n WIPO Domain Name Decision: DFR2005-0006

WIPO

 

Centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI

 

DÉCISION DE L’EXPERT

Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (CIVC) contre Internet SARL - Jérôme Guiffault

Litige n° DFR 2005 0006

 

1. Les parties

Le Requérant est le Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (CIVC), Epernay, France.

Le Défendeur est Jérôme Guiffault - société Internet SARL, Paris, France, lequel est représenté par Maître Cyril Fabre, avocat au Barreau de Paris, Cabinet Ojfi – Alexen, Paris, France.

 

2. Nom de domaine et prestataire Internet

Le litige concerne le nom de domaine <champagnes.fr> enregistré le 20 décembre 2004.

Le prestataire Internet est la société Internet SARL.

 

3. Rappel de la procédure

Une plainte déposée par le Requérant auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci après désigné le “Centre”) a été reçue le 21 avril 2005, par courrier électronique et le 10 mai 2005, par courrier postal.

Le 21 avril 2005, le Centre a accusé réception de la demande de procédure alternative de règlement des litiges.

Le 21 avril 2005, le Centre a adressé à l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci après l’Afnic) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.

Le 22 avril 2005, l’Afnic a confirmé l’ensemble des données du litige.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” par décision technique (ci après le “Règlement”) en vigueur depuis le 11 mai 2004, et applicable à l’ensemble des noms de domaine du “.fr” conformément à la Charte de nommage de l’Afnic (ci après la ”Charte”).

Conformément à l’article 14(c) du Règlement, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 22 avril 2005. Le Défendeur a adressé une réponse au Centre, par courrier électronique, le 30 mai 2005, et par courrier le 3 juin 2005.

Le Centre a accusé réception de cette réponse le 30 mai 2005.

Le 31 mai 2005, le Requérant a adressé au Centre des documents en réponse additionnels.

Le 1er juin 2005, le Centre accusait réception des documents additionnels du Requérant et réaction du Défendeur.

Le 8 juin 2005, le Centre nommait Isabelle Leroux comme expert dans le présent litige. L’expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement. L’expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 4 du Règlement.

 

4. Les faits

Le Requérant, le Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (CIVC) a été institué en France par la loi du 12 avril 1941 modifiée par les lois des 2 juin 1944 et 7 juin 1977, et a notamment pour mission d’assurer la protection des intérêts collectifs des groupements de base qu’il représente.

Ces groupements de base comprennent l’ensemble des professionnels participant à la production, l’élaboration et la commercialisation des vins de Champagne identifiés par la célèbre appellation d’origine contrôlée.

Le Défendeur est la société Internet SARL prise en la personne de son Gérant, Monsieur Jérôme Guiffault.

La société Internet SARL exploite depuis sa création une activité de conception et édition de sites Internet dans divers secteurs.

Le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux <champagnes.fr> le 20 décembre 2004.

Ce nom de domaine n’est pas exploité.

Par courrier du 23 décembre 2004, le CIVC a mis en demeure le Défendeur de renoncer au nom de domaine <champagnes.fr> et de le transférer à ses frais.

Toutefois, la société Internet SARL indique n’avoir jamais reçu ladite lettre de mise en demeure, laquelle a été retournée au CIVC avec la mention “NPAI” (n’habite pas à l’adresse indiquée).

Aucune suite n’ayant été donnée au courrier adressé le 23 décembre 2004, le CIVC a saisi le Centre du présent litige.

Par courrier du 30 mai 2005, le Défendeur a fait valoir ses arguments en réponse.

Par courrier du 1er juin 2005, le Requérant a fait valoir des arguments complémentaires en réponse à ceux avancés par le Défendeur.

 

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (CIVC) a été institué en France par la loi du 12 avril 1941 modifiée par les lois des 2 juin 1944 et 7 juin 1977.

La loi confère au CIVC notamment la mission d’assurer la protection des intérêts collectifs des groupements de base qu’il représente.

Ces groupements de base comprennent l’ensemble des professionnels participant à la production, l’élaboration et la commercialisation des vins de Champagne identifiés par la célèbre appellation d’origine contrôlée.

Le CIVC détient la capacité d’agir pour la défense de l’AOC “Champagne”, cette capacité d’agir ayant notamment été reconnue par un arrêt de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation, le 18 février 2004.

L’appellation “Champagne” est l’une des toutes premières Appellations d’Origine reconnues par le législateur et elle compte parmi les plus célèbres et les plus anciennes dans le monde.

