OMPI

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    DB/IM/5
    ORIGINAL :
    français
    DATE : 15 septembre 1997

ORGANISATION MONDIALE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
GENÈVE

RÉUNION D'INFORMATION
SUR LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE EN MATIÈRE DE
BASES DE DONNÉES

Genève, 17 - 19 septembre 1997

OBSERVATIONS

présentées par l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation,
la science et la culture (UNESCO)

Le problème de la protection sui generis des bases de données au plan international a été soulevé à l'occasion des sessions de février et de mars 1996 du Comité d'experts sur un protocole relatif à la Convention de Berne et retient particulièrement l'attention de la communauté internationale, notamment des milieux scientifiques, depuis que la Conférence diplomatique de l'OMPI sur certaines questions de droit d'auteur et de droits voisins de décembre 1996 a été saisie d'un projet de Traité international en la matière et qui n'a pas été examiné faute de temps.

Lors du débat général de la Conférence diplomatique de décembre 1996, l'UNESCO avait appelé à la nécessité d'examiner cette question avec le maximum de soin et d'associer la communauté scientifique, particulièrement concernée, à tout processus d'étude internationale de cette question très sensible.

Le lancement aujourd'hui d'un débat international ouvert sur cette problématique, dans le cadre de cette réunion d'information OMPI, est une bonne opportunité pour éclairer utilement les possibilités d'une protection internationale des bases de données, à la lumière du rôle joué par les données informatives dans la vie sociale et des spécificités de leur usage au niveau national et dans la coopération internationale.

L'investissement concurrentiel dans le domaine des bases de données, à l'avènement de la société de l'information, est bien de nature à contribuer utilement à promouvoir la collecte, le traitement et la diffusion des données informatives nécessaires à la vie sociale. Il est par conséquent opportun et souhaitable que les nations et la collectivité internationale examinent les règles qui pourraient le sécuriser au mieux, au niveau national, et à l'occasion de la coopération inter-étatique.

La nature et l'étendue de la protection à conférer au commerce de production et de diffusion des bases de données, devrait cependant être déterminée en tenant compte du rôle et de la finalité des données diffusées dans la société sous cette forme. A cet égard, le projet de traité soumis à la Conférence diplomatique de décembre 1996 a pris une orientation qui privilégie l'approche sui generis de la protection et confère aux producteurs de bases de données des prérogatives particulièrement étendues.

Cette orientation a suscité une large inquiétude des milieux concernés et notamment de la communauté scientifique. Elle ne semble pas tenir compte de façon appropriée du rôle des données, dans la promotion de la recherche scientifique et l'accomplissement de tâches d'intérêt général compte tenu des exigences de la vie sociale.

De l'avis de la communauté scientifique, la protection de l'investissement des producteurs de bases de données appelle un large débat sur le mode de protection et sur l'étendue des prérogatives à conférer aux titulaires de droits, à la lumière des enjeux attachés aux intérêts en présence.

Il conviendrait d'abord de clarifier si la protection des intérêts légitimes des producteurs de bases de données ne pourrait pas être assurée efficacement dans le cadre du droit commun en vigueur et notamment au moyen de règles applicables à la concurrence déloyale.

Si cependant, il y aurait nécessité à recourir à l'approche sui generis, la protection à mettre au point devrait établir un équilibre approprié entre le besoin de sécuriser l'investissement légitime du producteur de bases de données contre la concurrence commerciale déloyale et la nécessité d'assurer la libre circulation des données au service de la recherche scientifique et de la satisfaction d'exigences impératives de la vie sociale.

A cet égard, la détermination des règles régissant les échanges entre les bases de données financées par des fonds publics des États ou des institutions internationales et les bases de données relevant du domaine de la concurrence commerciale, devrait tenir compte de la nature et de la finalité de leur action. Les bases de données financées par les États ou les institutions de coopération internationale, ont un rôle dominant au service de l'intérêt général et de la promotion de la science qui a bien été rappelé et mis en relief par des études faites par la communauté scientifique, depuis que la protection des bases de données a été mise à l'ordre du jour du débat international. L'étude publiée par le "National Research Council" des ÉtatsUnis, intitulée "Bits of Power Issues in Global Access to Scientific Data", est particulièrement remarquable à cet égard.

Les bases de données financées sur fonds publics, ayant pour mission l'accomplissement efficace de missions d'intérêt général (au niveau national et au plan international), couvrent des domaines variés et très étendus. L'UNESCO et l'Organisation météorologique mondiale (OMM) par exemple, produisent ce type de bases de données dans les domaines des sciences de la terre, de l'environnement, de l'écologie, de l'eau, de l'océanographie ou de l'espace. Produites grâce à la coopération des États, ces bases de données ont pour but de protéger la vie et la propriété contre les catastrophes naturelles. Leur succès réside dans la large diffusion qu'elles peuvent avoir aux meilleures conditions d'accès et d'utilisation efficace en dehors de toute considération commerciale.

