WIPO

Centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI

DÉCISION DE L'EXPERT

Association Robert Mazars contre Edmond Ockley

Litige n° DFR2010-0012

1. Les parties

La Requérante est l'Association Robert Mazars, La Défense, France, représentée par le cabinet PMR Avocats Law Firm, France.

Le Défendeur est Edmond Ockley, Evry, France.

2. Nom de domaine et prestataire Internet

Le litige concerne le nom de domaine <mymazars.fr> enregistré le 25 mars 2010.

Le prestataire Internet est la société Internet Bs.Corp.

3. Rappel de la procédure

Une demande en date du 17 mai 2010 a été déposée par l'Association Robert Mazars, la Requérante, auprès du Centre d'arbitrage et de médiation de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”).

Le 17 mai 2010, le Centre a adressé à l'Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l'“Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.

Le même jour, l'Afnic a confirmé l'ensemble des données du litige et le fait qu'aucune procédure administrative applicable au nom de domaine objet du litige n'était pendante.

Le Centre a vérifié que la demande répondait bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le “Règlement”) en vigueur depuis le 22 juillet 2008, et applicable à l'ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l'Afnic applicable (ci-après la “Charte”).

Conformément à l'article 14(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 25 mai 2010. Conformément à l'article 15(a) du Règlement, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 14 juin 2010. Le Défendeur n'a fait parvenir aucune réponse. Le 17 juin 2010, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.

Le 22 juin 2010, le Centre nommait Christiane Féral-Schuhl comme Expert dans le présent litige. L'Expert constate qu'il a été nommé conformément au Règlement. L'Expert a adressé au Centre une déclaration d'acceptation et une déclaration d'impartialité et d'indépendance, conformément à l'article 4 du Règlement.

4. Les faits

La Requérante est l'Association Robert Mazars, association à but non lucratif, créée le 14 décembre 1992.

La Requérante justifie être titulaire des marques suivantes :

- Marques françaises MAZARS n°93455461 et n°93472799 enregistrées le 3 décembre 2003 et le 20 août 1993 auprès de l'INPI pour des produits ou services de classes 9, 35, 41 et 42 ;

- Marque communautaire MAZARS n°37984402 enregistrée le 19 juillet 2005 pour les classes 35, 36, 41 et 42 ;

- Marque internationale MAZARS n°608854 enregistrée le 30 juillet 1993 pour les classes 35, 36, 41 et 42, et couvrant actuellement 42 pays.

Le nom de domaine litigieux <mymazars.fr> a été enregistré le 25 mars 2010. Ce nom de domaine pointe vers une page unique comportant différents liens vers des sites de sociétés ou d'établissements exerçant leur activité dans le domaine de la finance.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

La Requérante considère que le nom de domaine litigieux est identique, au point de prêter à confusion, aux marques sur lesquelles elle justifie avoir des droits.

A cet égard, la Requérante considère que la juxtaposition de “my” dans le nom de domaine litigieux ne dissipe nullement le risque de confusion. Au contraire, la Requérante estime que l'adjonction du préfixe “my” permet de mieux mettre en exergue la marque MAZARS.

La Requérante fait également valoir que le Défendeur ne justifie d'aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni d'aucun intérêt légitime qui s'y attacherait. La Requérante indique également que le Défendeur ne possède aucune notoriété sous cette appellation.

En troisième lieu, la Requérante soutient que le nom de domaine a été enregistré et utilisé de mauvaise foi.

La Requérante estime en effet qu'elle se voit empêchée de déposer le nom de domaine litigieux et en déduit qu'en enregistrant le nom de domaine litigieux, le Défendeur avait pour intention de le revendre, louer ou céder à la Requérante.

La Requérante fait également remarquer que le Défendeur n'a jamais répondu à un mail qui lui avait été adressé le 19 avril 2010 et que l'adresse postale qui figure sur la base de données de l'Afnic est erronée.

La Requérante produit enfin en annexe de sa demande un tableau qu'elle présente comme “extrait du site internet http://www.lesechos.fr” qui démontrerait que plusieurs noms de domaine ont été déposés de mauvaise foi par le Défendeur.

