Loi n°14/98 du 23 juillet 1998
Article 1er .-La présente loi, prise en application des dispositions de l'article 47 de la Constitution, fixe le régime de la concurrence en République gabonaise.
Article 2 .-Le régime de la concurrence détermine l'ensemble des règles et procédures régissant
la compétition économique entre opérateurs offrant des biens ou des services devant satisfaire
des besoins identiques ou équivalents.
À ce titre, il vise à :
Article 3 .-Dans le cadre de la mise en place des instruments chargés de réguler les mécanismes de la concurrence, il est créé, auprès du ministre chargé de l'économie qui en est le président, une commission de la concurrence dont les attributions, la composition et le fonctionnement sont fixés par décret pris en conseil des ministres.
Article 4 .-Sous réserve de la réglementation en vigueur, sont libres par le jeu de la concurrence :
Article 6 .-La liberté des importations et des exportations affirmée à l'article 4 ci-dessus ne doit porter atteinte ni à la protection des trésors nationaux et de la propriété industrielle, commerciale ou intellectuelle, ni à la lutte contre les biens et services émanant de la contrefaçon dont un opérateur économique se serait rendu coupable.
Chapitre deuxième Des pratiques anticoncurrentielles
Article 7 .-Constituent des pratiques anticoncurrentielles collectives, les ententes illicites et les abus de domination.
Article 8 .-Sont considérées comme ententes illicites, les actions concertées, conventions ou coalitions expresses ou tacites notamment lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet :
Article 10 .-Est prohibée l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises, de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve, à son égard, une entreprise cliente ou fournisseur qui ne dispose pas de solution équivalente. Est également interdite la situation de dépendance économique dans laquelle se place volontairement une entreprise, dès lors que celle-ci dispose d'une solution équivalente. Cet abus est interdit lorsqu'il a pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché national ou dans une partie substantielle de celui-ci.
Article 11 .-Les engagements, conventions ou clauses contractuelles se rapportant aux pratiques anticoncurrentielles sont nulles et de nul effet.
Section 2 -Les pratiques anticoncurrentielles individuelles ou pratiques restrictives de concurrence
Article 12 .-Constituent des pratiques anticoncurrentielles individuelles ou pratiques restrictives de concurrence :
Article 13 .-Est considérée comme vente à perte, la revente d'un produit, en l'état, à un prix inférieur au prix d'achat effectif.
Article 14 .-Le prix d'achat effectif est présumé être le prix porté sur la facture. Il s'établit en incorporant les impositions et taxes afférentes audit achat et, le cas échéant, en déduisant les rabais et remises de toute nature consentis par le fournisseur au moment de la facturation. Toutefois, ne sont pas considérées comme des ventes à perte, les ventes réalisées sans intention de limiter la concurrence, notamment la vente de :
Article 15 .-Est considérée comme vente ou offre de vente avec prime, toute vente ou offre de vente de produits ou toute prestation de service faite au consommateur et donnant droit, à titre gratuit, immédiatement ou à terme, à une prime consistant en produits ou services, sauf s'ils sont identiques à ceux qui font l'objet de la vente ou de la prestation. Toutefois, cette disposition ne s'applique pas aux menus objets ou services de faible valeur, ni aux échantillons.
Article 16 .-Constitue un refus de vente, le fait pour un opérateur économique de ne pas accéder aux demandes d'achat de produits ou de prestations de services lorsque ces demandes ne présentent aucun caractère anormal, qu'elles sont faites de bonne foi et que le refus n'est pas justifié par la législation en vigueur. À ce titre, les producteurs et les commerçants de gros sont tenus de faire homologuer leurs quantités minimales de vente par l'administration en charge de l'application de la loi.
Article 17 .-La vente subordonnée désigne la vente d'un produit ou la prestation d'un service sous conditions de l'achat concomitant d'un ou d'autres produits ou d'une autre prestation de service.
Article 18 .-Est considérée comme vente par le procédé dit de la boule de neige, tout procédé de vente consistant à offrir des produits au public en lui faisant espérer l'obtention de ce produit à titre gracieux, ou contre remise d'une somme inférieure à leur valeur et en subordonnant les ventes au placement de bons ou tickets à des tiers ou à la collecte d'adhésions ou d'inscriptions.
