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Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE L’EXPERT

AXA contre Monsieur Yves-Alain Fournier

Différend n° DCH2010-0032

1. Les parties

La requérante est la société AXA, Paris, France, représenté par la Selarl Marchais De Candé, France.

La partie adverse est Monsieur Yves-Alain Fournier, Baar, Suisse.

2. Le nom de domaine

Le différend concerne le nom de domaine <axa-assurance.ch>.

3. Rappel de la procédure

Une demande a été déposée par la société AXA auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 12 novembre 2010.

En date du 12 novembre 2010, le Centre a adressé une requête au registre du ".ch" et ".li", SWITCH, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par la requérante. En date du 15 novembre 2010, SWITCH a confirmé que la partie adverse est bien le détenteur du nom de domaine litigieux et a transmis ses coordonnées.

Le Centre a vérifié que la demande répond bien aux exigences des Dispositions relatives à la procédure de règlement des différends pour les noms de domaine ".ch" et ".li" (ci après les "Dispositions") adoptées par SWITCH le 1er mars 2004.

Conformément au paragraphe 14 des Dispositions, le 18 novembre 2010, une transmission de la demande valant ouverture de la présente procédure, a été adressée à la partie adverse. Conformément au paragraphe 15(a) des Dispositions, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 8 décembre 2010. La partie adverse a déposé sa réponse à la demande le 2 décembre 2010 et a exprimé sa volonté de prendre part à une audience de conciliation conformément au paragraphe 15(d) des Dispositions.

Une audience de conciliation a eu lieu dans le délai spécifié au paragraphe 17(b) des Dispositions le 12 janvier 2011. La conciliation n’a abouti à aucune transaction entre les parties.

En date du 25 janvier 2011 le Centre nommait dans le présent différend comme Expert le professeur François Dessemontet. L’Expert constate qu’il a été désigné conformément aux Dispositions. L’Expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 4 des Dispositions.

4. Les faits

La requérante est l’un des groupes d’assurances les plus importants au monde, avec un chiffre d’affaires annuel de plus de 90 milliards euro. Elle possède diverses participations dans de nombreux pays, entre autres en Suisse le groupe autrefois connu sous le nom de Winterthur Assurances.

Le défendeur est un courtier en assurance actif dans le canton du Valais. Il offre notamment des produits de la requérante, au bénéfice d’un contrat du 8 mai 2008 versé au dossier.

La requérante est titulaire de nombreuses marques, entre autres les marques suivantes :

1. Marque verbale française AXA ASSURANCES N° 1 282 654, déposée le 7 août 1984 à l’INPI, en classes 35 et 36, dûment renouvelée, revendiquant la protection pour les services de "publicité et affaires, assurances et finances" ;

2. Marque française combinée figurative et verbale AXA ASSURANCES N° 1 472 009, déposée le 4 mai 1988 à l’INPI pour les mêmes services dans les mêmes classes ;

3. Marque verbale internationale AXA N° 490 030 déposée le 5 décembre 1984 pour les classes 35, 36 et 39 avec revendication de la protection dans divers pays, dont la Suisse et le Liechtenstein ;

4. Marque verbale française AXA N° 1 282 650 déposée le 7 août 1984 à l’INPI, pour les classes 12, 14, 16, 18, 25, 28, 34, 35, 36, 39 et 41 pour les services "Assurances et finances : assurances. Banques. Agences de change. Gérance de portefeuille. Recouvrement de créances" ;

La requérante exploite lesdites marques régulièrement pour désigner des services d’assurances et des services financiers, également en Suisse.

La requérante a enregistré et exploite les noms de domaine suivants :

<axa.fr> enregistré le 20 mai 1996 ;

<axa.com> enregistré le 24 octobre 1995 ;

<axa.eu> enregistré le 9 mars 2006.

5. Argumentation des parties

A. Requérante

La requérante énonce ses droits sur les marques et les noms de domaine comprenant le vocable "axa" qui viennent d’être mentionnés ci-dessus (section 4). Elle considère qu’elle est titulaire de droits antérieurs sur le signe "axa" à titre de marque, de noms de domaine, de dénomination sociale, de nom commercial et d’enseigne. En outre, la requérante soutient qu’elle a justifié être titulaire de droits antérieurs sur le signe "axa assurances" à titre de marque exclusivement. Elle serait ainsi fondée à solliciter la transmission à son profit du nom de domaine <axa-assurance.ch>, en application des Dispositions.