En conséquence, la Requérante sollicite une mesure de transfert du nom de domaine litigieux à son profit.

B. Défendeur

Le Défendeur n'a pas présenté d'observations dans le cadre de la présente procédure.

6. Discussion et conclusions

L'Expert souligne que, en application de l'article 20(c) du Règlement, il fait droit à la demande “lorsque l'enregistrement ou l'utilisation du nom de domaine par le défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers ou aux règles de la concurrence telles que définies à l'article 1 du présent Règlement et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le requérant a justifié de ses droits sur l'élément objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte applicable”.

L'Expert rappelle que, en application de l'article 1 du Règlement, une atteinte aux droits des tiers est constituée “lorsque le nom de domaine est identique ou susceptible d'être confondu avec un nom sur lequel est conféré un droit de propriété intellectuelle français ou communautaire (propriété littéraire et artistique et/ou propriété industrielle), ou est identique au nom patronymique d'une personne, sauf si le défendeur fait valoir un droit ou un intérêt légitime sur le nom de domaine et agit de bonne foi”. En application du même article, une atteinte aux règles de la concurrence désigne notamment “une violation du comportement loyal en matière commerciale en droit français ou communautaire”.

(i) Droits du Requérant sur le nom de domaine

L'Expert constate que la Requérante a établi détenir des droits de marque sur la dénomination MAZARS. La marque MAZARS a ainsi fait l'objet d'un enregistrement à titre de marque française, communautaire et internationale par la Requérante, préalablement à l'enregistrement du nom de domaine litigieux.

L'Expert considère donc que la Requérante démontre être titulaire de droits sur la marque MAZARS qui constitue l'élément essentiel du nom de domaine litigieux.

En conséquence de ce qui précède, l'Expert retient que le critère posé par l'article 20(b) du Règlement est rempli.

(ii) Enregistrement ou utilisation du nom de domaine litigieux en violation des droits des tiers ou des règles de la concurrence

L'Expert constate que le nom de domaine litigieux a été enregistré par le Défendeur postérieurement aux dépôts des marques de la Requérante.

L'Expert constate également que le nom de domaine litigieux constitue la reproduction des marques de la Requérante à laquelle est simplement ajouté le préfixe “my”, qui signifie “mon”ou “ma” en anglais.

Or, l'Expert considère que cet ajout ne dissipe pas la similarité entre le nom de domaine litigieux et les marques de la Requérante, l'élément essentiel du nom de domaine litigieux étant constitué par le terme “mazars”

A cet égard, l'Expert considère que les décisions Ferrero S.p.A. v. Mr. Jean-François Legendre, Litige OMPI No. D2000-1534 et DHL Operations B.V. and DHL International GmbH v. Diversified Home Loans, Litige OMPI No. D2010-0097 invoquées par la Requérante sont pertinentes et démontrent que des experts ont déjà eu l'occasion de se prononcer plusieurs fois sur des adjonctions de mots à la marque principale présente dans le nom de domaine. Dans l'affaire Ferrero S.p.A. v. Mr. Jean-François Legendre supra, le transfert du nom de domaine <mynutella.org> à la Requérante a été ordonné, considérant que l'ajout du terme “my” n'amoindrissait pas la confusion avec la marque NUTELLA. Une décision de transfert a également été prononcée dans l'hypothèse de l'ajout du terme “my” et du signe “-” à la marque DHL (DHL Operations B.V. and DHL International GmbH v. Diversified Home Loans, supra).

En conséquence, l'Expert considère que le nom de domaine litigieux est susceptible d'être confondu avec la marque MAZARS sur lequel la Requérante justifie être titulaire de droits de propriété intellectuelle français et communautaire. L'enregistrement du nom de domaine litigieux par le Défendeur constitue donc une atteinte aux droits de la Requérante.

7. Décision

Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l'Expert ordonne la transmission au profit de la Requérante du nom de domaine <mymazars.fr>.


Christiane Féral-Schuhl
Expert

Le 6 juillet 2010