Article 19 .-Les ventes ou les achats assortis de conditions discriminatoires consistent pour un opérateur économique à pratiquer, à l'égard d'un partenaire économique, ou à obtenir de lui, des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d'achat arbitraires et non justifiés par des contreparties réelles en créant, de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage de la concurrence.
Article 20 .-L'imposition du prix minimum est le fait pour un opérateur économique d'obliger directement ou indirectement un partenaire économique à revendre à un prix minimum fixé d'avance.
Article 21 .-La pratique du dumping consiste pour une entreprise ou un groupe d'entreprises étrangères à vendre sur les marchés de la République gabonaise à des prix inférieurs à ceux qui sont pratiqués sur les territoires de provenance des produits ou des services proposés.
Article 22 .-Sont qualifiés de pratiques para commerciales, les démarchages à domicile ou sur le lieu de travail, les ventes des produits ou des services effectuées sur la voie publique et sans autorisation, ainsi que celles réalisées par des organismes bénéficiant de privilèges sociaux ou fiscaux lorsque les statuts de ces derniers ne prévoient pas de telles activités.
Article 23 .-Les pratiques anticoncurrentielles ci-dessus définies sont interdites sous peine de sanctions pénales, conformément aux articles 57 à 59 de la présente loi, sous réserve des pénalités prévues à l'article 56 ci-dessous.
Article 24 .-Tout vendeur de produits, tout prestataire de service doit, par voie de marquage, d'étiquetage, d'affichage ou par tout autre procédé approprié, informer le consommateur sur les prix, les limitations éventuelles de la responsabilité contractuelle et, le cas échéant, sur les conditions particulières de la vente, selon les modalités fixées par voie réglementaire.
Article 25 .-L'établissement d'une facture est obligatoire dès lors que la transaction est définitive et concerne :
Article 26 .-Le refus de délivrer une facture peut être constaté par tout moyen, notamment par mise en demeure, par procès-verbal d'huissier ou par tout agent habilité au sens de la présente loi.
Article 27 .-Les dispositions de l'article 25 ci-dessus ne sont pas applicables aux ventes faites à un particulier par le producteur lui-même de produits de l'agriculture, de l'élevage ou de la pêche.
Article 28 .-Tout producteur ou importateur est tenu de communiquer à tout revendeur qui en fait
la demande son barème de prix et ses conditions de vente.
Celles-ci comprennent les conditions de règlement et, le cas échéant, les rabais et ristournes.
Cette communication s'effectue conformément aux usages de la profession.
Article 29 .-Les conditions dans lesquelles un distributeur se fait rémunérer par des fournisseurs, en contrepartie de services spécifiques, doivent être écrites.
Article 30 .-L'étiquette informative est obligatoire pour toutes les denrées périssables logées, ainsi que pour tous les produits cosmétiques et pharmaceutiques commercialisés sur le territoire national. Toutes les informations relatives à l'origine, la date-limite de consommation ou
d'utilisation, la quantité et aux qualités substantielles des produits susvisés doivent être libellées
de façon lisible en langue française.
Article 31 .-Les producteurs, importateurs ou distributeurs doivent adresser périodiquement, et
chaque fois que requis, leurs déclarations de stocks en quatre exemplaires à l'administration en
charge de l'application de la présente loi.
Ces déclarations doivent comporter :
Article 32 .-La concentration économique résulte de tout acte, quelle qu'en soit la forme, qui emporte transfert de propriété ou de jouissance sur tout ou partie de biens, droits et obligations d'une entreprise ou qui a pour objet ou pour effet de permettre à une ou à un groupe d'entreprises d'exercer une influence déterminante sur une ou plusieurs autres entreprises.
Article 33 .-Tout projet de concentration économique ou toute concentration de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement d'une position dominante, doit être soumis à l'avis de la commission de la concurrence. Cette disposition ne s'applique que lorsque les entreprises qui sont parties à l'acte, qui en sont l'objet ou qui leur sont économiquement liées, ont réalisé ensemble plus de 25% des ventes, achats ou autres transactions sur un marché national de produits ou services substituables ou sur une partie substantielle d'un tel marché.
