WIPO

 

Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

 

DÉCISION DE L’EXPERT

Euterpe Promotions Box Office contre Kelyo

Litige n° DFR2007-0055

 

1. Les parties

Le Requérant est Euterpe Promotions Box Office, Limoges, France, représenté par Newtech interactive, Toulouse, France.

Le Défendeur est Kelyo, Domene, France, représenté par Maître Cyril Fabre, Paris, France.

 

2. Nom de domaine et prestataire Internet

Le litige concerne le nom de domaine <boxoffice.fr> enregistré le 15 novembre 2007.

Le prestataire Internet est la société Internet Sarl, Paris, France.

 

3. Rappel de la procédure

Une demande déposée par le Requérant auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) a été reçue le 21 novembre 2007, par courrier électronique et le 27 novembre 2007, par courrier postal.

Le 22 novembre 2007, le Centre a adressé à l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l’“Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.

Le 26 novembre 2007, l’Afnic a confirmé l’ensemble des données du litige.

Le Centre a vérifié que la demande répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le “Règlement”) en vigueur depuis le 11 mai 2004, et applicable à l’ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l’Afnic (ci-après la “Charte”).

Conformément à l’article 14(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 28 novembre 2007. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 18 décembre 2007. Le Défendeur a fait parvenir sa réponse le 18 décembre 2007 par courrier électronique et le 28 décembre 2007 par courrier postal. Le Centre a accusé réception de la réponse du Défendeur le 19 décembre 2007.

Le 4 janvier 2008, le Centre nommait Christophe Caron comme Expert dans le présent litige. L’Expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement. L’Expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 4 du Règlement.

 

4. Les faits

Le Requérant est une société qui a pour activité de vendre des billets de concerts par l’intermédiaire de plusieurs établissements par le biais de son site internet désigné par le nom de domaine <box-office.fr>, tout en utilisant, comme nom commercial, l’expression “box office”. Le Requérant a par ailleurs déposé, le 21 mars 2002, la marque française dénominative n° 02 3 154 895 BOX OFFICE auprès de l’Institut national de la propriété industrielle pour désigner des produits ou services d’agence de location et d’émission de billets de spectacles, affiches, tee shirts, insignes non précieux, journal publicitaire communication.

Le Requérant a constaté que le Défendeur avait enregistré, le 15 novembre 2007, le nom de domaine litigieux, <boxoffice.fr>, afin de désigner un site dédié à la vente sur internet de phonogrammes.

Considérant que l’enregistrement de ce nom de domaine par le Défendeur entraînait un risque de confusion avec son propre nom de domaine, le Requérant a décidé de déposer une demande auprès du Centre afin d’obtenir à son profit le transfert du nom de domaine.

 

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le Requérant prouve avoir déposé une marque dénominative BOX OFFICE , utilisé cette expression comme nom commercial et exploité le site internet “www.box-office.fr”. Il estime que le Défendeur porte atteinte à ses droits de propriété intellectuelle en ayant enregistré le nom de domaine <boxoffice.fr> car cet enregistrement entraîne un risque de confusion dans l’esprit du public. Il demande donc le transfert du nom de domaine <boxoffice.fr> à son profit.

B. Défendeur

Le Défendeur considère qu’il n’est pas concurrent du Requérant car le nom de domaine <boxoffice.fr> désigne un site internet dédié à la vente de phonogrammes qui ne permet pas de vendre des billets de spectacles. Il précise également qu’il a effectué de nombreuses vérifications avant de choisir le nom de domaine litigieux et qu’il a découvert que l’expression “box office” faisait l’objet de nombreuses marques, noms de domaines et noms commerciaux. Il estime, en outre, que le Requérant ne prouve pas que sa marque est notoire, ce qui implique que ses droits sur l’expression courante “box office” sont limités par le principe de spécialité. Le Défendeur en conclut que le Requérant ne subit aucun préjudice du fait de l’exploitation du nom de domaine litigieux <boxoffice.fr>. Il sollicite donc le rejet de la demande du Requérant.

 

6. Discussion

L’Expert constate que le Requérant invoque un enregistrement et l’utilisation d’un nom de domaine litigieux par le Défendeur en violation de ses droits et sollicite, en conséquence, la transmission du nom de domaine litigieux à son profit.

L’Expert rappelle que, conformément à l’article 20(c) du Règlement, il fait droit à la demande lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le Défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers tels que définis à l’article 1 du présent Règlement et au sein de la Charte et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le Requérant a justifié de ses droits sur l’élément, objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte.

