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La protection par brevet des nanotechnologies : un parcours semé d’embûches?

Avril 2011

La nanotechnologie est une science de pointe parmi les plus porteuses d’avenir qui repousse radicalement les frontières du savoir. Elle se concentre sur l’ingénierie de systèmes fonctionnels ou la conception, la production et l’application de matériaux à l’échelle moléculaire1, c’est‑à‑dire à l’aide de structures 40 000 fois plus petites que l’épaisseur d’un cheveu humain. Elle porte en elle de fabuleuses promesses pour la mise au point de nouveaux matériaux et dispositifs d’un très large spectre d’applications. Il s’agit du “secteur d’investissement et de l’information qui affiche la plus forte croissance au sein de l’économie mondiale”2. Dans l’article ci‑après, Aparna Watal, juriste (pour la région Asie‑Pacifique) auprès de la société Attomic Labs, Inc., et Thomas A. Faunce, professeur à la faculté de droit de l’Université nationale d’Australie, se penchent sur une partie des obstacles auxquels se heurtent les autorités en charge de la délivrance de brevets lorsqu’elles traitent des nanotechnologies.

Les nanomètres
La nanotechnologie utilise une unité de mesure de base appelée “nanomètre” (nm), terme dérivé du mot grec signifiant “nain”. Un nanomètre correspond à un milliardième (10‑9) de mètre, chaque nanomètre équivalant à la largeur d’à peine trois à cinq atomes. Une feuille de papier mesure 100 000 nm d’épaisseur.


Le diamètre d’un globule rouge est d’environ
7500 nanomètres. (Photo: iStockphoto.com/
Kirill Putchenko)

À l’échelle nanométrique, les matériaux peuvent afficher des propriétés physiques, chimiques et biologiques inhabituelles ou particulières qui diffèrent en de très nombreux points des matériaux grossiers ou des atomes ou molécules isolés3. À cette échelle, les lois de la physique quantique prennent le dessus et de nouvelles propriétés physiques apparaissent, laissant augurer de nouvelles applications passionnantes. La nanotechnologie consiste à construire des mécanismes fonctionnels aux dimensions nanométriques, comme des superordinateurs de la taille d’un morceau de sucre dotés d’une puissance équivalant à celle d’un milliard d’ordinateurs portables. En somme, “en profitant de propriétés au niveau quantique”, la nanotechnologie “permet un contrôle sans précédent du monde de la matière”4.

Cette technologie est d’ores et déjà présente dans un nombre de plus en plus important de produits de consommation comme les produits cosmétiques ou les écrans solaires. L’oxyde de zinc par exemple, l’un des principaux ingrédients des lotions de protection solaire, laisse un dépôt blanc crayeux sur la peau. Or, grâce aux nanoparticules d’oxyde de zinc, la lotion devient transparente et ne laisse aucune trace visible. Les fabricants de vêtements ont eux aussi recours à la nanotechnologie pour créer des vêtements antitaches et antisaleté. Les matériaux nanocomposites, qui offrent de nombreux avantages en termes de poids, de résistance et de durabilité, sont de plus en plus utilisés dans la fabrication d’accessoires de voiture et d’articles de sport comme les clubs de golf ou les raquettes de tennis. Les nanomatériaux peuvent répondre à toute une palette d’applications allant de systèmes de libération de médicaments en un endroit précis aux marqueurs biologiques permettant de déceler les cellules cancéreuses, en passant par des cellules photovoltaïques économiques et à haut rendement énergétique.

Ces 20 dernières années, la nanotechnologie a connu un essor extraordinaire et selon les prévisions, le montant du marché des nanotechnologies devrait atteindre USD1000 milliards en 2015. Cette perspective a alimenté une augmentation très marquée des demandes de brevets déposées partout dans le monde, lesquelles ont été multipliées par plus de 50 entre 1991 et 2008

5

. Or, cette volonté accrue de protection des nanotechnologies a mis en relief un certain nombre de problèmes liés au système des brevets.

