Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI
DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE
Dr. Ing. h.c. F. Porsche AG contre Mr. Paolo De Gaetano
Litige n° D2005-0327
1. Les parties
Le Requérant est la Société Dr. Ing. h.c. F. Porsche AG, Stuttgart, Allemagne, représenté par Mes Lichtenstein, Körner & Partners, Allemagne.
Le Défendeur est M. Paolo De Gaetano, Cannes, France.
2. Noms de domaine et unité d’enregistrement
Le litige concerne les noms de domaine <porschecom.com> et <porscheol.com>.
L’unité d’enregistrement auprès de laquelle les noms de domaine sont enregistrés est BookMyName SAS.
3. Rappel de la procédure
Une plainte a été déposée par la société Dr. Ing. h.c. F. Porsche AG auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 30 mars 2005.
Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les ”Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les ”Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 12 mai 2005, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 1er juin 2005. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 2 juin 2005, le Centre notifia le défaut du Défendeur.
En date du 9 juin 2005, le Centre nomma dans le présent litige comme expert unique le professeur François Dessemontet. L’expert unique avait adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application.
4. Les faits
Depuis plus de 50 ans, le Requérant fabrique des voitures de sport et jouit dans ce domaine d’une réputation internationale. Le Requérant produit également des pièces de rechange et différentes sortes de produits de merchandising comme des lunettes, des parapluies, et des vêtements.
“Porsche” est la partie prééminente et distinctive du nom commercial du Requérant. Le Requérant est aussi titulaire de nombreuses marques comprenant le nom de “Porsche”.
En France, la marque du Requérant est protégée par les enregistrements suivants :
- Enregistrement International n° 179928, “PORSCHE”, du 8 octobre 1954, (automobiles et leurs parties etc.);
- Enregistrement International n° 181932, “BLASON-PORSCHE”, du 7 janvier 1955 (automobiles et leurs parties etc.);
- Enregistrement International n° 459706, “PORSCHE”, du 24 février 1981, (services relatifs aux automobiles);
- Enregistrement International n° 473561, “PORSCHE”, du 29 septembre 1982, (diverses marchandises et services comprenant des produits de consommation et de merchandising);
- Enregistrement International n° 730310, “BLASON-PORSCHE”, du 12 novembre 1999 (diverses marchandises et services comprenant les secteurs voiture et consommation).
Dans le reste du monde, le requérant est également titulaire d’un grand nombre de marques, parmi lesquelles on compte notamment :
- Aux États-Unis, la marque “PORSCHE”, n° 0618933 du 10 janvier 1956 (Automobiles et leurs parties).
- Au Canada, la marque “PORSCHE” et “BLASON-PORSCHE”, TMA117101, du 4 mars 1960 (Automobiles et leurs parties).
Le Requérant opère son site Web principal sous le nom de domaine <porsche.com>. Celui-ci sert de passerelle vers d’autres sites Web conçus pour répondre aux différentes demandes des internautes.
5. Argumentation des parties
A. Requérant
Le Requérant fonde sa plainte sur les motifs suivants :
- Les noms de domaine litigieux sont identiques à la marque “PORSCHE” du Requérant ou y sont semblables au point de prêter à confusion. Les suffixes “com” et “ol” ne permettent pas de distinguer les noms de domaine litigieux de la marque du Requérant. Ils sont purement descriptifs et donnent au contraire l’impression que ces noms de domaine sont opérés par le Requérant.
- Le Défendeur n’a aucun droit sur les noms de domaine ni aucun intérêt légitime en lien avec eux, car il n’est pas actuellement un distributeur autorisé des produits du Requérant, et ne l’a jamais été. Il n’utilise pas les noms de domaine pour offrir de bonne foi des produits ou des services. Il n’est pas connu sous les noms utilisés pour les noms de domaine litigieux, mais il utilise ces noms de domaine pour satisfaire ses objectifs commerciaux.
- Le Défendeur a enregistré et utilise les noms de domaine litigieux de mauvaise foi, le Défendeur connaissait les droits du Requérant sur la marque “PORSCHE”. De plus, le Défendeur a enregistré une dizaine de noms de domaine intégrant des marques renommées. Il a donc adopté un comportement contraire à la bonne foi. Il tente délibérément d’attirer des utilisateurs d’Internet sur son site Web dans l’intention de réaliser un bénéfice commercial en établissant des liens avec ses autres sites Web. Il utilise les noms de domaine litigieux pour offrir au public d’autres produits que les produits du Requérant. Le Défendeur ne révèle pas qu’il n’est pas en relation avec le Requérant titulaire de la marque “PORSCHE”, mais trompe le public en le laissant croire qu’il en est un distributeur officiel ou qu’il est en relation juridique ou commerciale avec le Requérant.
B. Défendeur
Le Défendeur a fait défaut.
6. Discussion et conclusions
A. Identité ou similitude prêtant à confusion
Les noms de domaine <porschecom.com> et <porscheol.com> reproduisent intégralement la marque du Requérant. Le Défendeur y a certes apposé le suffixe “com”, respectivement “ol”. Cependant, ces ajouts ne possèdent pas un caractère distinctif. Le terme “com” est en effet l’abréviation de l’adjectif “commercial”, communément utilisé sur Internet pour distinguer les sites à vocation commerciale. De même, les lettres “ol” sont le raccourci de “on line”, dénomination désignant toute activité en ligne. Ces sigles étant des références générales à toute activité commerciale ou en relation avec Internet, ils ne peuvent prévenir un risque de confusion entre les noms de domaine litigieux et la marque du Requérant.
