WIPO

Centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI

DÉCISION DE L'EXPERT

Brossette contre Mr. Richard Lorraine

Litige n° DFR2008-0042

1. Les parties

Le Requérant est la société Brossette, Lyon, France, représenté par le cabinet, Tmark Conseils.

Le Défendeur est Mr. Richard Lorraine, Lyon, France.

2. Nom de domaine et prestataire Internet

Le litige concerne le nom de domaine <brossete.fr> enregistré le 28 novembre 2007.

Le prestataire Internet est la société EuroDNS S.A.

3. Rappel de la procédure

Une demande déposée par le Requérant auprès du Centre d'arbitrage et de médiation de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) a été reçue le 3 septembre 2008, par courrier électronique et le 5 septembre 2008, par courrier postal.

Le 4 septembre 2008, le Centre a adressé à l'Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l'“Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.

Le 4 septembre 2008, l'Afnic a confirmé l'ensemble des données du litige, ainsi qu'aucune procédure administrative applicable au nom de domaine objet du litige n'est pendante.

A la suite d'une notification d'irrégularité, le Requérant a déposé une demande amendée le 10 septembre 2008 par voie électronique et le 24 septembre 2008 par voie postale.

Le Centre a vérifié que la demande répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le “Règlement”) en vigueur depuis le 22 juillet 2008, et applicable à l'ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l'Afnic applicable (ci-après la “Charte”).

Conformément à l'article 14(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 25 septembre 2008. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d'application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 15 octobre 2008. Le Défendeur n'a pas fait parvenir sa réponse. Le 16 octobre 2008 le Centre a notifié le défaut du Défendeur.

Le 24 octobre 2008, le Centre nommait Martine Dehaut comme Expert dans le présent litige. L'Expert constate qu'il a été nommé conformément au Règlement. L'Expert a adressé au Centre une déclaration d'acceptation et une déclaration d'impartialité et d'indépendance, conformément à l'article 4 du Règlement.

4. Les faits

Le Requérant est la société française Brossette, société par actions simplifiées, immatriculées au registre du commerce et des sociétés de Lyon, sous le numéro KBIS 323 376 814, le 31 décembre 1981.

Cette société exerce son activité dans le domaine du chauffage, des produits sanitaires et des canalisations.

Le Requérant est titulaire de droits de diverse nature en France sur le vocable “Brossette”, à savoir, selon la demande :

- droits à titre de dénomination sociale;

- droits à titre de nom de domaine : le Requérant a enregistré le nom de domaine <brossette.fr> le 14 mai 1997, et celui-ci est actif. On y retrouve des informations très complètes sur les activités du Requérant, dans les domaines précités.

- droits à titre de marque, à savoir :

Marque française BROSSETTE BTI No. 92 401 641 du 17 janvier 1992, en classes 6, 9, 11, 17 et 20, et désignant notamment des installations de chauffage et des installations sanitaires;

Marque communautaire BROSSETTE TP No. 3706496 du 3 mars 2004, en classes 6, 7, 17, 19;

Marque française B BROSSETTE No. 1 410 074 du 22 mai 1987, en classes 6 et 11, visant notamment des installations sanitaires et de chauffage.

L'existence de ces droits de marque a été dûment établie par le versement de copies de publications et des extraits de bases de données.

Le nom de domaine litigieux a été enregistré le 28 novembre 2007.

Le Requérant n'indique pas comment le nom de domaine litigieux a été porté à sa connaissance. Celui-ci est utilisé comme page de parking permettant à son titulaire de percevoir des revenus pour chaque accès aux sites commerciaux qui y sont présentés (système de “Pay-Per-Click”).

En l'espèce les divers liens commerciaux offerts comprennent des sites marchands de produits sanitaires, accessibles via une rubrique intitulée “WC”.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le Requérant relève que l'élément distinctif du nom de domaine litigieux <brossete.fr> est pratiquement identique aux droits qu'il détient, à divers titres, sur la marque BROSSETTE.

Il ajoute que, en dirigeant les internautes vers des sites marchands concurrents, le Défendeur agit en violation de ses droits de propriété industrielle, et adopte un comportement déloyal et fautif.

Il demande dès lors la transmission du nom de domaine litigieux à son profit.

B. Défendeur

Le Défendeur n'a pas répondu à la demande.