La taille a de l’importance

Dans l’univers des nanotechnologies, la taille joue un rôle fondamental. Elle soulève aussi plusieurs questions intéressantes dès lors qu’il s’agit de déterminer la validité et l’applicabilité des brevets liés aux nanotechnologies. L’expression “échelle nanométrique” est‑elle suffisamment précise pour figurer dans une revendication de brevet? Les procédures d’examen des demandes de brevet en vigueur – visant à établir la brevetabilité d’une invention revendiquée6 – suffisent‑elles pour examiner de manière efficace et minutieuse des inventions à l’échelle nanométrique? Quels sont les problèmes qui se posent pour évaluer la nouveauté d’une invention dans ce domaine émergent où, en général, on estime qu’un état de la technique substantiel fait défaut? Quelles sont les difficultés liées à la mise en application des brevets relatifs aux nanotechnologies? Que se passe‑t‑il si la fourchette de tailles mentionnée dans une demande de brevet d’une invention à l’échelle nanométrique empiète sur celle indiquée dans l’état de la technique? La réduction de la taille en soi est‑elle évidente pour une personne du métier? Bien que la jurisprudence relative à ces questions n’ait pas uniquement trait aux nanotechnologies, un consensus se fait jour sur la façon d’y répondre dans le cadre des lois sur les brevets existantes.

Définir la nanotechnologie pour les revendications de brevets


Les chercheurs utilisent
des nanoparticules pour
réduire les tumeurs chez
la souris. La fluorescence
montre l’accumulation
de nanoparticules dans
la tumeur. (Photo:
Fuyu Tamanoi, Jeff Zink,
UCLA)

Les scientifiques et les offices des brevets éludent depuis longtemps la question de la définition précise et cohérente des termes “nanotechnologie” et “échelle nanométrique”. L’absence de définition normalisée a des incidences en termes de recherche et de classification des brevets et complique le suivi des tendances en matière de brevets. Elle accroît fortement le risque qu’un état de la technique pertinent ne soit pas détecté et crée une incertitude quant à l’interprétation qu’une personne du métier – l’un des critères à l’aune desquels la brevetabilité d’une invention est établie – pourrait donner du terme “échelle nanométrique”. Elle augmente également le risque qu’un brevet relatif à la nanotechnologie soit invalidé et que des brevets se chevauchant ou antagonistes soient délivrés.

Les trois grands organismes de délivrance de brevets – l’USPTO, l’OEB et le JPO7 – ont chacun tenté de résoudre ce problème en adoptant des définitions qui, en règle générale, limitent les inventions dans le domaine de la nanotechnologie à une échelle de longueur inférieure à 100 nm, ce qui a pour effet d’exclure les demandes portant sur des inventions à l’échelle nanométrique de mesures différentes. Toutefois, la situation se complique du fait de l’utilisation dans les demandes de brevet de termes vagues ou ambigus comme “nanoagglomérats”, ce qui crée de l’incertitude et complique la tâche des examinateurs de brevets chargés de déterminer en quoi une invention se distingue de l’état de la technique connu.

Un domaine pluridisciplinaire

Le caractère intrinsèquement pluridisciplinaire de la nanotechnologie8 est source de difficultés non négligeables pour les autorités en charge de la délivrance des brevets. Dans la pratique, les demandes sont confiées à des examinateurs disposant des compétences les plus adaptées à une invention. Or, les demandes de brevets en matière de nanotechnologie embrassant généralement une multitude de domaines de la science et de l’ingénierie, il est peu probable qu’un seul examinateur jouisse de toute l’expertise nécessaire pour évaluer correctement la brevetabilité d’une invention de ce type.

Cette situation accroît le risque qu’un état de la technique pertinent ne soit pas décelé et que la nouveauté ou l’activité inventive d’une invention ne soient pas correctement évaluées. Elle accroît également la possibilité que des brevets ne répondant pas aux normes soient délivrés, lesquels ne seraient pas défendables en justice.