La requérante avance de surcroît que l’enregistrement du nom de domaine qui fait l’objet du différend constitue une infraction aux droits attachés à ses signes distinctifs selon le droit suisse.

La requérante cite les alinéas 2 et 3 de l’article 13 de la Loi suisse sur la protection des marques (ci-après LPM). Elle relève que le radical "axa-assurances" constitue l’essentiel du nom de domaine contesté. Or il constituerait une imitation des marques, de la dénomination et de l’enseigne AXA et de la marque AXA ASSURANCES, autant que du nom de la société AXA qu’il reproduit de manière quasi identique. La requérante cite diverses décisions rendues en sa faveur dans le cadre des Principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (les Principes directeurs UDRP)(voir par exemple, Finaxa S.A. v. Spiral Matrix, Litige OMPI No. D2005-1044) ; et dans le cadre de la Procédure alternative de résolution de litiges du .fr et du .re par décision technique (la PARL)(voir par exemple, AXA contre Stéphanie Marneux, Litige OMPI No. DFR2006-0015 ; AXA contre Robert Kvasnic, Litige OMPI No. DFR2009-0009). Elle en déduit que le terme "axa" est distinctif et que l’adjonction d’un élément descriptif comme "assurances" (pour les services en cause) n’exclut pas le risque de confusion. Ce risque serait d’ailleurs aggravé par la notoriété des marques de la requérante.

Au demeurant, la suppression d’un "s" dans le nom de domaine litigieux n’est pas susceptible de prévenir les confusions.

Enfin, la requérante relève que le défendeur utilise le domaine exploité sous le nom litigieux pour offrir des services d’assurances. Elle croit pouvoir affirmer qu’il s’agirait de "services d’assurances concurrents de ceux de la [requérante]" (voir page 9 de la demande, pénultième alinéa encadré). Or le défendeur n’aurait pas un intérêt légitime sur le nom de domaine <axa-assurance.ch>. Ancien employé de la requérante, le défendeur est maintenant un courtier d’assurance offrant notamment les produits AXA ASSURANCES SA. A ce titre, il a signé une convention de collaboration datée du 8 mai 2008. Aux termes de son article A3.42, il est stipulé que :

"toute utilisation du logo, de la raison sociale et de contenus Internet (textes, graphiques, photos etc…) d’AXA Winterthur requiert l’accord écrit préalable de cette dernière".

Néanmoins, le défendeur n’a jamais reçu l’autorisation d’enregistrer un nom de domaine incluant les marques AXA et AXA ASSURANCES. Il se serait attribué lui-même le nom de domaine litigieux et se serait ainsi rendu coupable d’une violation de l’article 13 alinéas 2 et 3 LPM ainsi que de l’article 3 "paragraphe 1" de la Loi contre la concurrence déloyale (ci-après LCD) (I’on comprendra par là sans doute un renvoi à l’article 3 lit. b et d LCD).

B. Défendeur

Dans sa réponse du 30 novembre 2010, le défendeur, qui n’est pas assisté d’un avocat, fait valoir qu’il n’a pas enregistré le nom de domaine de mauvaise foi et qu’il n’utilise pas ce nom de domaine "dans un esprit de mauvaise fois" (sic) (paragraphe 1 1er alinéa). En effet, dans le cadre de ses activités, la Sàrl bancassurances.ch qu’il possède à raison de 19/20èmes propose entre autres des produits d’assurances AXA Winterthur.

Sur le site de <axa-assurance.ch> il n’y a pas de logo d’AXA ou de Winterthur et selon le défendeur il serait évident pour l’internaute qu’il se trouve sur le site d’un courtier en assurances ; rien ne tromperait le consommateur ni ne susciterait une quelconque confusion dans son esprit.

Le défendeur soutient encore qu’il ne viole pas le droit des marques car, « pour rappel, la marque déposée par la société est AXA et non "axa-assurance" ». Il tente également de tirer argument de la diversité des produits et services revendiqués en classe 8 pour la 1ère marque française mentionnée ci-dessus (voir section 4), mais on en discerne mal l’intérêt. De surcroît, le défendeur se lance dans une analyse dépourvue en l’espèce de pertinence à propos de noms de domaine contenant les lettres axa, comme <maxhavelar.ch> et <maxavelar.ch>, <taxation.ch>, qu’il ne sera pas utile de discuter en détail selon l’Expert car elle ne répond pas à l’allégation d’usurpation de l’élément distinctif AXA pris isolément.