Ainsi, François Bonal, dans l’ouvrage de référence intitulé “Le Livre d’Or du Champagne” évoque la précocité du commerce des vins de Champagne qui remonte au XIIème siècle et de leur réputation qui est devenue mondiale dès le XVIIIème siècle avec la maîtrise de l’effervescence.

La loi du 6 mars 1919, relative à la protection des Appellations d’Origine a instauré en son article 18 faisant référence au Décret du 17 décembre 1908, l’appellation d’origine “Champagne”.

Cette loi a été complétée par les lois des 22 juillet 1927 et 6 juillet 1966.

A la suite de la création de l’Institut National des Appellations d’Origine (INAO) en 1935, le Décret du 29 juin 1936 fixe définitivement le cadre juridique de l’appellation d’origine contrôlée “Champagne” tel qu’il s’applique aujourd’hui.

La jurisprudence a, depuis lors, eu l’occasion d’affirmer, à de nombreuses reprises, la notoriété de l’appellation d’origine “Champagne” et sa nécessaire protection contre tout type d’atteinte.

La réglementation applicable en France en matière d’Appellations d’Origine a pour fondement le droit national, communautaire et international.

Elle est essentiellement constituée par :

En l’espèce, il ressort de la comparaison des signes que ceux-ci présentent des quasi-identités tant sur le plan visuel que phonétique et intellectuel

De plus, il est traditionnel de désigner les vins de Champagne sous la forme “les Champagnes”.

Enfin, le nom “Champagne” bénéficie d’une notoriété exceptionnelle et attire notamment sur Internet un nombre important de personnes qui souhaitent obtenir des informations sur tel ou tel point concernant les vins de Champagne.

Il est, par conséquent, tout à fait probable qu’un certain nombre de ces internautes se retrouve sur le site “www.champagnes.fr” en lieu et place du site Internet du CIVC dont une des missions confiées par loi est précisément d’informer et de communiquer sur les vins de Champagne.

Or, un tel risque n’est bien évidemment pas acceptable au regard de la nature, du statut et de la protection dont bénéficie l’appellation d’origine “Champagne”.

A cet égard, de nombreuses décisions de justice ont reconnu que le seul dépôt d’une marque comprenant l’appellation d’origine “Champagne” était constitutif d’une faute caractérisée (décisions “SOS Champagne”, “Champagne et Confettis”, “C’est du Champagne”).

Cette jurisprudence relative aux marques peut assurément être transposée aux noms de domaine qui constituent aussi une appropriation privative d’un nom pour la partie du réseau Internet constituée par l’extension “.fr”.

Conformément aux dispositions de l’article L 115-5 du Code de la Consommation, le nom de domaine <champagnes.fr> affaiblit ou détourne, ou simplement risque d’affaiblir ou de détourner, la notoriété de l’appellation d’origine contrôlée “Champagne” et ne peut être utilisé à quelque fin que ce soit par aucune personne ou entité autre que le CIVC, légalement mandé pour promouvoir l’appellation d’origine contrôlée “Champagne” au nom des vignerons et maisons de Champagne.

Le maintien de l’attribution de ce nom de domaine à la société Internet SARL, représentée par Monsieur Jérôme Guiffault, reviendrait, dès lors, à accorder à son titulaire un droit privatif incompatible avec la nature et le statut de l’appellation d’origine contrôlée “Champagne”.

B. Défendeur

La société Internet SARL exploite depuis sa création une activité de conception et édition de sites Internet dans divers secteurs.

Au cours du mois de décembre 2004, un salarié de la société Internet SARL, Monsieur Mathieu Labrune, issu d’une famille de vignerons champenois, a proposé à la société Internet SARL de réaliser une plateforme Internet destinée à la présentation et la distribution de champagnes.

La société Internet SARL accepta ce projet d’autant qu’un parent de Monsieur Mathieu Labrune, propriétaire de l’entreprise Champagnes René Jolly, était enclin à distribuer ses vins de Champagne par le biais du portail Internet qui serait issu du projet.

C’est pourquoi le 20 décembre 2004, la société Internet SARL a enregistré le nom de domaine <champagnes.fr>.

La société Internet SARL travaille à la conception de la plateforme Internet visée.

La société Internet SARL a été étonnée d’apprendre, au sein de la demande formulée par le CIVC, qu’une lettre de mise en demeure lui aurait été adressée, la société Internet SARL n’ayant jamais reçu ladite lettre de mise en demeure.