Face au nombre croissant de demandes de brevets relatifs à la nanotechnologie, l’OEB, le JPO et l’USPTO cherchent de nouveaux moyens de répondre à ce problème – par exemple en mettant davantage l’accent sur la formation des examinateurs de façon à ce qu’ils puissent effectuer des recherches plus spécialisées sur l’état de la technique s’agissant de demandes de brevets relatifs à la nanotechnologie. L’introduction de nouvelles balises correspondant aux nanotechnologies dans les systèmes de classification des brevets – “Y01N” (OEB), “ZNM” (Japon) et “977” (USPTO) – contribue également à enrichir et à améliorer la qualité de ces recherches.

Selon quels critères une nanotechnologie est‑elle considérée comme nouvelle?


Les nanoformes, issues de particules d’impuretés catalytiques de
l’ordre de 5 à 20 nanomètres qui creusent le graphite en y
pratiquant des fissures et des cavités, permettent de modifier
considérablement les propriétés de ce matériau. (Photo:
Heinrich Badenhorst, Université de Pretoria)

En règle générale, la taille n’est pas une condition suffisante pour établir qu’une invention est nouvelle. Or, certaines inventions dans le domaine de la nanotechnologie comportent des formulations à l’échelle nanométrique de composés chimiques, de structures et de matériaux précédemment divulgués. Faut‑il en conclure que ces inventions ne sont pas brevetables?

Lorsque des inventions à l’échelle nanométrique présentent des propriétés qui, dans une certaine mesure, sont inattendues ou différentes de celles trouvées dans l’état de la technique d’une plage plus large, des exceptions ont été prévues. Dans l’affaire BASF c. Orica Australia9 par exemple, la chambre de recours de l’OEB a décidé qu’un brevet antérieur qui divulguait des nanoparticules polymériques d’une taille supérieure à 111 nm ne détruisait pas la nouveauté d’une demande relative à des nanoparticules inférieures à 100 nm déposée ultérieurement par la société Orica. Les particules de taille inférieure de la société Orica affichaient des propriétés techniques nettement améliorées qui donnait lieu à un revêtement plus brillant comparé aux particules de taille supérieure protégées au titre du brevet antérieur. La différence de propriétés a été jugée suffisante pour concéder la nouveauté. La question se pose néanmoins de savoir si une invention répond ou non au critère de nouveauté si elle revendique un brevet pour l’utilisation de particules comprises dans une plage de tailles qui empiètent sur les tailles divulguées dans l’état de la technique. En règle générale, même le moindre chevauchement suffit pour détruire la nouveauté mais des exceptions ont été généreusement appliquées à des inventions à l’échelle nanométrique.

Selon l’approche retenue par l’OEB pour apprécier la nouveauté des inventions dites “de sélection”, ce chevauchement doit être étroit par rapport à la plage plus large de l’état de la technique, suffisamment éloigné de cette plage large et révélateur d’une invention, par exemple si l’invention présente un effet nouveau ou inattendu qui ne se produit qu’à l’intérieur de la sous‑plage sélectionnée. Ce nouvel effet ne permet pas, en soi, de qualifier cette sous‑plage de nouvelle; en revanche, il permet de conclure que cette sous‑plage a été sélectionnée à dessein pour apporter un avantage technique ou résoudre un problème technique contenu dans l’état de la technique et qu’il s’agit, par conséquent, d’une nouveauté. De plus, l’OEB évalue la pertinence de la sous‑plage par rapport à la documentation sur l’état de la technique en posant la question de savoir si une personne du métier envisagerait sérieusement d’appliquer les enseignements techniques de l’état de la technique à la plage concernée par le chevauchement. La chambre de recours technique a récemment appliqué cette mesure dans l’affaire Smithkline Beecham Biologicals c. Wyeth Holdings Corporation10. Il s’agissait de déterminer si la revendication d’un brevet pour un lipide d’adjuvant11 immunologique lié à un vaccin contre l’hépatite B d’une taille comprise entre 60 et 120 nm répondait ou non au critère de nouveauté, à la lumière d’un brevet antérieur concernant un adjuvant similaire dont les particules mesuraient entre 80 et 500 nm. La chambre de recours technique a jugé que l’invention de Smithkline était nouvelle car le chevauchement :