Des bases de données d'une grande importance pour l'éducation, les sciences naturelles, la culture et l'information sont aussi produites par l'UNESCO sur supports analogique et numérique, avec vocation d'être mises en ligne sur Internet, pour fournir gratuitement aux États membres, l'information utile qui les aide à mener à bien leurs activités de service public dans ces domaines et faciliter la coopération inter-étatique.

Les règles devant régir les échanges entre ce type de bases de données et les bases de données produites à des fins commerciales ne devraient pas, en conséquence, procéder de la logique de l'exploitation concurrentielle propre au commerce.

Pour la communauté scientifique, la mission d'intérêt général qui sous-tend la raison d'être des bases de données produites par des institutions publiques, est bien de nature à faire admettre que leurs producteurs puissent accéder librement et pleinement, et sur une base non discriminatoire, à toutes les sources de données (sous quelque forme que ce soit) utiles à leur mise à jour et au développement de leurs performances. Cette règle est d'autant plus justifiée que les bases de données produites par financement public sont en règle général de libre accès pour tous les utilisateurs aux seuls coûts de production et de diffusion. Seules les bases de données liées à la sécurité nationale et à la vie privée constituent une exception à cette règle.

La reproduction intégrale de ces bases de données à des fins commerciales devrait cependant demeurer réservée. L'UNESCO d'ailleurs applique cette restriction à l'égard des bases de données produites dans les différents domaines de sa compétence au service des États. La reproduction de ces bases de données par l'initiative prise aux fins de commerce peut être autorisée ou soumise à des conditions spécifiques, en fonction des besoins et potentialités en présence et de la nécessité d'assurer une large diffusion des données aux conditions économiques les plus avantageuses pour les usagers.

Les rapports de la communauté scientifique avec les producteurs de bases de données devraient également obéir à des règles spécifiques. Elles devraient être déterminées par référence essentielle à la nécessité de faciliter le travail de la recherche scientifique. Source du savoir et de l'innovation, la science est en effet essentielle au progrès de la société. Son développement dépend pour une grande part de la capacité des chercheurs à recueillir, étudier et échanger les données qui sous-tendent l'effort vers l'acquisition de nouvelles connaissances.

Les échanges de données pour les besoins des scientifiques devraient par conséquent être régis par un modèle de marché spécifique, basé sur la coopération en dehors des règles applicables à l'exploitation commerciale des bases de données. Les scientifiques devraient pouvoir accéder librement aux bases de données de toutes sources sur la base de la simple participation aux frais de production et de transmission des données.

Les milieux éducatifs, culturels et d'information devraient également pouvoir bénéficier du libre usage loyal des bases de données (fair use) dans le cadre de l'accomplissement de leur mission de service public.

La durée de la protection à consacrer devrait être raisonnable. Elle devrait procéder du souci de concilier la nécessité de couvrir le temps nécessaire à l'amortissement de l'investissement et le besoin de rendre les données disponibles aux usagers au temps approprié pour leur exploitation utile. La communauté scientifique pourrait contribuer efficacement à la détermination d'une durée moyenne qui couvrirait ces deux considérations légitimes.

Ces préoccupations de la communauté scientifique quant à la nature et à l'étendue que pourrait avoir une possible protection sui generis des bases de données, procèdent du souci d'éclairer les partenaires de la coopération internationale, sur la nécessité d'éviter d'adopter toute règle internationale, non justifiée par un besoin pressant, qui pourrait mettre en danger la recherche scientifique de base et la prise en charge des missions d'intérêt général salutaires, au centre de la coopération internationale. Nous espérons qu'elles retiendront l'attention du débat de cette réunion d'information dans un esprit de saine coopération tenant compte des intérêts légitimes en présence.

La problématique est bien sûr complexe et sensible et nécessite encore davantage d'études. Aussi, si après ce premier débat, un large consensus venait à constater la nécessité pour la coopération internationale de recherche une protection sui generis des bases de données, il nous semble souhaitable que le futur agenda international devrait prévoir des débats au niveau national et au plan international qui associent pleinement la participation des représentants des milieux scientifiques. Une mise à niveau adéquate de la connaissance des différents aspects de la problématique pour tous les intérêts en présence est nécessaire pour dégager un large consensus international équilibré prenant en charge les intérêts légitimes des parties en présence.

Il nous semble aussi que la participation des institutions internationales particulièrement concernées par la matière, comme l'UNESCO et l'OMM, pourrait contribuer utilement à cet effort et être un facteur dynamique et nécessaire à la préparation de tout éventuel consensus international et au suivi de son administration et de son application.

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