Le défendeur dit encore avoir constaté "avec étonnement" l’existence de sites semblables au sien en France (<axa-assurances.com> au bénéfice d’un courtier en assurances de Mulhouse, <axa-assurance.com> pour un hébergeur de sites, tout comme <axa-assurance.fr> et <axa-assurances.fr>). Le défendeur considère qu’il n’est pas "correct" d’exiger soudainement le retour de son propre nom de domaine au groupe AXA qui tolère apparemment ces autres sites.

6. Discussion et conclusions

A. La requérante a-t-elle un droit attaché à un signe distinctif selon le droit de la Suisse ou du Liechtenstein.

Il ne fait aucun doute que la requérante possède un droit attaché à un signe distinctif selon l’article 13 alinéas 2 et 3 LPM, sans qu’il soit même utile de considérer à ce stade l’application de la loi contre la concurrence déloyale.

En effet, la marque verbale et figurative AXA constitue l’une des marques les plus notoires en Suisse dans le domaine de l’assurance, grâce aux nombreuses publicités en tous genres et aux enseignes qui se remarquent dans de nombreuses localités helvétiques, dont le graphisme percutant imprègne dans l’esprit des consommateurs les trois lettres essentielles de la marque, de l’enseigne, du nom commercial et de la raison sociale de la requérante. Celle-ci peut donc invoquer l’existence d’un droit exclusif en sa faveur.

B. L'enregistrement ou l'utilisation du nom de domaine constitue-t-il clairement une infraction à un droit attaché à un signe distinctif attribué à la requérante selon le droit de la Suisse ou du Liechtenstein.

La requérante considère que l’enregistrement du nom de domaine en litige constitue clairement une infraction à ses droits. Il ne fait pas de doute que ses droits existent envers la généralité des sujets de droit sous l’empire du droit suisse, comme on vient de le voir.

Cependant le défendeur fait valoir en termes peu juridiques deux objections aux droits de la requérante à son propre égard. D’une part, il vend des produits d’assurances de la requérante. D’autre part, celle-ci a toléré l’usage de sa propre marque et dénomination sociale dans divers noms de domaine en ".com" et ".fr", y compris pour un courtier en assurance de Mulhouse qui se situerait dans une situation apparemment très semblable à la sienne.

L’Expert conclut que les objections du défendeur sont en partie recevables à première vue, malgré des doutes significatifs quant à leur validité ultime. Partant, l’enregistrement et l’utilisation du nom de domaine litigieux ne violent pas clairement le droit exclusif de la requérante. Il s’agit d’un cas plus complexe qui n’entre pas dans le champ de compétence des Dispositions. L’Expert renverra donc les parties à saisir le Juge civil ordinaire au for agréé de Zurich au cas où elles ne se satisferaient pas de la présente décision rendue en vertu des Dispositions et si nulle transaction ne peut alors venir mettre fin à leur litige. Dans cette hypothèse, seule pourra faire justice à leurs prétentions une procédure donnant aux parties l’occasion d’approfondir les points de droit dans leurs écritures, en se faisant assister d’un conseil le cas échéant.

Comme il n’est pas assisté d’un avocat, le défendeur n’a pas pu faire valoir à l’appui de ses deux moyens la jurisprudence nationale suisse et les cas UDRP similaires qui eussent sans doute été invoqués par un homme de loi. En vertu du principe jura novit curia ("le juge connaît le droit"), il appartient à l’Expert de rappeler sommairement les points de droit qui eussent dû être présentés par les parties.

1. Droit du courtier autorisé à offrir son intermédiaire pour l’achat des produits du titulaire du droit exclusif.

Les tribunaux suisses ont à plusieurs reprises affirmé le droit d’un commerçant à utiliser la marque en soi protégée du producteur d’un bien ou d’un service afin de renseigner les consommateurs sur son offre de biens et de services.