L’Expert rappelle également que l’article 1 du Règlement dispose que l’on entend par atteinte aux droits des tiers, au titre de la Charte, une atteinte aux droits des tiers protégés en France et en particulier à la propriété intellectuelle (propriété littéraire et artistique et/ou propriété industrielle), aux règles de la concurrence et du comportement loyal en matière commerciale et aux droits au nom, au prénom et au pseudonyme d’une personne.

En conséquence, l’Expert s’est attaché à vérifier, au vu des arguments et pièces soumis par les parties, si l’enregistrement et l’utilisation du nom de domaine litigieux portaient atteinte aux droits du Requérant et, le Requérant sollicitant la transmission des noms de domaine à son profit, s’il justifiait de droits sur ce nom de domaine.

(i) Enregistrement du nom de domaine litigieux

Il est attesté que le Défendeur a effectué des recherches afin de vérifier que l’enregistrement du nom de domaine <boxoffice.fr> ne porte pas atteinte aux droits des tiers. Etant donné que l’expression “box office” appartient au langage courant, il n’est pas surprenant qu’elle ait fait l’objet de nombreuses réservations antérieures par le droit des marques, par des noms commerciaux et par des noms de domaine. Il importe cependant de vérifier que, nonobstant ces vérifications, le Défendeur a bien pris soin de ne pas porter atteinte aux droits du Requérant.

Le Requérant est propriétaire de la marque dénominative n° 02 3 154 895 BOX OFFICE qui désigne notamment le service d’agence de location et d’émission de billets de spectacles. S’il affirme que sa marque est notoire, il n’apporte néanmoins pas la preuve de cette notoriété. Il en résulte que la protection conférée par cette marque est dominée par le principe de spécialité, ce qui signifie qu’elle ne s’étend que dans la limite des produits ou services visés au dépôt. Le respect du principe de spécialité s’impose particulièrement du fait que l’expression “box office” appartient au langage courant et qu’il est donc nécessaire que les opérateurs économiques puissent l’utiliser dès lors qu’ils n’empiètent pas sur les droits des tiers.

Or, il apparaît que l’activité du site internet désigné par le nom de domaine <boxoffice.fr>, si elle concerne également le domaine musical, est tout de même différente et non similaire puisqu’elle est dédiée à la vente de phonogrammes et ne s’intéresse pas aux spectacles vivants. L’Expert en déduit donc que l’enregistrement du nom de domaine <boxoffice.fr> ne porte pas atteinte au droit du Requérant sur sa marque.

De même, cet enregistrement ne porte pas davantage atteinte au nom commercial du Requérant, lequel doit aussi être apprécié à l’aune du principe de spécialité et de son rayonnement local.

Enfin, l’utilisation d’une expression courante dans un nom de domaine implique généralement une coexistence avec d’autres noms de domaine similaires qui n’est répréhensible que lorsque l’enregistrement a été effectué en violation des droits des tiers, ce qui est notamment le cas lorsqu’il existe un risque de confusion entre les sites concernés. Si le nom de domaine du Requérant, <box-office.fr>, est effectivement très proche du nom de domaine litigieux, <boxoffice.fr>, force est de constater qu’il n’existe pas de risque de confusion dans l’esprit des internautes puisque les activités des deux sites sont distinctes.

L’Expert considère que l’enregistrement du nom de domaine litigieux ne porte pas atteinte aux droits antérieurs du Requérant.

(ii) Utilisation du nom de domaine en violation des droits des tiers

L’Expert constate que le nom de domaine <boxoffice.fr> fait l’objet d’une utilisation afin de désigner un site dédié à la vente de phonogrammes, activité différente de celle exercée par le Requérant.

En outre, il est admissible qu’un site dédié à la vente de phonogrammes soit désigné par l’expression, appartenant au langage courant, qui correspond à son activité. Or, il est constant que les phonogrammes font fréquemment l’objet d’un classement qualifié de “box office”. Il en résulte que le Défendeur a un intérêt légitime à utiliser l’expression générique qui désigne l’activité de son activité commerciale réalisée grâce à son site internet.

Enfin, le Requérant n’apporte pas la preuve d’un comportement du Défendeur qui serait contraire aux règles de la concurrence et du comportement loyal dans le commerce, étant précisé que le Requérant et le Défendeur ne sont pas concurrents.

L’Expert considère que l’utilisation du nom de domaine litigieux ne porte pas atteinte aux droits du Requérant.

 

7. Décision

Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l’Expert ordonne le rejet de la demande du Requérant relative au nom de domaine <boxoffice.fr>.


Christophe Caron
Expert

Date : Le 18 janvier 2008