  • était étroit – il correspondait à 10% de la plage plus large prévue dans le brevet précédent;
  • se situait à l’extrémité inférieure de la plage de l’état de la technique et
  • présentait un pouvoir adjuvant nettement amélioré – les particules de plus petite taille donnant lieu à un changement de réponse immunitaire favorable et inattendu.

De surcroît, l’état de la technique donnait peu d’indications sur la façon d’élaborer les particules de taille inférieure. Une personne du métier qui aurait suivi le protocole du fabricant du vaccin aurait obtenu des particules d’une taille comprise entre 115 et 951 nm. De ce fait, les enseignements techniques contenus dans l’état de la technique n’ont pas été jugés pertinents eu égard à la demande de brevet déposée par Smithkline.

Délivrer des brevets pour des inventions relevant de plages imbriquées de ce type est désormais plus fréquent dans le domaine de la nanotechnologie que dans tout autre domaine. Nul doute que cela crée un paysage fragmenté en ce qui concerne la titularité des brevets, une même invention pouvant être assortie d’une multitude de brevets “de blocage”. L’existence d’un “vaste tissu de droits qui se chevauchent” est source d’incertitude et empêche les inventeurs de “concevoir autour” des brevets existants. Une telle masse inerte de brevets correspondant à des inventions relevant de plages imbriquées a déjà pour effet d’éclipser la recherche sur les nanotubes, les nanofils, les nanocristaux ou les nanoémulsions et menace gravement de mettre un frein à l’innovation et à l’évolution du secteur de la nanotechnologie.

Selon quels critères estime‑t‑on qu’une nanotechnologie ne satisfait pas aux conditions d’activité inventive/non évidence12?


Le mouvement de ces particules peut parfois être contrôlé de
manière à obtenir des découpes de la taille de quelques
centaines d’atomes dans le graphite. Ces nanoformes pourraient
bientôt être utilisées dans de nouvelles applications électroniques.
(Photo: Heinrich Badenhorst, Université de Pretoria)

Outre le fait de pouvoir justifier de sa nouveauté, une demande de brevet relatif à une nanotechnologie doit satisfaire à l’exigence de la non évidence. En règle générale, une invention est considérée évidente si elle consiste à miniaturiser des éléments connus, remplissant de ce fait un rôle identique, et si elle n’a pas d’autre résultat que le résultat escompté du fait de la miniaturisation. A contrario, une technique est considérée non évidente si elle produit des résultats nouveaux et inattendus ou si elle remplit des fonctions jusque‑là non constatées permettant de surmonter un problème technique en rapport avec l’état de la technique. Sachant que pratiquement toutes les nanotechnologies à l’échelle nanométrique présentent ces caractéristiques, seuls les résultats ayant peu de chances de découler d’extrapolations d’une personne du métier étudiant des structures de taille inférieure seront jugés brevetables.

Dans l’affaire Smithkline Beecham Biologicals c. Wyeth Holdings Corporation, on a considéré que l’adjuvant immunologique impliquait une activité inventive en raison de son effet amélioré inattendu et du fait qu’aucun élément figurant dans l’état de la technique n’avait permis de penser qu’une personne du métier aurait pu envisager de réduire la taille de la particule pour obtenir l’avantage en question.

