WIPO

Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

 

DÉCISION DE L’EXPERT

Sonic Wall Inc. contre Advanced Date Network

Litige n° DFR2008-0022

 

1. Les parties

Le requérant est Sonic Wall Inc., Californie, États-Unis d’Amérique, représenté par Cabinet Lavoix, France.

Le défendeur est Advanced Date Network, Lyon, France, représenté en interne.

 

2. Nom de domaine et prestataire Internet

Le litige concerne le nom de domaine <sonicwall.fr> enregistré le 7 octobre 2004.

Le prestataire Internet est la société Advanced Data Network.

 

3. Rappel de la procédure

Une demande déposée par le Requérant auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) a été reçue le 30 avril 2008, par courrier électronique et le 5 mai 2008, par courrier postal.

Le 2 mai 2008, le Centre a adressé à l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l’“Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.

Le 5 mai 2008, l’Afnic a confirmé l’ensemble des données du litige.

Le Centre a vérifié que la demande répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le ”Règlement”) en vigueur depuis le 11 mai 2004, et applicable à l’ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l’Afnic (ci-après la “Charte”).

Conformément à l’article 14(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 7 mai 2008. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 27 mai 2008. Le défendeur a fait parvenir sa réponse le 23 mai 2008.

Le 5 juin 2008, le Centre nommait Alexandre Nappey comme Expert dans le présent litige. L’Expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement. L’Expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 4 du Règlement.

Le 16 juin 2008, le Requérant adressait au Centre un mémoire supplémentaire en réponse aux arguments développés par le Défendeur dans sa réponse.

Le 18 juin 2008, le Centre informait les parties que la décision de l’Expert serait rendue le 23 juin 2008.

 

4. Les faits

le Requérant est Sonic Wall Inc, société de droit américain, dont le siège social est basé à Sunnyvale en Californie.

Le Requérant indique qu’il exerce ses activités dans le domaine de la sécurisation des réseaux informatiques.

Il revendique être titulaire de droits sur la marque SONIC WALL, et produit l’extrait d’enregistrement d’une marque communautaire SONIC WALL n°001409424 du 3 décembre 1999.

Le Requérant invoque également des droits sur le fondement de la dénomination sociale, du nom commercial et du nom de domaine <sonicwall.com>.

Le Défendeur a enregistré le nom de domaine <sonicwall.fr> le 7 octobre 2004, et l’exploite pour désigner un site à partir duquel il commercialise les produits du Requérant.

Le Requérant a engagé la présente procédure en date du 30 avril 2008, en vue d’obtenir le transfert du nom de domaine <sonicwall.fr>.

 

5. Argumentation des parties

A. Requérant

La société Sonic Wall expose qu’elle commercialise ses produits en Europe par l’intermédiaire d’un réseau de distributeurs agréés.

Elle soutient que le Défendeur ne fait pas partie de ses distributeurs, mais qu’il opère un site à partir du nom de domaine litigieux, sur lequel il offre à la vente les produits du Requérant.

Or, le Requérant n’a jamais autorisé le Défendeur à vendre ses produits en France, ni à enregistrer le nom de domaine litigieux.

Il en résulte que l’enregistrement du nom de domaine et l’usage qui en est fait par le Défendeur portent atteinte aux droits de marque du Requérant : le nom de domaine constitue la copie servile de la marque du Requérant et il est utilisé par le Défendeur pour activer un site internet de vente en ligne des produits du Requérant.

Le Requérant soutient que le nom de domaine objet de la demande porte également atteinte à la dénomination sociale et au nom commercial du Requérant, le public étant fondé à penser en accédant au site qu’il opère que les produits proposés sont commercialisés avec l’autorisation du Requérant. Or, il n’en serait rien.

Le Requérant souligne également que le Défendeur ne pouvait ignorer l’existence du Requérant lors de l’enregistrement du nom de domaine puisqu’il exerce ses activités dans le domaine de l’informatique et de l’internet. De plus, le Défendeur étant un prestataire accrédité auprès de l’AFNIC, il connaissait les termes de la charte de nommage édicté par le registre français selon lesquels il appartient au déposant d’un nom de domaine de vérifier qu’il ne porte pas atteinte aux droits des tiers.

Selon le Requérant, l’enregistrement et l’utilisation du nom de domaine litigieux traduisent une volonté du Défendeur d’exploiter la valeur commerciale de la marque SONIC WALL, dans le seul but d’en tirer un profit pécuniaire, et ce en violation des règles de la concurrence et du comportement loyal en matière commerciale.

En conséquence, le Requérant sollicite la transmission du nom de domaine <sonicwall.fr> à son profit.

B. Défendeur

Dans sa réponse datée du 23 mai 2008, le Défendeur rappelle que la société Advanced Data Network a été créée en mars 1990 et qu’elle exerce ses activités dans le domaine des télécommunications, des réseaux informatiques et produits multimédia.