Article 34 .-Toute entreprise concernée par une opération de concentration, telle que définie à l'article 32 ci-dessus, doit notifier cette opération au ministre chargé de l'économie. La notification peut être assortie d'engagements. Elle est faite quand l'opération est au stade de projet ou au maximum dans les deux mois qui suivent la date à laquelle le projet a acquis un caractère définitif au plan juridique. Si aucune réponse n'est donnée par le ministre chargé de l'économie après un délai de trois mois à compter de la date du dépôt du dossier, ce silence vaut décision tacite d'acceptation du projet de concentration ou de la concentration, ainsi que des engagements qui y sont joints. Ce délai est porté à six mois si le ministre saisit la commission de la concurrence.
Article 35 .-En l'absence de notification, le ministre chargé de l'économie peut, de sa propre initiative, diligenter une enquête pour savoir si des actes ou opérations juridiques constitutifs de la concentration ont été conclus ou passés par des entreprises. Ces enquêtes ne peuvent être exercées, sauf en cas de non-exécution des engagements pris par une entreprise, avant l'expiration du délai de deux mois prévu au deuxième alinéa de l'article 34 cidessus.
Article 36 .-Le ministre chargé de l'économie peut soumettre à la commission de la concurrence tout acte ou opération juridique tel que défini à l'article 32 de la présente loi, ayant fait ou non l'objet d'une notification.
Article 37 .-Le ministre chargé de l'économie peut, d'autorité, ou avec le ministre dont relève le secteur économique intéressé, après avis de la commission de la concurrence, enjoindre aux entreprises par arrêté motivé et assorti d'un délai :
Article 38 .-La commission de la concurrence peut, en cas d'exploitation abusive d'une position dominante ou d'un état de dépendance économique, demander au ministre chargé de l'économie d'enjoindre, conjointement avec le ministre dont relève le secteur, par arrêté motivé, à l'entreprise ou au groupe d'entreprises en cause, de modifier, de compléter ou de résilier, dans un délai fixé par elle, tous accords et tous actes par lesquels s'est réalisée la concentration de puissance économique qui a permis les abus, même si ces actes ont fait l'objet de la procédure prévue au présent chapitre.
Article 39 .-Les personnes physiques ou morales qui notifient au ministre chargé de l'économie un projet ou une opération de concentration doivent fournir :
Article 41 .-Les décisions prises en matière de contrôle de la concentration économique sont motivées et publiées par le ministre chargé de l'économie, après avis de la commission de la concurrence.
Section 1 Des pouvoirs d'enquête et de la transaction
Article 42 .-Sous l'autorité du ministre chargé de l'économie, les fonctionnaires assermentés de
l'administration des prix ainsi que ceux de la commission de la concurrence veillent à l'application
de la présente loi.
À ce titre, ils sont habilités à constater les infractions à la présente loi.
Article 43 .-Sont également habilités à constater les infractions à la présente loi, les rapporteurs
assermentés de la commission de la concurrence, les fonctionnaires assermentés des douanes,
de la direction générale de la consommation ainsi que les officiers de police judiciaire.
Dans ce cas, le procès-verbal de constat est immédiatement transmis à l'administration des prix et
des enquêtes économiques.
Article 44 .-Sur instruction du ministre chargé de l'économie, les fonctionnaires visés aux articles
42 et 43 ci-dessus sont habilités à procéder de jour comme de nuit à toute mesure d'enquête.
À ce titre, ils peuvent, sur présentation de leur carte de commission et sous réserve de la
réglementation en vigueur :
Article 45 .-Les opérateurs économiques impliqués dans une procédure d'enquête sont tenus de s'y soumettre.
Article 46 .-Les enquêteurs peuvent demander à l'autorité de tutelle de désigner un expert pour procéder à toute expertise contradictoire nécessaire. Dans ce cas, et si les experts sont mandatés par l'autorité de tutelle et pour les matières relevant de la section 1 chapitre deuxième de la présente loi, le président de la commission de la concurrence doit être informé sans délai des investigations et de leurs conclusions. Il peut proposer à la commission de se saisir d'office. Les experts ainsi mandatés jouissent du droit de communication des documents et du droit d'accès aux locaux, prévus à l'article 44 ci-dessus.
Article 47 .-Les infractions à la présente loi sont constatées sur procès-verbal. Le procès-verbal doit comporter obligatoirement les mentions suivantes :
Article 48 .-Les procès-verbaux sont dispensés des formalités de droit de timbre et
d'enregistrement.
