WIPO

Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

 

DÉCISION DE L’EXPERT

Supermarchés Match contre Paul Taylor et X.

Litige n° DFR2007-0031

 

1. Les parties

Le Requérant est la société Supermarchés Match, La Madeleine, France, représentée par Herbert Smith LLP, Paris, France.

Les Défendeur sont un anonyme et Paul Taylor, Lyon, France.

 

2. Nom de domaine et prestataire Internet

Le litige concerne le nom de domaine <supermarchematch.fr> enregistré le 3 janvier 2007.

Le prestataire Internet est la société EURODNS S.A.

 

3. Rappel de la procédure

Une plainte déposée par le Requérant auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le ”Centre”) a été reçue le 24 juillet 2007, par courrier électronique et le 25 juillet 2007, par courrier postal.

Le 27 juillet 2007, le Centre a adressé à l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l’“Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.

Le 27 juillet 2007, l’Afnic a confirmé l’ensemble des données du litige.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le “Règlement”) en vigueur depuis le 11 mai 2004, et applicable à l’ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l’Afnic (ci-après la “Charte”).

Conformément à l’article 14(c) du Règlement, une notification de la plainte, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 12 septembre 2007. Le Défendeur n’ayant adressé aucune réponse, le Centre a adressé le 3 octobre 2007 aux parties une notification de défaut du Défendeur.

Le 16 octobre 2007, le Centre nommait Christophe Caron comme Expert dans le présent litige. L’Expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement. L’Expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 4 du Règlement.

 

4. Les faits

Le Requérant est la société Supermarchés Match, qui est une société par actions simplifiée française, immatriculée au RCS de Lille. Le Requérant appartient au groupe Delhaize, spécialisé dans la grande distribution, qui comprend notamment les sociétés Cora, Truffaut ou Hourra.fr.

Elle exploite une chaîne de supermarchés dans le nord et l’est de la France. Pour le public, son enseigne représente un gage de qualité et de prix décents.

A ce titre, la société détient une pluralité de noms de domaine et de marques.

Parmi ces noms de domaine, il est possible de citer :

- le nom de domaine <supermarchesmatch.fr>, enregistré le 24 juillet 1996 par la société Supermarchés Match Nord, société qui a fusionné avec Supermarchés Match en 1998.

- le nom de domaine <supermarchesmatch.com>, enregistré le 11 octobre 1999.

- le nom de domaine <supermarchesmatch.be>, enregistré le 11 avril 2001.

Parmi ces marques, il est possible de citer:

- la marque française SUPERMARCHESMATCH du 12 février 2002 n°023142679.

En outre, les termes “Supermarchés Match” sont la dénomination sociale et le nom commercial de Supermarchés Match depuis 1998.

Le 3 janvier 2007, le Défendeur a procédé à l’enregistrement du nom de domaine <supermarchematch.fr> qui permet d’accéder à un site qui ne comporte que des liens hypertextes publicitaires.

Le Requérant a donc mis le Défendeur en demeure de cesser toute utilisation du nom de domaine litigieux et de le lui transférer.

Devant l’absence de réaction du Défendeur, le Requérant a décidé de déposer une plainte auprès du Centre.

 

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le Requérant énonce tout d’abord qu’il appartient au groupe Delhaize, dont la réputation n’est plus à faire dans le monde de la grande distribution. Il expose également que le nom de cette société représente, pour les professionnels, comme pour les particuliers, une assurance de qualité et de sérieux et un bon rapport qualité-prix.

Le Requérant souligne que l’enregistrement du nom de domaine litigieux porte gravement atteinte à ses droits. Cet enregistrement porte en effet atteinte aux droits antérieurs relatifs du Requérant, qu’il détient sur sa dénomination sociale, son nom commercial, ses marques et ses noms de domaine.

Le Requérant réclame donc que le nom de domaine <supermarchematch.fr> lui soit transmis.

B. Défendeur

Si, dans un courrier électronique en date du 3 août 2007, le Défendeur a indiqué ne pas savoir comment il se trouvait en possession du nom de domaine litigieux, tout en proposant de le transférer, cette proposition, qui a même entraîné une suspension de la procédure, n’a pas été suivie d’effets. Le Défendeur n’a adressé aucune réponse au Centre.

 

6. Discussion

L’Expert constate que le Requérant invoque un enregistrement et l’utilisation d’un nom de domaine litigieux par le Défendeur en violation de ses droits et sollicite, en conséquence, la transmission du nom de domaine litigieux à son profit.

L’Expert rappelle que, conformément à l’article 20(c) du Règlement, il fait droit à la demande lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le Défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers tels que définis à l’article 1 du présent Règlement et au sein de la Charte et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le Requérant a justifié de ses droits sur l’élément, objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte.