Dans le cadre de ses activités, le Défendeur est amené à installer des produits fabriqués par le Requérant.

Il expose qu’en 2001, il a été contacté par le Requérant pour commercialiser ses produits. C’est dans ce contexte que le Défendeur est devenu un revendeur du Requérant, qu’il a créé le site internet opéré à partir du nom de domaine litigieux, dont l’enregistrement a été notifié au Requérant par courrier du 11 octobre 2004.

Le Défendeur soutient que le requérant n’est pas le titulaire de la marque invoquée dans la demande, puisque l’adresse du siège social du Requérant diffère de celle qui figure dans l’extrait d’enregistrement de la marque tel qu’il est publié dans la base de données de l’OHMI.

D’après ses recherches, le Requérant est titulaire d’une autre marque SONIC WALL, qui serait néanmoins postérieure au nom de domaine objet de la demande, et par conséquent inopposable.

Par ailleurs, le Défendeur rappelle qu’il a informé le Requérant par courrier quatre jours après l’enregistrement du nom de domaine litigieux, dans lequel il s’est dit prêt à le transférer sur simple demande.

Le Défendeur soutient qu’il n’existe aucun risque de confusion entre le nom de domaine litigieux et les droits du Requérant dans la mesure où d’une part le site opéré à partir de ce dernier ne reprend aucun des éléments caractéristiques du site du Requérant, et d’autre part il est précisé sur chaque page que le Défendeur est indépendant du Requérant.

Le Défendeur considère au surplus qu’en tant que distributeur du Requérant, il est fondé à utiliser la marque qui recouvre les produits qu’il vend, notamment par l’intermédiaire d’un nom de domaine.

D’ailleurs, le Défendeur produit des éléments au soutien de ses allégations sur la connaissance par le Requérant de ses activités.

Le Défendeur souligne qu’il n’est pas un concurrent du Requérant, qu’il vend les produits authentiques de ce dernier en les acquérant auprès des grossistes.

Le Défendeur soutient en revanche que l’action du Requérant est un moyen détourné pour mettre un terme à sa politique de prix, ceci alors même qu’il a toléré l’existence du site du Défendeur pendant plus de trois ans. Il observe d’ailleurs que le Requérant n’est pas intervenu à l’encontre des titulaires d’autres noms de domaine nationaux qui reproduisent à l’identique sa marque.

En conclusion, le Défendeur conteste la demande de transfert du nom de domaine.

C. Mémoire supplémentaire en réponse du Requérant

En date du 16 juin 2008, le Requérant a fait parvenir au Centre avec copie au Défendeur un mémoire supplémentaire en réponse aux arguments du Défendeur. Le Centre en a accusé réception le même jour, en indiquant qu’il relève du pouvoir souverain d’appréciation de l’Expert de décider de la recevabilité de ce document.

Aucune disposition du Règlement sur la Procédure Alternative de Résolution des Litiges ne prévoit la possibilité ou non pour les parties de soumettre des écritures supplémentaires en cours de procédure.

Toutefois, l’article 17 “Compétences générales de l’expert” du Règlement de la PARL dispose notamment :

“(a) L’expert mène la procédure alternative de résolution de litiges de la manière qu’il estime appropriée dans le respect du présent règlement. Il veille à ce que les parties soient traitées de manière égale et que chacune ait la possibilité de présenter son cas de façon adéquate selon le présent règlement.

(b) L’expert statue sur la recevabilité, la pertinence, la matérialité et le poids des éléments de preuve”

En l’espèce, l’Expert estime que la recevabilité du mémoire supplémentaire transmis par le Requérant et l’examen des arguments présentés est conforme à la lettre et à l’esprit du Règlement. En effet, le Requérant y apporte des clarifications factuelles et le Défendeur n’a pas soulevé d’objections a la recevabilité du mémoire supplémentaire du Requérant.

Dans ses écritures supplémentaires, le Requérant soutient qu’il est bien le titulaire de la marque invoquée dans la demande, les différences soulevées par le Défendeur étant de nature formelle.

Il énonce qu’un contrat de distribution avait été conclu avec le Défendeur pour la période de mars 2005 à mars 2006, et qu’il ne concernait que le territoire de l’Allemagne.

Le Requérant allègue par ailleurs que le fait de vendre les produits du Requérant ne permet pas de justifier l’usage du nom de domaine <sonicwall.fr>.

 

6. Discussion

L’Expert constate que le Requérant invoque un enregistrement et l’utilisation du nom de domaine litigieux par le Défendeur en violation de ses droits et sollicite, en conséquence, la transmission à son profit.

L’Expert rappelle que, conformément à l’article 20(c) du Règlement : “Il fait droit à la demande lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le Défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers tels que définis à l’article 1 du présent Règlement et au sein de la Charte et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le Requérant a justifié de ses droits sur l’élément, objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte”.