Les parties se référeront d’abord à l’ATF 128 III 146 ("arrêt Audi"). Le sommaire officiel de cet arrêt explique ce qui suit : "L’utilisation à des fins publicitaires de la marque d’un tiers ne viole pas les droits du titulaire de la marque, pour autant qu’elle reste clairement en rapport avec les propres offres ou prestations de celui qui fait la publicité. L’utilisation de la marque d’un tiers est admissible dans la mesure où il ne se crée pas, dans le public, une fausse impression d’un lien spécifique entre le titulaire de la marque et la personne qui fait de la publicité ou d’un droit de cette dernière sur la marque en tant que telle." Dans son rapport de gestion pour l’année 2002 aux Chambres fédérales, le Tribunal fédéral cite ce sommaire immédiatement avant de traiter la question des noms de domaine (voir "http://www.bger.ch/fr/tfl-d.pdf p. 11"). Le principe dégagé dans l’arrêt Audi à propos d’enseignes vaut aussi pour l’enregistrement d’un nom de domaine et son exploitation.

En somme, la marque remplit entre autres une fonction d’information des consommateurs. Il est des services et des biens dont on ne peut localiser les offres sur le marché sans avoir recours à la dénomination exacte de celui qui offre ces biens ou ces services. Comment trouver un garagiste spécialisé dans la réparation des automobiles de marque AUDI sans utiliser la marque AUDI ? Il importe toutefois de ne pas utiliser les signes distinctifs du titulaire de la marque au-delà de ce qu’exige cette fonction d’information. Par exemple, l’aspect figuratif de la marque combinée AUDI (avec des anneaux) ne serait pas requis pour informer les consommateurs, et son usage serait une violation claire des droits exclusifs du titulaire de cette marque.

En l’espèce, l’Expert note que le site du défendeur ne contient pas plus que ce qui est nécessaire pour trouver sur Internet un intermédiaire vendant les produits d’assurances AXA. En particulier, le site s’identifie clairement comme celui d’un courtier en assurances, et il ne reproduit pas l’élément graphique fort de la marque combinée de la requérante.

Les parties consulteront ensuite l’ATF 104 II 58 ("machines à coudre SINGER"). Dans cet arrêt, rendu sous l’empire de la LCD et du droit au nom qu’invoque aussi explicitement ou implicitement le conseil de la requérante, le Tribunal fédéral a précisé que celui qui répare des machines à coudre pourrait utiliser la marque même très connue SINGER, mais qu’il ne doit en aucun cas donner faussement aux consommateurs l’impression qu’il est un représentant autorisé, un "agent officiel" du fabricant de machines en question. En l’espèce, la consultation des documents produits par les parties sur le contenu du site du défendeur ne laisse aucun doute que le fait que celui-ci est un courtier. La requérante ne le conteste nullement, puisqu’elle produit le contrat du 8 mai 2008 autorisant le défendeur à vendre ses propres produits.

Le Tribunal fédéral a jugé dans le même sens que l’arrêt Audi dans une cause "WIR" reproduite dans la revue SIC ! 2000 p. 611. Le sommaire officieux du considérant 3 b de cet arrêt se lit en partie : "L’utilisation d’une marque étrangère par des tiers est admise lorsque son usage est nécessaire pour décrire l’objet du service offert". Le considérant 4 a précise encore (en sommaire officieux) : "Ce qui est admis en application des dispositions relatives au droit des marques [référencées comme art. 13 al. 2 LPM] qui ont été édictées en vue de la protection contre le risque de confusion et l’exploitation de la réputation, ne peut pas être interdit par la LCD".

Un arrêt récent du Tribunal d’appel du canton du Tessin publié in SIC ! 2008 p. 122 applique ces principes à une marque très connue (POLO BY RALPH LAUREN). Celui qui n’est pas un revendeur agréé ne peut éditer des cartes de fidélité avec la marque célèbre en cause, ni placer une enseigne lumineuse contenant cette marque. En revanche, il peut utiliser la marque si son usage est directement lié à la vente des produits et services qu’elle protège. En l’espèce, le défendeur se trouve dans la situation d’un revendeur agréé. On ne s’offusquera donc pas qu’il utilise l’un des produits phares de son assortiment d’assurances pour identifier un nom de domaine permettant d’accéder à ses services, du moment qu’il a dans la conception de son site clairement établi une différence entre son entreprise et celle de la requérante.