L’Expert rappelle également que l’article 1 du Règlement dispose que l’on entend par atteinte aux droits des tiers, au titre de la Charte, une atteinte aux droits des tiers protégés en France et en particulier à la propriété intellectuelle (propriété littéraire et artistique et/ou propriété industrielle), aux règles de la concurrence et du comportement loyal en matière commerciale et aux droits au nom, au prénom et au pseudonyme d’une personne.

En conséquence, l’Expert s’est attaché à vérifier, au vu des arguments et pièces soumis par les parties, si l’enregistrement et l’utilisation du nom de domaine litigieux portaient atteinte aux droits du Requérant et, le Requérant sollicitant la transmission des noms de domaine à son profit, s’il justifiait de droits sur ce nom de domaine.

Enregistrement du nom de domaine litigieux

Le Requérant est propriétaire de plusieurs marques reprenant les termes Supermarchés Match ainsi que du nom de domaine, du nom commercial et de la dénomination sociale correspondants.

Par conséquent, le Requérant justifie indéniablement de droits de propriété intellectuelle sur la dénomination Supermarchés Match.

L’article 19 (1) de la Charte de Nommage de l’AFNIC demande au déposant d’un nom de domaine de s’assurer avant l’enregistrement que ce dernier ne porte pas atteinte aux droits des tiers.

Il est incontestable que, lorsque le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux, soit près de cinq ans après le dépôt de la marque du Requérant et plus de dix ans après l’enregistrement de son nom de domaine, il ne pouvait pas ignorer les droits antérieurs attachés à la dénomination. On dénombre, en effet, plus de 155 Supermarchés Match en France et le chiffre d’affaire de la société s’élève à près de 1,4 milliards d’euros. Il a donc ignoré la prudence minimale qui s’impose à toute personne souhaitant enregistrer un nom de domaine et qui exige de vérifier que l’enregistrement ne porte pas atteinte aux droits des tiers.

Etant donné que seul un “s” distingue le nom de domaine litigieux (<supermarchematch.fr>) des noms de domaine du Requérant (par exemple <supermarchesmatch.fr>), il convient de présumer un comportement s’apparentant au “typosquatting” qui consiste à enregistrer un nom de domaine en retranchant ou en ajoutant une lettre par rapport à un nom de domaine notoire dans l’espoir d’attirer des internautes ayant fait une erreur de frappe sur leur clavier.

L’enregistrement du nom de domaine litigieux porte donc atteinte aux droits antérieurs de la Requérante. La proximité entre les signes et les produits ou services concernés, suscite un risque de confusion dans l’esprit du consommateur. Celui-ci pourrait en effet penser que les produits alimentaires ou les services de distribution alimentaires proposés par le Défendeur, ont pour origine les Supermarchés Match. En outre, la dénomination revêt un indicatif de qualité qu’il convient de prendre en considération afin de caractériser le risque de confusion avec le nom de domaine litigieux.

En outre, il apparaît avéré que, compte tenu de la réputation de la dénomination, cette confusion a volontairement été recherchée par le Défendeur afin de détourner la clientèle de la société Supermarchés Match vers son site, ce qui constitue un acte d’usurpation de dénomination sociale, de nom commercial, de nom de domaine et de détournement de clientèle, comportements déloyaux contraire à l’éthique qui devrait gouverner la vie des affaires.

L’enregistrement du nom de domaine litigieux porte donc incontestablement atteinte aux droits antérieurs du Requérant.

Utilisation du nom de domaine en violation des droits des tiers

L’Expert constate que l’utilisation du nom de domaine litigieux porte atteinte aux droits société Requérante sur le signe “Supermarchés Match” qui est volontairement imité afin d’encourager un risque de confusion dans l’esprit des internautes et de détourner à son profit une partie de la clientèle de la Requérante. En effet le site litigieux “www.supermarchematch.fr” propose des produits similaires au site “www.supermarchesmatch.fr”, propriété de la Requérante.

Le Défendeur n’a en outre, aucun droit ou intérêt légitime à choisir le nom de domaine <supermarchematch.fr>. Au contraire, le Défendeur a souhaité détourner sur son site des internautes voulant se connecter sur le site officiel de la société Supermarchés March. Il espérait bénéficier ainsi de recettes publicitaires engendrées grâce aux liens sur lesquels les internautes pouvaient cliquer sur son site.

Il convient donc de considérer que le Défendeur a souhaité tirer profit et de façon malhonnête du degré de fréquentation du site du Requérant, en créant une confusion dans l’esprit des internautes. Ce comportement doit être qualifié de déloyal et de parasitaire en ce qu’il profite indûment de la notoriété attachée aux signes Supermarchés Match.

L’utilisation du nom de domaine litigieux porte donc indéniablement atteinte aux droits antérieurs de la société Supermarchés Match, tout en constituant une violation des bonnes pratiques commerciales.

 

7. Décision

Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l’expert ordonne la transmission au profit du Requérant du nom de domaine <supermarchematch.fr>.


Christophe CARON
Expert

Le 30 octobre 2007