WIPO

Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

 

DÉCISION DE L’EXPERT

CB TV contre KLTE Limited

Litige n° DFR2007-0036

 

1. Les parties

Le Requérant est CB TV, Boulogne Billancourt, France, représenté par Taylor Wessing, France.

Le Défendeur est KLTE Limited, Paris, France.

 

2. Nom de domaine et prestataire Internet

Le litige concerne le nom de domaine <culturepub.fr> enregistré le 27 avril 2005.

Le prestataire Internet est la société Die Wegabentur.At (Baden, Autriche).

 

3. Rappel de la procédure

Une demande déposée par le Requérant auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) a été reçue le 10 août 2007, par courrier électronique et le 14 août 2007, par courrier postal.

Le 15 août 2007, le Centre a adressé à l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l’ “Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.

Le 16 août 2007, l’Afnic a confirmé l’ensemble des données du litige.

Le Centre a vérifié que la demande répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le “Règlement”) en vigueur depuis le 11 mai 2004, et applicable à l’ensemble des noms de domaine “Charte”).

Conformément à l’article 14(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 22 août 2007. Le Défendeur n’ayant adressé aucune réponse, le Centre a notifié le défaut du Défendeur en date du 14 septembre 2007.

Le 1er octobre 2007, le Centre nommait Christophe Caron comme Expert dans le présent litige. L’Expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement. L’Expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 4 du Règlement.

 

4. Les faits

Le Requérant est la société CB TV, qui est une société par actions simplifiée française, immatriculée au RCS de Nanterre depuis le 5 août 1991. Le Requérant est spécialisé dans la réalisation, la distribution et la production de programmes télévisés.

Elle a notamment produit l’émission “Culture Pub”, présentée par Christian Blachas. Il s’agit d’un programme destiné à présenter aux téléspectateurs des informations relatives à la vie des média et au monde de la communication. L’un des principaux thèmes de cette émission étant notamment l’analyse des spots publicitaires français et étrangers.

A ce titre la société CB TV détient une pluralité de marques et de noms de domaine.

Parmi ces marques il est possible de citer :

- la marque française régulièrement renouvelée : CULTURE PUB n° 1408739 du 10 juin 1986;

- la marque internationale CULTURE PUB n°809170 du 3 juin 2003.

La société CB News Editions, société sœur de la Requérante, est également titulaire des noms de domaine <culture-pub.fr>, <culturepub.tv> et < culture-pub.tv>.

L’émission “Culture Pub” devant être prochainement diffusée sur Internet, c’est en voulant lancer ce site que la Requérante a constaté que le Défendeur avait procédé à l’enregistrement du nom de domaine <culturepub.fr>.

Le Requérant a donc mis la société Défenderesse en demeure de cesser toute utilisation du nom de domaine litigieux et de le lui transférer.

Devant l’absence de réaction du Défendeur, le Requérant a décidé de déposer une requête auprès du Centre.

 

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le Requérant expose, tout d’abord, que la notoriété du programme télévisé “Culture Pub” n’est plus à démontrer. Cette émission, diffusée sur la chaîne M6 dans un premier temps, a connu un franc succès. Le nombre de téléspectateurs étant évalué à 1,9 millions en moyenne. Après avoir été l’émission phare de la chaîne hertzienne, elle est aujourd’hui diffusée sur le câble par la chaîne Planète.

Le Requérant souligne que l’enregistrement du nom de domaine litigieux porte gravement atteinte à ses droits de marque qui portent sur une marque notoire bénéficiant de la protection élargie conférée par l’article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle. Il invoque à l’appui de son argumentation, de nombreuses décisions de jurisprudence, établissant que, l’enregistrement comme nom de domaine d’une marque renommée, constitue un abus de droit.

En outre, le Requérant souligne que la société Défenderesse est déjà impliquée dans de nombreux litiges devant l’OMPI pour le même grief, notamment contre “Les Echos”, “France Telecom” ou encore “Orange France”.

La société Requérante énonce également que 1215 noms de domaine, enregistrés par le Défendeur, ont été bloqués en juillet 2005.

Dès lors, la société Requérante ne peut que constater la mauvaise foi dont fait preuve la société Défenderesse dans l’enregistrement et l’utilisation de noms de domaine, en violation du droit de marques.

De plus, le Requérant mentionne, que l’absence d’enregistrement du mon de domaine <culturepub.fr> par la société CB TV, ne doit pas être considérée comme une renonciation tacite de ses droits.

Le Requérant réclame donc le transfert du nom de domaine litigieux à son profit.

B. Défendeur

Le Défendeur n’a adressé aucune réponse au Centre.

 

6. Discussion

L’Expert rappelle que conformément à l’article 20(c) du Règlement, il fait droit à la demande lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le Défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers tels que définis à l’article 1 du présent Règlement et au sein de la Charte et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le Requérant a justifié de ses droits sur l’élément, objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte.

L’Expert rappelle également que l’article 1 du Règlement dispose que l’on entend par atteinte aux droits des tiers, au titre de la Charte, une atteinte aux droits des tiers protégés en France et en particulier à la propriété intellectuelle (propriété littéraire et artistique et/ou propriété industrielle), aux règles de la concurrence et du comportement loyal en matière commerciale et aux droits au nom, au prénom et au pseudonyme d’une personne.

En conséquence, l’Expert s’est attaché à vérifier, au vu des arguments et pièces soumis par les parties, si l’enregistrement du nom de domaine litigieux portaient atteinte aux droits du Requérant et, le Requérant sollicitant la transmission des noms de domaine à son profit, s’il justifiait de droits sur ce nom de domaine.

Enregistrement du nom de domaine litigieux

Le Requérant est propriétaire de plusieurs marques reprenant la dénomination Culture Pub. Cette émission de télévision jouit d’une importante notoriété comme le démontrent les différents articles produits par le Requérant.

Par conséquent, le Requérant justifie incontestablement de droits de propriété intellectuelle sur la dénomination Culture Pub.

Le défendeur a enregistré un nom de domaine, reprenant à l’identique les termes Culture Pub.

L’article 19 (1) de la Charte de Nommage de l’AFNIC demande au déposant d’un nom de domaine de s’assurer avant l’enregistrement que ce dernier ne porte pas atteinte aux droits des tiers.

Il est indéniable que lorsque le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux, il ne pouvait pas ignorer la renommée du programme télévisée et, partant, le caractère notoire de la marque Culture Pub. Il a donc ignoré la prudence minimale qui s’impose à toute personne souhaitant enregistrer un nom de domaine et qui exige de vérifier que l’enregistrement ne porte pas atteinte aux droits des tiers.

En outre, il est attesté que le Défendeur apparaît comme étant coutumier des enregistrements de noms de domaine en violation des droits des tiers.

L’enregistrement du nom de domaine litigieux porte donc incontestablement atteinte aux droits du Requérant, et notamment à ceux qu’il a sur ses marques.

Utilisation du nom de domaine en violation des droits des tiers

Le Requérant ne mentionne pas expressément une utilisation du nom de domaine qui porterait atteinte à ses droits.

L’Expert constate que, selon l’article 20 (c) du Règlement, la seule constatation d’un enregistrement effectué en violation des droits des tiers suffit à ordonner la transmission d’un nom de domaine sans qu’il soit exigé de constater également une utilisation litigieuse de ce dernier.

 

7. Décision

Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l’Expert ordonne la transmission au profit du Requérant du nom de domaine <culturepub.fr>.


Christophe CARON
Expert

Date : Le 15 octobre 2007