WIPO

Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

 

DÉCISION DE L’EXPERT

Association groupe E.S.S.E.C. contre Arnaud Beaulieu

Litige n° DFR2007-0049

 

1. Les parties

Le Requérant est Association groupe E.S.S.E.C., Cergy Pontoise, France, représenté par SELARL BRM Avocats, Lille, France.

Le Défendeur est Arnaud Beaulieu, Levallois Perret, France.

 

2. Nom de domaine et prestataire Internet

Le litige concerne le nom de domaine <myessec.fr> enregistré le 23 janvier 2007.

Le prestataire Internet est la société EDNS ROLE (Leudelange, Luxembourg).

 

3. Rappel de la procédure

Une demande déposée par le Requérant auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) a été reçue le 1er octobre 2007 par courrier postal.

Le 3 octobre 2007, le Centre a adressé à l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l’“Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.

Le 4 octobre 2007, l’Afnic a confirmé l’ensemble des données du litige, levant l’anonymat du Défendeur.

Le 11 octobre 2007, le Requérant a envoyé une demande amendée.

Le Centre a vérifié que la demande et la demande amendée répondent bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le “Règlement”) en vigueur depuis le 11 mai 2004, et applicable à l’ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l’Afnic (ci-après la “Charte”).

Conformément à l’article 14(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 22 octobre 2007. Le Défendeur n’ayant adressé aucune réponse, le Centre a notifié le défaut du Défendeur en date du 12 novembre 2007.

Le 23 novembre 2007, le Centre nommait Christophe Caron comme Expert dans le présent litige. L’Expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement. L’Expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 4 du Règlement.

 

4. Les faits

Le Requérant est l’association groupe E.S.S.E.C qui gère l’une des trois meilleures écoles de commerce françaises, créée en 1907. Cette grande école est internationalement connue par les étudiants et les professionnels.

Le Requérant est titulaire, depuis le 13 octobre 1986, de la marque française dénominative n° 1374567 ESSEC qui a été constamment renouvelée. Il est aussi propriétaire du nom de domaine <myessec.com>, enregistré depuis le 4 février 2000, et sous lequel est hébergé un site portail qui propose notamment des services d’éducation, de formation et des offres d’emplois.

Le Requérant a constaté, grâce à un constat d’huissier, que le nom de domaine <myessec.fr> avait été enregistré pour désigner un site Internet ne présentant, sur une page parking, que des liens commerciaux qui dirigent les internautes vers des sites de finance ou proposant des offres d’emplois.

Le Requérant a alors décidé de déposer une demande auprès du Centre afin d’obtenir la transmission du nom de domaine <myessec.fr> à son profit.

 

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le Requérant, après avoir prouvé sa titularité de droits sur la marque ESSEC et sur le nom de domaine <myessec.com>, considère que l’enregistrement par le Défendeur du nom de domaine <myessec.fr> constitue une atteinte à ses droits de propriété intellectuelle sur la dénomination “Essec”.

Il souligne qu’il est victime d’un acte de contrefaçon, d’autant plus que sa marque doit être considérée comme étant notoire étant donné sa fonction attractive pour le public.

Le Requérant réclame donc le transfert du nom de domaine litigieux à son profit.

B. Défendeur

Le Défendeur n’a adressé aucune réponse au Centre.

 

6. Discussion

L’Expert rappelle que conformément à l’article 20(c) du Règlement, il fait droit à la demande lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le Défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers tels que définis à l’article 1 du présent Règlement et au sein de la Charte et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le Requérant a justifié de ses droits sur l’élément, objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte.

L’Expert rappelle également que l’article 1 du Règlement dispose que l’on entend par atteinte aux droits des tiers, au titre de la Charte, une atteinte aux droits des tiers protégés en France et en particulier à la propriété intellectuelle (propriété littéraire et artistique et/ou propriété industrielle), aux règles de la concurrence et du comportement loyal en matière commerciale et aux droits au nom, au prénom et au pseudonyme d’une personne.

En conséquence, l’Expert s’est attaché à vérifier, au vu des arguments et pièces soumis par les parties, si l’enregistrement du nom de domaine litigieux portaient atteinte aux droits du Requérant et, le Requérant sollicitant la transmission des noms de domaine à son profit, s’il justifiait de droits sur ce nom de domaine.

Enregistrement du nom de domaine litigieux

Le Requérant est propriétaire d’une marque constituée de la dénomination “Essec”. Etant donné la réputation de cet acronyme, qui désigne l’une des plus prestigieuses écoles de commerce française, cette marque doit être qualifiée de notoire. De plus, le Requérant a enregistré le nom de domaine <myessec.com> afin d’exploiter un site portail. Il est donc incontestable qu’il justifie de ses droits de propriété intellectuelle sur l’élément essentiel constituant le nom de domaine litigieux.

Le Défendeur a enregistré un nom de domaine reprenant à l’identique les termes du nom de domaine enregistré par le Requérant et imitant, de façon à engendrer un risque de confusion, la marque notoire de ce dernier.

L’article 19(1) de la Charte de Nommage de l’AFNIC demande au déposant d’un nom de domaine de s’assurer avant l’enregistrement que ce dernier ne porte pas atteinte aux droits des tiers.

Il est évident que lorsque le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux, il ne pouvait pas ignorer la notoriété de l’acronyme repris dans son nom de domaine, ainsi que de la marque qui le protège. De même, il ne pouvait pas davantage ignorer que la dénomination “Myessec” faisait déjà l’objet d’une exploitation en tant que nom de domaine sur Internet.

Le Défendeur a donc ignoré volontairement la prudence minimale qui s’impose à toute personne souhaitant enregistrer un nom de domaine sans porter atteinte aux droits des tiers.

L’enregistrement du nom de domaine litigieux porte donc incontestablement atteinte aux droits que le Requérant a sur sa marque et sur son nom de domaine.

Utilisation du nom de domaine en violation des droits des tiers

Le Défendeur utilise le nom de domaine litigieux afin de bénéficier de la confusion des internautes qui pensent faussement s’être connectés sur le site portail de l’E.S.S.E.C. Il espère que ces internautes cliqueront sur les liens commerciaux proposés sur la page parking de ce site afin de recevoir les rémunérations publicitaires qui en résultent.

En outre, le Défendeur n’est en aucune manière affilié au Requérant et n’a pas été autorisé par ce dernier à utiliser la dénomination “Essec” pour son site Internet. Il n’a donc aucun intérêt légitime à l’utiliser dans le nom de domaine litigieux.

Il convient donc de constater que le Défendeur a souhaité tirer profit, de façon malhonnête, de la renommée du Requérant, en créant une confusion dans l’esprit des internautes. Ce comportement doit être qualifié de déloyal et de parasitaire.

L’utilisation du nom de domaine <myessec.fr> porte donc indéniablement préjudice aux droits du Requérant

 

7. Décision

Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l’Expert ordonne la transmission au profit du Requérant du nom de domaine <myessec.fr>.


Christophe Caron
Expert

Date : Le 7 décembre 2007