En effet, cette lettre a été retournée au CIVC revêtue de la mention “NPAI”.

La société Internet SARL s’étonne également que le CIVC n’ait pas cherché à relancer la société Internet SARL, et ce en prenant simplement contact avec cette dernière, par exemple au moyen de son adresse de courrier électronique.

Aux termes des dispositions légales applicables à l’appellation d’origine “Champagne”, il ressort que :

Or, tel n’est pas le cas en l’espèce.

En effet, la société Internet SARL n’envisage nullement d’utiliser le nom de domaine <champagnes.fr> pour désigner des produits non couverts pas l’appellation d’origine contrôlée “Champagne”.

Par ailleurs, l’enregistrement du nom de domaine <champagnes.fr> sans exploitation ne saurait constituer en soi une atteinte à l’appellation d’origine “Champagne”.

Seule l’exploitation qui en est faite peut être constitutive d’une telle atteinte dans le cadre d’une exploitation pour un site Internet visant :

En l’espèce, le nom de domaine <champagnes.fr>>, même s’il a été enregistré par la société Internet SARL, n’est toujours pas exploité.

En effet, le portail Internet prévu pour être rattaché audit nom de domaine n’est pas encore achevé.

Dès lors, il ne peut valablement être reproché au Défendeur d’avoir usurpé l’appellation d’origine “Champagne” ni d’avoir porté atteinte à sa notoriété.

S’agissant de la conformité de la destination du nom de domaine <champagnes.fr>, l’utilisation ou l’évocation d’une appellation d’origine contrôlée pour désigner des produits similaires, en l’espèce des vins de Champagne, n’est pas interdite.

A défaut, les commerçants ne pourraient pas utiliser, en particulier dans leurs communications commerciales et publicitaires à destination de leur clientèle, le terme “champagne” pour désigner ce produit.

Or, l’ambition de la société Internet SARL, au moment de l’enregistrement du nom de domaine <champagnes.fr> et à ce jour, est de l’associer à une plateforme Internet de présentation et de vente en ligne de vins de Champagne exclusivement.

A cet égard, la société Internet SARL produit une attestation de Monsieur Mathieu Labrune, né d’une famille de vignerons champenois et initiateur du projet de réalisation du portail Internet, et une lettre adressée à la société Internet SARL par Monsieur Pierre-Eric Jolly, producteur des vins de Champagne “René Jolly” confirmant son accord de distribution de ces vins par l’intermédiaire du portail Internet devant être accessible à l’adresse “www.champagnes.fr”.

Auparavant, la société René Jolly, consciente du développement considérable du commerce électronique, avait imaginé la création d’un site Internet destiné à présenter ses vins de Champagne de la marque “René Jolly” et à en permettre la commercialisation.

Cependant, ayant constaté qu’aucune plateforme Internet exclusivement destinée aux vins de Champagne ne proposait la commercialisation en ligne de plusieurs types de vins de Champagne, Monsieur Mathieu Labrune a proposé à la société Internet SARL, son employeur, de réaliser un portail de commercialisation de plusieurs marques de vins de Champagne, d’où le choix d’enregistrer le terme “champagnes” à titre de nom de domaine.

Cependant, comme tout grand projet, ce dernier nécessitait un investissement financier et humain important ne permettant pas à la société Internet SARL de fournir aujourd’hui une présentation immédiate de la plateforme Internet qu’elle souhaite mettre en place.

S’agissant des jurisprudences antérieures relatives à l’appellation d’origine contrôlée “Champagne” citées par le CIVC, celles-ci concernent exclusivement l’utilisation indue de la dénomination pour des produits distincts et ne sauraient donc s’appliquer à la présente affaire dans la mesure où le nom de domaine <champagnes.fr> n’était, ab initio, aucunement destiné à promouvoir des produits et services différents des vins de Champagne.

Dès lors, la société Internet SARL n’a jamais eu l’ambition de porter préjudice à l’image de marque de l’Appellation “Champagne”.

Par ailleurs, conformément aux dispositions de l’article L. 115-5 du Code français de la Consommation, celles-ci n’interdisent pas l’appropriation de l’appellation d’origine contrôlée “Champagne” à titre de marque et particulièrement lorsque la marque a pour effet de désigner exclusivement les vins de Champagne prévus en classe 33.