L’Expert rappelle également que l’article 1 du Règlement dispose que l’on entend par “atteinte aux droits des tiers”, au titre de la Charte, “une atteinte aux droits des tiers protégés en France et en particulier à la propriété intellectuelle (propriété littéraire et artistique et/ou propriété industrielle), aux règles de la concurrence et du comportement loyal en matière commerciale et aux droits au nom, au prénom ou au pseudonyme d’une personne”.

En conséquence, l’Expert s’est attaché à vérifier, au vu des arguments et pièces soumis par les parties, si l’enregistrement et/ou l’utilisation du nom de domaine litigieux portait atteinte aux droits du Requérant et, le Requérant sollicitant la transmission de ce nom de domaine à son profit, s’il justifiait de droits sur ce nom de domaine.

(i) Enregistrement du nom de domaine litigieux

L’Expert constate que le Requérant justifie des droits qu’il revendique sur la marque SONIC WALL.

Le nom de domaine litigieux est strictement identique à la marque du Requérant, à l’exception de l’extension “.fr”, qui constitue un suffixe technique indispensable au fonctionnement du nom de domaine.

L’enregistrement du nom de domaine a été réalisé par le Défendeur dans le but d’opérer un site de vente en ligne des produits du Requérant. Or, il est avéré que le Requérant ne vend pas ses produits directement aux clients finaux, mais exclusivement au travers d’un réseau de revendeurs et de partenaires, auquel le Défendeur revendique appartenir.

Si le Requérant opère un site internet à destination du public français, à partir de l’URL ‘www.sonicwall.com/fr’, l’Expert relève qu’aucun produit n’est offert à la vente en ligne, ni même à la vente directe, puisque le Requérant invite les visiteurs à prendre contact avec un distributeur ou un partenaire.

Or, le Défendeur produit un certain nombre de documents attestant qu’il entretient, ou à tout le moins qu’il a entretenu des relations contractuelles avec le Requérant, dans le cadre desquelles il opérait en tant que distributeur des produits Sonic Wall.

C’est dans ce contexte que le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux en 2004, après avoir procédé à des vérifications sur les droits des tiers, et informé le Requérant de sa démarche, en lui proposant notamment de procéder au transfert du nom.

L’Expert observe d’ailleurs que le Requérant ne reconnaît l’existence de relations contractuelles avec le Défendeur qu’après que ce dernier les eut mentionnées dans sa réponse. De surcroît, le Requérant soutient que l’accord de distribution qui le liait au Défendeur ne concernait que l’Allemagne, sans toutefois le démontrer.

Force est de constater néanmoins que le Requérant n’a pas contesté l’enregistrement du nom de domaine pendant plus de trois ans, période au cours de laquelle il a pourtant entretenu des relations avec le Défendeur. L’Expert relève à cet égard les correspondances adressées au Défendeur par les représentants du Requérant en France, qui confirment que le Requérant ne pouvait ignorer l’existence du nom de domaine.

Il en résulte que le Défendeur avait un intérêt légitime à l’enregistrement du nom de domaine, qu’il en a informé le Requérant qui a toléré ces agissements pendant de nombreux mois, de sorte que l’Expert considère que le nom de domaine ne porte pas atteinte aux droits du Requérant.

(ii) Utilisation du nom de domaine en violation des droits des tiers

L’intérêt légitime du Défendeur repose sur la nature de ses activités de vente en ligne des produits du Requérant.

L’Expert observe que le site opéré à partir du nom de domaine litigieux est consacré exclusivement à la vente des produits Sonic Wall. Compte tenu du fait que le Requérant ne commercialise pas directement ses produits, il ne saurait soutenir que le Défendeur détourne sa clientèle.

Au surplus, le Défendeur mentionne très clairement sur chaque page de son site qu’il est indépendant du Requérant.

Le Requérant réfute les allégations du Défendeur selon lesquelles il a agi dans le cadre d’un accord de distribution. Cependant, le Requérant n’explique pas les relations avérées qu’il a entretenues avec le Défendeur depuis l’enregistrement du nom de domaine.

Si la présente affaire s’inscrit manifestement dans le cadre d’un différend plus global entre le Requérant et le Défendeur, il ne relève pas du règlement de la PARL et il n’appartient pas en conséquence à l’Expert de le trancher, sinon aux juridictions compétentes.

L’Expert rejoint d’ailleurs les conclusions de l’expert dans l’affaire Litige OMPI No. DFR2007-0045, Fortinet ./. Advanced Data Network concernant le nom de domaine <fortinet.fr> (rejet), dans laquelle l’Expert a, dans des conditions très similaires à celles de la présente affaire, prononcé le rejet de la demande.

En conclusion, l’Expert estime que l’usage du nom de domaine litigieux ne porte pas atteinte aux droits du Requérant, au sens des dispositions du Règlement de la PARL.

 

7. Décision

Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l’Expert rejette la demande.


Alexandre Nappey
Expert

Le 23 juin 2008