6. Discussion

Conformément aux dispositions de l'article 20 (c) du Règlement, “[l]'expert fait droit à la demande lorsque l'enregistrement ou l'utilisation du nom de domaine par le défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers ou aux règles de la concurrence telles que définies à l'article 1 du présent règlement et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le requérant a justifié de ses droits sur l'élément objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte applicable”.

En application de cette disposition, l'expert doit en premier lieu s'assurer de l'existence des droits du Requérant sur l'élément objet de l'atteinte, la mesure de réparation demandée étant le transfert du nom de domaine litigieux. En second lieu, il appartient à l'expert de déterminer si, au regard du droit français, l'enregistrement ou l'usage du nom de domaine <brossete.fr> porte atteinte aux droits du Requérant.

A. Droits du Requérant sur l'élément objet de la demande

Le Requérant a justifié avoir des droits sur l'élément objet de la demande, à titre de marque française et communautaire, dénomination sociale, et nom de domaine, qui ont été rappelés dans l'exposé des faits.

B. Atteinte aux droits du Requérant

L'article 1 du Règlement, tel que modifié le 22 juillet 2008, définit les notions d'atteinte aux droits des tiers et d'atteinte aux règles de la concurrence comme suit :

“Atteinte aux droits des tiers : une atteinte aux droits des tiers, en particulier, lorsque le nom de domaine est identique ou susceptible d'être confondu avec un nom sur lequel est conféré un droit de propriété intellectuelle français ou communautaire (propriété littéraire et artistique et/ou propriété industrielle), ou est identique au nom patronymique d'une personne, sauf si le défendeur fait valoir un droit ou un intérêt légitime sur le nom de domaine et agit de bonne foi. ”

“Atteinte aux règles de la concurrence : une atteinte aux règles de la concurrence et du comportement loyal en matière commerciale en droit français ou communautaire.”

Par souci d'économie de procédure, l'Expert fondera sa décision sur la seule atteinte aux droits de propriété industrielle du Requérant.

L'Expert rappelle à titre liminaire que les marques françaises et communautaires bénéficient d'une protection, en cas d'imitation par des tiers, essentiellement subordonnée à la reconnaissance d'un risque de confusion (par exemple article 8.1.b du Règlement sur la marque communautaire). De même, les dénominations sociales et les noms de domaine jouissent en France d'une protection dont la mise en œuvre dépend de diverses conditions qu'il n'est pas nécessaire de rappeler en l'espèce.

La présente affaire présente de grandes similitudes avec la procédure OMPI No. DFR2008-0023, dans laquelle l'expert saisi a ordonné le transfert au profit du Requérant du nom de domaine <brosette.fr>. A l'instar de la présente espèce, le titulaire utilisait le nom de domaine litigieux comme page de parking offrant notamment des liens vers des sites commerciaux concurrents du Requérant.

Le système du Pay-Per-Click est un phénomène en plein essor, dont profitent de nombreux individus et entités souvent peu scrupuleux des droits de propriété industrielle des tiers.

En l'espèce, le Défendeur Mr Richard Lorraine a enregistré et utilisé un nom de domaine quasiment identique au vocable sur lequel le Requérant détient des droits à divers titres, pour en tirer un gain, en tirant parti des erreurs de frappe des internautes (l'enregistrement de variations comprenant des fautes de frappe est connu sous le nom de typosquatting).

Le vocable “Brossette” constitue la dénomination sociale et le nom de domaine du Requérant, et est l'élément distinctif essentiel de ses droits de marques. Or, la suppression d'une des deux consonnes “T” du vocable “Brossette” n'est pas immédiatement perceptible et de fait ces signes présent une importante similitude, notamment visuelle. Dès lors, il existe un risque de confusion au sens de la disposition de l'article 1 du Règlement précitée.

Dans ces conditions, l'existence d'une atteinte aux droits du Requérant est établie.

Le Requérant a fait valoir des arguments concernant l'usage commercial illégitime et de mauvaise foi du nom de domaine litigieux par le Défendeur.

Enfin, le Défendeur n'a pas fait valoir de droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine, et n'a pas non plus indiqué avoir agi de bonne foi.

7. Décision

Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l'Expert ordonne la transmission au profit du Requérant du nom de domaine <brossete.fr>.


Martine Dehaut
Expert

Le 7 novembre 2008