Par conséquent, le nom de domaine <champagnes.fr>, à ce jour encore inexploité, ne constitue pas une atteinte à l’appellation d’origine contrôlée “Champagne” revendiquée par le Requérant.

 

6. Discussion

En premier lieu, l’Expert a estimé avoir été suffisamment informé par la lecture de la demande de procédure alternative de règlement des litiges et par la réponse faite par le Défendeur sans qu’il soit nécessaire de prendre en considération la réponse faite par le Requérant à l’argumentation développée par le Défendeur.

L’Expert constate que le Requérant invoque un enregistrement et une utilisation du nom de domaine litigieux par le Défendeur en violation du régime applicable à l’AOC “Champagne” et sollicite en conséquence sa transmission à son profit.

L’Expert rappelle que, conformément à l’article 20(c) du Règlement, “il fait droit à la demande lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le Défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers telle que définie à l’article 1 du présent règlement et au sein de la Charte et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le Requérant a justifié de ses droits sur l’élément objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte”.

L’Expert rappelle également que l’article 1 du Règlement dispose que l’on entend par “atteinte aux droits des tiers, au titre de la Charte, une atteinte aux droits des tiers protégés en France et en particulier à la propriété intellectuelle (propriété littéraire et artistique et/ou propriété industrielle), aux règles de la concurrence et du comportement loyal en matière commerciale et au droit au nom, au prénom ou au pseudonyme d’une personne”.

(i) Sur les droits dont se prévaut le Requérant

Le Requérant ne revendique aucun droit privatif sur l’AOC “Champagne” et reconnaît d’ailleurs que “L’appellation d’origine contrôlée constitue un patrimoine collectif et ne peut donc pas être la propriété d’opérateurs économiques”.

Le Requérant n’intervient donc pas pour revendiquer un droit privatif mais pour défendre une appellation devant rester à la libre disposition de ceux justifiant pouvoir l’utiliser.

A cet égard, il ne saurait être contesté que le Requérant a pour mission notamment la défense de l’AOC “Champagne”.

Ceci étant rappelé, il convient de préciser que la présente décision est rendue à la lumière du caractère nécessairement collectif de l’AOC “Champagne”. Ainsi, ne s’agit-il pas de trancher un litige impliquant un droit privatif, mais une appellation collective.

(ii) Sur l’enregistrement du nom de domaine litigieux

En premier lieu, le fait que l’AOC “Champagne” ait été enregistrée en tant que nom de domaine au pluriel n’est pas de nature à écarter tout risque de confusion avec l’AOC “Champagne”. Au contraire, l’internaute à raison de cet emploi au pluriel sera porté à croire que ce nom de domaine mène nécessairement vers un site Internet présentant l’ensemble des vins de champagne existant sur le territoire français.

S’agissant du statut juridique s’appliquant aux AOC. Aux termes de l’article L. 115-1 du Code français de la Consommation repris par l’article L. 721-1 du Code de la Propriété Intellectuelle, de l’article 2 de l’Arrangement de Lisbonne du 31 octobre 1958, et du Règlement Communautaire n° 20/81/92 du 14 juillet 1992 : “une appellation d’origine est constituée de la dénomination d’un pays, d’une région ou d’une localité servant à désigner un produit qui en est originaire et dont la qualité ou les caractères sont dus au milieu géographique, comprenant des facteurs matériels et des facteurs humains”.

L’appellation d’origine a un caractère collectif et a vocation de garantir une provenance géographique ainsi qu’une qualité liée à celle-ci. Elle bénéficie à l’ensemble des producteurs du pays, de la région ou de la localité considérée ainsi qu’aux négociants des vins en cause.

Dès lors, elle ne saurait faire l’objet d’une appropriation, sauf à priver les producteurs pouvant légitimement l’exploiter, de l’utiliser.

Cette appellation d’origine doit donc rester à la disposition de tous les producteurs ou négociants commercialisant le vin ayant droit à cette appellation.

Toutefois, la notoriété de l’AOC “Champagne” ne saurait bénéficier à un seul producteur, négociant ou autre acteur dont l’activité est liée à la fabrication, la commercialisation ou la promotion du “Champagne” et encore moins à une personne physique ou morale dont l’activité est totalement étrangère à la fabrication, la commercialisation ou la promotion du “Champagne”.