Les applications nanotechnologiques peuvent remplir le critère de non évidence si l’invention procure un avantage technologique substantiel par rapport à l’état de la technique, par exemple si elle permet à une personne du métier de réaliser pour la première fois l’invention précédemment divulguée à l’échelle nanométrique. Dans l’affaire BASF c. Orica Australia13, l’invention revendiquée par la société Orica portait sur la fabrication de particules polymériques d’une taille inférieure ou égale à 110 nm en entamant le processus de polymérisation à des températures inférieures à 40°C. BASF a soutenu que l’invention était évidente du fait qu’un brevet antérieur avait divulgué le même processus de fabrication à l’aide de températures inférieures à 50°C permettant de produire des particules d’une taille moyenne supérieure ou égale à 111 nm. La société a fait valoir qu’une personne du métier ne réalisant aucune activité inventive et reproduisant des réactions sur la base d’essais empiriques en utilisant toutes les températures comprises entre 0°C et 50°C aurait obtenu des particules d’une taille inférieure à 100 nm à des températures inférieures à 40°C.

L’OEB a rejeté cet argument et retenu le fait que le brevet antérieur suggérait d’utiliser des températures de 50°C au maximum. Il a considéré que si cette suggestion “n’écartait pas la possibilité d’utiliser des températures inférieures à 40°C, elle ne préconisait aucunement leur utilisation”. De plus, le brevet ne visait à fabriquer que des particules d’une taille supérieure à 111 nm. Une personne du métier qui aurait suivi les enseignements du brevet antérieur n’aurait pas utilisé de températures inférieures à 40°C ou envisagé que des températures inférieures donneraient lieu à des particules d’une taille inférieure à 100 nm. La chambre de recours technique a donc décidé que l’invention de la société Orica offrait pour la première fois une façon de créer des variantes plus petites de nanoparticules polymériques et que, de ce fait, elle impliquait une activité inventive.

Déceler les abus

Les applications intersectorielles de la nanotechnologie, ainsi que la tendance à délivrer des brevets relatifs à des “inventions de sélection” (à savoir des inventions utilisant des particules dans une fourchette de tailles se chevauchant) rendent le contrôle et le respect des brevets relatifs aux nanotechnologies extrêmement chers et pratiquement impossibles. Il est très difficile pour le titulaire d’un brevet de déterminer si un concurrent ou une société d’un autre secteur utilise sans y être autorisé(e) une technologie protégée au titre d’un brevet. Le seul moyen d’établir si un produit fini commercialisé porte atteinte à un brevet relatif à une nanotechnologie consiste à utiliser des techniques et du matériel de microscopie à la fois élaborés et coûteux. La plupart des sociétés n’ont pas les moyens d’analyser les produits suspects. Qui plus est, la plupart des recherches dans le domaine des nanotechnologies se déroulant dans le huis clos des installations de recherche d’entreprises ou de laboratoires universitaires, il est souvent difficile d’établir le fondement juridique de poursuites pour atteinte, même lorsqu’un abus est décelé.

Tous ces paramètres risquent de saper l’impulsion première qui pousse à divulguer un brevet, à savoir obtenir un monopole exclusif concernant l’utilisation et la commercialisation d’une invention.

Un environnement juridique complexe

Les nanotechnologies sont par nature des technologies “universelles” qui fournissent une plate‑forme habilitante pour des processus de fabrication et des produits d’une multitude de secteurs et de techniques. Bien que son caractère intersectoriel ait suscité un énorme engouement en termes de potentiel, cette caractéristique pose d’énormes problèmes à quiconque souhaite mettre au point et commercialiser des produits dans cet espace. Ainsi, un brevet de base relatif à des nanotubes de carbone, des nanocristaux semi‑conducteurs ou des méthodes pour les rendre fonctionnels, par exemple, a des applications dans de nombreux domaines – la conception de semi‑conducteurs, la biotechnologie, la construction, les produits pharmaceutiques, l’agriculture et les télécommunications. Il se peut néanmoins qu’un titulaire de brevet ne soit présent que dans un ou deux de ces secteurs. Toute société visant à concevoir et à commercialiser un produit en lien avec les nanotechnologies doit par conséquent avoir une vue d’ensemble du paysage des brevets relatifs aux nanotechnologies de sorte que tous les brevets détenus par des tiers soient répertoriés. Cette démarche, combinée à une stratégie en matière d’octroi de licences bien conçue – afin de s’assurer que toutes les technologies brevetées font l’objet d’une licence – peut grandement contribuer à l’instauration d’une liberté d’action et aider à éviter d’éventuelles querelles juridiques coûteuses et imprévues.

