développé.

Le 28 juillet 2008, la page web liée au nom de domaine annonçait “on va parler de vous” au dessus d'un gros point d'interrogation rouge et d'une référence au service de publicité “lexcommunication” (<lexcommunication.be> est un nom de domaine enregistré par “consumer service“, un des surnoms du Défendeur). Le gros point d'interrogation était une image “.jpg” avec un hyperlien redirigeant l'internaute vers le site web disponible à l'adresse “www.onvaparlerdevous.com”, à laquelle était disponible une vidéo d'une chanteuse provenant de “Dailymotion”. L'URL de l'artiste était également fournie. Le Défendeur reconnait que ceci faisait partie d'une stratégie commerciale visant à créer ce que l'on appelle dans le jargon du milieu du marketing et des nouvelles technologies un “buzz”, i.e. l'interaction entre consommateurs et utilisateurs d'un produit ou d'un service en vue d'amplifier le message de marketing original.

Il en sort que le Défendeur a toujours utilisé les noms de domaine litigieux comme de portails promotionnels. La Commission considère que le Défendeur savait ou aurait dû savoir que les noms de domaine litigieux attireraient du trafic internet – ayant égard, entre autres, à la réputation des produits de la marque SPONTIN – le Défendeur les a enregistrés afin de les utiliser pour faire de la publicité pour des entreprises tierces, et pour rediriger ce trafic vers les sites web de ses clients.

Le Défendeur n'a jamais utilisé les noms de domaine comme adresse de sites web réels, alimentés, entretenus et mis à jours de façon normale. Les sites web du Défendeur consistent toujours en une seule et simple page “écran”, contenant quelques images ou mots et faisant un lien vers un ou plusieurs autre(s) site(s) web.

Les projets que le Défendeur avait annoncés sur les sites web liés aux noms de domaine litigieux n'ont jamais été créé, entretenu ou maintenu par le Défendeur. Comme le Défendeur n'a pas su démontrer qu'il a pris de préparatifs sérieux en vue de l'usage des noms de domaine litigieux en relation à une offre de bonne foi de biens ou de services avant la notification du litige, le Défendeur ne montre pas d'avoir un intérêt légitime.

Le Défendeur semble systématiquement enregistrer des mots commercialement attrayants, tels que des noms géographiques, afin d'en augmenter le trafic et, par la suite, de les louer ou de les vendre aux entreprises intéressées. Dans le cadre d'une pareille activité, l'usage des noms de domaine litigieux, identiques aux marques du Requérant ne peut pas être considéré comme étant effectué de bonne foi afin d'offrir de biens ou services légitimes. Dès lors, le critère du paragraphe 4 (a)(ii) des Principes directeurs est rempli.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Le Requérant doit prouver sur la balance des probabilités que les noms de domaine étaient enregistrés et utilisés de mauvaise foi (Voir Telstra Corporation Limited v. Nuclear Marshmallow, Litige OMPI No. D2000-0003; Control Techniques Limited v. Lektronix Ltd, Litige OMPI No. D2006-1052).

Le paragraphe 4(b) des Principes directeurs prévoit une liste non-exclusive de circonstances qui peuvent constituer la preuve que les noms de domaine ont été enregistrés et sont utilisés de mauvaise foi. Cette liste comprend le cas dans lequel les faits démontrent que le Défendeur a enregistré ou acquis les noms de domaine essentiellement aux fins de vendre, de louer ou de céder d'une autre manière l'enregistrement de ce nom de domaine au Requérant qui est le propriétaire de la marque de produits ou de services, ou à un concurrent de celui-ci, à titre onéreux et pour un prix excédant le montant des frais qu'il peut prouver avoir déboursé en rapport direct avec ce nom de domaine.

La liste comprend également le cas dans lequel le Défendeur a enregistré les noms de domaine en vue d'empêcher le propriétaire de la marque de produits ou de services de reprendre sa marque sous forme de nom de domaine, et lorsqu'il est coutumier d'une telle pratique

1. Enregistrement de mauvaise foi

La Commission note que le Défendeur ne peut sérieusement prétendre ne pas avoir été parfaitement conscient de l'existence des eaux minérales de la marque SPONTIN avant d'enregistrer les noms de domaine litigieux <spontin.com> et <spontin.net>, et bien après, les autres noms de domaine litigieux.

En effet, la spécialité du Défendeur semble être l'enregistrement systématique de noms de domaine ayant un lien avec la région Wallonne, et plus particulièrement la zone géographique de “l'Entre Sambre et Meuse”.

Les produits portant la marque SPONTIN sont spécialement bien connus dans cette région, de même que leur origine locale, les sources de “Spontin”, qui sont exploitées par le Requérant.

Le Défendeur ne peut dès lors sérieusement prétendre ne pas avoir connu les eaux de Spontin avant d'enregistrer les noms de domaine litigieux.

La Commission constate que le Défendeur devrait être au courant de l'existence de droits de marques du Requérant au moment de l'enregistrement. Dès lors, dans les circonstances de cette affaire, il était de mauvaise foi (Voir Nintendo of America Inc v. Marco Beijen, Beijen Consulting, Pokemon Fan Clubs Org., and Pokemon Fans Unite, Litige OMPI No. D2001-1070; BellSouth Intellectual Property Corporation v. Serena, Axel, Litige OMPI No. D2006-0007).

2. Usage de mauvaise foi

Il ressort des faits que les noms de domaine litigieux ont été enregistrés et sont utilisés afin de les vendre ou de les louer pour faire du profit. Les noms de domaine litigieux sont actuellement utilisés afin de dévier le trafic internet relatif à la marque SPONTIN vers une autre entreprise, à savoir “le chemin de fer du Bocq”. Antérieurement, ils étaient utilisés dans le cadre de campagnes publicitaires et autres “buzz” commerciaux au bénéfice du Défendeur et/ou de ses clients et relations commerciales.

De plus, la Commission considère que le Défendeur a adopté un comportement coutumier et caractéristique dévoilant sa claire volonté d'empêcher le Requérant de reprendre ses marques SPONTIN sous forme de nom de domaine. Après avoir été contacté par le Requérant au sujet des noms de domaine <spontin.com> et <spontin.net>, et après avoir pris conscience qu'il pourrait obtenir une certaine somme d'argent clairement excédant le montant des frais qu'il aurait pu avoir déboursé en rapport direct avec ce nom de domaine, il s'est empressé d'enregistrer également les noms de domaine litigieux <spontin.info>, <spontin.org> et <spontin.biz>.

Ainsi, le Défendeur n'a pas uniquement fait preuve de son intention d'enregistrer les noms de domaine afin d'en tirer un profit illégitime, mais également sa volonté d'exclure le Requérant de toute présence “top level” sur l'internet et/ou afin de perturber les opérations commerciales de ce dernier.

Ces circonstances supportent la conclusion que les noms de domaine litigieux ont été enregistrés et utilisés de mauvaise foi.

7. Décision

Pour toutes les raisons susmentionnées, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d'application, la Commission décide que les noms de domaine <spontin.com>, <spontin.net>, <spontin.info>, <spontin.org> et <spontin.biz> doivent être transférés au Requérant.


Flip Jan Claude Petillion
Expert Unique

Le 16 novembre 2009