A cet égard, il appartient au Requérant de veiller à l’intérêt collectif de “l’ensemble des professions intéressées à la fabrication et à la commercialisation des vins de Champagne” et de s’assurer que l’utilisation faite de l’AOC “Champagne” est loyale.

En l’espèce, le Défendeur a pour activité la conception et l’édition de sites Internet, il ne justifie donc pas d’un intérêt légitime à utiliser l’AOC “Champagne”.

Son activité ne présente en effet aucun lien avec la production ou encore le négoce de Champagne.

Par ailleurs, le fait que :

- Monsieur Mathieu Labrune, salarié du Défendeur, soit issu d’une famille de vignerons champenois et à l’initiative du projet de réalisation d’un portail Internet,

et que Monsieur Jean-Pierre Eric Jolly, producteur de vins de Champagne “René Jolly” ait donné son accord pour distribuer ses vins par l’intermédiaire du portail Internet devant être accessible à l’adresse “www.champagnes.fr”

ne saurait pas plus justifier de l’enregistrement du nom de domaine <champagnes.fr>.

En effet, ces éléments sont insuffisants pour convaincre l’Expert que ce nom de domaine a été enregistré de manière loyale c’est-à-dire en accord avec l’intérêt collectif des professionnels des vins de Champagne. Au contraire, tout laisse à supposer que ce nom de domaine a été enregistré pour satisfaire un intérêt étranger à l’intérêt collectif des professionnels participant à la production, l’élaboration et la commercialisation des vins de Champagne ou à tout le moins pour satisfaire un intérêt purement individuel, lié à la promotion du Champagne René Jolly, et mercantile et, par conséquent, contraire à la nature même de l’AOC “Champagne” qui se veut nécessairement collective.

(iii) Sur l’utilisation du nom de domaine litigieux

Le Défendeur prétend que le nom de domaine <champagnes.fr> a vocation à désigner exclusivement des vins de Champagne.

Pour en justifier comme cela a déjà été relevé, il communique :

Au départ, la société René Jolly et Monsieur Mathieu Labrune n’avaient envisagé de ne présenter et commercialiser que les vins de Champagne “René Jolly”.

C’est la raison pour laquelle, dès le mois de juin 2003, Monsieur Mathieu Labrune a enregistré plusieurs noms de domaine tels que <champagnes-jolly.com>, , etc.

Aussi, constatant qu’aucune plateforme Internet n’était exclusivement destinée aux vins de Champagne, Monsieur Mathieu Labrune a proposé à la société Internet SARL de réaliser un portail de commercialisation de plusieurs marques de vins de Champagne, d’où le choix d’enregistrer le terme “Champagnes” à titre de nom de domaine.

Ce nom de domaine a été enregistré le 20 décembre 2004.

Or, l’Expert constate que les seuls actes préparatifs du Défendeur consistent en une attestation faite de Monsieur Labrune, salarié de la société Internet SARL, Défendeur, et d’un courrier de Monsieur Pierre-Eric Jolly qui est le cousin de Monsieur Mathieu Labrune.

Ces seuls documents ne sont pas de nature à justifier d’une intention réelle d’exploiter un site Internet dédié à la commercialisation de nombreux vins de Champagne. Bien au contraire, ces courriers ne concernent que les champagnes Jolly.

En effet, si comme le prétend le Défendeur, “comme tout grand projet, ce dernier nécessite un investissement financier et humain important ne permettant pas à la société Internet SARL de fournir aujourd’hui une présentation immédiate de la plateforme Internet qu’elle souhaite mettre en place”, en revanche le Défendeur n’est pas à même de justifier ne serait-ce que de quelques lettres visant à démarcher d’autres producteurs de vins de Champagne qui auraient pu être intéressés par ce projet.

D’ailleurs, il est étonnant que les noms de domaine réservés dès juin 2003, n’aient jamais fait non plus l’objet d’une quelconque exploitation.

Ainsi, le Défendeur ne démontre pas avoir eu l’intention sérieuse d’exploiter le nom de domaine enregistré pour assurer la promotion de l’ensemble des vins de Champagne.

En conséquence, l’Expert considère que l’enregistrement et l’utilisation du nom de domaine litigieux par le Défendeur a porté atteinte à l’intérêt collectif des professionnels des vins de Champagne dont le Requérant a la mission d’assurer la défense.

 

7. Décision

Par conséquent, conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l’Expert ordonne le transfert du nom de domaine <champagnes.fr> au Requérant.


Isabelle Leroux
Expert

Le 4 juillet 2005