WIPO

 

Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

 

DÉCISION DE L’EXPERT

CETELEM contre AFX Consulting

Litige n° DFR 2006-0001

 

1. Les parties

Le Requérant est la Société CETELEM S.A. dont le siège est à Paris, France, représentée par le Cabinet Lavoix, Conseils en propriété industrielle à Paris, France.

Le Défendeur est AFX Consulting dont le siège est à Neuilly sur Seine, France.

 

2. Nom de domaine et prestataire Internet

Le litige concerne le nom de domaine <ceteleme.fr> enregistré le 6 juillet 2005.

Le prestataire Internet est la société KELKO Computing Ltd. au Royaume Uni.

 

3. Rappel de la procédure

Une plainte déposée par le Requérant auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) a été reçue le 2 mars 2006 par courrier électronique et le 3 mars 2006 par courrier postal.

Le 3 mars 2006, le Centre a adressé à l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l’“Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.

Le 6 mars 2006, l’Afnic a confirmé l’ensemble des données du litige.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le ”Règlement”) en vigueur depuis le 11 mai 2004, et applicable à l’ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l’Afnic (ci-après la ”Charte”).

Conformément à l’article 14(c) du Règlement, une notification de la plainte, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 8 mars 2006. Le Défendeur n’ayant adressé aucune réponse, le Centre a adressé le 29 mars 2006 aux parties une notification de défaut du Défendeur.

Le 5 avril 2006, le Centre nommait Jean-Claude Combaldieu comme Expert dans le présent litige. L’Expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement. L’Expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 4 du Règlement.

 

4. Les faits

Le requérant est la Société Cetelem banque spécialisée dans le crédit et les services financiers aux particuliers. Elle a été créée en 1953 au sein du groupe BNP Paribas.

Le requérant justifie de marques déposées antérieurement au nom de domaine litigieux et notamment:

- CETELEM (dénomination) : enregistrement français n° 1464411 du 4 septembre 1987 renouvelé en dernier lieu le 7 juillet 1997 pour les produits et services des classes 1 à 42.

- CETELEM (graphisme en couleurs) : enregistrement français n°1470062 du 7 juin 1988 renouvelé le 3 avril 1998 pour les produits et services des classes 9, 16, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41 et 42.

- CETELEM (graphisme en couleurs) : enregistrement français n°93463598 du 9 avril 1993 renouvelé le 29 janvier 2003 pour les produits et services des classes 9, 16, 26, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 42, 43, 44 et 45.

Le requérant justifie également des noms de domaines suivants créés avant la création du nom de domaine litigieux:

- <cetelem.fr>

- <cetelem.com>

- <cetelem.net

- <cetelem.org>

- <cetelem.biz>

Le défendeur AFX Consulting est immatriculé au Registre du Commerce et des Sociétés à Nanterre avec pour mention d’activité “Enregistrement de noms de domaine”.

Son site Internet <ceteleme.fr> apparaît comme un site parking qui renvoie sur d’autres sites grâce à des liens hypertextes.

 

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le requérant, la société Cetelem, expose d’abord qu’elle est la première société de crédit à la consommation en Europe continentale. Cette société, notoirement connue dans son domaine d’activité, est présente dans plus de 20 pays (dont 13 en Europe), a environ 30 millions de clients. En France elle détient 12,1% de part de marché du crédit à la consommation ce qui la place au 1er rang.

Le requérant fait ensuite valoir que le site du défendeur est un site spécialisé dans le domaine du crédit ce qui porte atteinte non seulement à ses droits à titre de marques (voir exposé des faits) mais aussi à sa dénomination commerciale. Le site parking du défendeur propose une campagne publicitaire sur le thème du crédit et comporte 8 liens hypertextes qui renvoient non seulement au site du requérant “www.cetelem.fr” mais aussi à des sites de concurrents directs comme par exemple “www.123credit.com”  “www.finaref.fr” ou “www.csf.fr”.

Le requérant expose que le nom de domaine <ceteleme.fr> est une copie quasi servile de ses marques car l’ajout de la voyelle e finale est inaudible et ne permet pas de distinguer les deux dénominations d’un point de vue visuel, phonétique ou même conceptuel.