B. Droits ou légitimes intérêts
Le Défendeur a fait défaut dans la présente procédure. Il a ainsi renoncé à invoquer un fait ou des circonstances quelconques lui permettant de se prévaloir d’un droit ou d’un intérêt légitime aux noms de domaine litigieux. Au contraire, la liste des noms de domaine enregistrés par le Défendeur indique que celui-ci a pour habitude d’enregistrer des noms de domaine similaires à des marques renommées ou des sites Internet bien connus. Les noms de domaine suivants ont par exemple été enregistrés par le Défendeur :
- <ya-oo.com>
- <amaz-on.com/boutique.html>
- <amaz-on.com/boutique.html>
- <ebayq.com>.
Le Défendeur semble en particulier enclin à enregistrer des noms de domaine reproduisant les marques renommées de fabricants d’automobiles :
- <ferrariol.com>
- <vw-ol.com>
- <bmw-ol.com>
- <mercedesol.com>
- <gm-ol.com>
- <renaultol.com>.
Le Défendeur a également déjà été impliqué dans une procédure d’arbitrage et de médiation de l’OMPI (Société Dessange Internationale c. Paolo De Gaetano, Litige OMPI No. D2004-0720). Le nom de domaine <jacquesdessange.org> avait alors été transféré au titulaire de cette marque de haute renommée au motif que le Défendeur n’avait aucun droit ou intérêt légitime à ce nom et avait enregistré et utilisé ce nom de domaine de mauvaise foi.
Le Requérant fait valoir que le Défendeur n’a jamais été en relation commerciale avec lui et qu’il n’a jamais été distributeur de voitures ou d’autres marchandises de la marque “PORSCHE”. Le Requérant souligne encore que le Défendeur se borne à présenter sur son site des photos reproduites illégalement à partir du matériel publicitaire du Requérant.
Il apparaît ainsi que le Défendeur n’a aucun droit ou intérêt légitime aux noms de domaine litigieux.
C. Enregistrement et usage de mauvaise foi
La marque du Requérant est une marque de haute renommée. De surcroît, le contenu du site Web auquel mènent les noms de domaine litigieux sont comme on l’a vu des images tirées du matériel publicitaire du Requérant, ce qui démontre que le Défendeur avait pleinement conscience de violer les droits de celui-ci à la marque “PORSCHE”.
Le Requérant fait état dans sa demande des échanges de courrier qu’il a eus avec le Défendeur quelque temps avant la présente procédure. Les réponses du Défendeur aux prétentions du Requérant ne laissent aucun doute quant à ses intentions : il désirait vendre au Requérant les noms de domaine litigieux à un prix qu’il entendait fixer unilatéralement. Or, l’offre de vendre un nom de domaine identique ou similaire à une marque à son titulaire légitime pour une somme dépassant les frais directement liés à l’enregistrement de ce nom de domaine et en retirer ainsi un bénéfice est une démonstration de mauvaise foi. Il est intéressant de constater que dans le litige cité plus haut qui l’opposait à la société Dessange International, le Défendeur avait également tenté d’obtenir le versement d’une somme considérable pour le transfert du nom de domaine <jacquesdessange.org>, avant que celui-ci ne soit finalement transféré sur ordre d’une commission administrative de l’OMPI (Société Dessange Internationale c. Paolo De Gaetano, Litige OMPI No. D2004-0720).
La liste des noms de domaine enregistrés par le Défendeur constitue également une preuve de sa mauvaise foi. En effet, la mauvaise foi est présumée lorsque le Défendeur enregistre systématiquement des noms de domaine identiques ou similaires à des marques connues.
Finalement, le Défendeur n’ayant aucun droit ou intérêt légitime aux noms de domaine litigieux, on peut en déduire qu’il utilise ces noms de domaine dans le but d’attirer sur son site les internautes recherchant des informations sur les produits du Requérant. Le Défendeur a fait défaut dans la présente procédure. Il n’a ainsi fourni aucun élément démontrant une utilisation de bonne foi des noms de domaine litigieux. Il ne propose pas sur son site des marchandises ou des services en lien avec les produits du Requérant. Selon les allégations du Requérant, la seule offre crédible du Défendeur concerne la location d’un petit camion de livraison de la marque Renault. Le Défendeur ne peut donc être que de mauvaise foi lorsqu’il propose ses propres services commerciaux aux utilisateurs d’Internet dont il a acquis l’attention en utilisant la marque de haute renommée du Requérant. En détournant le trafic Internet destiné au Requérant, il cherche à profiter indûment à des fins lucratives de la réputation internationale de celui-ci, ce qui est en soi une preuve de mauvaise foi selon les termes du paragraphe 4(b)(iv) des Principes directeurs (cf. Dr. Ing. h.c. F. Porsche AG c. SETEC Sembinelli & Partner, Litige OMPI No. D2001-0550, <porsche-cup.com>).
7. Décision
Conformément au paragraphe 4.i) des Principes directeurs, et pour les raisons indiquées dans la partie 6 ci-dessus, la Commission administrative constituée dans le cadre de la présente procédure considère que les noms de domaine litigieux sont similaires à la marque du Requérant au point de prêter à confusion, que le Défendeur n’a pas de droit ou d’intérêt légitime aux noms de domaine litigieux, et que ceux-ci ont été enregistrés et sont utilisés de mauvaise foi par le Défendeur. En conséquence, la Commission administrative ordonne le transfert des noms de domaine <porschecom.com> et <porscheol.com> au Requérant.
François Dessemontet
Expert Unique
Le 21 juin 2005