Enfin, les parties se référeront par analogie à une série de cas rendus non sous l’empire du droit suisse qui régit le présent litige, mais sous les dispositions générales de l’UDRP, par exemple la décision Adaptive Molecular Technologies, Inc. v. Priscilla Woodward & Charles R. Thorton, d/b/a Machines & More, Litige OMPI No. D2000-0006, souvent citée par la suite et commentée dans la littérature. Ainsi, l’une des toutes premières décisions rendues selon l’UDRP a reconnu que le défendeur étant un revendeur autorisé du titulaire d’une marque peut établir sans mauvaise foi un site au nom du produit qu’il revend. Certains experts ont pu différer d’opinion quant aux détails par la suite, mais il n’est pas nécessaire ici de poursuivre l’analyse de leurs opinions, du moment que c’est le droit suisse qui est applicable et que la solution est relativement claire sous l’empire du droit helvétique.

Devant le juge civil, il resterait en effet à interpréter la portée véritable du contrat allégué entre les parties et de son article A3.42. Il semble que la requérante fasse allusion à une éventuelle violation de ce contrat. Ce moyen de droit contractuel ne peut de toute façon être instruit dans l’état lacunaire de l’argumentation des parties. L’Expert observe toutefois que le concept de "nom de domaine" n’est pas mentionné dans ce contrat alors même que des noms de domaine étaient en 2008 inscrits à grande échelle depuis 1996 en tout cas, et que la requérante elle-même allègue en détenir au moins trois. Si la requérante a entendu suggérer que la défendeur est de mauvaise foi en déposant son nom de domaine sans l’autorisation de la requérante, une interprétation extensive de cet article serait nécessaire, contrairement au principe d’interprétation général du droit suisse selon l’article 18 CO : in dubio favor debitoris ou in dubio mitius [dans le doute le contrat s’interprète en faveur du débiteur ou dans son sens le moins contraignant].

En conclusion sur ce point, la requérante n’a pas établi que le comportement du défendeur est clairement contraire à ses droits exclusifs ainsi que les interprète la jurisprudence suisse relative à l’article 13 LPM et à l’article 3 b et d LCD. Le présent dossier appelle des considérations complexes à propos desquels l’Expert ne peut pas se prononcer dans le cadre de la présente procédure. Il appartient aux parties de saisir les juridictions compétentes.

2. La péremption des droits de la requérante et l’égalité de traitement.

Le défendeur tente, semble-t-il, de soulever en parlant d’un comportement "correct" ou non de la requérante une exception d’abus de droit (article 2 CC) en invoquant le fait qu’un autre courtier en assurances établi à Mulhouse a apparemment conservé le nom de domaine <axa-assurance.com>, et que plusieurs noms de domaine similaires sont enregistrés au bénéfice d’un hébergeur de sites.

Les parties n’ont pas donné suffisamment d’indications de fait pour établir ce qui pourrait justifier pareille inégalité de traitement, ou au contraire conduire à la juger abusive. Il va de soi que le titulaire d’un droit exclusif peut choisir d’invoquer ses droits ou, au contraire, de ne pas les invoquer en toute liberté. C’est l’essence d’un droit subjectif. Toutefois, si les allégations du défendeur étaient établies au-delà de tout doute, un juge pourrait peut-être considérer que le comportement de la requérante est discriminatoire et contraire à l’égalité de traitement. Ceci est d’ailleurs, selon l‘Expert, habituel et toléré en droit privé mais pourrait être, selon le juge, de nature à introduire une distorsion sur le marché, certains courtiers ayant la possibilité de faire valoir leur situation d’intermédiaire des produits AXA grâce à l’usage d’un nom de domaine correspondant, et d’autres se le voyant interdire par une discrimination qui pourrait paraître arbitraire, à moins encore qu’elle ne soit imposée par des particularités du droit français. Le point mériterait peut-être d’être examiné de plus près, mais l’Expert ne peut se prononcer sur ces questions complexes dans la présente procédure sommaire, d’autant plus que les parties n’ont demandé aucune instruction ni établi aucun élément de fait probant à cet égard.

Il suffit de relever ici que l’objection du défendeur quant à la "correction" du comportement de la requérante n’est peut-être pas absolument dénuée de pertinence et qu’en conséquence, son propre comportement de ce chef également ne viole pas clairement les droits de la requérante.

7. Décision

Pour les raisons énoncées ci-dessus, l’Expert rejette la demande de la requérante.

François Dessemontet
Expert
Le 2 février 2011