Lors de la formulation d’une revendication de brevet, les titulaires de brevets relatifs à des nanotechnologies doivent également avoir conscience de la complexité du paysage international en matière de brevets. Le fait que différentes juridictions interprètent différemment les principes régissant le droit des brevets peut avoir une incidence sur la brevetabilité d’une invention. Par le passé, la Cour suprême fédérale allemande a par exemple annulé un brevet délivré par l’OEB relatif à une nanotechnologie et à une “invention de sélection” au motif qu’il ne satisfaisait pas à l’exigence de nouveauté14.

Jusqu’ici, on peut soutenir que les difficultés rencontrées pour mettre au jour les atteintes et faire appliquer les droits des brevets ont permis aux chercheurs et aux inventeurs de bénéficier d’une liberté d’action tacite et salutaire. Toutefois, faire abstraction de l’existence de ces brevets sera une opération de plus en plus risquée et compliquée au fur et à mesure de l’arrivée sur le marché d’un plus grand nombre de produits liés aux nanotechnologies. Le défi pour l’avenir consistera à promouvoir une innovation nanotechnologique durable en veillant à ce que le régime de propriété intellectuelle offre aux innovateurs une grande liberté pour agir et mettre au point de nouvelles applications nanotechnologiques, sans pour autant saper foncièrement les incitations qui poussent à investir et à divulguer des brevets. 

____________________________
www.crnano.org/whatis.htm
www.nanotech-now.com/
www.nano.gov/html/facts/whatIsNano.html
www.nanotech-now.com/basics.htm
5  Yan Dang, Yulei Zhang, Li Fan, Hsinchun Chen, Mihail C. Roco, “Trends in worldwide nanotechnology patent applications: 1991 to 2008” (2010) Journal of Nanoparticle Research 12: 687-706.
6  Pour être brevetable, entre autres exigences, une invention doit être nouvelle, impliquer une activité inventive (principe de non évidence) et être susceptible d’application industrielle (prinicpe d’utilité).
7  L’Office des brevets et des marques des États-Unis d’Amérique (USPTO), l’Office européen des brevets (OEB) et l’Office japonais des brevets (JPO).
8  La nanotechnologie s’appuie sur une base de connaissances regroupant plusieurs disciplines dont la physique, la chimie, la science des matériaux, l’ingénierie, les sciences informatiques et la biotechnologie.
BASF c. Orica Australia Chambres des recours de l’OEB, T-0547/99 (8 janvier 2002)
10  Smithkline Beecham Biologicals c. Wyeth Holdings Corporation Chambres des recours de l’OEB, T 0552/00 (30 octobre 2003).
11  Un adjuvant est une substance pharmacologique ou immunologique qui entre souvent dans la composition des vaccins afin de renforcer la réponse immunitaire du sujet à un antigène administré.
12  Ces deux termes sont synonymes. Une invention répondant à l’exigence de nouveauté peut être non évidente si elle représente un progrès suffisant par rapport à l’état de la technique pour être jugée digne de faire l’objet d’un brevet. À supposer qu’une invention soit évidente aux yeux d’une personne du métier de compétence normale dans le domaine concerné, elle ne dénoterait pas un progrès suffisant pour pouvoir faire l’objet d’une protection au titre d’un brevet.
13  BASF c. Orica Australia Chambres des recours de l’OEB, T-0547/99 (8 janvier 2002).
14  Bundesgerichtshof [BGH], Cour fédérale de justice, Inkrustierungsinhibitoren , 2000, 591 GRUR (F.R.G).

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