WIPO

 

Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE L’EXPERT

Naf Naf contre Frederic Schik

Litige n° DFR2007-0028

1. Les parties

Le Requérant est Naf Naf, Epinay-sur-Seine, France, représenté par Cabinet Lhermet La Bigne & Remy, Paris, France.

Le Défendeur est Frederic Schik, Lexy, France.

2. Nom de domaine et prestataire Internet

Le litige concerne le nom de domaine <naf-naf.fr> enregistré 7 février 2007.

Le prestataire Internet est la société EuroDNS S.A., Leudelange, Luxembourg.

3. Rappel de la procédure

Une demande déposée par le Requérant auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) a été reçue le 14 juillet 2007, par courrier électronique et le 18 juillet 2007, par courrier postal.

Le 18 juillet 2007, le Centre a adressé à l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l’Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.

Le 19 juillet 2007, l’Afnic a confirmé l’ensemble des données du litige.

Le Centre a vérifié que la demande répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le ”Règlement”) en vigueur depuis le 11 mai 2004, et applicable à l’ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l’Afnic (ci-après la “Charte”).

Conformément à l’article 14(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 2 août 2007. Le Défendeur n’ayant adressé aucune réponse, le Centre a notifié le défaut du Défendeur en date du 27 août 2007.

A la suite d’une tentative de règlement amiable entre les parties, une suspension de la procédure a été décidée par le Centre le 26 septembre 2007 et réitérée le 23 octobre 2007. Le règlement amiable de la procédure ayant échoué, la réinstitution de la procédure a été décidée le 29 novembre 2007.

Le 3 décembre 2007, le Centre nommait Christophe Caron comme Expert dans le présent litige. L’Expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement. L’Expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 4 du Règlement.

4. Les faits

Le Requérant est la société française dite Naf Naf qui bénéficie d’une notoriété dans le domaine de la mode. Il est propriétaire de nombreuses marques qui reprennent l’expression “naf naf” et utilise ce même signe en tant que nom commercial, dénomination sociale et enseigne. Par ailleurs, il a enregistré un nombre important de noms de domaine qui reproduisent également les termes “naf naf”. Le nom de domaine <nafnaf.com>, vers lequel un renvoi est opéré à partir de l’adresse <nafnaf.fr>, désigne le site internet principal du Requérant.

Ce dernier a été informé que le nom de domaine <naf-naf.fr> a été enregistré par le Défendeur afin de désigner un site qui présente des liens commerciaux afin d’accéder à des sites marchands dont certains sont directement concurrents de ceux du Requérant.

Le Requérant a alors décidé de déposer une demande auprès du Centre afin d’obtenir la transmission du nom de domaine <naf-naf.fr> à son profit.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Après avoir prouvé ses droits de propriété industrielle sur l’expression “naf naf”, qui constitue un signe protégé par des marques notoires, le Requérant considère que le nom de domaine litigieux a été enregistré de mauvaise foi par le Défendeur et que son utilisation porte atteinte à ses prérogatives.

Le Requérant démontre ensuite que le nom de domaine litigieux dirige les internautes vers une page dite de “parking” qui propose des liens commerciaux pointant vers des sites concurrents, ce qui prouve que l’utilisation du nom de domaine constitue un comportement déloyal.

Le Requérant réclame, en conclusion, la transmission du nom de domaine litigieux à son profit.

B. Défendeur

Le Défendeur n’a adressé aucune réponse au Centre.

6. Discussion

L’Expert rappelle que conformément à l’article 20(c) du Règlement, il fait droit à la demande lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le Défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers tels que définis à l’article 1 du présent Règlement et au sein de la Charte et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le Requérant a justifié de ses droits sur l’élément, objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte.

L’Expert rappelle également que l’article 1 du Règlement dispose que l’on entend par atteinte aux droits des tiers, au titre de la Charte, une atteinte aux droits des tiers protégés en France et en particulier à la propriété intellectuelle (propriété littéraire et artistique et/ou propriété industrielle), aux règles de la concurrence et du comportement loyal en matière commerciale et aux droits au nom, au prénom et au pseudonyme d’une personne.

En conséquence, l’Expert s’est attaché à vérifier, au vu des arguments et pièces soumis par les parties, si l’enregistrement du nom de domaine litigieux portaient atteinte aux droits du Requérant et, le Requérant sollicitant la transmission des noms de domaine à son profit, s’il justifiait de droits sur ce nom de domaine.

Enregistrement du nom de domaine litigieux

Le Requérant est notamment propriétaire de plusieurs marques françaises constituées de la dénomination “naf naf”. Etant donné sa réputation dans le domaine de la mode, ces marques doivent être qualifiées de notoires. Il est donc incontestable qu’il justifie de ses droits de propriété intellectuelle sur l’expression constituant le nom de domaine litigieux, d’autant plus qu’il l’utilise également en tant que nom commercial, de dénomination sociale, d’enseigne et de noms de domaine.

Le Défendeur a enregistré un nom de domaine reprenant quasiment à l’identique les termes de la marque du Requérant. En effet, les différences entre ses signes et le nom de domaine litigieux sont minimes. Il existe donc une imitation répréhensible car elle engendre un risque de confusion certain pour l’internaute d’attention moyenne.

L’article 19 (1) de la Charte de Nommage de l’AFNIC demande au déposant d’un nom de domaine de s’assurer avant l’enregistrement que ce dernier ne porte pas atteinte aux droits des tiers.

Il est évident que lorsque le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux, il ne pouvait pas ignorer la notoriété de l’expression qui constitue son nom de domaine. De même, il ne pouvait pas davantage se méprendre sur le fait que la dénomination Naf Naf faisait déjà l’objet d’une exploitation en tant que nom de domaine quasi-identique sur le réseau internet.

Le Défendeur a donc ignoré volontairement la prudence minimale qui s’impose à toute personne souhaitant enregistrer un nom de domaine sans porter atteinte aux droits des tiers.

L’enregistrement du nom de domaine litigieux porte donc incontestablement atteinte aux droits que le Requérant a sur sa marque.

Utilisation du nom de domaine en violation des droits des tiers

Le Défendeur utilise le nom de domaine litigieux afin de bénéficier de la confusion des internautes qui pensent faussement s’être connectés sur le site officiel du Requérant, par exemple à la suite d’une erreur de frappe. Il espère que ces internautes cliqueront sur les liens commerciaux proposés sur la page parking de ce site afin de recevoir les rémunérations publicitaires qui en résultent.

En outre, le Défendeur n’est en aucune manière affilié au Requérant et n’a pas été autorisé par ce dernier à utiliser la dénomination “naf naf” pour son site internet. Il n’a donc aucun intérêt légitime à l’utiliser dans le nom de domaine litigieux.

Par ailleurs, il est prouvé qu’il propose le nom de domaine litigieux à la vente sur son site internet, ce qui renforce ses intentions mercantiles et donc sa mauvaise foi à l’égard du Requérant.

Il convient donc de constater que le Défendeur a souhaité tirer profit, de façon malhonnête, de la renommée du Requérant, en créant une confusion dans l’esprit des internautes. Ce comportement doit être qualifié de déloyal et de parasitaire.

L’utilisation du nom de domaine <naf-naf.fr> porte donc indéniablement préjudice aux droits du Requérant.

7. Décision

Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l’Expert ordonne la transmission au profit du Requérant du nom de domaine <naf-naf.fr>.


Christophe Caron
Expert

Le 17 décembre 2007