Ils font foi jusqu'à inscription de faux des constatations matérielles qu'ils relatent.
Dans le cas où le contrevenant n'a pu être identifié, les procès-verbaux sont dressés contre
inconnu.
Article 49 .-Les procès-verbaux dressés en application des dispositions de la présente loi et les
dossiers y relatifs sont transmis, sans délai, à l'administration des prix pour transactions
éventuelles ou, le cas échéant, à la juridiction compétente.
Article 50 .-Le contrevenant ne peut bénéficier d'une transaction que si les renseignements
recueillis sur son compte sont favorables.
Dans ce cas, il lui est délivré ou adressé, sous pli recommandé avec accusé de réception, un avis
de transaction accompagné d'un projet d'acte transactionnel en double exemplaire indiquant la
pénalité à payer.
Ces actes doivent être signés par le contrevenant et transmis au service des prix, chargé de la
liquidation des pénalités.
Le recouvrement et le paiement des pénalités s'effectuent au trésor public.
Article 51 .-En cas d'urgence et avant toute offre de transaction ou en cas de non-paiement de la
pénalité, l'administration des prix et des enquêtes économiques peut, s'il y a lieu, prendre des
mesures conservatoires, notamment les saisies-arrêts, les saisies de produits et la fermeture
temporaire d'établissement.
Si la transaction échoue, l'administration des prix et des enquêtes économiques saisit le tribunal
judiciaire de son ressort.
Les créanciers des contrevenants ne peuvent exercer leurs droits sur les biens ainsi saisis
qu'après mainlevée de saisie ou devant cette juridiction.
Article 52 .-Sans qu'il y ait lieu de rechercher si les biens énumérés ci-dessous sont ou non la
propriété du délinquant, les procès-verbaux peuvent porter déclaration de saisie :
Article 53 .-La saisie peut être réelle ou fictive.
Quand elle est réelle, elle donne lieu à gardiennage sur place ou au lieu désigné par
l'administration des prix et des enquêtes économiques.
Quand elle est fictive, elle porte sur les marchandises qui, bien que propriété du contrevenant, ne
sont ni visibles, ni disponibles sur place. Le saisi dispose alors de la faculté de verser la valeur
estimative des marchandises saisies ou de les représenter.
Dans tous les cas, le contrevenant dispose d'un délai de quatre mois à compter de la saisie pour
solliciter la mainlevée.
Article 54 .-Si le saisi n'a pas été identifié ou s'il ne réside pas au Gabon, ce délai est porté à six
mois à compter de la publication de saisie dans un journal d'annonces légales.
À l'expiration du délai requis, les marchandises saisies sont réputées propriété de l'État et
vendues aux enchères publiques, conformément à la loi.
Le produit de la vente est versé au trésor public.
Article 55 .-Lorsque la saisie porte sur des marchandises périssables, l'administration des prix et
des enquêtes économiques est autorisée à les vendre immédiatement aux enchères publiques. Le
produit de la vente est consigné au trésor public.
Article 56 .-Les pénalités à l'article 50 ci-dessus sont fixées comme suit :
Section 2 Des poursuites pénales
Article 57 .-Sont punis d'une peine d'emprisonnement de un mois à un an et d'une amende de cinquante mille à cinquante millions de francs CFA, les contrevenants aux dispositions de la section 2 du chapitre deuxième et aux dispositions du chapitre troisième de la présente loi.
Article 58 .-Sont punis d'une peine d'emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une amende de cent mille à cinq cent millions de francs CFA, les contrevenants aux dispositions de la section 1 du chapitre deuxième ainsi que des chapitres quatrième et cinquième ci-dessus.
Article 59 .-En cas de condamnation, le tribunal peut prononcer des peines complémentaires, notamment :
Article 60 .-Jusqu'à la mise en place de la commission de la concurrence prévue à l'article 3 cidessus, la législation en vigueur reste applicable.
Article 61 .-Des textes réglementaires déterminent en tant que de besoin les dispositions de toute nature nécessaires à l'application de la présente loi.
Article 62 .-Sous réserve des dispositions transitoires, la présente loi, qui abroge toutes dispositions antérieures contraires, sera enregistrée, publiée selon la procédure d'urgence et exécutée comme loi de l'État.
Fait à Libreville, le 23 juillet 1998