Cet ensemble de faits montre, selon le requérant, que l’enregistrement du nom de domaine litigieux a été fait de mauvaise foi. Celle-ci est d’autant plus évidente que le défendeur ne pouvait prétendre ignorer l’existence de CETELEM puisqu’il cite lui-même dans son site le site de CETELEM.

Le requérant ajoute que le défendeur ne bénéficie d’aucun droit sur la dénomination CETELEME et n’a aucun intérêt légitime à son enregistrement et à son utilisation à titre de nom de domaine.

En effet le terme CETELEM ne figure nulle part sur l’extrait Kbis du défendeur au Registre du Commerce et des Sociétés. Le site Internet du défendeur ne révèle aucun usage commercial du terme CETELEM si ce n’est de renvoyer vers des sites de tiers. Ceci prouve que le défendeur souhaite profiter de la notoriété de CETELEM pour tromper les utilisateurs d’Internet et même aiguiller ces derniers vers des concurrents du requérant ce qui constitue également des faits de concurrence déloyale et parasitaire.

Le requérant réclame à titre de mesure de réparation que le nom de domaine <ceteleme.fr> soit radié.

B. Défendeur

Le Défendeur n’a adressé aucune réponse en défense au Centre.

 

6. Discussion

Conformément aux dispositions de l’article 20 (c) du Règlement “ L’expert fait droit à la demande lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers telle que définie à l’article 1 du présent règlement et au sein de la Chartre et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le requérant a justifié de ses droits sur l’élément objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte.”

Nous observons qu’en l’espèce le requérant ne réclame pas le transfert du nom de domaine litigieux mais sa radiation. Nous devons donc déterminer si l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine litigieux ont constitué une atteinte aux droits des tiers.

Enregistrement du nom de domaine litigieux

En premier lieu nous retiendrons que le nom de domaine <ceteleme.fr> est une reproduction quasi servile des marques françaises antérieures justifiées par le requérant.

Ces marques antérieures, qu’elles soient verbales ou figuratives, revendiquent le mot CETELEM en tant qu’élément distinctif. Il est selon nous, et selon une jurisprudence classique en la matière, hors de doute que l’ajout in fine de la voyelle e ne puisse permettre d’échapper à la contrefaçon. Il est exact que sur le plan vocal, visuel ou conceptuel, la reproduction est quasi servile ce qui porte atteinte aux droits du requérant au sens de l’article 1 du Règlement.

Pour les mêmes raisons le nom domaine litigieux porte aussi atteinte à la dénomination sociale et au nom commercial de la société CETELEM.

Il est exact que l’article 19(1) de la Charte de Nommage de l’AFNIC demande au déposant d’un nom de domaine de s’assurer avant l’enregistrement que ce dernier ne porte pas atteinte aux droits des tiers. Mais en l’espèce le déposant ne pouvait ignorer l’existence de CETELEM et de son site car le site du requérant figure dans la page d’accueil du site du défendeur.

C’est donc en parfaite connaissance de cause que le défendeur a enfreint les droits du requérant. D’ailleurs il eut été invraisemblable qu’une société aussi importante et connue que CETELEM n’ait pas songé à déposer sa marque. Une simple recherche sur le site de l’INPI (Institut national de la propriété industrielle) aurait permis de le confirmer.

Utilisation du nom de domaine en violation des droits des tiers

Comme nous venons de le voir l’utilisation du nom de domaine litigieux est une atteinte aux droits de propriété industrielle du requérant. C’est aussi une atteinte au nom de la société CETELEM.

Il convient d’observer que le défendeur n’avait aucun droit ni intérêt légitime à choisir le nom de domaine <ceteleme>. S’il l’a fait ce ne peut être que pour bénéficier indûment du nom CETELEM et de sa notoriété pour attirer sur son site les utilisateurs d’Internet en les induisant en erreur.

Nous devons aussi considérer que la page d’accueil du site du défendeur comporte des liens hypertextes permettant d’aller sur les sites de différents organismes de prêt dont certains sont des concurrents directs de CETELEM. La mise en concurrence n’est pas répréhensible. Mais ce qui est condamnable est d’utiliser pour ce faire un nom de domaine trompeur en reprenant pratiquement le nom du requérant qui un des plus prestigieux établissement bancaire. C’est un comportement déloyal et parasitaire.

 

7. Décision

Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l’expert ordonne la suppression du nom de domaine <ceteleme.fr>


Jean-Claude Combaldieu
Expert

Le 18 avril 2006